Lot Essay
« J’ai inventé une formule que je pense ne pas pouvoir améliorer. J’ai réussi à donner à ceux qui regardent mon travail un sentiment de calme spatial, de rigueur cosmique, de sérénité face à l’infini. Je ne pourrai pas aller plus loin que cela ».
- Lucio Fontana
''I have invented a formula that I think I cannot perfect. I succeeded in giving those looking at my work a sense of spatial calm, of cosmic rigor, of serenity with regard to the infinite. Further than this I could not go.'' - Lucio Fontana
Créé en 1967, Concetto spaziale, Attese est un spectaculaire exemple tardif des tagli ou « lacérations » de Lucio Fontana, que l’artiste a commencé à réaliser à la fin de 1958 et qu’il a explorées tout au long de la dernière décennie triomphante de sa pratique. Caractérisée par un vert de jade saisissant – une teinte rare dans l’œuvre de Fontana –, cette œuvre présente un quintet d’incisions verticales presque calligraphiques. La seconde lacération est élégamment inclinée vers la droite, animant le rythme décalé des entailles de son mouvement souple et oblique. Les tagli constituaient un geste philosophique, créatif plutôt que destructeur : en ouvrant la toile, Fontana transcendait des siècles d’histoire de l’art liée au plan pictural pour révéler l’infini de l’espace au-delà, dans lequel il voyait l’avenir illimité de l’humanité dans l’« ère spatiale ».
Après avoir percé la toile de buchi (« trous ») pour la première fois en 1954, Fontana a passé plusieurs années à expérimenter l’ornementation de la surface, notamment avec des fragments de verre, de la peinture empâtée et des paillettes, avant de parvenir aux tagli monochromes. Ceux-ci constituent l’apogée raffiné de son lexique formel aventureux, en constante évolution, et l’aboutissement de sa philosophie « spatialiste ». Il avait commencé à exposer ses idées dès 1946, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsque lui et un groupe d’artistes de son pays natal, l’Argentine, ont signé le Manifesto Blanco inaugural. Dans un monde caractérisé par les progrès rapides de la science et des voyages spatiaux, ils proposaient que l’art évolue pour correspondre à l’esprit du temps. « Nous vivons à l’ère de la mécanique », déclarèrent-ils. « Les toiles peintes et les sculptures en plâtre n’ont plus de raison d’être » (L. Fontana et al., Manifesto Blanco, Buenos Aires, 1946). En pénétrant la surface sacrée de la toile, Fontana cherche à révéler une quatrième dimension artistique : ses œuvres ne sont plus des peintures ou des sculptures, mais des concetti spaziali (« concepts spatiaux ») qui réunissent sur un même plan le temps, l’espace et le geste.
En plus d’ouvrir le vide au-delà de la toile, les balayages dramatiques des tagli rendent visible la dimension temporelle de l’art de Fontana. Tels des météores filant dans l’espace ou des fusées s’élançant dans les airs, les coupes enregistrent les arcs de leur propre création, scellant un geste éternel au sein de l’objet d’art. Dans leur puissance élégante et autonome, ces œuvres préfigurent également l’évolution du minimalisme au cours des années 1960. Dépourvues d’expression et de narration, elles se définissent uniquement par le fait de leur propre existence, et réimaginent radicalement la relation de l’art au monde humain. L’œuvre actuelle offre une vision optimiste du potentiel de l’homme dans un univers nouvellement et infiniment déployé ; sa surface aux multiples entailles entre dans la quatrième dimension, en union spirituelle avec les astronautes qui poseront le pied sur la Lune en septembre 1969, presque qu’un an jour pour jour après la disparition de Fontana. « Lorsque je m’assois pour contempler une de mes lacérations, je ressens tout de suite un élargissement de l’esprit », déclarait Fontana. « Je me sens comme un homme libéré du joug de la matière, un homme qui ne fait qu’un avec l’immensité du présent et du futur » (L. Fontana, cité dans L. M. Barbero, « Lucio Fontana : Venice/New York », dans Lucio Fontana : Venice/New York, exh. cat. Guggenheim Museum, New York 2006, p. 23).
Created in 1967, Concetto spaziale, Attese is a spectacular late example of Lucio Fontana’s tagli or ‘cuts’, which the artist began making in late 1958 and explored throughout the triumphant final decade of his practice. Distinguished by its striking jade green—a rare hue within Fontana’s oeuvre—the present work displays a balletic, almost calligraphic quintet of vertical incisions. The second cut tilts elegantly to the right, enlivening the slashes’ offbeat rhythm with its supple, slanting motion. The tagli were a philosophical gesture, and creative rather than destructive: in cutting the canvas open, Fontana transcended centuries of picture-plane-bound art history to reveal the infinity of space beyond, in which he saw the limitless future of mankind in the ‘spatial era.’
Having first pierced the canvas with buchi (‘holes’) in 1954, Fontana spent some years experimenting with surface ornamentation including glass fragments, impastoed paint and glitter before arriving at the monochrome tagli. They constitute the refined apex of his adventurous, constantly evolving formal vocabulary, and the culmination of his ‘Spatialist’ philosophy. He had set out his ideas as early as 1946, in the immediate aftermath of the Second World War, when he and a group of artists in his native Argentina signed the inaugural Manifesto Blanco. In a world shaken by rapid advances in space travel and science, they proposed that art should evolve to match the spirit of the times. ‘We live in the mechanical age’, they declared. ‘Painted canvas and upright plaster no longer have a reason to exist’ (L. Fontana et al., Manifesto Blanco, Buenos Aires 1946). By penetrating the sacred surface of the canvas, Fontana sought to reveal a fourth dimension for art: his works were no longer paintings or sculptures, but rather concetti spaziali (‘spatial concepts’) that united time, space and gesture on a single plane.
As well as opening up the void beyond the canvas, the dramatic sweeps of the tagli make visible the temporal dimension of Fontana’s art. Like meteors streaking through space or rockets launching into the stratosphere, the cuts record the arcs of their own creation, sealing an eternal gesture within the art object. In their sleek, self-contained power, these works also foreshadowed the evolution of Minimalism during the 1960s. Emptied of expression and narrative, they are defined solely by the fact of their own existence, and radically reimagine art’s relationship to the human world. The present work offers an optimistic vision of man’s potential in a newly and infinitely unfolding universe; its multiply-slashed surface enters the fourth dimension in spiritual union with the astronauts who would reach the moon in September 1969, almost exactly a year after Fontana’s death. ‘When I sit down to contemplate one of my cuts, I sense all at once an enlargement of the spirit,’ Fontana said. ‘I feel like a man freed from the shackles of matter, a man at one with the immensity of the present and of the future’ (L. Fontana, quoted in L. M. Barbero, ‘Lucio Fontana: Venice/New York’, in Lucio Fontana: Venice/New York, exh. cat. Guggenheim Museum, New York 2006, p. 23).
- Lucio Fontana
''I have invented a formula that I think I cannot perfect. I succeeded in giving those looking at my work a sense of spatial calm, of cosmic rigor, of serenity with regard to the infinite. Further than this I could not go.'' - Lucio Fontana
Créé en 1967, Concetto spaziale, Attese est un spectaculaire exemple tardif des tagli ou « lacérations » de Lucio Fontana, que l’artiste a commencé à réaliser à la fin de 1958 et qu’il a explorées tout au long de la dernière décennie triomphante de sa pratique. Caractérisée par un vert de jade saisissant – une teinte rare dans l’œuvre de Fontana –, cette œuvre présente un quintet d’incisions verticales presque calligraphiques. La seconde lacération est élégamment inclinée vers la droite, animant le rythme décalé des entailles de son mouvement souple et oblique. Les tagli constituaient un geste philosophique, créatif plutôt que destructeur : en ouvrant la toile, Fontana transcendait des siècles d’histoire de l’art liée au plan pictural pour révéler l’infini de l’espace au-delà, dans lequel il voyait l’avenir illimité de l’humanité dans l’« ère spatiale ».
Après avoir percé la toile de buchi (« trous ») pour la première fois en 1954, Fontana a passé plusieurs années à expérimenter l’ornementation de la surface, notamment avec des fragments de verre, de la peinture empâtée et des paillettes, avant de parvenir aux tagli monochromes. Ceux-ci constituent l’apogée raffiné de son lexique formel aventureux, en constante évolution, et l’aboutissement de sa philosophie « spatialiste ». Il avait commencé à exposer ses idées dès 1946, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsque lui et un groupe d’artistes de son pays natal, l’Argentine, ont signé le Manifesto Blanco inaugural. Dans un monde caractérisé par les progrès rapides de la science et des voyages spatiaux, ils proposaient que l’art évolue pour correspondre à l’esprit du temps. « Nous vivons à l’ère de la mécanique », déclarèrent-ils. « Les toiles peintes et les sculptures en plâtre n’ont plus de raison d’être » (L. Fontana et al., Manifesto Blanco, Buenos Aires, 1946). En pénétrant la surface sacrée de la toile, Fontana cherche à révéler une quatrième dimension artistique : ses œuvres ne sont plus des peintures ou des sculptures, mais des concetti spaziali (« concepts spatiaux ») qui réunissent sur un même plan le temps, l’espace et le geste.
En plus d’ouvrir le vide au-delà de la toile, les balayages dramatiques des tagli rendent visible la dimension temporelle de l’art de Fontana. Tels des météores filant dans l’espace ou des fusées s’élançant dans les airs, les coupes enregistrent les arcs de leur propre création, scellant un geste éternel au sein de l’objet d’art. Dans leur puissance élégante et autonome, ces œuvres préfigurent également l’évolution du minimalisme au cours des années 1960. Dépourvues d’expression et de narration, elles se définissent uniquement par le fait de leur propre existence, et réimaginent radicalement la relation de l’art au monde humain. L’œuvre actuelle offre une vision optimiste du potentiel de l’homme dans un univers nouvellement et infiniment déployé ; sa surface aux multiples entailles entre dans la quatrième dimension, en union spirituelle avec les astronautes qui poseront le pied sur la Lune en septembre 1969, presque qu’un an jour pour jour après la disparition de Fontana. « Lorsque je m’assois pour contempler une de mes lacérations, je ressens tout de suite un élargissement de l’esprit », déclarait Fontana. « Je me sens comme un homme libéré du joug de la matière, un homme qui ne fait qu’un avec l’immensité du présent et du futur » (L. Fontana, cité dans L. M. Barbero, « Lucio Fontana : Venice/New York », dans Lucio Fontana : Venice/New York, exh. cat. Guggenheim Museum, New York 2006, p. 23).
Created in 1967, Concetto spaziale, Attese is a spectacular late example of Lucio Fontana’s tagli or ‘cuts’, which the artist began making in late 1958 and explored throughout the triumphant final decade of his practice. Distinguished by its striking jade green—a rare hue within Fontana’s oeuvre—the present work displays a balletic, almost calligraphic quintet of vertical incisions. The second cut tilts elegantly to the right, enlivening the slashes’ offbeat rhythm with its supple, slanting motion. The tagli were a philosophical gesture, and creative rather than destructive: in cutting the canvas open, Fontana transcended centuries of picture-plane-bound art history to reveal the infinity of space beyond, in which he saw the limitless future of mankind in the ‘spatial era.’
Having first pierced the canvas with buchi (‘holes’) in 1954, Fontana spent some years experimenting with surface ornamentation including glass fragments, impastoed paint and glitter before arriving at the monochrome tagli. They constitute the refined apex of his adventurous, constantly evolving formal vocabulary, and the culmination of his ‘Spatialist’ philosophy. He had set out his ideas as early as 1946, in the immediate aftermath of the Second World War, when he and a group of artists in his native Argentina signed the inaugural Manifesto Blanco. In a world shaken by rapid advances in space travel and science, they proposed that art should evolve to match the spirit of the times. ‘We live in the mechanical age’, they declared. ‘Painted canvas and upright plaster no longer have a reason to exist’ (L. Fontana et al., Manifesto Blanco, Buenos Aires 1946). By penetrating the sacred surface of the canvas, Fontana sought to reveal a fourth dimension for art: his works were no longer paintings or sculptures, but rather concetti spaziali (‘spatial concepts’) that united time, space and gesture on a single plane.
As well as opening up the void beyond the canvas, the dramatic sweeps of the tagli make visible the temporal dimension of Fontana’s art. Like meteors streaking through space or rockets launching into the stratosphere, the cuts record the arcs of their own creation, sealing an eternal gesture within the art object. In their sleek, self-contained power, these works also foreshadowed the evolution of Minimalism during the 1960s. Emptied of expression and narrative, they are defined solely by the fact of their own existence, and radically reimagine art’s relationship to the human world. The present work offers an optimistic vision of man’s potential in a newly and infinitely unfolding universe; its multiply-slashed surface enters the fourth dimension in spiritual union with the astronauts who would reach the moon in September 1969, almost exactly a year after Fontana’s death. ‘When I sit down to contemplate one of my cuts, I sense all at once an enlargement of the spirit,’ Fontana said. ‘I feel like a man freed from the shackles of matter, a man at one with the immensity of the present and of the future’ (L. Fontana, quoted in L. M. Barbero, ‘Lucio Fontana: Venice/New York’, in Lucio Fontana: Venice/New York, exh. cat. Guggenheim Museum, New York 2006, p. 23).