Lot Essay
"La plupart des beaux portraits qui nous restent des temps anciens sont revêtus des costumes de leur époque. Ils sont parfaitement harmonieux parce que le costume, la coiffure et même le geste, le regard et le sourire (chaque époque a son port, son regard et son sourire) forment un tout d'une complète vitalité."
Charles Baudelaire, cité in ‘Le Peintre de la vie moderne’, in Le Figaro, 26-28 novembre 1863.
Comme en atteste la présente œuvre, autant le portrait traditionnel des années 1860 et 1870 paraît artificiel et prémédité – avec ses femmes debout en robe du soir dans des intérieurs opulents – autant l’œuvre de Toulouse-Lautrec replace dans une atmosphère intime et familière ses modèles – "La femme n’a pas manqué d’artistes, en France, après 1850, pour envahir l’imagerie plus ou moins impure. Mais il est peu de peintres attentifs aux 'femmes', à leur condition, leur pouvoir, leur sexualité, leur nature… En dehors de Manet, il y eut Lautrec" (cité in Toulouse-Lautrec, Résolument moderne, cat. exp., Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 2019, p. 152).
À l'image du faubourg qu'il fréquente – Montmartre était à l'époque un mélange contrasté d'ateliers, de ruelles pauvres et de bals et cabarets magnifiques le long du boulevard séparant le quartier du reste de Paris – Henri de Toulouse-Lautrec évolue dans des mondes radicalement opposés. S'amusant à défier les frontières sociales imposées par sa naissance et par son sexe, il ne parvint pourtant jamais à les effacer complètement.
Ainsi, comme le décrit Gustave Geffroy en 1893 : "Il y a un humour bravache et une cruauté dans l'œuvre de Lautrec lorsqu'il peint des bals, des intérieurs de bordels et des liaisons contre-nature mais il conserve son intégrité d'artiste; sa puissance d'observation impitoyable préserve la beauté de la vie, et la philosophie du vice qu'il fait parader d'une façon parfois ostentatoire et provocante prend la force d'une leçon de morale grâce à la puissance de son dessin" (cité in ibid., p. 13).
À l’instar de son contemporain Edgar Degas qui a également exploré la représentation des modistes dans de nombreux pastels et peintures à l’huile (fig. 1), Toulouse-Lautrec représente le chic de la parisienne de son époque, sous le prisme d’une modiste, Mademoiselle Margouin. Cette dernière, qui sera aussi le sujet d’un tableau conservé au Musée Lautrec d’Albi (fig. 2), est ici incarnée par l’utilisation de l’une des techniques de prédilection de l’artiste : la peinture à l’essence. En diluant ses pigments avec de la térébenthine (peinture à l'essence) et en laissant des parties du support à nu, pour que celles-ci s’architecturent comme de véritables couleurs, l’artiste nous livre une composition délicate et spontanée dont le caractère intime, le cadrage resserré et la palette mate reflètent l’essence de son style si emblématique.
Restée à l’abri des regards depuis plus de soixante-dix ans, la présente œuvre a fait partie de la prestigieuse collection d’Alexandre Natanson, fondateur avec ses frères Thadée et Louis-Alfred de la célèbre Revue Blanche.
“The majority of the fine portraits that remain to us from former times arc clothed in the dress of their own day. They are perfectly harmonious works because the dress, the hairstyle, and even the gesture, the expression and the smile (each age has its carriage, its expression and its smile) form a whole, full of vitality.”
Charles Baudelaire, quoted in “The Painter of modern life”,in Le Figaro, 26-28 November 1863.
As the present work attests, for as much as traditional portraits from the 1860s and 1870s seem artificial and premeditated ‒ with their standing women dressed in evening gowns ensconced in opulent interiors ‒ the oeuvre of Toulouse-Lautrec returns his models to an intimate, familiar atmosphere. “There was no lack of artists in France after 1850 to flood the more or less impure imagery. But there are few painters attentive to ‘women’, to their condition, their power, their sexuality, their nature... Apart from Manet, there was Lautrec” (quoted in Toulouse-Lautrec, Résolument moderne, exh. cat., Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 2019, p. 152).
Like the district he frequented ‒ Montmartre then was a contrasting mix of studios, impoverished alleys and magnificent dance halls and cabarets along the boulevard separating the neighbourhood from the rest of Paris ‒ Henri de Toulouse-Lautrec spent his time in radically opposed worlds. While he enjoyed challenging the social boundaries dictated by his birth and gender, he never managed to completely erase them.
Thus, as Gustave Geffroy described in 1893: “There is bravado humour and cruelty in Lautrec’s work when he paints dance halls, brothel interiors, and unnatural liaisons, but he maintains his integrity as an artist; his ruthless power of observation preserves the beauty of life, and the philosophy of vice that he parades in a sometimes ostentatious and provocative way takes on the force of a moral lesson through the power of his drawing” (quoted in ibid., p. 13).
Like his contemporary Edgar Degas, who also explored the depiction of milliners in numerous pastels and oil paintings (fig. 1), Toulouse-Lautrec depicted the Parisian chic of his day through the prism of a milliner, Miss Margouin. She is also the subject of a canvas held by the Musée Lautrec in Albi (fig. 2); here she is portrayed through the use of one of the artist’s favourite techniques: peinture à l’essence. By diluting his pigments with turpentine (peinture à l’essence) and by leaving parts of the canvas bare so that they arrange themselves like real colours, the artist produces a delicate, spontaneous composition whose intimacy, tight framing and matte palette reflect the essence of his iconic style.
This work, which has been out of the public eye for over 70 years, was in the prestigious collection of Alexandre Natanson who along with his brothers Thadée and Louis-Alfred, co-founded the famous Revue Blanche.
Charles Baudelaire, cité in ‘Le Peintre de la vie moderne’, in Le Figaro, 26-28 novembre 1863.
Comme en atteste la présente œuvre, autant le portrait traditionnel des années 1860 et 1870 paraît artificiel et prémédité – avec ses femmes debout en robe du soir dans des intérieurs opulents – autant l’œuvre de Toulouse-Lautrec replace dans une atmosphère intime et familière ses modèles – "La femme n’a pas manqué d’artistes, en France, après 1850, pour envahir l’imagerie plus ou moins impure. Mais il est peu de peintres attentifs aux 'femmes', à leur condition, leur pouvoir, leur sexualité, leur nature… En dehors de Manet, il y eut Lautrec" (cité in Toulouse-Lautrec, Résolument moderne, cat. exp., Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 2019, p. 152).
À l'image du faubourg qu'il fréquente – Montmartre était à l'époque un mélange contrasté d'ateliers, de ruelles pauvres et de bals et cabarets magnifiques le long du boulevard séparant le quartier du reste de Paris – Henri de Toulouse-Lautrec évolue dans des mondes radicalement opposés. S'amusant à défier les frontières sociales imposées par sa naissance et par son sexe, il ne parvint pourtant jamais à les effacer complètement.
Ainsi, comme le décrit Gustave Geffroy en 1893 : "Il y a un humour bravache et une cruauté dans l'œuvre de Lautrec lorsqu'il peint des bals, des intérieurs de bordels et des liaisons contre-nature mais il conserve son intégrité d'artiste; sa puissance d'observation impitoyable préserve la beauté de la vie, et la philosophie du vice qu'il fait parader d'une façon parfois ostentatoire et provocante prend la force d'une leçon de morale grâce à la puissance de son dessin" (cité in ibid., p. 13).
À l’instar de son contemporain Edgar Degas qui a également exploré la représentation des modistes dans de nombreux pastels et peintures à l’huile (fig. 1), Toulouse-Lautrec représente le chic de la parisienne de son époque, sous le prisme d’une modiste, Mademoiselle Margouin. Cette dernière, qui sera aussi le sujet d’un tableau conservé au Musée Lautrec d’Albi (fig. 2), est ici incarnée par l’utilisation de l’une des techniques de prédilection de l’artiste : la peinture à l’essence. En diluant ses pigments avec de la térébenthine (peinture à l'essence) et en laissant des parties du support à nu, pour que celles-ci s’architecturent comme de véritables couleurs, l’artiste nous livre une composition délicate et spontanée dont le caractère intime, le cadrage resserré et la palette mate reflètent l’essence de son style si emblématique.
Restée à l’abri des regards depuis plus de soixante-dix ans, la présente œuvre a fait partie de la prestigieuse collection d’Alexandre Natanson, fondateur avec ses frères Thadée et Louis-Alfred de la célèbre Revue Blanche.
“The majority of the fine portraits that remain to us from former times arc clothed in the dress of their own day. They are perfectly harmonious works because the dress, the hairstyle, and even the gesture, the expression and the smile (each age has its carriage, its expression and its smile) form a whole, full of vitality.”
Charles Baudelaire, quoted in “The Painter of modern life”,in Le Figaro, 26-28 November 1863.
As the present work attests, for as much as traditional portraits from the 1860s and 1870s seem artificial and premeditated ‒ with their standing women dressed in evening gowns ensconced in opulent interiors ‒ the oeuvre of Toulouse-Lautrec returns his models to an intimate, familiar atmosphere. “There was no lack of artists in France after 1850 to flood the more or less impure imagery. But there are few painters attentive to ‘women’, to their condition, their power, their sexuality, their nature... Apart from Manet, there was Lautrec” (quoted in Toulouse-Lautrec, Résolument moderne, exh. cat., Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 2019, p. 152).
Like the district he frequented ‒ Montmartre then was a contrasting mix of studios, impoverished alleys and magnificent dance halls and cabarets along the boulevard separating the neighbourhood from the rest of Paris ‒ Henri de Toulouse-Lautrec spent his time in radically opposed worlds. While he enjoyed challenging the social boundaries dictated by his birth and gender, he never managed to completely erase them.
Thus, as Gustave Geffroy described in 1893: “There is bravado humour and cruelty in Lautrec’s work when he paints dance halls, brothel interiors, and unnatural liaisons, but he maintains his integrity as an artist; his ruthless power of observation preserves the beauty of life, and the philosophy of vice that he parades in a sometimes ostentatious and provocative way takes on the force of a moral lesson through the power of his drawing” (quoted in ibid., p. 13).
Like his contemporary Edgar Degas, who also explored the depiction of milliners in numerous pastels and oil paintings (fig. 1), Toulouse-Lautrec depicted the Parisian chic of his day through the prism of a milliner, Miss Margouin. She is also the subject of a canvas held by the Musée Lautrec in Albi (fig. 2); here she is portrayed through the use of one of the artist’s favourite techniques: peinture à l’essence. By diluting his pigments with turpentine (peinture à l’essence) and by leaving parts of the canvas bare so that they arrange themselves like real colours, the artist produces a delicate, spontaneous composition whose intimacy, tight framing and matte palette reflect the essence of his iconic style.
This work, which has been out of the public eye for over 70 years, was in the prestigious collection of Alexandre Natanson who along with his brothers Thadée and Louis-Alfred, co-founded the famous Revue Blanche.