Lot Essay
Georges Matisse a confirmé l’authenticité de cette œuvre.
« La réaction d’une étape est aussi importante que le sujet. Car cette réaction part de moi et non du sujet. C’est à partir de mon interprétation que je réagis continuellement jusqu’à ce que mon travail se trouve en accord avec moi. Comme quelqu’un fait sa phrase, il retravaille, il redécouvre. À chaque étape, j’ai un équilibre, une conclusion. À la séance suivante, si je trouve qu’il y a une faiblesse dans mon ensemble, je me réintroduis dans mon tableau par cette faiblesse – je rentre par la brèche – et je reconçois le tout »
Henri Matisse cité in D. Foucarde, Écrits et propos sur l'art, Henri Matisse, Paris, 1972, p. 129.
"The reaction of a stage is as important as the subject. For that reaction comes from me and not the subject. I react continuously on the basis of my interpretation until my work is in agreement with me. As someone crafts their sentence, they rework it, they rediscover. At each stage, I have a balance, a conclusion. In the next session, if I find there is a weakness in my whole, I reintroduce myself into my painting through that weakness ‒ I enter through the break ‒ and I rethink all of it"
Henri Matisse quoted in D. Foucarde, Écrits et propos sur l'art, Henri Matisse, Paris, 1972, p. 129.
Tout au long de sa vie, mais tout particulièrement dans les années 1930, Henri Matisse se plaît à réinterpréter ses anciennes compositions. Les commissaires de l’exposition tenue à Lyon en 2016 et 2017 postulent qu’« [en] observant l’évolution du thème classique du faune et de la nymphe dans l’œuvre [de Matisse], on peut ainsi, au fil des années et des techniques employées, percevoir la manière dont il tend à affiner progressivement ses moyens plastiques » (I. Monod-Fontaine et S. Ramond, ‘Métamorphoses. Nymphe et faune’, in Henri Matisse, Le laboratoire intérieur, cat. exp., Musée des Beaux-Arts, Lyon, 2016-2017, p. 189). Dès sa période fauve, et jusqu’à la fin des années 1940, les amours entre les faunes (ou satyres) et les nymphes semblent en effet avoir particulièrement fasciné Matisse. La maturité de ses recherches esthétiques le conduit en 1935 à réaliser les deux présentes compositions, l’une, monochrome, plus esquissée, l’autre, plus aboutie, dont la palette chatoyante rappelle la période fauve de l’artiste. Les attributs du faune, les cornes, le bouc et la queue, ont été ici délaissés, la scène se concentrant sur le rapport à la musique : le faune joue de son aulos, une flûte à deux tuyaux. Son corps tout comme celui de la femme désirée se répondent en décrivant des arcs de cercle. La version en couleurs insiste davantage encore sur les protagonistes, peints en rouge, qui ne forment désormais presque qu’un en se détachant sur un fond rouge et bleu.
En 1905-06, Le Bonheur de Vivre (huile sur toile, Philadelphie, Fondation Barnes) constitue le premier témoignage de l’intérêt de Matisse pour les faunes et les nymphes. En 1908, il réalise à nouveau deux nouvelles œuvres dédiées à ce sujet dans des techniques variées (Nymphe et satyre, huile sur toile, Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage, ancienne collection Chtchoukine ; et Nymphe et satyre, panneau central d’un triptyque en céramique émaillée, Hagen, Karl Ernst Osthaus). En 1911, la même thématique guide son inspiration dans une toile exposée à Copenhague (Nymphe et satyre, huile sur toile, vers 1911, Copenhague, Statens Museum for Kunst), où le faune paraît mélancolique et résigné.
Pour définir sa composition, Matisse semble avoir été influencé par Corrège (Jupiter et Antiope, vers 1524-27, Paris, Musée du Louvre) mais aussi par Paul Cézanne (La Lutte d’amour, huile sur toile, vers 1880, collection particulière ; toile alors exposée à la galerie Bernheim-Jeune). Le choix du sujet s’explique par le succès, dans la première moitié du XXe siècle, de L’après-midi d’un faune de Stéphane Mallarmé, publié en 1876, mis en musique par Claude Debussy en 1892 et chorégraphié par Nijinski en 1912. Dans ce texte, un faune se réveille au bord d’un étang pour ensuite évoquer les nymphes et la nature qui l’entourent en une succession d’images poétiques. Ce n’est pourtant qu’en 1932 que Matisse illustre pour l’éditeur Albert Skira « L’après-midi d’un faune » issu des Poésies de Mallarmé. Parmi les trente-neuf illustrations, celle de la page 81 représente une jeune femme, à gauche de la composition, toute en rondeur, « assaillie » par un homme ayant une petite queue poilue et des jambes velues. C’est sans doute cette commande qui aura amené Matisse à peindre ultérieurement nos deux toiles. Si l’on compare les deux présentes œuvres aux versions plus anciennes sur le sujet, l’artiste pousse ici très loin la stylisation des formes et annonce ses collages monochromes tel que Nu bleu de 1952. Les deux figures seront encore reprises plus tard dans une composition plus élaborée, avec un bord de rivière ainsi que des arbres (Nymphe dans la forêt, La Verdure), huile sur toile, 1935-1942-43, Paris, Musée d’Orsay, en dépôt au Musée Matisse de Nice-Cimiez). Ce thème mythologique, prétexte à l’exploitation graphique du corps féminin, aura occupé l’esprit de Matisse pendant la majeure partie de sa carrière.
Throughout his life, but particularly in the 1930s, Henri Matisse enjoyed reinterpreting his old compositions. The curators of the exhibition held in Lyon in 2016 and 2017 posited that "[by] observing the evolution of the classical theme of the faun and the nymph in the body of work [of Matisse], on can, over the years and the techniques used, perceive the manner in which he tends to gradually refine his graphic approach" (I. Monod-Fontaine and S. Ramond, ‘Métamorphoses. Nymphe et faune’, in Henri Matisse, Le laboratoire intérieur, exh. cat., Musée des Beaux-Arts, Lyon, 2016-2017, p. 189). From his fauvism period and until the end of the 1940s, the love affairs between fauns (or satyrs) and nymphs do appear to have been especially fascinating to Matisse. The maturity of his aesthetic explorations led him in 1935 to produce these two compositions, one monochromatic ‒ more of a sketch, and the other more finished, with a shimmering palette that recalls the artist's fauvism period. The attributes of the faun ‒ the horns, the goatee and the tail ‒ are neglected here, as the scene focuses on the relationship with music: the faun is playing its aulos, a double flute. The body of the faun and of the woman it desires speak to each other with arcing forms. The colour version places even more emphasis on the protagonists, painted in red, who appear nearly as one against and red and blue background.
In 1905-06, Le Bonheur de Vivre (oil on canvas, Philadelphia, Barnes Foundation) is the first evidence of Matisse's interest in fauns and nymphs. In 1908, he again produced two new works devoted to this subject, employing various techniques (Nymphe et satyre, oil on canvas, Saint Petersburg, Hermitage Museum, former Shchukin collection; and Nymphe et satyre, the central panel in a triptych executed in enamelled ceramic, Hagen, Karl Ernst Osthaus). In 1911, the same theme served as his inspiration in a canvas exhibited in Copenhagen (Nymphe et satyre, oil on canvas, circa 1911, Copenhagen, Statens Museum for Kunst), in which the faun appears melancholic and resigned.
To define his composition, Matisse seems to have been influenced by Corrège (Jupiter et Antiope, circa 1524-27, Paris, Musée du Louvre) and by Paul Cézanne (La Lutte d’amour, oil on canvas, circa 1880, private collection; canvas then exhibited at Galerie Bernheim-Jeune). The choice of subject is attributable to the success in the first half of the 20th century of L’après-midi d’un faune by Stéphane Mallarmé, published in 1876, and set to music by Claude Debussy in 1892, then to choreography by Nijinsky in 1912. In this text, a faun awakens next to a pond and describes the nymphs and nature surrounding it in a series of poetic images. Yet it was not until 1932 that Matisse illustrated for the publisher Albert Skira L’après-midi d’un faune from Mallarmé's Poésies. Among the 39 illustrations, the one on page 81 depicts a curvy young woman, at the left of the composition, "besieged" by a man without a small, hairy tail and furry legs. It was undoubtedly this commission that led Matisse to later paint our two canvases. Comparing the two present works to the older versions of the same subject, here the artist goes much further in stylising the forms and foreshadows his monochromatic collages, such as Nu bleu in 1952. The two figures would be revisited later in a more elaborate composition, with a riverbank and trees (Nymphe dans la forêt, La Verdure), oil on canvas, 1935-1942/43, Paris, Musée d’Orsay, held at Musée Matisse in Nice-Cimiez). This mythological theme, a pretext for the graphic exploitation of the female body, occupied the thoughts of Matisse during a large portion of his career.
« La réaction d’une étape est aussi importante que le sujet. Car cette réaction part de moi et non du sujet. C’est à partir de mon interprétation que je réagis continuellement jusqu’à ce que mon travail se trouve en accord avec moi. Comme quelqu’un fait sa phrase, il retravaille, il redécouvre. À chaque étape, j’ai un équilibre, une conclusion. À la séance suivante, si je trouve qu’il y a une faiblesse dans mon ensemble, je me réintroduis dans mon tableau par cette faiblesse – je rentre par la brèche – et je reconçois le tout »
Henri Matisse cité in D. Foucarde, Écrits et propos sur l'art, Henri Matisse, Paris, 1972, p. 129.
"The reaction of a stage is as important as the subject. For that reaction comes from me and not the subject. I react continuously on the basis of my interpretation until my work is in agreement with me. As someone crafts their sentence, they rework it, they rediscover. At each stage, I have a balance, a conclusion. In the next session, if I find there is a weakness in my whole, I reintroduce myself into my painting through that weakness ‒ I enter through the break ‒ and I rethink all of it"
Henri Matisse quoted in D. Foucarde, Écrits et propos sur l'art, Henri Matisse, Paris, 1972, p. 129.
Tout au long de sa vie, mais tout particulièrement dans les années 1930, Henri Matisse se plaît à réinterpréter ses anciennes compositions. Les commissaires de l’exposition tenue à Lyon en 2016 et 2017 postulent qu’« [en] observant l’évolution du thème classique du faune et de la nymphe dans l’œuvre [de Matisse], on peut ainsi, au fil des années et des techniques employées, percevoir la manière dont il tend à affiner progressivement ses moyens plastiques » (I. Monod-Fontaine et S. Ramond, ‘Métamorphoses. Nymphe et faune’, in Henri Matisse, Le laboratoire intérieur, cat. exp., Musée des Beaux-Arts, Lyon, 2016-2017, p. 189). Dès sa période fauve, et jusqu’à la fin des années 1940, les amours entre les faunes (ou satyres) et les nymphes semblent en effet avoir particulièrement fasciné Matisse. La maturité de ses recherches esthétiques le conduit en 1935 à réaliser les deux présentes compositions, l’une, monochrome, plus esquissée, l’autre, plus aboutie, dont la palette chatoyante rappelle la période fauve de l’artiste. Les attributs du faune, les cornes, le bouc et la queue, ont été ici délaissés, la scène se concentrant sur le rapport à la musique : le faune joue de son aulos, une flûte à deux tuyaux. Son corps tout comme celui de la femme désirée se répondent en décrivant des arcs de cercle. La version en couleurs insiste davantage encore sur les protagonistes, peints en rouge, qui ne forment désormais presque qu’un en se détachant sur un fond rouge et bleu.
En 1905-06, Le Bonheur de Vivre (huile sur toile, Philadelphie, Fondation Barnes) constitue le premier témoignage de l’intérêt de Matisse pour les faunes et les nymphes. En 1908, il réalise à nouveau deux nouvelles œuvres dédiées à ce sujet dans des techniques variées (Nymphe et satyre, huile sur toile, Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage, ancienne collection Chtchoukine ; et Nymphe et satyre, panneau central d’un triptyque en céramique émaillée, Hagen, Karl Ernst Osthaus). En 1911, la même thématique guide son inspiration dans une toile exposée à Copenhague (Nymphe et satyre, huile sur toile, vers 1911, Copenhague, Statens Museum for Kunst), où le faune paraît mélancolique et résigné.
Pour définir sa composition, Matisse semble avoir été influencé par Corrège (Jupiter et Antiope, vers 1524-27, Paris, Musée du Louvre) mais aussi par Paul Cézanne (La Lutte d’amour, huile sur toile, vers 1880, collection particulière ; toile alors exposée à la galerie Bernheim-Jeune). Le choix du sujet s’explique par le succès, dans la première moitié du XXe siècle, de L’après-midi d’un faune de Stéphane Mallarmé, publié en 1876, mis en musique par Claude Debussy en 1892 et chorégraphié par Nijinski en 1912. Dans ce texte, un faune se réveille au bord d’un étang pour ensuite évoquer les nymphes et la nature qui l’entourent en une succession d’images poétiques. Ce n’est pourtant qu’en 1932 que Matisse illustre pour l’éditeur Albert Skira « L’après-midi d’un faune » issu des Poésies de Mallarmé. Parmi les trente-neuf illustrations, celle de la page 81 représente une jeune femme, à gauche de la composition, toute en rondeur, « assaillie » par un homme ayant une petite queue poilue et des jambes velues. C’est sans doute cette commande qui aura amené Matisse à peindre ultérieurement nos deux toiles. Si l’on compare les deux présentes œuvres aux versions plus anciennes sur le sujet, l’artiste pousse ici très loin la stylisation des formes et annonce ses collages monochromes tel que Nu bleu de 1952. Les deux figures seront encore reprises plus tard dans une composition plus élaborée, avec un bord de rivière ainsi que des arbres (Nymphe dans la forêt, La Verdure), huile sur toile, 1935-1942-43, Paris, Musée d’Orsay, en dépôt au Musée Matisse de Nice-Cimiez). Ce thème mythologique, prétexte à l’exploitation graphique du corps féminin, aura occupé l’esprit de Matisse pendant la majeure partie de sa carrière.
Throughout his life, but particularly in the 1930s, Henri Matisse enjoyed reinterpreting his old compositions. The curators of the exhibition held in Lyon in 2016 and 2017 posited that "[by] observing the evolution of the classical theme of the faun and the nymph in the body of work [of Matisse], on can, over the years and the techniques used, perceive the manner in which he tends to gradually refine his graphic approach" (I. Monod-Fontaine and S. Ramond, ‘Métamorphoses. Nymphe et faune’, in Henri Matisse, Le laboratoire intérieur, exh. cat., Musée des Beaux-Arts, Lyon, 2016-2017, p. 189). From his fauvism period and until the end of the 1940s, the love affairs between fauns (or satyrs) and nymphs do appear to have been especially fascinating to Matisse. The maturity of his aesthetic explorations led him in 1935 to produce these two compositions, one monochromatic ‒ more of a sketch, and the other more finished, with a shimmering palette that recalls the artist's fauvism period. The attributes of the faun ‒ the horns, the goatee and the tail ‒ are neglected here, as the scene focuses on the relationship with music: the faun is playing its aulos, a double flute. The body of the faun and of the woman it desires speak to each other with arcing forms. The colour version places even more emphasis on the protagonists, painted in red, who appear nearly as one against and red and blue background.
In 1905-06, Le Bonheur de Vivre (oil on canvas, Philadelphia, Barnes Foundation) is the first evidence of Matisse's interest in fauns and nymphs. In 1908, he again produced two new works devoted to this subject, employing various techniques (Nymphe et satyre, oil on canvas, Saint Petersburg, Hermitage Museum, former Shchukin collection; and Nymphe et satyre, the central panel in a triptych executed in enamelled ceramic, Hagen, Karl Ernst Osthaus). In 1911, the same theme served as his inspiration in a canvas exhibited in Copenhagen (Nymphe et satyre, oil on canvas, circa 1911, Copenhagen, Statens Museum for Kunst), in which the faun appears melancholic and resigned.
To define his composition, Matisse seems to have been influenced by Corrège (Jupiter et Antiope, circa 1524-27, Paris, Musée du Louvre) and by Paul Cézanne (La Lutte d’amour, oil on canvas, circa 1880, private collection; canvas then exhibited at Galerie Bernheim-Jeune). The choice of subject is attributable to the success in the first half of the 20th century of L’après-midi d’un faune by Stéphane Mallarmé, published in 1876, and set to music by Claude Debussy in 1892, then to choreography by Nijinsky in 1912. In this text, a faun awakens next to a pond and describes the nymphs and nature surrounding it in a series of poetic images. Yet it was not until 1932 that Matisse illustrated for the publisher Albert Skira L’après-midi d’un faune from Mallarmé's Poésies. Among the 39 illustrations, the one on page 81 depicts a curvy young woman, at the left of the composition, "besieged" by a man without a small, hairy tail and furry legs. It was undoubtedly this commission that led Matisse to later paint our two canvases. Comparing the two present works to the older versions of the same subject, here the artist goes much further in stylising the forms and foreshadows his monochromatic collages, such as Nu bleu in 1952. The two figures would be revisited later in a more elaborate composition, with a riverbank and trees (Nymphe dans la forêt, La Verdure), oil on canvas, 1935-1942/43, Paris, Musée d’Orsay, held at Musée Matisse in Nice-Cimiez). This mythological theme, a pretext for the graphic exploitation of the female body, occupied the thoughts of Matisse during a large portion of his career.