Lot Essay
Cet imposant pastel d’une grande fraîcheur, conservée dans une collection particulière depuis la première moitié du XXe siècle, a été réalisé par l’une des femmes peintres les plus importantes de la seconde moitié du XVIIIe siècle, ayant eu une carrière officielle aux côtés d’Elisabeth-Louise Vigée Le Brun (1755-1842). Adélaïde Labille épouse Nicolas Guiard en 1769 en première noce puis quelques années plus tard le peintre François-André Vincent, à une époque où elle est déjà une peintre et pastelliste reconnue. Elle fait son apprentissage chez François-Elie Vincent (le père de son mari) où elle reçoit des cours de portrait en miniature et chez Maurice Quentin de La Tour, avant d’intégrer l’Académie de Saint-Luc.
Le Salon de 1783.
En 1783, année de réalisation du présent pastel, elle intègre finalement l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, en même temps qu’Élisabeth Vigée Le Brun, coopté par ses amis peintres académiciens avec pour morceau de réception le Portrait de Pajou sculptant un buste de Lemoyne aujourd’hui conservé au musée du Louvre (inv. 27035 ; Auricchio, op. cit., 2009, p. 27, fig. 21). Ce pastel est exposé au Salon en 1783, aux côtés du potrait de Madame Mitoire, et de six autres portraits d’amis peintres : Antoine Beaufort (1721-1771), conservé au musée du Louvre (inv. 27027 et inv. 27036 ; ibid., p. 26, fig. 18 et p. 27, fig. 20), Joseph-Benoît Suvée à l’Ecole des Beaux-Arts (inv. MU 1505 ; ibid, p. 30, fig. 22), Etienne-Pierre-Adrien Gois (Salon, 1783, no. 127; localisation actuelle inconnue) puis les portraits des peintres Joseph-Marie Vien, Jean-Jacques Bachelier , et Guillaume Voiriot (localisations actuelles inconnues ; Salon, 1783, nos. 124, 126, 130). Deux autres femmes artistes académiciennes exposeront aux côtés de la jeune Guiard au Salon de 1783, Madame Vallayer Coster avec sept tableaux (nos. 75-81) et Madame Vigée Le Brun avec douze peintures (nos. 110-121). Le Portrait de madame Mitoire a longtemps été présenté dans un cadre néoclassique en bois doré (fig. 1), probablement son cadre d’origine, et remplacé postérieurement par son actuel large cadre en bois doré et polychrome à décor rocaille dont les tons s’associent parfaitement avec la palette chromatique du pastel.
L’iconographie : l’allaitement maternel
Sur ce pastel, une mère richement vêtue, madame Mitoire, allaite son plus jeune enfant tandis que l’aîné, à ses côtés, échange un regard complice avec sa mère, "dans l’heureux épanouissement de sa maternité" (Passez, op. cit., p.122). Si ce sujet peut paraître habituel aujourd’hui, à l’époque, il a pu être reçu comme avant-gardiste, les mères de la haute société ayant systématiquement recours à des nourrices pour allaiter leurs propres enfants. Ce thème fait échos à la parution d’Émile ou De l’Éducation, traité sur ‘l’art de former les hommes’ écrit par Jean-Jacques Rousseau en 1762, qui prône les bienfaits de l’allaitement maternel en annonçant : "Mais que les mères daignent nourrir leurs enfants, les mœurs vont se réformer d’elles-mêmes, les sentiments de la nature se réveiller dans tous les cœurs" et de renchérir quelques lignes plus loin ‘Point de mère, point d’enfants. Entre eux les devoirs sont réciproques’ (Émile ou De l’Éducation, Paris, 3e ed., 1882, p. 17). Le sujet deviendra plus commun à partir de la révolution française et les maternités se verront beaucoup plus nombreuses dans l’iconographie républicaine des œuvres de Salon avec, à titre d’exemple, le tableau de Jacques-Louis David en 1781, Femme allaitant son enfant (Salon, no. 316) et celui d’Antoine Vestier en 1795, Portrait d’une dame hollandaise avec ses enfants, tenant dans ses bras le plus jeune qu’elle nourrit (Salon, no. 519 ; Paris, coll. part. ; op. cit., 1998-1999, p. 34, note 9).
L’identification des modèles.
Bien que Christine-Geneviève Mitoire ne soit pas une artiste pour s’inscrire dans cette succession de portraits d’amis peintres et sculpteurs que Labille Guiard expose au Salon au début des années 1780, elle est néanmoins la petite fille du peintre Carle Van Loo (1705-1765) du côté maternel et la nièce de Charles-Amédée-Philippe Van Loo (1719-1795), autre peintre que Labille Guiard portraitura et qu’elle présentera pour son second morceau de réception en 1785 et aujourd’hui conservé au château de Versailles (inv. 5874 ; Passez, op. cit., 1973, no. 58). À propos de ses deux enfants représentés sur le pastel, le cadet Charles-Benoît Mitoire (1782- 1832) deviendra peintre et élève de Vincent, il est identifié comme membre de l’académie de Saint Pétersbourg en 1813. Quant à l’aîné, Neil Jeffares l’identifie sous le nom d’Alexandre-Laurent, dit du Moncel baptisé à Clichy le 13 septembre 1780, devenu marchand modiste et décédé à Saint-Pierre en Martinique en 1816 (N. Jeffares, 'Labille-Guiard, Mme Mitoire et ses enfants', in Pastels & Pastellists, p. 5).
Labille Guiard et l’art du portrait.
Les portraits de famille représentant une maternité sont assez rares dans l’œuvre de Labille Guiard, exception faite de deux huiles sur toile : La comtesse de Flahaut tenant son fils dans les bras en train de jouer avec le médaillon de sa mère, réalisée en 1785 (selon Passez, op. cit., 1973, no. 55, collection Hood, Jersey) et le Portrait présumé de madame Claude Charlot et son fils s’apprêtant à téter le sein de sa mère peint en 1799 et conservé dans une collection particulière parisienne (fig. 2 ; Salmon, op. cit., 2016, no. 78, ill.).
Célébré dès le XVIIIe siècle, ce portrait de madame Mitoire avec ses deux enfants sera repris par Labille Guiard dans une miniature sur ivoire conservée au musée du Louvre (inv. RF4301) et le pastel décrit avec emphase au tout début du XXe siècle par Roger de Portalis dans sa monographie sur l’artiste : "Tout respire la santé dans cet appétissant pastel. D’une belle chair flamande blanche et rose, aux seins gonflés de lait, la femme reste élégante dans l’accomplissement de devoirs de la maternité. Aux cheveux poudrés s’accroche une rose, et la jupe retenue par des brassières ténues, est faite de satin bleu." (Portalis, op. cit., p. 18).
Important à plus d’un titre, ce pastel est considéré comme l’un des tous premiers portraits d’une femme allaitante à être présenté au Salon au XVIIIe siècle, il est, de surcroît, réalisé par une femme artiste. Connu uniquement par une photo en noir et blanc prise au moment de sa dernière mise en vente en 1923, il fait sa réapparition sur le marché de l’art après cent ans d’oubli, dans un très bel état de conservation : les couleurs sont vives et le pastel d’une grande fraîcheur.
Nous remercions Joseph Baillio et Neil Jeffares pour leur aide apportée à la rédaction de cette notice.
Fig. 1 : Labille-Guiard, Madame Mitoire avec ses enfants, dans son cadre néoclassique, www.pastellists.com.
Fig. 2 : Labille-Guiard, Portrait présumé de Madame Claude Charlot et son fils, Paris, coll. part.
ENGLISH TRANSLATION
This imposing pastel of great freshness, kept in a private collection since the first half of the 20th century, was produced by one of the most important women painters of the second half of the 18th century, who had an official career alongside Elisabeth-Louise Vigée Le Brun (1755-1842). Adélaïde Labille married Nicolas Guiard in 1769 in the first marriage and a few years later the painter François-André Vincent, at a time when she was already a well-known painter and pastellist. She apprenticed with François-Elie Vincent (the father of François-André Vincent), where she was taught portrait miniature painting, and with Maurice Quentin de La Tour, before joining the Académie de Saint-Luc.
The Salon of 1783.
In 1783, the year in which the present pastel was produced, she finally joined the Académie Royale de Peinture et de Sculpture, at the same time as Élisabeth Vigée Le Brun, co-opted by her friends, the academicians, with as her reception piece the Portrait of Pajou sculpting a bust of Lemoyne in pastel, now held at the Musée du Louvre (inv. 27035; Auricchio, op. cit., 2009, p. 27, fig. 21). This Portrait of Pajou was exhibited at the Salon in 1783, alongside Madame Mitoire, and six other portraits of painter friends: Antoine Beaufort (1721-1771), now in the Musée du Louvre (inv. 27027 and inv. 27036; ibid., p. 26, fig. 18 and p. 27, fig. 20), that of Joseph-Benoît Suvée at the Ecole des Beaux-Arts (inv. MU 1505; ibid., p. 30, fig. 22), the Portrait of the sculptor Etienne-Pierre-Adrien Gois (Salon, 1783, no. 127; present location unknown), and the portraits of the painters Joseph-Marie Vien (no. 124), Jean-Jacques Bachelier (no. 126), and Guillaume Voiriot (present location unknown; Salon, 1783, nos. 124, 126, 130). Two other female academician artists exhibited alongside the young Guiard at the 1783 Salon, Madame Vallayer Coster with seven paintings (nos. 75-81) and Madame Vigée Le Brun with twelve paintings (nos. 110-121). The Portrait of Madame Mitoire was for a long time presented in a neoclassical gilded wooden frame (fig. 1), probably its original frame until the beginning of the 20th century, and later replaced by its present large gilded and polychrome wooden frame with rocaille decoration, whose tones combine perfectly with the chromatic palette of the pastel.
The iconography: breastfeeding
In this pastel, a richly dressed mother, Madame Mitoire, is breastfeeding her youngest child, while the eldest, at her side, exchanges a knowing glance with his mother, 'in the happy blossoming of his motherhood' (Passez, op. cit., 1973). While this subject may seem commonplace today, at the time it may have been seen as avant-garde, as upper-class mothers routinely used wet nurses to nurse their own children. This theme echoes the publication of Émile ou De l'Éducation, a treatise on 'the art of forming men' written by Jean-Jacques Rousseau in 1762, which advocates the benefits of breastfeeding by announcing: 'But if mothers deign to feed their children, morals will reform of their own accord, and the feelings of nature will be reawakened in all hearts', and a few lines later he adds: 'No mother, no children. Between them the duties are reciprocal' (Émile ou De l'Éducation, Paris, 3rd edition, 1882, p. 17). The subject became more common from the French Revolution onwards, and maternities were to be seen much more frequently in the republican iconography of Salon works, with, for example, Jacques-Louis David's 1781 painting Woman breastfeeding her child (Salon, no. 316) and Antoine Vestier's 1795 painting Portrait of a Dutch lady with her children, holding the youngest in her arms (Salon, no. 519; Paris, priv. coll.; op. cit., 1998-1999, p. 34, note 9).
Identification of the models.
Although Christine-Geneviève Mitoire is not an artist to be included in the succession of portraits of painter and sculptor friends that Labille Guiard exhibited at the Salon in the early 1780s, she was nevertheless the granddaughter of Carle Van Loo (1705-1765) on her mother's side and the niece of Charles-Amédée-Philippe Van Loo (1719-1795), another painter whom Labille Guiard portrayed and whom she presented for her second reception piece in 1785 and which is now preserved at the Château de Versailles (inv. 5874; Passez, op. cit., 1973, no. 58). Concerning her two children represented on the pastel, the younger Charles-Benoît Mitoire (1782- 1832) was to become a painter and a pupil of Vincent; he is identified as a member of the Academy of Saint Petersburg in 1813. As for the eldest, Neil Jeffares identifies him as Alexandre-Laurent, known as du Moncel, baptised in Clichy on 13 September 1780, who became a milliner and died in Saint-Pierre in Martinique in 1816 (Jeffares, Pastels & Pastellists, online version).
Labille Guiard and the art of portraiture.
Family portraits depicting maternity are quite rare in Labille Guiard's work, with the exception of two oil paintings: La comtesse de Flahaut holding her son playing with his mother's medallion, painted in 1785 (according to Passez, op. cit., 1973, no. 55, Hood collection, Jersey) and the Presumed portrait of Madame Claude Charlot and her son about to suckle his mother's breast (fig. 2; Salmon, op. cit., 2016, no. 78).
Celebrated from the 18th century onwards, this portrait of Madame Mitoire with her two children was taken up by Labille Guiard in a miniature on ivory in the Louvre (inv. RF4301) and the pastel described emphatically at the very beginning of the 20th century by Roger de Portalis in his monograph on the artist: 'Everything breathes health in this appetizing pastel. With a beautiful white and pink Flemish flesh, with breasts swollen with milk, the woman remains elegant in the fulfilment of the duties of motherhood. A rose clings to the powdered hair, and the skirt, held up by tenuous bras, is made of blue satin. " (Portalis, op. cit., p. 18).
This pastel is considered to be one of the very first portraits of a nursing woman to be exhibited at the Salon in the 18th century, and it was painted by a woman artist. Known only by a black and white photograph taken at the time of its last sale in 1923, it is making its reappearance on the art market after a hundred years of oblivion, in a very good state of conservation: the colours are vivid and the pastel very fresh.
We are grateful to Joseph Baillio and Neil Jeffares for their help in writing this notice.
Le Salon de 1783.
En 1783, année de réalisation du présent pastel, elle intègre finalement l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, en même temps qu’Élisabeth Vigée Le Brun, coopté par ses amis peintres académiciens avec pour morceau de réception le Portrait de Pajou sculptant un buste de Lemoyne aujourd’hui conservé au musée du Louvre (inv. 27035 ; Auricchio, op. cit., 2009, p. 27, fig. 21). Ce pastel est exposé au Salon en 1783, aux côtés du potrait de Madame Mitoire, et de six autres portraits d’amis peintres : Antoine Beaufort (1721-1771), conservé au musée du Louvre (inv. 27027 et inv. 27036 ; ibid., p. 26, fig. 18 et p. 27, fig. 20), Joseph-Benoît Suvée à l’Ecole des Beaux-Arts (inv. MU 1505 ; ibid, p. 30, fig. 22), Etienne-Pierre-Adrien Gois (Salon, 1783, no. 127; localisation actuelle inconnue) puis les portraits des peintres Joseph-Marie Vien, Jean-Jacques Bachelier , et Guillaume Voiriot (localisations actuelles inconnues ; Salon, 1783, nos. 124, 126, 130). Deux autres femmes artistes académiciennes exposeront aux côtés de la jeune Guiard au Salon de 1783, Madame Vallayer Coster avec sept tableaux (nos. 75-81) et Madame Vigée Le Brun avec douze peintures (nos. 110-121). Le Portrait de madame Mitoire a longtemps été présenté dans un cadre néoclassique en bois doré (fig. 1), probablement son cadre d’origine, et remplacé postérieurement par son actuel large cadre en bois doré et polychrome à décor rocaille dont les tons s’associent parfaitement avec la palette chromatique du pastel.
L’iconographie : l’allaitement maternel
Sur ce pastel, une mère richement vêtue, madame Mitoire, allaite son plus jeune enfant tandis que l’aîné, à ses côtés, échange un regard complice avec sa mère, "dans l’heureux épanouissement de sa maternité" (Passez, op. cit., p.122). Si ce sujet peut paraître habituel aujourd’hui, à l’époque, il a pu être reçu comme avant-gardiste, les mères de la haute société ayant systématiquement recours à des nourrices pour allaiter leurs propres enfants. Ce thème fait échos à la parution d’Émile ou De l’Éducation, traité sur ‘l’art de former les hommes’ écrit par Jean-Jacques Rousseau en 1762, qui prône les bienfaits de l’allaitement maternel en annonçant : "Mais que les mères daignent nourrir leurs enfants, les mœurs vont se réformer d’elles-mêmes, les sentiments de la nature se réveiller dans tous les cœurs" et de renchérir quelques lignes plus loin ‘Point de mère, point d’enfants. Entre eux les devoirs sont réciproques’ (Émile ou De l’Éducation, Paris, 3e ed., 1882, p. 17). Le sujet deviendra plus commun à partir de la révolution française et les maternités se verront beaucoup plus nombreuses dans l’iconographie républicaine des œuvres de Salon avec, à titre d’exemple, le tableau de Jacques-Louis David en 1781, Femme allaitant son enfant (Salon, no. 316) et celui d’Antoine Vestier en 1795, Portrait d’une dame hollandaise avec ses enfants, tenant dans ses bras le plus jeune qu’elle nourrit (Salon, no. 519 ; Paris, coll. part. ; op. cit., 1998-1999, p. 34, note 9).
L’identification des modèles.
Bien que Christine-Geneviève Mitoire ne soit pas une artiste pour s’inscrire dans cette succession de portraits d’amis peintres et sculpteurs que Labille Guiard expose au Salon au début des années 1780, elle est néanmoins la petite fille du peintre Carle Van Loo (1705-1765) du côté maternel et la nièce de Charles-Amédée-Philippe Van Loo (1719-1795), autre peintre que Labille Guiard portraitura et qu’elle présentera pour son second morceau de réception en 1785 et aujourd’hui conservé au château de Versailles (inv. 5874 ; Passez, op. cit., 1973, no. 58). À propos de ses deux enfants représentés sur le pastel, le cadet Charles-Benoît Mitoire (1782- 1832) deviendra peintre et élève de Vincent, il est identifié comme membre de l’académie de Saint Pétersbourg en 1813. Quant à l’aîné, Neil Jeffares l’identifie sous le nom d’Alexandre-Laurent, dit du Moncel baptisé à Clichy le 13 septembre 1780, devenu marchand modiste et décédé à Saint-Pierre en Martinique en 1816 (N. Jeffares, 'Labille-Guiard, Mme Mitoire et ses enfants', in Pastels & Pastellists, p. 5).
Labille Guiard et l’art du portrait.
Les portraits de famille représentant une maternité sont assez rares dans l’œuvre de Labille Guiard, exception faite de deux huiles sur toile : La comtesse de Flahaut tenant son fils dans les bras en train de jouer avec le médaillon de sa mère, réalisée en 1785 (selon Passez, op. cit., 1973, no. 55, collection Hood, Jersey) et le Portrait présumé de madame Claude Charlot et son fils s’apprêtant à téter le sein de sa mère peint en 1799 et conservé dans une collection particulière parisienne (fig. 2 ; Salmon, op. cit., 2016, no. 78, ill.).
Célébré dès le XVIIIe siècle, ce portrait de madame Mitoire avec ses deux enfants sera repris par Labille Guiard dans une miniature sur ivoire conservée au musée du Louvre (inv. RF4301) et le pastel décrit avec emphase au tout début du XXe siècle par Roger de Portalis dans sa monographie sur l’artiste : "Tout respire la santé dans cet appétissant pastel. D’une belle chair flamande blanche et rose, aux seins gonflés de lait, la femme reste élégante dans l’accomplissement de devoirs de la maternité. Aux cheveux poudrés s’accroche une rose, et la jupe retenue par des brassières ténues, est faite de satin bleu." (Portalis, op. cit., p. 18).
Important à plus d’un titre, ce pastel est considéré comme l’un des tous premiers portraits d’une femme allaitante à être présenté au Salon au XVIIIe siècle, il est, de surcroît, réalisé par une femme artiste. Connu uniquement par une photo en noir et blanc prise au moment de sa dernière mise en vente en 1923, il fait sa réapparition sur le marché de l’art après cent ans d’oubli, dans un très bel état de conservation : les couleurs sont vives et le pastel d’une grande fraîcheur.
Nous remercions Joseph Baillio et Neil Jeffares pour leur aide apportée à la rédaction de cette notice.
Fig. 1 : Labille-Guiard, Madame Mitoire avec ses enfants, dans son cadre néoclassique, www.pastellists.com.
Fig. 2 : Labille-Guiard, Portrait présumé de Madame Claude Charlot et son fils, Paris, coll. part.
ENGLISH TRANSLATION
This imposing pastel of great freshness, kept in a private collection since the first half of the 20th century, was produced by one of the most important women painters of the second half of the 18th century, who had an official career alongside Elisabeth-Louise Vigée Le Brun (1755-1842). Adélaïde Labille married Nicolas Guiard in 1769 in the first marriage and a few years later the painter François-André Vincent, at a time when she was already a well-known painter and pastellist. She apprenticed with François-Elie Vincent (the father of François-André Vincent), where she was taught portrait miniature painting, and with Maurice Quentin de La Tour, before joining the Académie de Saint-Luc.
The Salon of 1783.
In 1783, the year in which the present pastel was produced, she finally joined the Académie Royale de Peinture et de Sculpture, at the same time as Élisabeth Vigée Le Brun, co-opted by her friends, the academicians, with as her reception piece the Portrait of Pajou sculpting a bust of Lemoyne in pastel, now held at the Musée du Louvre (inv. 27035; Auricchio, op. cit., 2009, p. 27, fig. 21). This Portrait of Pajou was exhibited at the Salon in 1783, alongside Madame Mitoire, and six other portraits of painter friends: Antoine Beaufort (1721-1771), now in the Musée du Louvre (inv. 27027 and inv. 27036; ibid., p. 26, fig. 18 and p. 27, fig. 20), that of Joseph-Benoît Suvée at the Ecole des Beaux-Arts (inv. MU 1505; ibid., p. 30, fig. 22), the Portrait of the sculptor Etienne-Pierre-Adrien Gois (Salon, 1783, no. 127; present location unknown), and the portraits of the painters Joseph-Marie Vien (no. 124), Jean-Jacques Bachelier (no. 126), and Guillaume Voiriot (present location unknown; Salon, 1783, nos. 124, 126, 130). Two other female academician artists exhibited alongside the young Guiard at the 1783 Salon, Madame Vallayer Coster with seven paintings (nos. 75-81) and Madame Vigée Le Brun with twelve paintings (nos. 110-121). The Portrait of Madame Mitoire was for a long time presented in a neoclassical gilded wooden frame (fig. 1), probably its original frame until the beginning of the 20th century, and later replaced by its present large gilded and polychrome wooden frame with rocaille decoration, whose tones combine perfectly with the chromatic palette of the pastel.
The iconography: breastfeeding
In this pastel, a richly dressed mother, Madame Mitoire, is breastfeeding her youngest child, while the eldest, at her side, exchanges a knowing glance with his mother, 'in the happy blossoming of his motherhood' (Passez, op. cit., 1973). While this subject may seem commonplace today, at the time it may have been seen as avant-garde, as upper-class mothers routinely used wet nurses to nurse their own children. This theme echoes the publication of Émile ou De l'Éducation, a treatise on 'the art of forming men' written by Jean-Jacques Rousseau in 1762, which advocates the benefits of breastfeeding by announcing: 'But if mothers deign to feed their children, morals will reform of their own accord, and the feelings of nature will be reawakened in all hearts', and a few lines later he adds: 'No mother, no children. Between them the duties are reciprocal' (Émile ou De l'Éducation, Paris, 3rd edition, 1882, p. 17). The subject became more common from the French Revolution onwards, and maternities were to be seen much more frequently in the republican iconography of Salon works, with, for example, Jacques-Louis David's 1781 painting Woman breastfeeding her child (Salon, no. 316) and Antoine Vestier's 1795 painting Portrait of a Dutch lady with her children, holding the youngest in her arms (Salon, no. 519; Paris, priv. coll.; op. cit., 1998-1999, p. 34, note 9).
Identification of the models.
Although Christine-Geneviève Mitoire is not an artist to be included in the succession of portraits of painter and sculptor friends that Labille Guiard exhibited at the Salon in the early 1780s, she was nevertheless the granddaughter of Carle Van Loo (1705-1765) on her mother's side and the niece of Charles-Amédée-Philippe Van Loo (1719-1795), another painter whom Labille Guiard portrayed and whom she presented for her second reception piece in 1785 and which is now preserved at the Château de Versailles (inv. 5874; Passez, op. cit., 1973, no. 58). Concerning her two children represented on the pastel, the younger Charles-Benoît Mitoire (1782- 1832) was to become a painter and a pupil of Vincent; he is identified as a member of the Academy of Saint Petersburg in 1813. As for the eldest, Neil Jeffares identifies him as Alexandre-Laurent, known as du Moncel, baptised in Clichy on 13 September 1780, who became a milliner and died in Saint-Pierre in Martinique in 1816 (Jeffares, Pastels & Pastellists, online version).
Labille Guiard and the art of portraiture.
Family portraits depicting maternity are quite rare in Labille Guiard's work, with the exception of two oil paintings: La comtesse de Flahaut holding her son playing with his mother's medallion, painted in 1785 (according to Passez, op. cit., 1973, no. 55, Hood collection, Jersey) and the Presumed portrait of Madame Claude Charlot and her son about to suckle his mother's breast (fig. 2; Salmon, op. cit., 2016, no. 78).
Celebrated from the 18th century onwards, this portrait of Madame Mitoire with her two children was taken up by Labille Guiard in a miniature on ivory in the Louvre (inv. RF4301) and the pastel described emphatically at the very beginning of the 20th century by Roger de Portalis in his monograph on the artist: 'Everything breathes health in this appetizing pastel. With a beautiful white and pink Flemish flesh, with breasts swollen with milk, the woman remains elegant in the fulfilment of the duties of motherhood. A rose clings to the powdered hair, and the skirt, held up by tenuous bras, is made of blue satin. " (Portalis, op. cit., p. 18).
This pastel is considered to be one of the very first portraits of a nursing woman to be exhibited at the Salon in the 18th century, and it was painted by a woman artist. Known only by a black and white photograph taken at the time of its last sale in 1923, it is making its reappearance on the art market after a hundred years of oblivion, in a very good state of conservation: the colours are vivid and the pastel very fresh.
We are grateful to Joseph Baillio and Neil Jeffares for their help in writing this notice.