Lot Essay
« Pour survivre, je crée un sens, et c'est mon art. Je le crée là où se croisent des lignes horizontales et verticales qui traversent l'espace : des lignes historiques, des géologiques, des astrales. Il me faut être là où elles se rencontrent, où elles se touchent. Il y a des ondes aussi [...]. Et je prétends que l'artiste les rend visibles, dans une petite part ». Anselm Kiefer
“To survive, I create meaning, and this is my art. I create it where horizontal and vertical lines intersect while traveling through space: historical lines, geological lines, astral lines. I must be where they meet, where they touch. […] And I claim that the artist makes them visible, in a small way.” Anselm Kiefer
DAS EINZIGE LICHT
Die Lampen des Schreckens sind hell, auch im Sturm.
Am Kiel der laubigen Kähne nahen sie kühl deiner Stirn;
du wünschst, sie zerschellten an dir, denn sind sie nicht Glas?
Du horst auch schon triefen die Milch, daß du trinkst aus den Scherben
den Saft, den im Schlaf du geschlürft aus den Spiegeln des Winters:
es ward dir das Herz voller Flocken, es hing dir das Aug voller Eis,
die Locke quoll dir von Meerschaum, sie warfen mit Vögeln nach dir ...
Dein Haus ritt die finstere Welle, doch barg es ein Rosengeschlecht;
als Arche verließ es die Straße, so wardst du gerettet ins Unheil:
O weiße Giebel des Todes – ihr Dorf wie um Weihnacht!
O Schlittenflug durch die Luft – doch du kehrtest zurück,
erklommst als ein Knabe den Baum, dort hältst du nun Ausschau:
es schwimmt jene Arche noch nah, doch füllen die Rosen sie ganz,
doch eilen die Kähne heran mit den flackernden Lampen des Schreckens:
vielleicht, daß die Schläfe dir birst, dann springt ihre Landschaft an Land,
dann schlägt sie die Zelte hier auf, dann wölbt sich dein Schädel zu Himmeln –
es quilt dir die Locke von Meerschaum, es hängt dir voll Flocken das Herz.
In: Paul Celan, Die Gedichte, Neue kommentierte Gesamtausgabe, hrsg. / edited by Barbara Wiedemenn, Suhrkamp, Berlin 2020, Seite / page 21/22
Entstehungsdatum unbekannt / date unknown
« L'art est un désir. Vous n'arrivez jamais, mais vous continuez dans l'espoir que vous aboutirez ». Anselm Kiefer
"Art is longing. You never arrive, but you keep going in the hope that you will." Anselm Kiefer
Né en Allemagne pendant les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, Anselm Kiefer a grandi dans un monde meurtri et traumatisé. Bien qu'il ne garde lui-même aucun souvenir de la guerre, ses répercussions ont été profondément ressenties dans toute sa patrie et ont continué à résonner pendant de nombreuses décennies. En tant qu'artiste, Kiefer se consacrera plus tard à la mise en scène du phénomène de la mémoire collective, encapsulant des allusions historiques, religieuses, politiques, mythologiques, cosmogoniques, philosophiques et littéraires dans des visions complexes et alchimiques. Utilisant des matériaux bruts et tactiles – allant du plomb, du verre et du béton à la paille, en passant par des cendres et des racines d'arbres –, il a créé une vaste œuvre cyclique qui passe sans transition de la peinture à la sculpture, de la photographie à l'installation, de la gravure au dessin et à l’écriture. Dans la confluence des matériaux, des thèmes, des cultures et des temporalités, Kiefer donne forme aux processus chaotiques par lesquels nous tentons de nous confronter au passé, imprégnant ses œuvres de texture et de symbolisme. À la fois physique et métaphysique, la profondeur, l'étendue et l'ambition de sa pratique le placent aujourd'hui parmi les plus grands poètes visuels des XXème et XXIème siècles.
Kiefer est né le 8 mars 1945 à Donaueschingen, dans le Baden-Württemberg, et a passé ses premières années plongé dans les conséquences dévastatrices des bombardements de la ville pendant la guerre. En 1951, il a déménagé à Ottersdorf avec sa famille, où il est allé à l'école de Rastatt. Dès son plus jeune âge, Kiefer semblait destiné à devenir un artiste : son père était professeur d'art et avait prophétiquement nommé son fils d'après le peintre allemand du XIXème siècle Anselm Feuerbach. Après trois semestres d'études de droit et de langues romanes à l'université, Kiefer revient à son rêve d'enfant en s'inscrivant à l'École des beaux-arts de Freiburg-im-Breisgau, puis à l'Académie des beaux-arts de Karlsruhe, où il étudie avec Peter Dreher. Pendant cette période, Kiefer voyage à travers l'Europe, où il commence à travailler à sa première grande série, intitulée Occupations (1969). Ces photographies mises en scène représentaient l'artiste dans différents sites occupés par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, portant l'uniforme de la Wehrmacht de son père et imitant le salut Sieg Heil de manière subversive. Leur confrontation audacieuse, ironique et implacable avec le passé récent a donné le ton aux travaux ultérieurs de Kiefer, posant des questions pertinentes sur la manière dont l'Allemagne était censée assumer son identité au lendemain de la tragédie.
En 1970, Kiefer commence des études à la Staatliche Kunstakademie de Düsseldorf, où il se lie d'amitié avec l'artiste Joseph Beuys, qui est devenu pour lui une sorte de mentor informel, l'encourageant à s'intéresser à l'histoire de l'Allemagne et l'incitant à se consacrer à la peinture. Au cours de cette période, Kiefer réalise ses premiers paysages grand format, tissant des symboles, des matériaux et des références culturelles en couches denses et texturées. Outre son amitié avec Beuys, il fait également la connaissance de Georg Baselitz, qui lui achète en 1973 plusieurs de ses œuvres de la série d'expositions 14 mal 14 à la Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden. Ensemble, ces artistes seront associés à l'essor du néo-expressionnisme et exposeront ensemble à la Biennale de Venise de 1980, ce qui propulsera Kiefer et l'art allemand contemporain sur le devant de la scène internationale. Au cours des années suivantes, l'artiste a commencé à voyager abondamment, visitant Israël, l'Égypte, le Yémen, l'Inde, l'Amérique centrale et d'autres pays dont les traditions, l'histoire et l'architecture allaient progressivement alimenter son imagerie. En 1992, Kiefer s'installe dans une usine de soie abandonnée à Barjac, dans le sud de la France, qu'il transforme progressivement en un Gesamtkunstwerk : un réseau d'ateliers, d'installations et de structures conçu comme une œuvre d'art totale et vivante. Depuis 2008, il vit et travaille à Paris.
La présente sélection d'œuvres regroupe certains des concepts et techniques les plus fondamentaux dans l'œuvre de Kiefer. L'imbrication du paysage et de la littérature trouve une expression éloquente dans für Paul Celan (pour Paul Celan), dédié au poète juif roumain qui a inspiré une grande partie de l'œuvre de Kiefer. Un vers de ce poème « Das einzige Licht » (« L’unique lumière ») plane dans un ciel sombre au-dessus d'un vaste champ désolé : « Als Arche verliess es die Strasse, so wardst Du gerettet ins Unheil » (« Quand elle [ta maison] a quitté la route comme une arche, tu as été sauvé, emmené dans le malheur. ») La présente œuvre, qui fait partie d'une série plus vaste sur ce thème, canalise l'imagerie du poème dans une vision apocalyptique de terre aride et de branches flétries, devant laquelle se trouve un navire semblable à un radeau qui fait saillie en trois dimensions. Les paysages de Kiefer subvertissent le romantisme grandiose et héroïque d'artistes tels que Caspar David Friedrich, pour qui le sol allemand n'avait pas encore été souillé par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Ici, la référence à l'Arche de Noé joue sur ce symbolisme, suggérant le besoin de salut en provenance d'une terre désolée. Les écrits de Celan, qui s'inspirent de son expérience de l'Holocauste et de la mort de ses parents dans un camp de concentration, ont hanté Kiefer tout au long de sa carrière, lui offrant un modèle pour affronter les tragédies au-delà des limites du langage. Les circonstances du suicide de Celan, qui s'est jeté dans la Seine en 1970, confèrent une note particulièrement poignante à cette œuvre.
Ce mélange lucide de références est démontré ailleurs dans Die Erdzeitalter (Les âges de la Terre), qui fait allusion à la synergie entre la création artistique et les processus géologiques. Au centre de l'œuvre, un tas de toiles empilées les unes sur les autres évoque une paroi rocheuse stratifiée, entourée de fragments de texte qui évoquent le glissement du temps et des substances naturelles. La partie supérieure comporte le vers « Dein und mein Alter und das Alter der Welt » (« Ton âge, mon âge et l'âge du monde »), tirée du poème « Der Spiel ist aus » (« Le jeu est terminé ») d'Ingeborg Bachmann, l'amante de Celan. Ce vers, récurrent dans toute l'œuvre de Kiefer, est utilisé dans le poème pour exprimer la futilité de la mesure ou de la codification du temps : « En garde dans le camp des gitans, en garde dans le camp du désert, le sable ruisselle de nos cheveux, ton âge et mon âge et l'âge du monde ne peuvent être mesurés en années. » Cet effondrement des dimensions temporelles et matérielles sert en quelque sorte d'allégorie à l'art de Kiefer, dans lequel le passé, le présent, le terrestre et le spirituel sont sans cesse alignés les uns avec les autres. L'œuvre préfigure l'installation grand format du même nom que Kiefer a créée pour sa rétrospective à la Royal Academy of Arts de Londres en 2014.
La structure monolithique au centre de Die Erdzeitalter évoque également la tour de Babel, un autre motif récurrent dans l'œuvre de Kiefer. Dans Genesis, la Tour a été conçue comme une structure suffisamment haute pour combler le fossé entre le ciel et la terre, avant que Dieu n'intervienne, dispersant les hommes et confondant leur discours : le récit prétend expliquer l'existence de différentes langues dans le monde. Le passage entre les royaumes mortels et divins est au cœur de la pratique de Kiefer, infusant de multiples facettes de son imagerie. L'iconographie des tours jouera un rôle important dans ses travaux ultérieurs, notamment dans son installation monumentale The Seven Heavenly Palaces (Les sept palais célestes) conçue pour l'inauguration du lieu d’exposition milanais Pirelli HangarBicocca en 2004. Le projet s'inspire des palais décrits dans l'ancien texte hébreu connu sous le nom de Sefer Hechalot, qui décrit le chemin spirituel à suivre pour se rapprocher de Dieu. Construites en béton et parsemées de morceaux de plomb, les vastes structures totémiques de Kiefer semblent pointer vers les cieux, leurs formes vacillant comme si elles étaient sur le point de s'effondrer. L'artiste a créé un ensemble similaire de sculptures dans son atelier de Barjac, qui habitent la campagne comme des ruines antiques : elles s'inscrivent dans le paysage européen, mais évoquent aussi de manière obsédante le ciel des villes bombardées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Des images des tours figurent dans le livre d'artiste de la présente collection, dramatiquement éclairées en noir et blanc.
De tous les matériaux utilisés par Kiefer, le plomb a peut-être été sa source d'inspiration la plus puissante. Ses différentes qualités – chimiques, médicales, industrielles, chamaniques – renvoient directement à l'ambition métamorphique de sa pratique, où le sens et l'allégorie passent de l'un à l'autre. Le médium se voit accorder un rôle particulièrement important dans la sculpture La poétesse de l'Antiquité, dont le corps en plâtre est surmonté d'une pile de livres ouverts en plomb. Cette œuvre fait partie de la série Die Frauen der Antike (Les femmes de l'Antiquité) que Kiefer a entamée en 1999 et qui s'inspire de personnages féminins de la mythologie. L'artiste estimait que la force et les prouesses intellectuelles de nombre de ces femmes leur valaient un traitement injuste de la part des poètes et historiens masculins chargés de relater leurs histoires. Dans cette série, la tête de chaque femme est remplacée par un symbole de ses attributs : le livre en plomb présent ici est une caractéristique de l'art de Kiefer depuis les années 1970, conçu comme une batterie qui stocke le savoir et le protège de la dégradation. Le thème du pouvoir féminin est d'ailleurs récurrent dans la photographie Sans titre (Vestale), dont l'imagerie fait référence aux vierges vestales de la Rome antique. Ces femmes étaient les prêtresses de Vesta – la déesse du foyer – qui cultivaient collectivement le feu sacré et se consacraient à l'étude de rituels interdits à leurs homologues masculins.
« Je crois surtout que j'ai voulu construire le palais de ma mémoire », disait Kiefer, « car ma mémoire est ma seule patrie " (A. Kiefer, cité dans un entretien avec P. Dagen, « Pour survivre, je crée un sens, et c'est mon art » , Le Monde, 4 août 2005). Bien que s'exprimant à l'époque de son atelier à Barjac, cette déclaration éclaire l'ensemble de son œuvre. Dans ses mains, les mythes, légendes et histoires qui imprègnent la conscience collective s’enchevêtrent avec les événements du monde réel, s'éclairant au passage mutuellement les uns les autres. Les substances qui constituent les fondations mêmes de la terre se dématérialisent, renaissent sous forme de chiffres dans d'autres royaumes. La réalité, la mémoire et l'imagination se mêlent et se heurtent, nous obligeant à nous interroger sur la manière dont les événements et les récits sont façonnés au fil du temps. Comme le montre la présente collection, Kiefer cherche à visualiser la manière dont les êtres humains traitent leurs propres actions, construisent leurs identités et organisent leurs croyances. Pour lui, l'art, à l'instar de la science, du langage ou de la religion, est en fin de compte un véhicule qui nous permet de nous comprendre nous-mêmes.
Born in Germany during the final few months of the Second World War, Anselm Kiefer came of age in a broken, traumatised world. Though he himself had no recollection of the conflict, its repercussions were felt deeply throughout his homeland, and continued to resound for many decades to come. As an artist, Kiefer would devote himself to dramatising the phenomenon of collective memory, weaving together history, religion, politics, mythology, cosmogony, philosophy and literature in complex, alchemical visions. Using raw, tactile media—from lead, glass and concrete to straw, ash and tree roots—he has created a vast cyclical oeuvre that moves seamlessly between painting, sculpture, photography, installation, printmaking, drawing and books. In the confluence of materials, themes, cultures and temporalities, Kiefer gives form to the chaotic processes through which we attempt to confront the past, lacing his works with texture and symbolism. At once physical and metaphysical in its scope, the depth, range and ambition of his practice positions him today among the greatest visual poets of the twentieth and twenty-first centuries.
Kiefer was born on 8 March 1945 in Donaueschingen, Baden-Württembürg, and spent his early years surrounded by the devastating aftermath of the town’s wartime bombing. In 1951, he moved to Ottersdorf with his family, where he attended school in Rastatt. From a young age, Kiefer seemed destined to become an artist: his father was an art teacher, and had prophetically named his son after the nineteenth-century German painter Anselm Feuerbach. After three semesters studying law and Romance languages at university, Kiefer reverted to his childhood dream, enrolling in the School of Fine Arts at Freiburg-im-Breisgau and subsequently the Academy of Fine Arts in Karlsruhe, where he studied with Peter Dreher. During this period, Kiefer travelled throughout Europe, where he began work for his first major series entitled Occupations (1969). These staged photographs depicted the artist at various sites occupied by Germany during the Second World War, wearing his father’s Wehrmacht uniform and subversively imitating the Sieg Heil salute. Their bold, ironic and unflinching confrontation with the recent past set the tone for Kiefer’s subsequent oeuvre, asking pertinent questions about how Germany should come to terms with its identity in the wake of tragedy.
In 1970, Kiefer began studies at the Staatliche Kunstakademie in Düsseldorf. There, he befriended the artist Joseph Beuys, who became something of an informal mentor to him, encouraging his engagement with Germany’s history and prompting him to pursue painting. During this period, Kiefer produced his first large-scale landscapes, weaving together symbols, materials and cultural references in dense, textured layers. Alongside his friendship with Beuys, he also became closely acquainted with Georg Baselitz, who purchased a number of his works in 1973 from the exhibition series 14 mal 14 at the Staatliche Kunsthalle Baden-Baden. Together, these artists would become associated with the rise of Neo-Expressionism and exhibited together at the 1980 Venice Biennale: a move that would propel both Kiefer and contemporary German art to greater international prominence. In the following years, the artist began to travel widely, visiting Israel, Egypt, Yemen, India, Central America and other countries whose traditions, histories and architecture would gradually feed into his imagery. In 1992, Kiefer took up residence in an abandoned silk factory in Barjac in the South of France, which he gradually transformed into a Gesamtkunstwerk: a network of studios, installations and structures conceived as a total, living artwork. Since 2008 he has lived and worked in Paris.
The present selection of works encapsulates some of the most important concepts and techniques that have come to define Kiefer’s oeuvre. The entwinement of landscape and literature finds eloquent expression in für Paul Celan (for Paul Celan), dedicated to the Romanian Jewish poet who inspired much of Kiefer’s oeuvre. A line from his poem ‘Das einzige Licht’ (‘The unique light’) hovers in a dark sky above a sprawling, barren field: ‘Als Arche veriliess es die Strasse, so wurdest Du gerettet ins Unheil’ (‘When it [your house] left the road as an ark, you were saved from disaster’). The present work, part of a larger series on the theme, channels the poem’s imagery into an apocalyptic vision of arid land and withered branches, fronted by a raft-like vessel that protrudes into three dimensions. Kiefer’s landscapes subvert the grand, heroic Romanticism of artists such as Caspar David Friedrich, for whom the German soil had not yet been tainted by the horrors of the Second World War. Here, the work’s reference to Noah’s Ark plays into this symbolism, suggesting the need for salvation from a desolate wasteland. Celan’s writings, which drew upon his experience of the Holocaust and his parents’ death in a concentration camp, haunted Kiefer throughout his practice, offering a model for how to confront tragedies beyond the limits of language. The circumstances of Celan’s own suicide—he drowned himself in the River Seine in 1970—lends a further note of poignancy to the work’s inscription.
This lucid intermingling of references is demonstrated elsewhere in Die Erdzeitalter (Ages of the Earth), which alludes to the synergy between art-making and geological processes. In the centre of the work, a pile of stacked canvases calls to mind a stratified rockface, surrounded by fragments of text that invoke the slippage of time and natural substances. The upper portion features the phrase ‘Dein und mein Alter und das Alter der Welt’ (‘Your age and my age and the age of the world’), which stems from the poem ‘Der Spiel ist aus’ (‘The Game is Over’) by Celan’s lover Ingeborg Bachmann. The line, which recurs throughout Kiefer’s oeuvre, is used in the poem to express the futility of measuring or codifying time: ‘On guard in the gypsy camp, on guard in the desert camp, the sand streams from our hair, your age and my age and the age of the world cannot be measured in years.’ This collapsing of temporal and material dimensions serves as an allegory of sorts for Kiefer’s own art, in which the past, the present, the earthly and the spiritual are repeatedly brought into alignment. The work prefigures the large-scale site-specific installation of the same title that Kiefer created for his retrospective at the Royal Academy of Arts, London, in 2014.
The monolithic structure at the centre of Die Erdzeitalter also invokes the Tower of Babel: another of Kiefer’s recurrent motifs. In Genesis, the Tower was designed as a structure tall enough to bridge the gap between heaven and earth, before God intervened, scattering the people and confounding their speech: the narrative purports to account for the existence of multiple languages across the world. The passage between mortal and divine realms lies at the heart of Kiefer’s practice, infusing multiple strands of his imagery. The iconography of towers, in particular, would come to play an important role in his later work, most notably his monumental installation The Seven Heavenly Palaces conceived for the opening of Pirelli HangarBicocca in 2004. The project was based on the palaces described in the ancient Hebrew text known as the ‘Sefer Hechalot’, which describes the spiritual path one must follow in order to become closer to God. Constructed from concrete, and interspersed with wedges of lead, Kiefer’s vast, totemic structures seem to point towards the heavens, their forms teetering as if poised on the brink of collapse. The artist created a similar set of sculptures at his studio complex in Barjac, which inhabit the countryside like ancient ruins: set among the European landscape, they are also hauntingly evocative of bombed city skylines in the wake of the Second World War. Images of the towers feature in the artist’s book in the present collection, dramatically illuminated in black and white.
Of all Kiefer’s materials, lead remains perhaps his most potent source of inspiration. Its variant qualities—alchemical, medical, industrial, shamanistic—speak directly to the metamorphic ambition of his practice, where meaning and allegory shift in and out of focus. The medium is granted a particularly prominent role in the sculpture La poétesse de l’Antiquité (The Poet of Antiquity), whose plaster body is topped with a pile of open lead books. The work belongs to Kiefer’s series Die Frauen der Antike (Women of Antiquity) which he began in 1999, based on female characters from mythology. The artist believed that the strength and intellectual prowess of many of these women resulted in unfair treatment by the male poets and historians charged with relating their stories. In the series, each woman’s head is replaced by a symbol of her attributes: the lead book present here has been a feature of Kiefer’s art since the 1970s, conceived as a battery that stores knowledge and protects it from decay. The theme of female power, incidentally, recurs in the photograph Sans titre (Vestale), whose imagery relates to the Vestal Virgins of ancient Rome. These women were the priestesses of Vesta—the goddess of the hearth—who collectively cultivated the sacred fire and devoted themselves to the study of rituals that were forbidden to their male counterparts.
‘I believe above all that I wanted to build the palace of my memory,’ said Kiefer, ‘because my memory is my only homeland’ (A. Kiefer, quoted in interview with P. Dagen, ‘Pour survivre, je crée un sens, et c’est mon art’, Le Monde, 4 August 2005). Though speaking at the time of his studio in Barjac, it is a statement that illuminates his practice as a whole. In his hands, the myths, legends and stories that permeate collective consciousness intersect with real world events, shedding light on one another in the process. The substances that make up the very foundations of the earth become dematerialised, reborn as ciphers to other realms. Reality, memory and fantasy merge and collide, forcing us to question how events and narratives are shaped over time. As the present collection demonstrates, Kiefer seeks to visualise how we as humans process our own actions, construct our identities and organise our beliefs. Art, for him—like science, language or religion—is ultimately a vehicle through which we might eventually come to understand ourselves.
“To survive, I create meaning, and this is my art. I create it where horizontal and vertical lines intersect while traveling through space: historical lines, geological lines, astral lines. I must be where they meet, where they touch. […] And I claim that the artist makes them visible, in a small way.” Anselm Kiefer
DAS EINZIGE LICHT
Die Lampen des Schreckens sind hell, auch im Sturm.
Am Kiel der laubigen Kähne nahen sie kühl deiner Stirn;
du wünschst, sie zerschellten an dir, denn sind sie nicht Glas?
Du horst auch schon triefen die Milch, daß du trinkst aus den Scherben
den Saft, den im Schlaf du geschlürft aus den Spiegeln des Winters:
es ward dir das Herz voller Flocken, es hing dir das Aug voller Eis,
die Locke quoll dir von Meerschaum, sie warfen mit Vögeln nach dir ...
Dein Haus ritt die finstere Welle, doch barg es ein Rosengeschlecht;
als Arche verließ es die Straße, so wardst du gerettet ins Unheil:
O weiße Giebel des Todes – ihr Dorf wie um Weihnacht!
O Schlittenflug durch die Luft – doch du kehrtest zurück,
erklommst als ein Knabe den Baum, dort hältst du nun Ausschau:
es schwimmt jene Arche noch nah, doch füllen die Rosen sie ganz,
doch eilen die Kähne heran mit den flackernden Lampen des Schreckens:
vielleicht, daß die Schläfe dir birst, dann springt ihre Landschaft an Land,
dann schlägt sie die Zelte hier auf, dann wölbt sich dein Schädel zu Himmeln –
es quilt dir die Locke von Meerschaum, es hängt dir voll Flocken das Herz.
In: Paul Celan, Die Gedichte, Neue kommentierte Gesamtausgabe, hrsg. / edited by Barbara Wiedemenn, Suhrkamp, Berlin 2020, Seite / page 21/22
Entstehungsdatum unbekannt / date unknown
« L'art est un désir. Vous n'arrivez jamais, mais vous continuez dans l'espoir que vous aboutirez ». Anselm Kiefer
"Art is longing. You never arrive, but you keep going in the hope that you will." Anselm Kiefer
Né en Allemagne pendant les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, Anselm Kiefer a grandi dans un monde meurtri et traumatisé. Bien qu'il ne garde lui-même aucun souvenir de la guerre, ses répercussions ont été profondément ressenties dans toute sa patrie et ont continué à résonner pendant de nombreuses décennies. En tant qu'artiste, Kiefer se consacrera plus tard à la mise en scène du phénomène de la mémoire collective, encapsulant des allusions historiques, religieuses, politiques, mythologiques, cosmogoniques, philosophiques et littéraires dans des visions complexes et alchimiques. Utilisant des matériaux bruts et tactiles – allant du plomb, du verre et du béton à la paille, en passant par des cendres et des racines d'arbres –, il a créé une vaste œuvre cyclique qui passe sans transition de la peinture à la sculpture, de la photographie à l'installation, de la gravure au dessin et à l’écriture. Dans la confluence des matériaux, des thèmes, des cultures et des temporalités, Kiefer donne forme aux processus chaotiques par lesquels nous tentons de nous confronter au passé, imprégnant ses œuvres de texture et de symbolisme. À la fois physique et métaphysique, la profondeur, l'étendue et l'ambition de sa pratique le placent aujourd'hui parmi les plus grands poètes visuels des XXème et XXIème siècles.
Kiefer est né le 8 mars 1945 à Donaueschingen, dans le Baden-Württemberg, et a passé ses premières années plongé dans les conséquences dévastatrices des bombardements de la ville pendant la guerre. En 1951, il a déménagé à Ottersdorf avec sa famille, où il est allé à l'école de Rastatt. Dès son plus jeune âge, Kiefer semblait destiné à devenir un artiste : son père était professeur d'art et avait prophétiquement nommé son fils d'après le peintre allemand du XIXème siècle Anselm Feuerbach. Après trois semestres d'études de droit et de langues romanes à l'université, Kiefer revient à son rêve d'enfant en s'inscrivant à l'École des beaux-arts de Freiburg-im-Breisgau, puis à l'Académie des beaux-arts de Karlsruhe, où il étudie avec Peter Dreher. Pendant cette période, Kiefer voyage à travers l'Europe, où il commence à travailler à sa première grande série, intitulée Occupations (1969). Ces photographies mises en scène représentaient l'artiste dans différents sites occupés par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, portant l'uniforme de la Wehrmacht de son père et imitant le salut Sieg Heil de manière subversive. Leur confrontation audacieuse, ironique et implacable avec le passé récent a donné le ton aux travaux ultérieurs de Kiefer, posant des questions pertinentes sur la manière dont l'Allemagne était censée assumer son identité au lendemain de la tragédie.
En 1970, Kiefer commence des études à la Staatliche Kunstakademie de Düsseldorf, où il se lie d'amitié avec l'artiste Joseph Beuys, qui est devenu pour lui une sorte de mentor informel, l'encourageant à s'intéresser à l'histoire de l'Allemagne et l'incitant à se consacrer à la peinture. Au cours de cette période, Kiefer réalise ses premiers paysages grand format, tissant des symboles, des matériaux et des références culturelles en couches denses et texturées. Outre son amitié avec Beuys, il fait également la connaissance de Georg Baselitz, qui lui achète en 1973 plusieurs de ses œuvres de la série d'expositions 14 mal 14 à la Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden. Ensemble, ces artistes seront associés à l'essor du néo-expressionnisme et exposeront ensemble à la Biennale de Venise de 1980, ce qui propulsera Kiefer et l'art allemand contemporain sur le devant de la scène internationale. Au cours des années suivantes, l'artiste a commencé à voyager abondamment, visitant Israël, l'Égypte, le Yémen, l'Inde, l'Amérique centrale et d'autres pays dont les traditions, l'histoire et l'architecture allaient progressivement alimenter son imagerie. En 1992, Kiefer s'installe dans une usine de soie abandonnée à Barjac, dans le sud de la France, qu'il transforme progressivement en un Gesamtkunstwerk : un réseau d'ateliers, d'installations et de structures conçu comme une œuvre d'art totale et vivante. Depuis 2008, il vit et travaille à Paris.
La présente sélection d'œuvres regroupe certains des concepts et techniques les plus fondamentaux dans l'œuvre de Kiefer. L'imbrication du paysage et de la littérature trouve une expression éloquente dans für Paul Celan (pour Paul Celan), dédié au poète juif roumain qui a inspiré une grande partie de l'œuvre de Kiefer. Un vers de ce poème « Das einzige Licht » (« L’unique lumière ») plane dans un ciel sombre au-dessus d'un vaste champ désolé : « Als Arche verliess es die Strasse, so wardst Du gerettet ins Unheil » (« Quand elle [ta maison] a quitté la route comme une arche, tu as été sauvé, emmené dans le malheur. ») La présente œuvre, qui fait partie d'une série plus vaste sur ce thème, canalise l'imagerie du poème dans une vision apocalyptique de terre aride et de branches flétries, devant laquelle se trouve un navire semblable à un radeau qui fait saillie en trois dimensions. Les paysages de Kiefer subvertissent le romantisme grandiose et héroïque d'artistes tels que Caspar David Friedrich, pour qui le sol allemand n'avait pas encore été souillé par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Ici, la référence à l'Arche de Noé joue sur ce symbolisme, suggérant le besoin de salut en provenance d'une terre désolée. Les écrits de Celan, qui s'inspirent de son expérience de l'Holocauste et de la mort de ses parents dans un camp de concentration, ont hanté Kiefer tout au long de sa carrière, lui offrant un modèle pour affronter les tragédies au-delà des limites du langage. Les circonstances du suicide de Celan, qui s'est jeté dans la Seine en 1970, confèrent une note particulièrement poignante à cette œuvre.
Ce mélange lucide de références est démontré ailleurs dans Die Erdzeitalter (Les âges de la Terre), qui fait allusion à la synergie entre la création artistique et les processus géologiques. Au centre de l'œuvre, un tas de toiles empilées les unes sur les autres évoque une paroi rocheuse stratifiée, entourée de fragments de texte qui évoquent le glissement du temps et des substances naturelles. La partie supérieure comporte le vers « Dein und mein Alter und das Alter der Welt » (« Ton âge, mon âge et l'âge du monde »), tirée du poème « Der Spiel ist aus » (« Le jeu est terminé ») d'Ingeborg Bachmann, l'amante de Celan. Ce vers, récurrent dans toute l'œuvre de Kiefer, est utilisé dans le poème pour exprimer la futilité de la mesure ou de la codification du temps : « En garde dans le camp des gitans, en garde dans le camp du désert, le sable ruisselle de nos cheveux, ton âge et mon âge et l'âge du monde ne peuvent être mesurés en années. » Cet effondrement des dimensions temporelles et matérielles sert en quelque sorte d'allégorie à l'art de Kiefer, dans lequel le passé, le présent, le terrestre et le spirituel sont sans cesse alignés les uns avec les autres. L'œuvre préfigure l'installation grand format du même nom que Kiefer a créée pour sa rétrospective à la Royal Academy of Arts de Londres en 2014.
La structure monolithique au centre de Die Erdzeitalter évoque également la tour de Babel, un autre motif récurrent dans l'œuvre de Kiefer. Dans Genesis, la Tour a été conçue comme une structure suffisamment haute pour combler le fossé entre le ciel et la terre, avant que Dieu n'intervienne, dispersant les hommes et confondant leur discours : le récit prétend expliquer l'existence de différentes langues dans le monde. Le passage entre les royaumes mortels et divins est au cœur de la pratique de Kiefer, infusant de multiples facettes de son imagerie. L'iconographie des tours jouera un rôle important dans ses travaux ultérieurs, notamment dans son installation monumentale The Seven Heavenly Palaces (Les sept palais célestes) conçue pour l'inauguration du lieu d’exposition milanais Pirelli HangarBicocca en 2004. Le projet s'inspire des palais décrits dans l'ancien texte hébreu connu sous le nom de Sefer Hechalot, qui décrit le chemin spirituel à suivre pour se rapprocher de Dieu. Construites en béton et parsemées de morceaux de plomb, les vastes structures totémiques de Kiefer semblent pointer vers les cieux, leurs formes vacillant comme si elles étaient sur le point de s'effondrer. L'artiste a créé un ensemble similaire de sculptures dans son atelier de Barjac, qui habitent la campagne comme des ruines antiques : elles s'inscrivent dans le paysage européen, mais évoquent aussi de manière obsédante le ciel des villes bombardées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Des images des tours figurent dans le livre d'artiste de la présente collection, dramatiquement éclairées en noir et blanc.
De tous les matériaux utilisés par Kiefer, le plomb a peut-être été sa source d'inspiration la plus puissante. Ses différentes qualités – chimiques, médicales, industrielles, chamaniques – renvoient directement à l'ambition métamorphique de sa pratique, où le sens et l'allégorie passent de l'un à l'autre. Le médium se voit accorder un rôle particulièrement important dans la sculpture La poétesse de l'Antiquité, dont le corps en plâtre est surmonté d'une pile de livres ouverts en plomb. Cette œuvre fait partie de la série Die Frauen der Antike (Les femmes de l'Antiquité) que Kiefer a entamée en 1999 et qui s'inspire de personnages féminins de la mythologie. L'artiste estimait que la force et les prouesses intellectuelles de nombre de ces femmes leur valaient un traitement injuste de la part des poètes et historiens masculins chargés de relater leurs histoires. Dans cette série, la tête de chaque femme est remplacée par un symbole de ses attributs : le livre en plomb présent ici est une caractéristique de l'art de Kiefer depuis les années 1970, conçu comme une batterie qui stocke le savoir et le protège de la dégradation. Le thème du pouvoir féminin est d'ailleurs récurrent dans la photographie Sans titre (Vestale), dont l'imagerie fait référence aux vierges vestales de la Rome antique. Ces femmes étaient les prêtresses de Vesta – la déesse du foyer – qui cultivaient collectivement le feu sacré et se consacraient à l'étude de rituels interdits à leurs homologues masculins.
« Je crois surtout que j'ai voulu construire le palais de ma mémoire », disait Kiefer, « car ma mémoire est ma seule patrie " (A. Kiefer, cité dans un entretien avec P. Dagen, « Pour survivre, je crée un sens, et c'est mon art » , Le Monde, 4 août 2005). Bien que s'exprimant à l'époque de son atelier à Barjac, cette déclaration éclaire l'ensemble de son œuvre. Dans ses mains, les mythes, légendes et histoires qui imprègnent la conscience collective s’enchevêtrent avec les événements du monde réel, s'éclairant au passage mutuellement les uns les autres. Les substances qui constituent les fondations mêmes de la terre se dématérialisent, renaissent sous forme de chiffres dans d'autres royaumes. La réalité, la mémoire et l'imagination se mêlent et se heurtent, nous obligeant à nous interroger sur la manière dont les événements et les récits sont façonnés au fil du temps. Comme le montre la présente collection, Kiefer cherche à visualiser la manière dont les êtres humains traitent leurs propres actions, construisent leurs identités et organisent leurs croyances. Pour lui, l'art, à l'instar de la science, du langage ou de la religion, est en fin de compte un véhicule qui nous permet de nous comprendre nous-mêmes.
Born in Germany during the final few months of the Second World War, Anselm Kiefer came of age in a broken, traumatised world. Though he himself had no recollection of the conflict, its repercussions were felt deeply throughout his homeland, and continued to resound for many decades to come. As an artist, Kiefer would devote himself to dramatising the phenomenon of collective memory, weaving together history, religion, politics, mythology, cosmogony, philosophy and literature in complex, alchemical visions. Using raw, tactile media—from lead, glass and concrete to straw, ash and tree roots—he has created a vast cyclical oeuvre that moves seamlessly between painting, sculpture, photography, installation, printmaking, drawing and books. In the confluence of materials, themes, cultures and temporalities, Kiefer gives form to the chaotic processes through which we attempt to confront the past, lacing his works with texture and symbolism. At once physical and metaphysical in its scope, the depth, range and ambition of his practice positions him today among the greatest visual poets of the twentieth and twenty-first centuries.
Kiefer was born on 8 March 1945 in Donaueschingen, Baden-Württembürg, and spent his early years surrounded by the devastating aftermath of the town’s wartime bombing. In 1951, he moved to Ottersdorf with his family, where he attended school in Rastatt. From a young age, Kiefer seemed destined to become an artist: his father was an art teacher, and had prophetically named his son after the nineteenth-century German painter Anselm Feuerbach. After three semesters studying law and Romance languages at university, Kiefer reverted to his childhood dream, enrolling in the School of Fine Arts at Freiburg-im-Breisgau and subsequently the Academy of Fine Arts in Karlsruhe, where he studied with Peter Dreher. During this period, Kiefer travelled throughout Europe, where he began work for his first major series entitled Occupations (1969). These staged photographs depicted the artist at various sites occupied by Germany during the Second World War, wearing his father’s Wehrmacht uniform and subversively imitating the Sieg Heil salute. Their bold, ironic and unflinching confrontation with the recent past set the tone for Kiefer’s subsequent oeuvre, asking pertinent questions about how Germany should come to terms with its identity in the wake of tragedy.
In 1970, Kiefer began studies at the Staatliche Kunstakademie in Düsseldorf. There, he befriended the artist Joseph Beuys, who became something of an informal mentor to him, encouraging his engagement with Germany’s history and prompting him to pursue painting. During this period, Kiefer produced his first large-scale landscapes, weaving together symbols, materials and cultural references in dense, textured layers. Alongside his friendship with Beuys, he also became closely acquainted with Georg Baselitz, who purchased a number of his works in 1973 from the exhibition series 14 mal 14 at the Staatliche Kunsthalle Baden-Baden. Together, these artists would become associated with the rise of Neo-Expressionism and exhibited together at the 1980 Venice Biennale: a move that would propel both Kiefer and contemporary German art to greater international prominence. In the following years, the artist began to travel widely, visiting Israel, Egypt, Yemen, India, Central America and other countries whose traditions, histories and architecture would gradually feed into his imagery. In 1992, Kiefer took up residence in an abandoned silk factory in Barjac in the South of France, which he gradually transformed into a Gesamtkunstwerk: a network of studios, installations and structures conceived as a total, living artwork. Since 2008 he has lived and worked in Paris.
The present selection of works encapsulates some of the most important concepts and techniques that have come to define Kiefer’s oeuvre. The entwinement of landscape and literature finds eloquent expression in für Paul Celan (for Paul Celan), dedicated to the Romanian Jewish poet who inspired much of Kiefer’s oeuvre. A line from his poem ‘Das einzige Licht’ (‘The unique light’) hovers in a dark sky above a sprawling, barren field: ‘Als Arche veriliess es die Strasse, so wurdest Du gerettet ins Unheil’ (‘When it [your house] left the road as an ark, you were saved from disaster’). The present work, part of a larger series on the theme, channels the poem’s imagery into an apocalyptic vision of arid land and withered branches, fronted by a raft-like vessel that protrudes into three dimensions. Kiefer’s landscapes subvert the grand, heroic Romanticism of artists such as Caspar David Friedrich, for whom the German soil had not yet been tainted by the horrors of the Second World War. Here, the work’s reference to Noah’s Ark plays into this symbolism, suggesting the need for salvation from a desolate wasteland. Celan’s writings, which drew upon his experience of the Holocaust and his parents’ death in a concentration camp, haunted Kiefer throughout his practice, offering a model for how to confront tragedies beyond the limits of language. The circumstances of Celan’s own suicide—he drowned himself in the River Seine in 1970—lends a further note of poignancy to the work’s inscription.
This lucid intermingling of references is demonstrated elsewhere in Die Erdzeitalter (Ages of the Earth), which alludes to the synergy between art-making and geological processes. In the centre of the work, a pile of stacked canvases calls to mind a stratified rockface, surrounded by fragments of text that invoke the slippage of time and natural substances. The upper portion features the phrase ‘Dein und mein Alter und das Alter der Welt’ (‘Your age and my age and the age of the world’), which stems from the poem ‘Der Spiel ist aus’ (‘The Game is Over’) by Celan’s lover Ingeborg Bachmann. The line, which recurs throughout Kiefer’s oeuvre, is used in the poem to express the futility of measuring or codifying time: ‘On guard in the gypsy camp, on guard in the desert camp, the sand streams from our hair, your age and my age and the age of the world cannot be measured in years.’ This collapsing of temporal and material dimensions serves as an allegory of sorts for Kiefer’s own art, in which the past, the present, the earthly and the spiritual are repeatedly brought into alignment. The work prefigures the large-scale site-specific installation of the same title that Kiefer created for his retrospective at the Royal Academy of Arts, London, in 2014.
The monolithic structure at the centre of Die Erdzeitalter also invokes the Tower of Babel: another of Kiefer’s recurrent motifs. In Genesis, the Tower was designed as a structure tall enough to bridge the gap between heaven and earth, before God intervened, scattering the people and confounding their speech: the narrative purports to account for the existence of multiple languages across the world. The passage between mortal and divine realms lies at the heart of Kiefer’s practice, infusing multiple strands of his imagery. The iconography of towers, in particular, would come to play an important role in his later work, most notably his monumental installation The Seven Heavenly Palaces conceived for the opening of Pirelli HangarBicocca in 2004. The project was based on the palaces described in the ancient Hebrew text known as the ‘Sefer Hechalot’, which describes the spiritual path one must follow in order to become closer to God. Constructed from concrete, and interspersed with wedges of lead, Kiefer’s vast, totemic structures seem to point towards the heavens, their forms teetering as if poised on the brink of collapse. The artist created a similar set of sculptures at his studio complex in Barjac, which inhabit the countryside like ancient ruins: set among the European landscape, they are also hauntingly evocative of bombed city skylines in the wake of the Second World War. Images of the towers feature in the artist’s book in the present collection, dramatically illuminated in black and white.
Of all Kiefer’s materials, lead remains perhaps his most potent source of inspiration. Its variant qualities—alchemical, medical, industrial, shamanistic—speak directly to the metamorphic ambition of his practice, where meaning and allegory shift in and out of focus. The medium is granted a particularly prominent role in the sculpture La poétesse de l’Antiquité (The Poet of Antiquity), whose plaster body is topped with a pile of open lead books. The work belongs to Kiefer’s series Die Frauen der Antike (Women of Antiquity) which he began in 1999, based on female characters from mythology. The artist believed that the strength and intellectual prowess of many of these women resulted in unfair treatment by the male poets and historians charged with relating their stories. In the series, each woman’s head is replaced by a symbol of her attributes: the lead book present here has been a feature of Kiefer’s art since the 1970s, conceived as a battery that stores knowledge and protects it from decay. The theme of female power, incidentally, recurs in the photograph Sans titre (Vestale), whose imagery relates to the Vestal Virgins of ancient Rome. These women were the priestesses of Vesta—the goddess of the hearth—who collectively cultivated the sacred fire and devoted themselves to the study of rituals that were forbidden to their male counterparts.
‘I believe above all that I wanted to build the palace of my memory,’ said Kiefer, ‘because my memory is my only homeland’ (A. Kiefer, quoted in interview with P. Dagen, ‘Pour survivre, je crée un sens, et c’est mon art’, Le Monde, 4 August 2005). Though speaking at the time of his studio in Barjac, it is a statement that illuminates his practice as a whole. In his hands, the myths, legends and stories that permeate collective consciousness intersect with real world events, shedding light on one another in the process. The substances that make up the very foundations of the earth become dematerialised, reborn as ciphers to other realms. Reality, memory and fantasy merge and collide, forcing us to question how events and narratives are shaped over time. As the present collection demonstrates, Kiefer seeks to visualise how we as humans process our own actions, construct our identities and organise our beliefs. Art, for him—like science, language or religion—is ultimately a vehicle through which we might eventually come to understand ourselves.