Lot Essay
Cette œuvre est répertoriée dans les archives de la Galerie Maurice Garnier.
Peint en 1986, Le Clown au chapeau jaune est tout à fait représentatif du style singulier de Bernard Buffet, dont les figures et les objets hautement stylisés, parcourus de lignes noires incisives et d'aplats de couleurs franches, font toute la particularité. Paré des attributs traditionnels du clown, le modèle affiche une expression calme mais joyeuse, une contenance à la fois pensive et affable qui tranche avec les autres portraits de farceurs de Buffet, généralement empreints d'une mélancolie palpable. La vivacité d'exécution, alliée à l'éclat orangé de l'arrière-plan, apportent d'autant plus de gaieté et de résonance à ce tableau qui vibre de son fort impact visuel. C'est en 1955 que Buffet se tourne pour la première fois vers le thème du cirque, avec une série d'œuvres habitées de clowns, d'acrobates et de trapézistes. Ces personnages aux costumes flamboyants, issus du monde a priori folâtre et léger du spectacle, se distinguent par leurs teintes sourdes et leur air grave et taciturne, très éloignés de l'attitude de ce Clown au chapeau jaune que Buffet conçoit environ trente ans plus tard. À l'heure où ces fantassins des années 1950-1960 voient le jour, la France se remet encore des secousses dévastatrices de la Seconde Guerre mondiale ; à bien des égards, les clowns tristes de Buffet viennent alors refléter les angoisses et les traumatismes de leur temps. Or dans les années 1980, le contexte est tout autre : non seulement l'Hexagone vit une période prospère avec une population jeune et dynamique portée sur l'avenir, mais la reconnaissance internationale de Buffet est à son comble au lendemain de la publication d'une monographie en deux volumes par Yann Le Pichon, parue en 1986 et couronnée du prestigieux prix Élie-Faure.
Contrairement à d'autres variations de Buffet sur ce thème, Le Clown au chapeau jaune ne révèle que le buste et le visage du modèle. Pour seul accessoire, il porte sur sa tête un petit couvre-chef couleur citron, le peintre préférant se concentrer sur son maquillage extravagant, ses traits grotesques et son irréductible nez rouge. Le regard serein, presque vide, détonne avec la fonction de cet individu censé amuser la galerie. Loin des stéréotypes du comique extraverti, cette toile nous livre une image de bouffon vulnérable et réservé ; ici, Buffet lève le masque hilare et théâtral pour exposer l'humoriste dans toute son humanité, bien qu'avec une allégresse absente de ses portraits antérieurs. Les personnages de saltimbanques ont longtemps fasciné les artistes du XXe siècle, notamment Chagall, Rouault, Toulouse-Lautrec et, surtout, Picasso. Celui-ci a volontiers représenté l'arlequin (une figure souvent perçue comme l'alter-égo de l'artiste) sous un jour contemplatif et introverti. De la même manière, la vision sans cesse renouvelée du clown que Buffet cultive au fil de ses portraits touche sans doute à quelque chose de profondément intime. Confronté à une nuée d'émotions contradictoires, ce personnage aux consonances existentielles qui évolue dans le sillage de la carrière de Buffet n'est pas sans évoquer l'identité même du peintre – en tant qu'artiste soumis, à sa façon, au feu des projecteurs.
Le Clown au chapeau jaune by French artist Bernard Buffet was executed in 1986, and emblematizes perfectly the distinctive and unmistakable style developed by Buffet characterized by highly stylised figures and objects with strong, expressive black lines and flattened, bold colours. Wearing the traditional accoutrements of a stereotypical clown, the sitter gazes with a calm yet merry, contemplative and friendly expression, different from the more distinctly melancholic expressions found in Buffet’s other clown paintings. The lively execution of the work combined with the vibrant orange background further enhance the cheerful atmosphere of the painting and offer the work a particularly strong wall-power. Buffet first turned to the subject of clowns and the circus in 1955, when he created a series of works that also featured acrobats and trapeze artists. Though a seemingly light-hearted and entertaining subject matter, these flamboyantly attired clowns and acrobats were depicted with a muted colour palette and with more solemn, melancholic expressions, different than that of Le Clown au chapeau jaune, painted almost thirty years later. At the time the 1950s/1960s clown paintings were executed, France was still recovering from the devastating effects of the Second World War. Within that context, the figures reflected and expressed the angst and trauma of the period. Whilst in the 1980s, not only was France in a bustling economic position with a highly motivated young population looking out to the future, but Buffet’s notoriety as a leading French artist on the international scene was reasserted through the publication of a two-volume monograph on his oeuvre in 1986, by Yann Le Pichon, who received the prestigious Elie Faure prize for that book.
Nonetheless, unlike other clowns in his oeuvre, Buffet opted to represent only the bust and face of his Clown au chapeau jaune. Actually the only part of the clown costume shown is his small yellow hat – Buffet focused instead on his elaborate make-up, his caricature-like facial features and the iconic red nose. Designed to entertain and amuse an onlooker, the clown’s serene and almost vacant expression seems to contrast with that role. Instead of presenting a comedic extrovert, Buffet has portrayed a vulnerable, introverted image of the clown; his theatrical and cheerful mask is dropped, exposing a more human element to the portrait of the entertainer, who is still merrier than in most of his sadder clown portraits. The figure of the harlequin or clown enthralled many early 20th-century avant-garde artists, such as Chagall, Rouault, Toulouse-Lautrec, and particularly Pablo Picasso. Picasso likewise pictured the harlequin, a character often viewed as the alter ego of the artist himself, with a decidedly introspective, contemplative quality. There is no doubt that Buffet’s insistence on this theme, his dedication to it and constant reinterpretations bought a powerfully personalized element to the clown. This evolved in tandem with his own career and progression as an artist, displaying different conflicting emotions with an intense and existential quality at times bound up with Buffet’s own identity as artist and hence, performer.
Peint en 1986, Le Clown au chapeau jaune est tout à fait représentatif du style singulier de Bernard Buffet, dont les figures et les objets hautement stylisés, parcourus de lignes noires incisives et d'aplats de couleurs franches, font toute la particularité. Paré des attributs traditionnels du clown, le modèle affiche une expression calme mais joyeuse, une contenance à la fois pensive et affable qui tranche avec les autres portraits de farceurs de Buffet, généralement empreints d'une mélancolie palpable. La vivacité d'exécution, alliée à l'éclat orangé de l'arrière-plan, apportent d'autant plus de gaieté et de résonance à ce tableau qui vibre de son fort impact visuel. C'est en 1955 que Buffet se tourne pour la première fois vers le thème du cirque, avec une série d'œuvres habitées de clowns, d'acrobates et de trapézistes. Ces personnages aux costumes flamboyants, issus du monde a priori folâtre et léger du spectacle, se distinguent par leurs teintes sourdes et leur air grave et taciturne, très éloignés de l'attitude de ce Clown au chapeau jaune que Buffet conçoit environ trente ans plus tard. À l'heure où ces fantassins des années 1950-1960 voient le jour, la France se remet encore des secousses dévastatrices de la Seconde Guerre mondiale ; à bien des égards, les clowns tristes de Buffet viennent alors refléter les angoisses et les traumatismes de leur temps. Or dans les années 1980, le contexte est tout autre : non seulement l'Hexagone vit une période prospère avec une population jeune et dynamique portée sur l'avenir, mais la reconnaissance internationale de Buffet est à son comble au lendemain de la publication d'une monographie en deux volumes par Yann Le Pichon, parue en 1986 et couronnée du prestigieux prix Élie-Faure.
Contrairement à d'autres variations de Buffet sur ce thème, Le Clown au chapeau jaune ne révèle que le buste et le visage du modèle. Pour seul accessoire, il porte sur sa tête un petit couvre-chef couleur citron, le peintre préférant se concentrer sur son maquillage extravagant, ses traits grotesques et son irréductible nez rouge. Le regard serein, presque vide, détonne avec la fonction de cet individu censé amuser la galerie. Loin des stéréotypes du comique extraverti, cette toile nous livre une image de bouffon vulnérable et réservé ; ici, Buffet lève le masque hilare et théâtral pour exposer l'humoriste dans toute son humanité, bien qu'avec une allégresse absente de ses portraits antérieurs. Les personnages de saltimbanques ont longtemps fasciné les artistes du XXe siècle, notamment Chagall, Rouault, Toulouse-Lautrec et, surtout, Picasso. Celui-ci a volontiers représenté l'arlequin (une figure souvent perçue comme l'alter-égo de l'artiste) sous un jour contemplatif et introverti. De la même manière, la vision sans cesse renouvelée du clown que Buffet cultive au fil de ses portraits touche sans doute à quelque chose de profondément intime. Confronté à une nuée d'émotions contradictoires, ce personnage aux consonances existentielles qui évolue dans le sillage de la carrière de Buffet n'est pas sans évoquer l'identité même du peintre – en tant qu'artiste soumis, à sa façon, au feu des projecteurs.
Le Clown au chapeau jaune by French artist Bernard Buffet was executed in 1986, and emblematizes perfectly the distinctive and unmistakable style developed by Buffet characterized by highly stylised figures and objects with strong, expressive black lines and flattened, bold colours. Wearing the traditional accoutrements of a stereotypical clown, the sitter gazes with a calm yet merry, contemplative and friendly expression, different from the more distinctly melancholic expressions found in Buffet’s other clown paintings. The lively execution of the work combined with the vibrant orange background further enhance the cheerful atmosphere of the painting and offer the work a particularly strong wall-power. Buffet first turned to the subject of clowns and the circus in 1955, when he created a series of works that also featured acrobats and trapeze artists. Though a seemingly light-hearted and entertaining subject matter, these flamboyantly attired clowns and acrobats were depicted with a muted colour palette and with more solemn, melancholic expressions, different than that of Le Clown au chapeau jaune, painted almost thirty years later. At the time the 1950s/1960s clown paintings were executed, France was still recovering from the devastating effects of the Second World War. Within that context, the figures reflected and expressed the angst and trauma of the period. Whilst in the 1980s, not only was France in a bustling economic position with a highly motivated young population looking out to the future, but Buffet’s notoriety as a leading French artist on the international scene was reasserted through the publication of a two-volume monograph on his oeuvre in 1986, by Yann Le Pichon, who received the prestigious Elie Faure prize for that book.
Nonetheless, unlike other clowns in his oeuvre, Buffet opted to represent only the bust and face of his Clown au chapeau jaune. Actually the only part of the clown costume shown is his small yellow hat – Buffet focused instead on his elaborate make-up, his caricature-like facial features and the iconic red nose. Designed to entertain and amuse an onlooker, the clown’s serene and almost vacant expression seems to contrast with that role. Instead of presenting a comedic extrovert, Buffet has portrayed a vulnerable, introverted image of the clown; his theatrical and cheerful mask is dropped, exposing a more human element to the portrait of the entertainer, who is still merrier than in most of his sadder clown portraits. The figure of the harlequin or clown enthralled many early 20th-century avant-garde artists, such as Chagall, Rouault, Toulouse-Lautrec, and particularly Pablo Picasso. Picasso likewise pictured the harlequin, a character often viewed as the alter ego of the artist himself, with a decidedly introspective, contemplative quality. There is no doubt that Buffet’s insistence on this theme, his dedication to it and constant reinterpretations bought a powerfully personalized element to the clown. This evolved in tandem with his own career and progression as an artist, displaying different conflicting emotions with an intense and existential quality at times bound up with Buffet’s own identity as artist and hence, performer.