Lot Essay
Artiste de génie, belle-sœur d’Édouard Manet, mère aimante, Berthe Morisot avait pour habitude de prendre son entourage pour modèle. Lorsque sa fille Julie Manet, née en 1878, grandit, elle est de moins en moins disponible et disposée à poser pour elle. Berthe doit alors recourir à d’autres modèles qui lui permettent de varier les scènes représentées.
Selon Marie-Louise Bataille et Georges Wildenstein, Faneuse aurait été peinte dans le jardin de la rue de Villejust, actuelle rue Paul-Valéry à Passy dans le 16e arrondissement. L’immeuble, situé au numéro 40, avait été construit en 1883 sur un terrain acquis en 1881. Chaque jeudi, le couple Manet-Morisot y reçoit les Pissarro, Monet, Renoir ou encore Mallarmé. Très vite, Eugène Manet estima qu’ « Il serait de bon ton de donner à la maison un aspect agréable le plus tôt possible et de planter de bonne heure » (cité in Berthe Morisot, cat. exp., Paris, Musée Marmottan Monet, 2012, p. 140). Ce havre de paix est très vite le cadre privilégié de nombreuses œuvres, à l’instar du Jardin (1883, The Art Institute of Chicago, Chicago) ou de Lumière dans le jardin (1886, Denver Art Museum, Denver).
Si l’identité de la jeune femme, un modèle professionnel, ne nous est pas parvenue, nous savons que celle-ci pose également dans une autre œuvre datée de la même année, intitulée Jeune fille à l’arrosoir (collection particulière, A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart,, op. cit., no. 228). Vêtue d’une jupe bleue qui semble remontée pour l’exercice et d’un chemisier blanc, la demoiselle au chignon tient un bâton ou une fourche dans ses deux mains. Son environnement, brossé à gros coups de pinceaux verts, bruns et bleus, est à peine esquissé. « Mon ambition se borne à vouloir fixer quelque chose qui se passe, oh, quelque chose, la moindre des choses […] » explique-t-elle au sujet de sa touche déliée, presque désordonnée (A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart,, op. cit., p. 12). Malgré cette volonté de représentation d’un instant fugace, qui donne un aspect esquissé à la composition, on reconnaît toutefois dans ce jardin quelques fleurs roses à gauche et un banc vert émeraude.
Le titre « Faneuse » ne semble a priori pas correspondre à la scène représentée qui se situe dans un jardin bourgeois de la capitale. Le geste apparaît toutefois évoqué Les Faneuses de Jean-François Millet (vers 1856-57, The Metropolitan Museum of Art, New York) et plus tard celles de Jules Dupré et Camille Pissarro. Sur le même principe, Berthe Morisot exécute à Mézy en 1891 une série de toiles intitulées respectivement Faneuse et Les Faneuses (A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart,, op. cit., nos. 276-277) dans lesquelles le modèle, debout de profil, porte cette fois-ci un fichu plus en adéquation avec ce labeur estival.
Si les impressionnistes incluent les femmes artistes dans leurs expositions annuelles dès 1874, tout comme Mary Cassatt ou Eva Gonzalès, Berthe Morisot est aujourd'hui redécouverte et célébrée dans de nombreuses rétrospectives à travers le monde, mettant en lumière d'autres facettes de son œuvre.
An artistic genius, Édouard Manet's sister-in-law and loving mother, Berthe Morisot was in the habit of using her entourage as models. When her daughter Julie Manet, born in 1878, grew up, she was less and less available and willing to pose for her. Berthe then had to turn to other models, allowing her to vary the scenes depicted.
According to Marie-Louise Bataille and Georges Wildenstein, Faneuse was painted in the garden of rue de Villejust, now rue Paul-Valéry in Passy in Paris’ 16th arrondissement. The building, located at number 40, had been built in 1883 on land acquired in 1881. Every Thursday, the Manet-Morisot couple entertained Pissarro, Monet, Renoir or Mallarmé. Very quickly, Eugène Manet thought that “It would be good to give the house a pleasant appearance as soon as possible and to plant early” (quoted in Berthe Morisot, exh. cat., Paris, Musée Marmottan Monet, 2012, p. 140). This haven of peace soon became the favoured setting for many works, such as Le Jardin (1883, The Art Institute of Chicago, Chicago) and Lumière dans le jardin (1886, Denver Art Museum, Denver).
While we do not know the identity of the young woman, who was a professional model, we do know that she also posed in another work from the same year, entitled Jeune fille à l’arrosoir (private collection, A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart, op. cit., no. 228). Dressed in a blue skirt that seems to have been hitched up for the task and a white blouse, the young lady with a chignon holds a staff or a pitchfork in both hands. Her surroundings, depicted in broad green, brown and blue brushstrokes, are barely outlined. “My own ambition was limited to wanting to capture something of what goes by, just something, the smallest thing […],” she explained with regard to her loose, almost disorderly touch (A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart, op. cit., p. 12). Despite this desire to depict a fleeting moment, which gives a “non finito” appearance to the composition, we nonetheless recognise a few pink flowers to the left and an emerald green bench in this garden.
At first glance, the title “Faneuse” does not seem to correspond to the scene depicted, which takes place in a bourgeois garden in the capital. However, the gesture appears to evoke Les Faneuses by Jean-François Millet (around 1856-57, The Metropolitan Museum of Art, New York) and later those of Jules Dupré and Camille Pissarro. Following the same principle, in Mézy in 1891 Berthe Morisot painted a series of canvases respectively entitled Faneuse and Les Faneuses (A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart, op. cit., nos. 276-277) in which the model, standing in profile, this time wears a headscarf more in keeping with this summer task.
While the Impressionists included female artists such as Mary Cassatt and Eva Gonzalès in their annual exhibitions as of 1874, Berthe Morisot has now been rediscovered and is being celebrated in many retrospectives worldwide, highlighting other facets of her work.
Selon Marie-Louise Bataille et Georges Wildenstein, Faneuse aurait été peinte dans le jardin de la rue de Villejust, actuelle rue Paul-Valéry à Passy dans le 16e arrondissement. L’immeuble, situé au numéro 40, avait été construit en 1883 sur un terrain acquis en 1881. Chaque jeudi, le couple Manet-Morisot y reçoit les Pissarro, Monet, Renoir ou encore Mallarmé. Très vite, Eugène Manet estima qu’ « Il serait de bon ton de donner à la maison un aspect agréable le plus tôt possible et de planter de bonne heure » (cité in Berthe Morisot, cat. exp., Paris, Musée Marmottan Monet, 2012, p. 140). Ce havre de paix est très vite le cadre privilégié de nombreuses œuvres, à l’instar du Jardin (1883, The Art Institute of Chicago, Chicago) ou de Lumière dans le jardin (1886, Denver Art Museum, Denver).
Si l’identité de la jeune femme, un modèle professionnel, ne nous est pas parvenue, nous savons que celle-ci pose également dans une autre œuvre datée de la même année, intitulée Jeune fille à l’arrosoir (collection particulière, A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart,, op. cit., no. 228). Vêtue d’une jupe bleue qui semble remontée pour l’exercice et d’un chemisier blanc, la demoiselle au chignon tient un bâton ou une fourche dans ses deux mains. Son environnement, brossé à gros coups de pinceaux verts, bruns et bleus, est à peine esquissé. « Mon ambition se borne à vouloir fixer quelque chose qui se passe, oh, quelque chose, la moindre des choses […] » explique-t-elle au sujet de sa touche déliée, presque désordonnée (A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart,, op. cit., p. 12). Malgré cette volonté de représentation d’un instant fugace, qui donne un aspect esquissé à la composition, on reconnaît toutefois dans ce jardin quelques fleurs roses à gauche et un banc vert émeraude.
Le titre « Faneuse » ne semble a priori pas correspondre à la scène représentée qui se situe dans un jardin bourgeois de la capitale. Le geste apparaît toutefois évoqué Les Faneuses de Jean-François Millet (vers 1856-57, The Metropolitan Museum of Art, New York) et plus tard celles de Jules Dupré et Camille Pissarro. Sur le même principe, Berthe Morisot exécute à Mézy en 1891 une série de toiles intitulées respectivement Faneuse et Les Faneuses (A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart,, op. cit., nos. 276-277) dans lesquelles le modèle, debout de profil, porte cette fois-ci un fichu plus en adéquation avec ce labeur estival.
Si les impressionnistes incluent les femmes artistes dans leurs expositions annuelles dès 1874, tout comme Mary Cassatt ou Eva Gonzalès, Berthe Morisot est aujourd'hui redécouverte et célébrée dans de nombreuses rétrospectives à travers le monde, mettant en lumière d'autres facettes de son œuvre.
An artistic genius, Édouard Manet's sister-in-law and loving mother, Berthe Morisot was in the habit of using her entourage as models. When her daughter Julie Manet, born in 1878, grew up, she was less and less available and willing to pose for her. Berthe then had to turn to other models, allowing her to vary the scenes depicted.
According to Marie-Louise Bataille and Georges Wildenstein, Faneuse was painted in the garden of rue de Villejust, now rue Paul-Valéry in Passy in Paris’ 16th arrondissement. The building, located at number 40, had been built in 1883 on land acquired in 1881. Every Thursday, the Manet-Morisot couple entertained Pissarro, Monet, Renoir or Mallarmé. Very quickly, Eugène Manet thought that “It would be good to give the house a pleasant appearance as soon as possible and to plant early” (quoted in Berthe Morisot, exh. cat., Paris, Musée Marmottan Monet, 2012, p. 140). This haven of peace soon became the favoured setting for many works, such as Le Jardin (1883, The Art Institute of Chicago, Chicago) and Lumière dans le jardin (1886, Denver Art Museum, Denver).
While we do not know the identity of the young woman, who was a professional model, we do know that she also posed in another work from the same year, entitled Jeune fille à l’arrosoir (private collection, A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart, op. cit., no. 228). Dressed in a blue skirt that seems to have been hitched up for the task and a white blouse, the young lady with a chignon holds a staff or a pitchfork in both hands. Her surroundings, depicted in broad green, brown and blue brushstrokes, are barely outlined. “My own ambition was limited to wanting to capture something of what goes by, just something, the smallest thing […],” she explained with regard to her loose, almost disorderly touch (A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart, op. cit., p. 12). Despite this desire to depict a fleeting moment, which gives a “non finito” appearance to the composition, we nonetheless recognise a few pink flowers to the left and an emerald green bench in this garden.
At first glance, the title “Faneuse” does not seem to correspond to the scene depicted, which takes place in a bourgeois garden in the capital. However, the gesture appears to evoke Les Faneuses by Jean-François Millet (around 1856-57, The Metropolitan Museum of Art, New York) and later those of Jules Dupré and Camille Pissarro. Following the same principle, in Mézy in 1891 Berthe Morisot painted a series of canvases respectively entitled Faneuse and Les Faneuses (A. Clairet, D. Montalant et Y. Rouart, op. cit., nos. 276-277) in which the model, standing in profile, this time wears a headscarf more in keeping with this summer task.
While the Impressionists included female artists such as Mary Cassatt and Eva Gonzalès in their annual exhibitions as of 1874, Berthe Morisot has now been rediscovered and is being celebrated in many retrospectives worldwide, highlighting other facets of her work.