Edgar Degas (1834-1917)
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Ancienne collection Madame Adolphe Friedmann
Edgar Degas (1834-1917)

Danseuses (Les Coulisses de l'Opéra)

Details
Edgar Degas (1834-1917)
Danseuses (Les Coulisses de l'Opéra)
avec le cachet ‘Degas’ (Lugt 658; en bas à gauche)
huile sur toile
49.8 x 61.1 cm.
Peint vers 1886

stamped ‘Degas’ (Lugt 658; lower left)
oil on canvas
19 5⁄8 x 24 in.
Painted circa 1886
Provenance
Atelier de l'artiste; sa deuxième vente, Me Lair-Dubreuil, Galerie Georges Petit, Paris, 12 décembre 1918, lot 29.
Madame Adolphe Friedmann, Paris (probablement acquis au cours de celle-ci par l'intermédiaire de la Galerie Nunès & Fiquet).
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Literature
G. Rivière, Mr. Degas, Bourgeois de Paris, Paris, 1935 (illustré, pl. 95; titré 'Dans les coulisses').
P.-A. Lemoisne, Degas et son œuvre, Paris, 1946, vol. III, p. 512, no. 880 (illustré, p. 513).
J. Lassaigne et F. Minervino, Tout l’œuvre peint de Degas, Paris, 1974, p. 124, no. 825 (illustré, p. 123).
Exhibited
Paris, Galerie Bernheim-Jeune, Exposition de cent ans de théâtre, music-hall et cirque, dix-neuvième siècle, mai-juillet 1936, p. 22, no. 22.
(probablement) Paris, Galerie André Weil, Degas, peintre du mouvement, juin 1939 (hors catalogue).
Tokyo, Isetan Museum of Art; Tsu, Mie Prefectural Art Museum; Osaka, The Daimaru Museum; Okayama, The Okayama Prefectural Museum of Art et Kasama, Kasama Nichido Museum of Art, Edgar Degas, octobre 1988-mai 1989, p. 132-133, no. 67 (illustré en couleurs, p. 133; titré 'Dancers in the Wings'; daté 'vers 1890-91').
Saint-Paul-de-Vence, Fondation Maeght, L'œuvre ultime, De Cézanne à Dubuffet, juillet-octobre 1989, p. 48, no. 14 (illustré en couleurs, p. 49; daté 'vers 1890').
Martigny, Fondation Pierre Gianadda, Degas, juin-novembre 1993, p. 90, no. 49 (illustré en couleurs; daté ‘vers 1890’).

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Antoine Lebouteiller
Antoine Lebouteiller Head of Department

Lot Essay

Selon un critique de la Gazette des Beaux-Arts, la ballerine « méritait d'avoir un peintre spécial, épris de la gaze blanche de ses jupes, de la soie de ses maillots, de la note rose de ses souliers de satin aux semelles poudreuses. Il est un artiste d'un talent fort rare, dont l'œil très fin a fixé sur la toile ou traduit par le pastel ou l'aquarelle, et même sculpté au besoin les bizarreries séduisantes d'un tel milieu. C'est M. Degas, qui traite le morceau en maître et connaît à fond et par le menu comment se noue un ruban sur une jupe de danseuse, le pli que fait le maillot sur le cou-de-pied, la tension que donne à la soie l'attache de la cheville » (cité in R. Gordon et A. Forge, Degas, New York, 1988, p. 183).

En peintre de la vie moderne, Edgar Degas a, plus encore que ses confrères impressionnistes, longuement documenté les loisirs urbains et les nuits parisiennes florissantes de la fin du XIXe siècle. Si d'autres artistes du cercle ont eux aussi représenté les planches du théâtre et le monde de l'opéra, nul n'a su rendre cet univers de manière aussi vivante et virtuose que lui.
À travers plus de mille-cinq-cents œuvres réalisées sur différents supports, Degas a illustré toutes les facettes du ballet, de la répétition au spectacle ; saisissant l'effort des ballerines à l'exercice, les derniers préparatifs, l'attente en coulisses et le moment même de la représentation.
Ce fut pourtant presque par hasard que le thème des danseuses fit irruption dans son œuvre. Habitué du palais Garnier, au tout début des années 1870 Degas avait dépeint dans une séquence de toiles la salle de l'opéra vue depuis le parterre, dans des compositions radicalement resserrées qui mettaient à l'honneur l'orchestre, et où les ballerines n'apparaissaient qu'en toile de fond sur les planches (Lemoisne, nos 186, 294 et 295).
Ces premiers tableaux d'opéra datent de l'époque où Degas n'avait guère accès aux coulisses. Ce ne fut que plus tard que son carnet d'adresses lui permit de pousser la porte de l'intégralité du palais Garnier, dont il fut alors libre d'arpenter le dédale des couloirs, des vestibules, des salles d'entraînement et des vestiaires. Comme en témoigne la présente huile, il se détourna alors des feux de la rampe pour révéler l'envers du décor, saisissant au grand jour les danseuses dans les recoins les plus intimes du bâtiment, où erraient ici et là quelques « abonnés » au regard prédateur. Ce tableau, qui décline en une même image plusieurs temps d'une performance, est parfaitement représentatif des motifs que Degas privilégie alors. Dans la partie droite de la composition, des jeunes filles paraissent patienter en conversant, tandis que sur la gauche, une ballerine et un arlequin semblent se mouvoir en rythme, comme pour entrer en scène.
Peint vers 1886, Danseuses (Les Coulisses de l'Opéra) donne à voir, par ailleurs, les transformations que subit l'œuvre de Degas durant cette période. S'éloignant du style linéaire de ses débuts, l'artiste adopte alors une facture plus spontanée, plus enlevée, qui vient exalter l'éclat et les effets des couleurs – une approche qui connaîtra son plein épanouissement avec ses pastels tardifs. Jean Sutherland Boggs souligne ainsi « l'indulgence grandissante de Degas envers les éléments abstraits de son art. La couleur devient plus intense et semble souvent dominer ses tableaux et ses pastels » (cité in Degas, cat. exp., The Metropolitan Museum of Art, New York, 1988, p. 481).
Si la texture mouchetée de la peinture évoque ici la technique du pastel, le résultat final résonne aussi avec la pratique des néo-impressionnistes auxquels Degas devait sans doute des avancées d'ordre plus conceptuel. Les costumes des ballerines sur scène se voient réduits à des taches de couleurs vives qui se mêlent aux empreintes éclatantes de l'arrière-plan ; autant de formes qui flottent sur la toile, à la lisière de la lisibilité, pour mieux se dissoudre dans une nuée quasiment abstraite de lumière et de pigments. Degas s'approprie ainsi d'un geste assuré les touches hautement colorées des pointillistes, afin de mettre la méthode plus rationnelle de Seurat au service d'une interprétation inédite et très personnelle du thème déjà tant exploré des danseuses.
C'est en 1886, date vers laquelle cette œuvre a été peinte, que Degas découvre pour la première fois la génération des pointillistes à l'occasion du huitième Salon des Indépendants où sont révélés neuf tableaux de Seurat, dont le très polémique Dimanche après-midi à l'Île de la Grande Jatte. Richard Kendall estime que « si l'on admet volontiers une certaine influence de Degas sur les premières œuvres de Seurat en termes de sujets et de technique graphique, la possibilité d'une influence réciproque, par laquelle le jeune homme aurait transmis à son tour des idées à son aîné comme Seurat l'avait fait avec Pissarro, a rarement été envisagée » (ibid., p. 102). Pissarro aurait d'ailleurs fait figure d'intermédiaire ; en novembre 1885, c'est notamment lui qui parvient à convaincre Degas et Morisot d'admettre les œuvres de Seurat et de Signac au Salon de l'année suivante.
La présente œuvre fut très probablement acquise par Madame Adolphe Friedman lors de la vente de l’atelier de l'artiste en 1918 par l’intérmédiaire de la Galerie Nunès & Fiquet et est restée dans la famille de cette dernière jusqu’à aujourd’hui.

As one art critic wrote in the Gazette des Beaux-Arts: “The ballet dancer deserved a special painter, in love with the white gauze of her skirts, with the silk of her tights, with the pink touch of her satin slippers, their soles powdered with resin. There is one artist of exceptional talent whose exacting eye has captured on canvas or translated into pastel or watercolour - and even, on occasion, sculpted - the seductive weirdness of such a world. It is Monsieur Degas, who deals with the subject as a master, and knows precisely how a ribbon is tied on a dancer's skirt, the wrinkle of the tights over the instep, the tension the silk gives to ankle tendons” (quoted in R. Gordon and A. Forge, Degas, New York, 1988, p. 183).

As the paradigmatic painter of modern life among the Impressionists, Edgar Degas often represented scenes of urban entertainment, documenting the burgeoning nightlife in nineteenth-century Paris. Although the spectacles of the theater and the world of the ballet were painted by several artists in his circle, no other painter brought this environment so brilliantly to life.
In more than fifteen hundred works in various media, Degas illustrated every step from rehearsal to performance; he documented the dancers' arduous toil in practice rooms, their expectant preparations in the wings, and even their final productions on stage.
The theme of the dancers had entered Degas' work almost incidentally. A frequent attendee of the Paris Opéra, at the very beginning of the 1870s Degas had painted a group of works that captured the ballet from the audience, depicting, with radically cropped compositions, the orchestra and dancer-filled stage beyond (Lemoisne nos. 186, 294 & 295).
Later in his career, Degas was able, thanks to the privileged status of his friends, to roam the maze of corridors, stage wings and dressing rooms of the Paris Opéra, but at this time he didn’t enjoy this unrestricted access. As the present oil testifies, he turned away from the grand spectacle of the ballet, and began capturing the dancers by day, behind the scenes and alongside with predatory abonnés in the corridors and corners of backstage. The present painting is exemplary in this respect, including multiple phases of a performance within an individual work. In the right part of the composition, girls are waiting and conversing; on the left, a dancer and an Harlequin are moving in rhythmic motion or perhaps entering the stage.
Painted circa 1886, Danseuses (Les Coulisses de l'Opéra), reflects moreover a transformation that Degas's art underwent around this time.
Moving away from the linear style of his early career, he adopted a freer, more spontaneous brushwork that emphasised vibrant colour effects in a style that would culminate in his late pastels.
Jean Sutherland Boggs has indeed remarked, "is Degas' increasing indulgence in the abstract elements of his art. Colour becomes more intense and often seems to dominate his paintings and pastels" (quoted in Degas, exh. cat., The Metropolitan Museum of Art, New York, 1988, p. 481).
In the present work, the mottled paint texture suggests a technical borrowing from medium of pastel, but its all-over effect approaches the contemporary practice of the Neo-Impressionists as well, to whom Degas may owe a more conceptual debt. The costumes of the dancers on stage become vibrant bursts of colour which fuse with the dots of colour in the background; together the forms hover on the edge of legibility, almost disintegrating into an abstract pattern of light and colour. Here, the dots of vibrant colour in the background confidently appropriate the pointillist dots, personalizing Seurat's more rationalised colour in a new and subjective meditation on the danseuse, a long familiar theme.
His acquaintance with the generation of Seurat dates to the eighth Independent exhibition in 1886 – the year the present work was most likely executed - at which Seurat's Dimanche après-midi à l'Île de la Grande Jatte was first, and controversially shown with eight others of his works. "Though it has long been understood that Seurat, in his formative years, was indebted to Degas for some of his subject matter and graphic techniques" Kendall has noted, "the possibility of a reciprocal influence of certain other ideas, transmitted from the young man to the older in the manner of Seurat's impact on Pissarro, has hardly been considered" (ibid., p. 102). The intermediary was likely Pissarro, who by the beginning of November 1885 had already persuaded Degas and Morisot to accept Seurat and Signac for the following year's exhibition.
The present work was most likely acquired by Madame Adolphe Friedmann during the artist’s estate sale in 1918 and has remained in her family until today.

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