Lot Essay
« Pourquoi ne pas vider ce réceptacle ? Pourquoi ne pas libérer cette surface ? Pourquoi ne pas chercher à découvrir le sens illimité de l’espace total, de la lumière pure et absolue ? »
- Piero Manzoni
Composée de douze carrés de coton blanc disposés en un treillis frémissant, la présente œuvre est issue de la série radicale Achromes qui a occupé Piero Manzoni de 1957 jusqu’à sa mort prématurée en 1963. Dépourvues de toute couleur, image et narration, ces œuvres ont innové dans la quête visant à libérer l’art de la représentation au cours de la période d’après-guerre, en brisant les frontières entre la peinture et la sculpture et en redéfinissant le plan pictural comme une entité autonome et autodéfinie. La présente œuvre appartient à un sous-groupe distinct d’Achromes datant de 1960, dont chaque pièce est composée de carrés de coton. Dans le prolongement de ses premières œuvres, réalisées en trempant des toiles dans du kaolin, Manzoni a commencé à expérimenter des matières banales et manufacturées qui, outre la ouate, comprenaient la fibre de verre, le feutre, des petits pains et le polystyrène. Dans chaque œuvre, la matière elle-même est dépouillée de tout contexte et de toute signification, existant comme une pure manifestation de texture, de forme et d’absence de couleur. Avec les Tagli de Lucio Fontana et les Superfici d’Enrico Castellani, ces œuvres auront un impact direct sur l’évolution du minimalisme au cours des années 1960, proposant une nouvelle existence objective pour l’art.
Peintre autodidacte, Manzoni a commencé sa carrière en réalisant des œuvres gestuelles et abstraites avant de commencer à remettre en question la nature et la finalité des formes d’art traditionnelles.Comme il l’écrit dans son essai « Free Dimension », publié en 1960 dans la revue Azimuth qu’il a fondée l’année précédente avec Castellani, son objectif est de rendre « une surface complètement blanche (intégralement incolore et neutre) bien au-delà de tout phénomène pictural ou de toute intervention étrangère à la valeur de la surface ». Un blanc qui n’est pas un paysage polaire, pas une matière en évolution ou une belle matière, pas une sensation ou un symbole ou quoi que ce soit d’autre : juste une surface blanche qui est simplement une surface blanche et rien d’autre (une surface incolore qui est simplement une surface incolore). Et mieux encore : une surface qui consiste simplement à être (être complet et devenir pur) » (P. Manzoni, « Free Dimension », Azimuth, n° 2, 1960, n.p.).
Les carrés de coton de Manzoni suivent un autre sous-groupe d'Achromes, composé de carrés de toile cousus de façon similaire en grilles (composées d'un nombre variable de carrés). Il utilisera ensuite le coton, ainsi que d’autres fibres artificielles et naturelles, dans différentes compositions comprenant des rangées de boules froissées et des enchevêtrements chaotiques. En combinant une matière en apparence banale et utilitaire avec la rigueur de la grille - l’archétype moderniste par excellence - Manzoni annule effectivement les implications des deux. L’œuvre n’est ni fonctionnelle ni logique, elle n’est ni substance ni structure. Au lieu de cela, elle devient une entité indépendante qui existe en dehors des paramètres de la connaissance et de l’expérience humaines : une tabula rasa, voire un « point zéro ». En cela, la présente œuvre est l’expression de la quête ultime de Manzoni : « des images aussi absolues que possible, qui ne peuvent être appréciées pour ce qu’elles enregistrent, expliquent et expriment, mais uniquement pour ce qu’elles sont : l’être » (P. Manzoni, « For the Discovery of a Zone of Images », 1957, reproduit dans Piero Manzoni : Paintings, Reliefs & Objects, exh. cat. Tate Gallery, Londres 1974, p. 17).
Why shouldn’t this receptacle be emptied? Why shouldn’t this surface be freed? Why not seek to discover the unlimited meaning of total space, of pure and absolute light?’
- Piero Manzoni
Consisting of twelve white cotton squares arranged into a quivering grid, the present work stems from the radical series of Achromes that occupied Piero Manzoni from 1957 until his untimely death in 1963. Drained of all colour, image and narrative, these works broke new ground in the quest to free art from representation during the post-war period, shattering the boundaries between painting and sculpture and reconceiving the picture plane as an autonomous, self-defining entity. The present work belongs to a distinct subgroup of Achromes created in 1960, each composed of cotton wool squares. Following on from his early works, created by dipping canvas in kaolin, Manzoni had begun to experiment with banal, manufactured substances that—alongside cotton wool—included fibreglass, felt, bread rolls and polystyrene. In each, the material itself is stripped of all context and meaning, existing as a pure manifestation of texture, form and colourlessness. Along with Lucio Fontana’s Tagli and Enrico Castellani’s Superfici, these works would have a direct impact on the evolution of Minimalism during the 1960s, proposing a new, objective existence for art.
Entirely self-taught as a painter, Manzoni began his career making gestural, abstract works before starting to question the nature and purpose of traditional art forms. As he wrote in his 1960 essay ‘Free Dimension’, published in the magazine Azimuth that he founded the previous year with Castellani, his goal was to render ‘a surface completely white (integrally colourless and neutral) far beyond any pictorial phenomenon or any intervention extraneous to the value of the surface. A white that is not a polar landscape, not a material in evolution or a beautiful material, not a sensation or a symbol or anything else: just a white surface that is simply a white surface and nothing else (a colourless surface that is just a colourless surface). Better than that: a surface that simply is: to be (to be complete and become pure)’ (P. Manzoni, ‘Free Dimension’, Azimuth, no. 2, 1960, n.p.).
Manzoni’s cotton wool squares directly follow another subgroup of Achromes, composed of grids of squares canvas similarly stitched into grids of twelve. He would later go on to use cotton—as well as other artificial and natural fibres—in different formations that included rows of scrunched-up balls and chaotic tangles. By combining a seemingly quotidian, utilitarian substance with the rigour of the grid—the ultimate Modernist archetype—Manzoni effectively cancels out the implications of both. The work is neither functional nor logical; it is neither substance nor structure. Instead, it becomes an independent entity that exists outside the parameters of human knowledge and experience: a tabula rasa, or a ‘ground zero’. In this, the present work exists as an expression of Manzoni’s ultimate quest: for ‘images which are as absolute as possible, which cannot be valued for what they record, explain and express, but only for that which they are: to be’ (P. Manzoni, ‘For the Discovery of a Zone of Images’, 1957, reproduced in Piero Manzoni: Paintings, Reliefs & Objects, exh. cat. Tate Gallery, London 1974, p. 17).
- Piero Manzoni
Composée de douze carrés de coton blanc disposés en un treillis frémissant, la présente œuvre est issue de la série radicale Achromes qui a occupé Piero Manzoni de 1957 jusqu’à sa mort prématurée en 1963. Dépourvues de toute couleur, image et narration, ces œuvres ont innové dans la quête visant à libérer l’art de la représentation au cours de la période d’après-guerre, en brisant les frontières entre la peinture et la sculpture et en redéfinissant le plan pictural comme une entité autonome et autodéfinie. La présente œuvre appartient à un sous-groupe distinct d’Achromes datant de 1960, dont chaque pièce est composée de carrés de coton. Dans le prolongement de ses premières œuvres, réalisées en trempant des toiles dans du kaolin, Manzoni a commencé à expérimenter des matières banales et manufacturées qui, outre la ouate, comprenaient la fibre de verre, le feutre, des petits pains et le polystyrène. Dans chaque œuvre, la matière elle-même est dépouillée de tout contexte et de toute signification, existant comme une pure manifestation de texture, de forme et d’absence de couleur. Avec les Tagli de Lucio Fontana et les Superfici d’Enrico Castellani, ces œuvres auront un impact direct sur l’évolution du minimalisme au cours des années 1960, proposant une nouvelle existence objective pour l’art.
Peintre autodidacte, Manzoni a commencé sa carrière en réalisant des œuvres gestuelles et abstraites avant de commencer à remettre en question la nature et la finalité des formes d’art traditionnelles.Comme il l’écrit dans son essai « Free Dimension », publié en 1960 dans la revue Azimuth qu’il a fondée l’année précédente avec Castellani, son objectif est de rendre « une surface complètement blanche (intégralement incolore et neutre) bien au-delà de tout phénomène pictural ou de toute intervention étrangère à la valeur de la surface ». Un blanc qui n’est pas un paysage polaire, pas une matière en évolution ou une belle matière, pas une sensation ou un symbole ou quoi que ce soit d’autre : juste une surface blanche qui est simplement une surface blanche et rien d’autre (une surface incolore qui est simplement une surface incolore). Et mieux encore : une surface qui consiste simplement à être (être complet et devenir pur) » (P. Manzoni, « Free Dimension », Azimuth, n° 2, 1960, n.p.).
Les carrés de coton de Manzoni suivent un autre sous-groupe d'Achromes, composé de carrés de toile cousus de façon similaire en grilles (composées d'un nombre variable de carrés). Il utilisera ensuite le coton, ainsi que d’autres fibres artificielles et naturelles, dans différentes compositions comprenant des rangées de boules froissées et des enchevêtrements chaotiques. En combinant une matière en apparence banale et utilitaire avec la rigueur de la grille - l’archétype moderniste par excellence - Manzoni annule effectivement les implications des deux. L’œuvre n’est ni fonctionnelle ni logique, elle n’est ni substance ni structure. Au lieu de cela, elle devient une entité indépendante qui existe en dehors des paramètres de la connaissance et de l’expérience humaines : une tabula rasa, voire un « point zéro ». En cela, la présente œuvre est l’expression de la quête ultime de Manzoni : « des images aussi absolues que possible, qui ne peuvent être appréciées pour ce qu’elles enregistrent, expliquent et expriment, mais uniquement pour ce qu’elles sont : l’être » (P. Manzoni, « For the Discovery of a Zone of Images », 1957, reproduit dans Piero Manzoni : Paintings, Reliefs & Objects, exh. cat. Tate Gallery, Londres 1974, p. 17).
Why shouldn’t this receptacle be emptied? Why shouldn’t this surface be freed? Why not seek to discover the unlimited meaning of total space, of pure and absolute light?’
- Piero Manzoni
Consisting of twelve white cotton squares arranged into a quivering grid, the present work stems from the radical series of Achromes that occupied Piero Manzoni from 1957 until his untimely death in 1963. Drained of all colour, image and narrative, these works broke new ground in the quest to free art from representation during the post-war period, shattering the boundaries between painting and sculpture and reconceiving the picture plane as an autonomous, self-defining entity. The present work belongs to a distinct subgroup of Achromes created in 1960, each composed of cotton wool squares. Following on from his early works, created by dipping canvas in kaolin, Manzoni had begun to experiment with banal, manufactured substances that—alongside cotton wool—included fibreglass, felt, bread rolls and polystyrene. In each, the material itself is stripped of all context and meaning, existing as a pure manifestation of texture, form and colourlessness. Along with Lucio Fontana’s Tagli and Enrico Castellani’s Superfici, these works would have a direct impact on the evolution of Minimalism during the 1960s, proposing a new, objective existence for art.
Entirely self-taught as a painter, Manzoni began his career making gestural, abstract works before starting to question the nature and purpose of traditional art forms. As he wrote in his 1960 essay ‘Free Dimension’, published in the magazine Azimuth that he founded the previous year with Castellani, his goal was to render ‘a surface completely white (integrally colourless and neutral) far beyond any pictorial phenomenon or any intervention extraneous to the value of the surface. A white that is not a polar landscape, not a material in evolution or a beautiful material, not a sensation or a symbol or anything else: just a white surface that is simply a white surface and nothing else (a colourless surface that is just a colourless surface). Better than that: a surface that simply is: to be (to be complete and become pure)’ (P. Manzoni, ‘Free Dimension’, Azimuth, no. 2, 1960, n.p.).
Manzoni’s cotton wool squares directly follow another subgroup of Achromes, composed of grids of squares canvas similarly stitched into grids of twelve. He would later go on to use cotton—as well as other artificial and natural fibres—in different formations that included rows of scrunched-up balls and chaotic tangles. By combining a seemingly quotidian, utilitarian substance with the rigour of the grid—the ultimate Modernist archetype—Manzoni effectively cancels out the implications of both. The work is neither functional nor logical; it is neither substance nor structure. Instead, it becomes an independent entity that exists outside the parameters of human knowledge and experience: a tabula rasa, or a ‘ground zero’. In this, the present work exists as an expression of Manzoni’s ultimate quest: for ‘images which are as absolute as possible, which cannot be valued for what they record, explain and express, but only for that which they are: to be’ (P. Manzoni, ‘For the Discovery of a Zone of Images’, 1957, reproduced in Piero Manzoni: Paintings, Reliefs & Objects, exh. cat. Tate Gallery, London 1974, p. 17).