Lot Essay
« Quand je travaille sur l’une de mes toiles perforées, je ne veux pas faire une peinture : je veux ouvrir l’espace, créer une nouvelle dimension pour l’art, me rattacher au cosmos lorsqu’il s’étend sans fin au-delà du plan restrictif du tableau. »
Lucio Fontana
Réalisé en 1957 – année où la Russie envoyait Spoutnik 1 dans l’espace – Concetto spaziale découle de la célèbre série des Barocchi, ou œuvres « baroques » de Lucio Fontana. Sur un fond rouge opulent, l'artiste tisse un entrelac texturé de noir - croix, tourbillons et autres motifs indéchiffrables - qui confrontent le spectateur à des symboles venus d’ailleurs. Des sequins ponctuent la surface, aux côtés des constellations de Buchi, la signature de Fontana, ou « trous », qui scintillent comme les cratères d’une planète nouvellement découverte.
Créés entre 1954 et 1957, les Barocchi marquent un chapitre important dans l'évolution de la pratique « spatialiste » de l'artiste. Cherchant à s’accorder à l'esprit pionnier de l'ère spatiale, Fontana se lance dans une mission visant à ouvrir de nouvelles frontières dans l'art. Il rejette la répartition classique entre peinture et sculpture et produit à la place des « concepts spatiaux » (concetti spaziali). La présente série d'œuvres mélange cette fantaisie futuriste avec une référence au baroque : une période, selon Fontana, où l'humanité commençait à concevoir l'art comme un mode d'expression dynamique et transcendantal, capable de briser les frontières terrestres.
Concetto spaziale prend place aux côtés d'exemples conservés dans des institutions telles que le Stedelijk Museum d'Amsterdam, le Museu d'Art Contemporani de Barcelone, la Galleria Nazionale d'Arte Moderna de Rome et le Museum Moderner Kunst de Vienne.
L'art baroque a longtemps alimenté l'imagination de Fontana, notamment pour ses premières œuvres sculpturales des années 1930. A mesure que son art s’oriente de plus en plus vers l'exploration du cosmos, l'esthétique de l'époque prenait une nouvelle signification. Pour Fontana, le gout du XVIIe siècle pour le mouvement, la métaphysique et une extravagance surnaturelle sont à l’origine du désir de l'humanité de conquérir les limites du temps et de l'espace.
En 1951, l'artiste explique « qu'une forme d'art est maintenant exigée, basée sur la nécessité de cette nouvelle vision. Le baroque nous a guidés dans cette direction, dans toute sa grandeur encore inégalée, où la forme plastique est indissociable de la notion de temps… Cette conception est née du nouveau rapport entre l’homme et son existence; la physique de cette période révèle pour la première fois la nature de la dynamique. Il est établi que le mouvement est une condition essentielle de la matière comme commencement de la conception de l'univers » (L. Fontana, Manifesto tecnico dello Spazialismo, 1951, reproduit dans Lucio Fontana : Venise/New York, cat. exh., Peggy Guggenheim Collection, Venise 2006, p.229). Fontana incorpore de plusieurs manière l'idée de mouvement, initialement au travers de la série des Buchi qu'il commence à la fin des années 1940. En perçant ses œuvres, il ouvre l'espace jusqu'alors inexploré au-delà de la toile ; les perforations elles-mêmes sont les traces de l'énergie nécessaire pour percer ce plan sacré. Dans les Barocchi, ses gestes combinés à de vastes arcs de couleurs et de textures se frayent un chemin à travers la toile comme des traînées de comètes. Elles rappellent les surfaces brutes et mordantes d'artistes tels qu'Antoni Tàpies, Jean Fautrier et d'autres représentants du mouvement ascendant, l’Art Informel.
En 1957, Fontana pousse ses idées un peu plus loin dans sa série emblématique des Tagli (« coupures »), dans laquelle il taillade la toile en longs traits calligraphiques. Quelque chose de ce mouvement est latent dans la présente œuvre, dont le crucifix vertical central semble faire allusion aux saisissantes incisions verticales qui viendront à définir les Tagli.
« L'art est éternel en tant que geste », écrit Fontana dans son Premier Manifeste Spatialiste dix ans plus tôt, « … et peu importe qu'un geste, une fois accompli, vive une seconde ou un millénaire, car nous sommes convaincus qu’ayant été accompli, il est éternel ».
(L. Fontana et al, First Spatialist Manifesto, 1947, reproduit dans E. Crispolti, Lucio Fontana, Milan 1998, pp.117-18).
‘’While working on one of my perforated canvases, I do not want to make a painting: I want to open up space, create a new dimension for art, tie in with the cosmos as it endlessly expands beyond the confining plane of the picture.”
Lucio Fontana
Executed in 1957—the year that Russia launched the seminal Sputnik 1 satellite - Concetto spaziale stems from Lucio Fontana’s celebrated series of Barocchi, or ‘Baroque’ works. Upon an opulent red backdrop, the artist weaves a web of textured black markings—crosses, swirls and other indecipherable motifs—which confront the viewer like otherworldly symbols. Glittering sequins punctuate the surface, alongside constellations of Fontana’s signature Buchi, or ‘holes’, which shimmer like craters in a newly-discovered planet. Created between 1954 and 1957, the Barocchi marked an important chapter in the evolution of the artist’s ‘Spatialist’ practice. Seeking to match the pioneering spirit of the Space Age, Fontana had embarked on a mission to open up new frontiers for art, rejecting the binaries of painting and sculpture and instead producing ‘spatial concepts’ (concetti spaziali). The present series of works combined this futuristic fantasy with reference to the Baroque: a period, Fontana felt, in which humankind had first begun to conceive art as a dynamic, transcendental mode of expression, capable of shattering earthly boundaries. The present work takes its place alongside examples held in institutions including the Stedelijk Museum, Amsterdam, the Museu d’Art Contemporani, Barcelona, the Galleria Nazionale d’Arte Moderna, Rome and the Museum Moderner Kunst, Vienna.
The art of the Baroque had long fuelled Fontana’s imagination, notably informing his early sculptural work of the 1930s. As his art became increasingly concerned with the exploration of the cosmos, however, the aesthetics of the period began to take on new significance. For Fontana, the seventeenth century’s invocation of movement, metaphysics and unearthly extravagance found new expression in humankind’s desire to conquer the limits of time and space. Writing in 1951, the artist explained that ‘A form of art is now demanded which is based on the necessity of this new vision. The baroque has guided us in this direction, in all its as yet unsurpassed grandeur, where the plastic form is inseparable from the notion of time … This conception arose from man’s new idea of the existence of things; the physics of that period reveal for the first time the nature of dynamics. It is established that movement is an essential condition of matter as a beginning of the conception of the universe’ (L. Fontana, Manifesto tecnico dello Spazialismo, 1951, reproduced in Lucio Fontana: Venice/New York, exh. cat., Peggy Guggenheim Collection, Venice 2006, p. 229).
Fontana would incorporate the idea of movement into his art in a number of ways, initially via the series of Buchi that he began in the late 1940s. By piercing his works with groups and patterns of holes, he opened up the hitherto uncharted space beyond the canvas; the punctures themselves stood as traces of the energy required to pierce this sacred plane. In the Barocchi, these gestures combined with sweeping arcs of colour and texture that wove their way across the canvas like comet trails, recalling the raw, caustic surfaces of artists such as Antoni Tàpies, Jean Fautrier and other exponents of the ascendant Art Informel movement. In 1957, the year of the present work, Fontana would take these ideas one stage further in his iconic series of Tagli (‘cuts’), in which he slashed the canvas in long, calligraphic strokes. Something of this motion is latent in the present work, whose central upright crucifix seems to hint at the striking vertical incisions that would come to define the Tagli. ‘Art is eternal as gesture’, Fontana had written in his First Spatialist Manifesto ten years earlier, ‘… and it doesn’t matter if a gesture, once accomplished, lives for a second or a millennium, for we are convinced that, having accomplished it, it is eternal’ (L. Fontana et al, First Spatialist Manifesto, 1947, reproduced in E. Crispolti, Lucio Fontana, Milan 1998, pp.117-18).
Lucio Fontana
Réalisé en 1957 – année où la Russie envoyait Spoutnik 1 dans l’espace – Concetto spaziale découle de la célèbre série des Barocchi, ou œuvres « baroques » de Lucio Fontana. Sur un fond rouge opulent, l'artiste tisse un entrelac texturé de noir - croix, tourbillons et autres motifs indéchiffrables - qui confrontent le spectateur à des symboles venus d’ailleurs. Des sequins ponctuent la surface, aux côtés des constellations de Buchi, la signature de Fontana, ou « trous », qui scintillent comme les cratères d’une planète nouvellement découverte.
Créés entre 1954 et 1957, les Barocchi marquent un chapitre important dans l'évolution de la pratique « spatialiste » de l'artiste. Cherchant à s’accorder à l'esprit pionnier de l'ère spatiale, Fontana se lance dans une mission visant à ouvrir de nouvelles frontières dans l'art. Il rejette la répartition classique entre peinture et sculpture et produit à la place des « concepts spatiaux » (concetti spaziali). La présente série d'œuvres mélange cette fantaisie futuriste avec une référence au baroque : une période, selon Fontana, où l'humanité commençait à concevoir l'art comme un mode d'expression dynamique et transcendantal, capable de briser les frontières terrestres.
Concetto spaziale prend place aux côtés d'exemples conservés dans des institutions telles que le Stedelijk Museum d'Amsterdam, le Museu d'Art Contemporani de Barcelone, la Galleria Nazionale d'Arte Moderna de Rome et le Museum Moderner Kunst de Vienne.
L'art baroque a longtemps alimenté l'imagination de Fontana, notamment pour ses premières œuvres sculpturales des années 1930. A mesure que son art s’oriente de plus en plus vers l'exploration du cosmos, l'esthétique de l'époque prenait une nouvelle signification. Pour Fontana, le gout du XVIIe siècle pour le mouvement, la métaphysique et une extravagance surnaturelle sont à l’origine du désir de l'humanité de conquérir les limites du temps et de l'espace.
En 1951, l'artiste explique « qu'une forme d'art est maintenant exigée, basée sur la nécessité de cette nouvelle vision. Le baroque nous a guidés dans cette direction, dans toute sa grandeur encore inégalée, où la forme plastique est indissociable de la notion de temps… Cette conception est née du nouveau rapport entre l’homme et son existence; la physique de cette période révèle pour la première fois la nature de la dynamique. Il est établi que le mouvement est une condition essentielle de la matière comme commencement de la conception de l'univers » (L. Fontana, Manifesto tecnico dello Spazialismo, 1951, reproduit dans Lucio Fontana : Venise/New York, cat. exh., Peggy Guggenheim Collection, Venise 2006, p.229). Fontana incorpore de plusieurs manière l'idée de mouvement, initialement au travers de la série des Buchi qu'il commence à la fin des années 1940. En perçant ses œuvres, il ouvre l'espace jusqu'alors inexploré au-delà de la toile ; les perforations elles-mêmes sont les traces de l'énergie nécessaire pour percer ce plan sacré. Dans les Barocchi, ses gestes combinés à de vastes arcs de couleurs et de textures se frayent un chemin à travers la toile comme des traînées de comètes. Elles rappellent les surfaces brutes et mordantes d'artistes tels qu'Antoni Tàpies, Jean Fautrier et d'autres représentants du mouvement ascendant, l’Art Informel.
En 1957, Fontana pousse ses idées un peu plus loin dans sa série emblématique des Tagli (« coupures »), dans laquelle il taillade la toile en longs traits calligraphiques. Quelque chose de ce mouvement est latent dans la présente œuvre, dont le crucifix vertical central semble faire allusion aux saisissantes incisions verticales qui viendront à définir les Tagli.
« L'art est éternel en tant que geste », écrit Fontana dans son Premier Manifeste Spatialiste dix ans plus tôt, « … et peu importe qu'un geste, une fois accompli, vive une seconde ou un millénaire, car nous sommes convaincus qu’ayant été accompli, il est éternel ».
(L. Fontana et al, First Spatialist Manifesto, 1947, reproduit dans E. Crispolti, Lucio Fontana, Milan 1998, pp.117-18).
‘’While working on one of my perforated canvases, I do not want to make a painting: I want to open up space, create a new dimension for art, tie in with the cosmos as it endlessly expands beyond the confining plane of the picture.”
Lucio Fontana
Executed in 1957—the year that Russia launched the seminal Sputnik 1 satellite - Concetto spaziale stems from Lucio Fontana’s celebrated series of Barocchi, or ‘Baroque’ works. Upon an opulent red backdrop, the artist weaves a web of textured black markings—crosses, swirls and other indecipherable motifs—which confront the viewer like otherworldly symbols. Glittering sequins punctuate the surface, alongside constellations of Fontana’s signature Buchi, or ‘holes’, which shimmer like craters in a newly-discovered planet. Created between 1954 and 1957, the Barocchi marked an important chapter in the evolution of the artist’s ‘Spatialist’ practice. Seeking to match the pioneering spirit of the Space Age, Fontana had embarked on a mission to open up new frontiers for art, rejecting the binaries of painting and sculpture and instead producing ‘spatial concepts’ (concetti spaziali). The present series of works combined this futuristic fantasy with reference to the Baroque: a period, Fontana felt, in which humankind had first begun to conceive art as a dynamic, transcendental mode of expression, capable of shattering earthly boundaries. The present work takes its place alongside examples held in institutions including the Stedelijk Museum, Amsterdam, the Museu d’Art Contemporani, Barcelona, the Galleria Nazionale d’Arte Moderna, Rome and the Museum Moderner Kunst, Vienna.
The art of the Baroque had long fuelled Fontana’s imagination, notably informing his early sculptural work of the 1930s. As his art became increasingly concerned with the exploration of the cosmos, however, the aesthetics of the period began to take on new significance. For Fontana, the seventeenth century’s invocation of movement, metaphysics and unearthly extravagance found new expression in humankind’s desire to conquer the limits of time and space. Writing in 1951, the artist explained that ‘A form of art is now demanded which is based on the necessity of this new vision. The baroque has guided us in this direction, in all its as yet unsurpassed grandeur, where the plastic form is inseparable from the notion of time … This conception arose from man’s new idea of the existence of things; the physics of that period reveal for the first time the nature of dynamics. It is established that movement is an essential condition of matter as a beginning of the conception of the universe’ (L. Fontana, Manifesto tecnico dello Spazialismo, 1951, reproduced in Lucio Fontana: Venice/New York, exh. cat., Peggy Guggenheim Collection, Venice 2006, p. 229).
Fontana would incorporate the idea of movement into his art in a number of ways, initially via the series of Buchi that he began in the late 1940s. By piercing his works with groups and patterns of holes, he opened up the hitherto uncharted space beyond the canvas; the punctures themselves stood as traces of the energy required to pierce this sacred plane. In the Barocchi, these gestures combined with sweeping arcs of colour and texture that wove their way across the canvas like comet trails, recalling the raw, caustic surfaces of artists such as Antoni Tàpies, Jean Fautrier and other exponents of the ascendant Art Informel movement. In 1957, the year of the present work, Fontana would take these ideas one stage further in his iconic series of Tagli (‘cuts’), in which he slashed the canvas in long, calligraphic strokes. Something of this motion is latent in the present work, whose central upright crucifix seems to hint at the striking vertical incisions that would come to define the Tagli. ‘Art is eternal as gesture’, Fontana had written in his First Spatialist Manifesto ten years earlier, ‘… and it doesn’t matter if a gesture, once accomplished, lives for a second or a millennium, for we are convinced that, having accomplished it, it is eternal’ (L. Fontana et al, First Spatialist Manifesto, 1947, reproduced in E. Crispolti, Lucio Fontana, Milan 1998, pp.117-18).