Lot Essay
En juillet 1770, une jeune femme de vingt-six ans se présentait devant la séculaire Académie royale de peinture et sculpture. L’Académie offrait aux artistes un accès aux commandes officielles et avait de facto le pouvoir de transformer leur carrière. L’intégrer était capital pour une reconnaissance des pairs en même temps qu’un rapprochement des commandes royales. Anne Vallayer fut reçue ce jour-là devant une assemblée composée des grands artistes de son époque comme Jean-Baptiste-Marie Pierre, Joseph-Marie Vien, et encore Chardin auquel elle fut si souvent comparée.
Le terme de « pionnière » ne serait pas galvaudé pour définir les nombreuses avancées qu'elle initia. Anne Vallayer (elle deviendra Vallayer-Coster à son mariage en 1781) fut la première Française à être acceptée à l’Académie après l’interdiction provisoire des femmes en 1706. Elle fut la première artiste femme à l’intégrer sans être fille d’un peintre ou femme d’un artiste déjà au sein de l’institution. Enfin, elle fut la première femme à obtenir un logement d’artiste au Louvre, qu’elle occupa d’abord seule …
Le jour de son entrée, elle avait présenté deux natures mortes (Paris, musée du Louvre, Les attributs de la peinture, sculpture et architectures (inv. no. 8259), Les attributs de la musique (inv. no. 8260)) de mêmes sujets que ceux réalisés par Chardin quatre ans plus tôt (Paris, musée du Louvre, inv. nos. 3199 et 3200). L’audace de l’artiste paya puisqu’elle intégra l’institution sur décision de l’assemblée sans avoir à préparer un « morceau de réception », un privilège rare, accordé à peu d’artistes — mais dont Chardin lui-même avait bénéficié quelques années auparavant. Suite à son admission, et sa possibilité d’exposer aux Salons, les collectionneurs se multiplièrent. Ils furent prestigieux comme la comtesse du Barry, le marquis de Marigny, le Prince de Conti et enfin, la Reine de France, Marie-Antoinette.
Bien qu’elle excella également dans la peinture de portraits, elle fut surtout retenue pour ses nature mortes. Sa manière délicate, précise, aux glacis subtils, offrait un rendu général que l’on décrivait selon les termes de l'époque comme « fondu » à l’opposé d'une manière décrite comme « heurté » qui qualifiait les oeuvres de Chardin (voir P. C. Lévêque, Dictionnaire des arts de peinture, sculpture, et gravure, Paris, 1788-1791). Notre nature morte datée de 1781 est un une belle illustration de la manière de l'artiste. Encore sur sa toile d’origine, elle préserve des empâtements singuliers, et de beaux modelés d’une peintre à la touche sûre rendant les effets brillants d’un vase en porcelaine avec éclat. Ces vases lustrés seront fréquemment utilisés dans sa peinture. Le Metropolitan museum de New York conserve une nature morte daté 1780 possédant un vase aux mêmes tons bleutés (E. Kahng, op. cit., n°61) et le même vase exactement est quant à lui repris dans une nature morte sans date conservée au musée de Nancy (voir E. Kahng, op. cit., n°135).
Malgré le succès de son vivant, ou peut-être à cause du prestige de ses commanditaires, la peintre souffrit après la révolution du désaveu des artistes de l’Ancien Régime, trop proches de la Reine, du pouvoir. L’histoire de l’art sélective, — et souvent occupée aux hommes peintres — aura choisi dès le XIXe siècle un seul peintre pour incarner la nature morte en France : Chardin. Le style « heurté » de Chardin fut peut-être perçu par les artistes romantiques du siècle suivant comme davantage viril. A l’opposé les natures mortes de Vallayer-Coster seront rattachées hâtivement au féminin, et en cela peut-être moins dignes d’intérêt pour certains artistes et historiens … Pourtant si l’on assure que Chardin inspira les impressionnistes par sa manière vive, et spontanée, l’explosion de couleurs des natures mortes de Vallayer-Coster, sa touche fine et précise n’est pas sans évoquer quelques Manet, ou un Fantin-Latour dont les compositions sont parfois voisines. Il pouvait en effet observer des Vallayer-Coster au Louvre, un endroit où il aimait copier les « vieux maîtres » …
Le terme de « pionnière » ne serait pas galvaudé pour définir les nombreuses avancées qu'elle initia. Anne Vallayer (elle deviendra Vallayer-Coster à son mariage en 1781) fut la première Française à être acceptée à l’Académie après l’interdiction provisoire des femmes en 1706. Elle fut la première artiste femme à l’intégrer sans être fille d’un peintre ou femme d’un artiste déjà au sein de l’institution. Enfin, elle fut la première femme à obtenir un logement d’artiste au Louvre, qu’elle occupa d’abord seule …
Le jour de son entrée, elle avait présenté deux natures mortes (Paris, musée du Louvre, Les attributs de la peinture, sculpture et architectures (inv. no. 8259), Les attributs de la musique (inv. no. 8260)) de mêmes sujets que ceux réalisés par Chardin quatre ans plus tôt (Paris, musée du Louvre, inv. nos. 3199 et 3200). L’audace de l’artiste paya puisqu’elle intégra l’institution sur décision de l’assemblée sans avoir à préparer un « morceau de réception », un privilège rare, accordé à peu d’artistes — mais dont Chardin lui-même avait bénéficié quelques années auparavant. Suite à son admission, et sa possibilité d’exposer aux Salons, les collectionneurs se multiplièrent. Ils furent prestigieux comme la comtesse du Barry, le marquis de Marigny, le Prince de Conti et enfin, la Reine de France, Marie-Antoinette.
Bien qu’elle excella également dans la peinture de portraits, elle fut surtout retenue pour ses nature mortes. Sa manière délicate, précise, aux glacis subtils, offrait un rendu général que l’on décrivait selon les termes de l'époque comme « fondu » à l’opposé d'une manière décrite comme « heurté » qui qualifiait les oeuvres de Chardin (voir P. C. Lévêque, Dictionnaire des arts de peinture, sculpture, et gravure, Paris, 1788-1791). Notre nature morte datée de 1781 est un une belle illustration de la manière de l'artiste. Encore sur sa toile d’origine, elle préserve des empâtements singuliers, et de beaux modelés d’une peintre à la touche sûre rendant les effets brillants d’un vase en porcelaine avec éclat. Ces vases lustrés seront fréquemment utilisés dans sa peinture. Le Metropolitan museum de New York conserve une nature morte daté 1780 possédant un vase aux mêmes tons bleutés (E. Kahng, op. cit., n°61) et le même vase exactement est quant à lui repris dans une nature morte sans date conservée au musée de Nancy (voir E. Kahng, op. cit., n°135).
Malgré le succès de son vivant, ou peut-être à cause du prestige de ses commanditaires, la peintre souffrit après la révolution du désaveu des artistes de l’Ancien Régime, trop proches de la Reine, du pouvoir. L’histoire de l’art sélective, — et souvent occupée aux hommes peintres — aura choisi dès le XIXe siècle un seul peintre pour incarner la nature morte en France : Chardin. Le style « heurté » de Chardin fut peut-être perçu par les artistes romantiques du siècle suivant comme davantage viril. A l’opposé les natures mortes de Vallayer-Coster seront rattachées hâtivement au féminin, et en cela peut-être moins dignes d’intérêt pour certains artistes et historiens … Pourtant si l’on assure que Chardin inspira les impressionnistes par sa manière vive, et spontanée, l’explosion de couleurs des natures mortes de Vallayer-Coster, sa touche fine et précise n’est pas sans évoquer quelques Manet, ou un Fantin-Latour dont les compositions sont parfois voisines. Il pouvait en effet observer des Vallayer-Coster au Louvre, un endroit où il aimait copier les « vieux maîtres » …