Lot Essay
''D’abord, il n’y a rien, ensuite il y a un rien profond, puis une profondeur bleue.'' - Yves Klein citant Gaston Bachelard
''First there is nothing, then a deep nothingness, and then a blue depth.'' - Yves Klein quoting Gaston Bachelard
''Par le Bleu, la ‘grande COULEUR’, je cerne de plus en plus ‘l’indéfinissable’ dont a parlé Delacroix dans son Journal comme étant le seul vrai ‘Mérite du tableau'.'' - Yves Klein
“Through Blue, the 'great COLOUR', I am increasingly able to identify the 'indefinable' of which Delacroix spoke in his Journal as the only true 'Merit of a painting.” - Yves Klein
''Pour moi l’art en peinture, c’est de produire, de créer de la liberté à l’état matière première.'' - Yves Klein
“For me, art in painting is to produce, to create freedom in its raw state.” - Yves Klein
Au cours des quelques années seulement qui constituent sa fulgurante trajectoire (on célébrera en juin les 60 ans de la disparition du peintre né en 1928 et disparu à l’âge de 34 ans), Yves Klein s’est érigé comme l’un des emblèmes de la radicalité artistique contemporaine. Si l’aventure du monochrome en peinture prend racine plus tôt au 20e siècle avec Malevitch, Klein va lui offrir une dimension nouvelle à partir du milieu des années 1950 grâce à un usage total et inédit de la couleur. Pour l’artiste, la couleur est en effet ce qui investit l’espace, tant réel que mental ; elle est ce par quoi il s’approprie cet espace, comme il investit le temps. « Par la couleur, je ressens le sentiment d’identification complète avec l’espace, je suis vraiment libre », dit-il ainsi (Y. Klein, L’aventure monochrome : l’épopée monochrome, 1960). Monochrome bleu sans titre, (IKB 183) offre un exemple emblématique de cette démarche : l’artiste travaille au rouleau, parcourant la surface de la toile appelée à devenir « un épiderme vivant à mesure que le peintre peint » (Y. Klein, note rédigée sur une feuille volante, in « Yves Klein, le dépassement de la problématique de l’art et autres écrits », Paris, 2003, p. 415). Les bords et les angles de la toile s’arrondissent et s’estompent à mesure que le pigment déborde et envahit la surface ; et l’œil n’est bientôt plus en mesure d’identifier clairement les limites du tableau qui lui fait face.
De cette manière, la couleur pure se dilate et diffuse dans l’espace, donnant naissance à un objet qu’on ne parvient ni à rattacher tout à fait à une peinture, ni entièrement non plus à une sculpture. Cet effet de distorsion est renforcé par l’absence de cadre, souhaité par l’artiste : les œuvres s’offrent nues au regard et déploient leur vibration sans contrainte, comme flottant librement sur les murs et générant autour d’elle un espace immatériel. Le monochrome se révèle ainsi pour Yves Klein la méthode idéale pour amener les regardeurs à ce qu’il appelle les « zones d’immatérialités », résidant en dehors des domaines terrestres de l’espace et du temps. Et le bleu profond et magnétique de l’IKB est le vecteur permettant l’accès à cet infini. « Je cherche à mettre le spectateur devant le fait que la couleur est un individu, un personnage, une personnalité. Je sollicite une réceptivité chez l’observateur qui fait face à mes œuvres. Cela lui permet de considérer tout ce qui entoure effectivement le monochrome. De la sorte, il peut s’imprégner lui-même de la couleur et la couleur s’imprègne en lui. Ainsi, peut-être, est-il capable d’entrer dans un monde de couleur. » (Y. Klein cité par S. Stich in Yves Klein, dans le catalogue de l’exposition à la Hayward Gallery, Londres, 1994).
In the few years that make up his dazzling career (in June we will celebrate the 60th anniversary of the painter’s death (born in 1928, he died at the age of 34), Yves Klein established himself as one of the emblems of contemporary artistic radicalism. Although the adventure of monochrome painting took root earlier in the 20th century with Malevich, Klein gave it a new dimension from the mid-1950s onwards thanks to a total and unprecedented use of colour. For the artist, colour is in fact what invests space, both real and mental; it is what enables him to appropriate this space, just as he invests time.
“Through colour, I feel a sense of complete identification with space, I am truly free,” he explains (Y. Klein, L’aventure monochrome: l’épopée monochrome, 1960).
Untitled Blue Monochrome (IKB 183) is an emblematic example of this approach: the artist worked with a roller brush, covering the surface of the canvas, which became “a living epidermis as the painter paints” (Y. Klein, note written on a loose leaf, in “Yves Klein, le dépassement de la problématique de l'art et autres écrits,” Paris, 2003, p. 415).
The edges and corners of the canvas become rounded and blurred as the pigment overflows and invades the surface, and the eye is soon no longer able to clearly identify the limits of the painting.
In this way, pure colour expands and diffuses into space, giving birth to an object that cannot entirely be attached to a painting nor entirely to a sculpture. This effect of distortion is reinforced by the absence of a frame, as the artist wished: the works offer themselves naked to the eye and unfold their vibration without constraint—as if floating freely on the walls and generating an immaterial space around them. Thus, for Yves Klein, monochrome was the ideal method for bringing viewers to what he called “zones of immateriality,” residing outside the terrestrial realms of space and time. And the deep, magnetic blue of the IKB is the vehicle for an access to this infinity.
“I try to make the viewer aware that colour is an individual, a character, a personality. I seek out a receptivity in the observer who faces my works. This allows him to consider everything that actually surrounds the monochrome. In this way, he can imbibe the colour himself and the colour becomes imbibed in him. Thus, perhaps, he is able to enter a world of colour.” (Y. Klein quoted by S. Stich in Yves Klein, for the catalogue of the exhibition at the Hayward Gallery, London, 1994).
''First there is nothing, then a deep nothingness, and then a blue depth.'' - Yves Klein quoting Gaston Bachelard
''Par le Bleu, la ‘grande COULEUR’, je cerne de plus en plus ‘l’indéfinissable’ dont a parlé Delacroix dans son Journal comme étant le seul vrai ‘Mérite du tableau'.'' - Yves Klein
“Through Blue, the 'great COLOUR', I am increasingly able to identify the 'indefinable' of which Delacroix spoke in his Journal as the only true 'Merit of a painting.” - Yves Klein
''Pour moi l’art en peinture, c’est de produire, de créer de la liberté à l’état matière première.'' - Yves Klein
“For me, art in painting is to produce, to create freedom in its raw state.” - Yves Klein
Au cours des quelques années seulement qui constituent sa fulgurante trajectoire (on célébrera en juin les 60 ans de la disparition du peintre né en 1928 et disparu à l’âge de 34 ans), Yves Klein s’est érigé comme l’un des emblèmes de la radicalité artistique contemporaine. Si l’aventure du monochrome en peinture prend racine plus tôt au 20e siècle avec Malevitch, Klein va lui offrir une dimension nouvelle à partir du milieu des années 1950 grâce à un usage total et inédit de la couleur. Pour l’artiste, la couleur est en effet ce qui investit l’espace, tant réel que mental ; elle est ce par quoi il s’approprie cet espace, comme il investit le temps. « Par la couleur, je ressens le sentiment d’identification complète avec l’espace, je suis vraiment libre », dit-il ainsi (Y. Klein, L’aventure monochrome : l’épopée monochrome, 1960). Monochrome bleu sans titre, (IKB 183) offre un exemple emblématique de cette démarche : l’artiste travaille au rouleau, parcourant la surface de la toile appelée à devenir « un épiderme vivant à mesure que le peintre peint » (Y. Klein, note rédigée sur une feuille volante, in « Yves Klein, le dépassement de la problématique de l’art et autres écrits », Paris, 2003, p. 415). Les bords et les angles de la toile s’arrondissent et s’estompent à mesure que le pigment déborde et envahit la surface ; et l’œil n’est bientôt plus en mesure d’identifier clairement les limites du tableau qui lui fait face.
De cette manière, la couleur pure se dilate et diffuse dans l’espace, donnant naissance à un objet qu’on ne parvient ni à rattacher tout à fait à une peinture, ni entièrement non plus à une sculpture. Cet effet de distorsion est renforcé par l’absence de cadre, souhaité par l’artiste : les œuvres s’offrent nues au regard et déploient leur vibration sans contrainte, comme flottant librement sur les murs et générant autour d’elle un espace immatériel. Le monochrome se révèle ainsi pour Yves Klein la méthode idéale pour amener les regardeurs à ce qu’il appelle les « zones d’immatérialités », résidant en dehors des domaines terrestres de l’espace et du temps. Et le bleu profond et magnétique de l’IKB est le vecteur permettant l’accès à cet infini. « Je cherche à mettre le spectateur devant le fait que la couleur est un individu, un personnage, une personnalité. Je sollicite une réceptivité chez l’observateur qui fait face à mes œuvres. Cela lui permet de considérer tout ce qui entoure effectivement le monochrome. De la sorte, il peut s’imprégner lui-même de la couleur et la couleur s’imprègne en lui. Ainsi, peut-être, est-il capable d’entrer dans un monde de couleur. » (Y. Klein cité par S. Stich in Yves Klein, dans le catalogue de l’exposition à la Hayward Gallery, Londres, 1994).
In the few years that make up his dazzling career (in June we will celebrate the 60th anniversary of the painter’s death (born in 1928, he died at the age of 34), Yves Klein established himself as one of the emblems of contemporary artistic radicalism. Although the adventure of monochrome painting took root earlier in the 20th century with Malevich, Klein gave it a new dimension from the mid-1950s onwards thanks to a total and unprecedented use of colour. For the artist, colour is in fact what invests space, both real and mental; it is what enables him to appropriate this space, just as he invests time.
“Through colour, I feel a sense of complete identification with space, I am truly free,” he explains (Y. Klein, L’aventure monochrome: l’épopée monochrome, 1960).
Untitled Blue Monochrome (IKB 183) is an emblematic example of this approach: the artist worked with a roller brush, covering the surface of the canvas, which became “a living epidermis as the painter paints” (Y. Klein, note written on a loose leaf, in “Yves Klein, le dépassement de la problématique de l'art et autres écrits,” Paris, 2003, p. 415).
The edges and corners of the canvas become rounded and blurred as the pigment overflows and invades the surface, and the eye is soon no longer able to clearly identify the limits of the painting.
In this way, pure colour expands and diffuses into space, giving birth to an object that cannot entirely be attached to a painting nor entirely to a sculpture. This effect of distortion is reinforced by the absence of a frame, as the artist wished: the works offer themselves naked to the eye and unfold their vibration without constraint—as if floating freely on the walls and generating an immaterial space around them. Thus, for Yves Klein, monochrome was the ideal method for bringing viewers to what he called “zones of immateriality,” residing outside the terrestrial realms of space and time. And the deep, magnetic blue of the IKB is the vehicle for an access to this infinity.
“I try to make the viewer aware that colour is an individual, a character, a personality. I seek out a receptivity in the observer who faces my works. This allows him to consider everything that actually surrounds the monochrome. In this way, he can imbibe the colour himself and the colour becomes imbibed in him. Thus, perhaps, he is able to enter a world of colour.” (Y. Klein quoted by S. Stich in Yves Klein, for the catalogue of the exhibition at the Hayward Gallery, London, 1994).