Lot Essay
« Je considère que ma peinture ne devient de l’art qu’à partir du moment où elle est vue, où elle est regardée par d’autres et où elle est comme une œuvre d’art, c’est-à-dire comme une chose que d’autres regardent et vivent à leur manière ». - Pierre Soulages
“I consider that my painting only becomes art when it is seen, when it is looked at by others and when it is like a work of art, that is to say, as something that others look at and experience in their own way.” - Pierre Soulages
Spectaculaire par son format et par la maestria de sa composition, conservée depuis trente ans dans une collection privée française, Peinture 222 x 222 cm, 25 mars 1990 donne à voir de façon éclatante l’apport majeur de Pierre Soulages à l’histoire de l’art de ces quarante dernières années. Tout avait pourtant commencé par un moment d’inattention, presque un échec : en janvier 1979, l’artiste est au travail et, malgré lui, recouvre de noir l’intégralité de la toile qui lui fait face. Il n’y a plus de jeu de contraste avec une autre couleur, ni d’effets de transparences ou de profondeur comme c’était le cas pour les œuvres des décennies précédentes. Tout est noir, seulement noir. L’artiste a soixante ans cette année-là, son travail jouit d’une autorité solidement établie, tant auprès des institutions internationales que du marché, et pourtant il vient de donner un tournant décisif à son œuvre. Ces toiles intégralement noires, où seules comptent la matière et la façon dont vient s’y réfléchir la lumière, ils les nommera outrenoir.
Comme on dit outre-Rhin ou bien outre-Atlantique, l’outrenoir invite celui qui s’y confronte à franchir une frontière, à s’aventurer dans un au-delà de la peinture. Ici, dans la pâte épaisse, à la manière d’un sculpteur, l’artiste vient creuser une myriade de sillons obliques, fait jaillir des crêtes et imprime à la brosse et la spatule toute une géologie que vient tantôt accentuer, tantôt estomper la lumière qui s’y projette. Le noir alors se fait tantôt d’une profondeur d’ébène, tantôt s’irise et devient presque blanc, laissant entre ces deux extrêmes se déployer une infinie variation de tonalités subtiles. Et selon les conditions d’éclairage et l’emplacement depuis lequel on la contemple, Peinture 222 x 222 cm, 25 mars 1990 renvoie une réalité toujours différente, se renouvelant sans cesse, laissant le regardeur face à la solitude radicale de son point de vue. Alors nous comprenons que Pierre Soulages n’est plus le peintre du noir, il est le peintre de la lumière.
Spectacular in terms of size and masterful in its composition, Peinture 222 x 222 cm, 25 mars 1990, which has been part of a French private collection for thirty years, is a striking demonstration of Pierre Soulages' major contribution to the history of art over the past forty years. However, it all began with a moment of inattention, almost a failure: in January 1979, the artist is at work and, despite himself, he covers the entire canvas in black. There is no longer any play of contrast with another colour, nor any effects of transparency or depth as was the case in the works of previous decades. Everything is black, only black. The artist is sixty years old that year, his work has a solidly established authority, both with international institutions and the art market, and yet he has just given a decisive turn to his work. These completely black canvases, where only the material and the way in which the light is reflected on them count, he calls them outrenoir.
As they say on the other side of the Channel or on the other side of the Atlantic, outrenoir invites those who confront it to cross a frontier, to venture forth into a realm beyond painting. Here, amidst the thick paste, in the manner of a sculptor, the artist digs a myriad of oblique grooves, creates ridges and imprints the brush and spatula with an entire geology that is sometimes accentuated, occasionally blurred by the light that is projected onto it. Black then sometimes becomes ebony in depth, sometimes iridescent and almost white, allowing an infinite variation of subtle tones to unfold between these two extremes. And depending on the lighting conditions and the position from which it is contemplated, Peinture 222 x 222 cm, 25 mars 1990 reflects an ever-changing reality, constantly renewing itself, leaving viewers to face the radical solitude of their point of view. Thus, we understand that Pierre Soulages is no longer the painter of black, he is the painter of light.
“I consider that my painting only becomes art when it is seen, when it is looked at by others and when it is like a work of art, that is to say, as something that others look at and experience in their own way.” - Pierre Soulages
Spectaculaire par son format et par la maestria de sa composition, conservée depuis trente ans dans une collection privée française, Peinture 222 x 222 cm, 25 mars 1990 donne à voir de façon éclatante l’apport majeur de Pierre Soulages à l’histoire de l’art de ces quarante dernières années. Tout avait pourtant commencé par un moment d’inattention, presque un échec : en janvier 1979, l’artiste est au travail et, malgré lui, recouvre de noir l’intégralité de la toile qui lui fait face. Il n’y a plus de jeu de contraste avec une autre couleur, ni d’effets de transparences ou de profondeur comme c’était le cas pour les œuvres des décennies précédentes. Tout est noir, seulement noir. L’artiste a soixante ans cette année-là, son travail jouit d’une autorité solidement établie, tant auprès des institutions internationales que du marché, et pourtant il vient de donner un tournant décisif à son œuvre. Ces toiles intégralement noires, où seules comptent la matière et la façon dont vient s’y réfléchir la lumière, ils les nommera outrenoir.
Comme on dit outre-Rhin ou bien outre-Atlantique, l’outrenoir invite celui qui s’y confronte à franchir une frontière, à s’aventurer dans un au-delà de la peinture. Ici, dans la pâte épaisse, à la manière d’un sculpteur, l’artiste vient creuser une myriade de sillons obliques, fait jaillir des crêtes et imprime à la brosse et la spatule toute une géologie que vient tantôt accentuer, tantôt estomper la lumière qui s’y projette. Le noir alors se fait tantôt d’une profondeur d’ébène, tantôt s’irise et devient presque blanc, laissant entre ces deux extrêmes se déployer une infinie variation de tonalités subtiles. Et selon les conditions d’éclairage et l’emplacement depuis lequel on la contemple, Peinture 222 x 222 cm, 25 mars 1990 renvoie une réalité toujours différente, se renouvelant sans cesse, laissant le regardeur face à la solitude radicale de son point de vue. Alors nous comprenons que Pierre Soulages n’est plus le peintre du noir, il est le peintre de la lumière.
Spectacular in terms of size and masterful in its composition, Peinture 222 x 222 cm, 25 mars 1990, which has been part of a French private collection for thirty years, is a striking demonstration of Pierre Soulages' major contribution to the history of art over the past forty years. However, it all began with a moment of inattention, almost a failure: in January 1979, the artist is at work and, despite himself, he covers the entire canvas in black. There is no longer any play of contrast with another colour, nor any effects of transparency or depth as was the case in the works of previous decades. Everything is black, only black. The artist is sixty years old that year, his work has a solidly established authority, both with international institutions and the art market, and yet he has just given a decisive turn to his work. These completely black canvases, where only the material and the way in which the light is reflected on them count, he calls them outrenoir.
As they say on the other side of the Channel or on the other side of the Atlantic, outrenoir invites those who confront it to cross a frontier, to venture forth into a realm beyond painting. Here, amidst the thick paste, in the manner of a sculptor, the artist digs a myriad of oblique grooves, creates ridges and imprints the brush and spatula with an entire geology that is sometimes accentuated, occasionally blurred by the light that is projected onto it. Black then sometimes becomes ebony in depth, sometimes iridescent and almost white, allowing an infinite variation of subtle tones to unfold between these two extremes. And depending on the lighting conditions and the position from which it is contemplated, Peinture 222 x 222 cm, 25 mars 1990 reflects an ever-changing reality, constantly renewing itself, leaving viewers to face the radical solitude of their point of view. Thus, we understand that Pierre Soulages is no longer the painter of black, he is the painter of light.