Lot Essay
« Tout ce qui importe, c'est la règle ; quiconque ignore la règle ne pourra jamais reconnaître l'ordre prédominant des choses, tout comme celui qui ignore l'ordre des étoiles ne verra que de la confusion là où l'astronome perçoit les choses avec clarté » - Alighiero Boetti, in Alighiero Boetti, cat. exp., Museum für Moderne Kunst, Francfort, 1998, p. 311.
"All that is important is the rule; Anyone who does not know it, will never recognise the prevailing order in things, just as somebody who does not know the order of the stars will always see confusion where an astronomer has a very clear view of things." - Alighiero Boetti quoted in Alighiero Boetti, exh cat., Museum für Moderne Kunst, Frankfurt Am Main, 1998, p. 311.
Le phénomène de la condensation, de même que la vaste question de l'entropie, occupent une place majeure dans l'œuvre de nombreux représentants de l'Arte Povera, comme Piero Calzolari, Giovanni Anselmo ou Emilio Prini. Boetti se prend de fascination pour ces sujets à son tour lorsqu'il découvre, notamment, les écrits de Norman O. Brown.
Exécutée en 1975, Storia naturale della condensazione (« Histoire naturelle de la condensation ») est une œuvre imposante et profondément singulière qui se déploie à l'horizontale, se frayant un étrange chemin entre l'idée de liberté et d'enfermement, d'impulsion artistique et de rigueur mathématique et surtout, comme son titre l'indique, entre le vide et le condensé. Énigmatique, inattendu, ce savant mélange de structure méthodique et de création intuitive est étroitement lié à un ensemble d'œuvres du milieu des années 1970, dans lesquelles Boetti s'amuse avec le principe des suites mathématiques de manière totalement insolite. Ces créations ambitieuses poussent dans de nouvelles directions graphiques la logique de permutation constante explorée dans les Dama, une série expérimentale de damiers réalisée quelques années plus tôt.
La plupart des oeuvres que Boetti produit dans cette veine s'intitulent Storia naturale della moltiplicazione (« Histoire naturelle de la multiplication »). Elles révèlent toute la beauté plastique et la diversité extraordinaire qui peuvent être obtenues à partir des suites mathématiques les plus simples et les plus banales. Dans ces travaux, Boetti emploie un système permettant de remplir différents panneaux blancs d'un nombre déterminé de petits carrés d'encre noire, appliqués selon un schéma aléatoire. D'un panneau à l'autre, le nombre de carrés et la surface qu'ils recouvrent augmentent progressivement, selon une suite mathématique fixe, jusqu'à ce que le dernier panneau soit presque entièrement recouvert de motifs d'encre – à l'inverse du premier panneau, resté pratiquement vierge. A priori insipide, rigide, monotone, le système mathématique se révèle dès lors sous un jour surprenant, comme la source d'une diversité graphique infinie. Régies par des suites mathématiques de croissance proches de celles que l'on trouve souvent dans la nature, ces « histoires naturelles de la multiplication » illustrent ainsi de manière particulièrement éloquente le concept le plus cher à Boetti, celui qui sous-tend selon lui l'existence dans sa totalité : l'opposition convergente entre « ordine e disordine », l'ordre et le désordre.
Bien qu'elle s'apparente à ces œuvres en termes de forme, Storia naturale della condensazione est structurée de façon différente. Elle est composée de vingt-huit panneaux rectangulaires de papier quadrillé ; sur chacun de ces panneaux, hormis un, Boetti a rempli d'encre noire un nombre fixe et déterminé de carrés (cent-vingt-et-un), d'après une suite mathématique. De panneau en panneau, le nombre de carrés noircis reste fixe, mais la quantité de différents motifs qu'il peuvent engendrer diminue (se condense) jusqu'à ce que, dans le dernier panneau, l'intégralité des cent-vingt-et-un carrés s'agglomèrent, pour former une tache noire compacte et carrée.
The phenomenon of condensation and also the wider theme of entropy are ones that play a major role in the work of many arte povera artists from Piero Calzolari and Giovanni Anselmo to Emilio Prini. Boetti himself became fascinated by both subjects after encountering the writings of Norman O. Brown.
Executed in 1975 Boetti’s Storia naturale della condensazione (Natural History of Condensation) is a vast, expansive and unique work on this theme that navigates a strange path between freedom and confinement, graphic impulse and systematic rule as well as, ultimately and, as its title suggests, between emptiness and the cohesive image. An extraordinary and mysterious graphic combination of regular mathematical structure and intuitively arrived at form it is a work that relates closely to a series of playful mathematically progressive works made by Boetti in the mid-1970s that extended the permutational logic of his earlier chequerboard Dama works into new and surprising graphic directions.
The majority of Boetti’s works of this type are entitled Storia naturale della moltiplicazione (Natural History of Multiplication) and articulate the extraordinary variety, and graphic beauty that can be arrived at through even the simplest and most mundane of mathematical systems of progression. In these works Boetti employed a system of filling in a set number of squares in black ink according to a random pattern. With each new panel, the number of squares and their surface area was increased according to a set mathematical progression until, by the final panel - and in complete contrast to the almost empty first panel - the grid became almost completely covered with ink. In this way the apparent dryness and regularity of the kind of mathematical structuring was graphically revealed to be the source of a surprising and seemingly infinite variety. Similar to the kind of mathematical progressions of growth often found in nature, these works are therefore, particularly clear illustrations of Boetti’s concept of the intertwined polarity of ‘ordine e disordine’ (order and disorder) that he believed underpins all existence.
Though somewhat similar in appearance to these works Storia naturale della condensazione is different in its structuring. It comprises of twenty-eight rectangular panels of squared paper. Over all but one of these panels Boetti has, by following a progressive sequence, filled in, with black ink, a specific and unchanging number of squares (121). This number of squares remains fixed while gradually the number of different sign-like forms made with them decreases (condenses) until finally in the last panel, all one hundred and twenty-one squares are combined to form a single cohesive black square form.
"All that is important is the rule; Anyone who does not know it, will never recognise the prevailing order in things, just as somebody who does not know the order of the stars will always see confusion where an astronomer has a very clear view of things." - Alighiero Boetti quoted in Alighiero Boetti, exh cat., Museum für Moderne Kunst, Frankfurt Am Main, 1998, p. 311.
Le phénomène de la condensation, de même que la vaste question de l'entropie, occupent une place majeure dans l'œuvre de nombreux représentants de l'Arte Povera, comme Piero Calzolari, Giovanni Anselmo ou Emilio Prini. Boetti se prend de fascination pour ces sujets à son tour lorsqu'il découvre, notamment, les écrits de Norman O. Brown.
Exécutée en 1975, Storia naturale della condensazione (« Histoire naturelle de la condensation ») est une œuvre imposante et profondément singulière qui se déploie à l'horizontale, se frayant un étrange chemin entre l'idée de liberté et d'enfermement, d'impulsion artistique et de rigueur mathématique et surtout, comme son titre l'indique, entre le vide et le condensé. Énigmatique, inattendu, ce savant mélange de structure méthodique et de création intuitive est étroitement lié à un ensemble d'œuvres du milieu des années 1970, dans lesquelles Boetti s'amuse avec le principe des suites mathématiques de manière totalement insolite. Ces créations ambitieuses poussent dans de nouvelles directions graphiques la logique de permutation constante explorée dans les Dama, une série expérimentale de damiers réalisée quelques années plus tôt.
La plupart des oeuvres que Boetti produit dans cette veine s'intitulent Storia naturale della moltiplicazione (« Histoire naturelle de la multiplication »). Elles révèlent toute la beauté plastique et la diversité extraordinaire qui peuvent être obtenues à partir des suites mathématiques les plus simples et les plus banales. Dans ces travaux, Boetti emploie un système permettant de remplir différents panneaux blancs d'un nombre déterminé de petits carrés d'encre noire, appliqués selon un schéma aléatoire. D'un panneau à l'autre, le nombre de carrés et la surface qu'ils recouvrent augmentent progressivement, selon une suite mathématique fixe, jusqu'à ce que le dernier panneau soit presque entièrement recouvert de motifs d'encre – à l'inverse du premier panneau, resté pratiquement vierge. A priori insipide, rigide, monotone, le système mathématique se révèle dès lors sous un jour surprenant, comme la source d'une diversité graphique infinie. Régies par des suites mathématiques de croissance proches de celles que l'on trouve souvent dans la nature, ces « histoires naturelles de la multiplication » illustrent ainsi de manière particulièrement éloquente le concept le plus cher à Boetti, celui qui sous-tend selon lui l'existence dans sa totalité : l'opposition convergente entre « ordine e disordine », l'ordre et le désordre.
Bien qu'elle s'apparente à ces œuvres en termes de forme, Storia naturale della condensazione est structurée de façon différente. Elle est composée de vingt-huit panneaux rectangulaires de papier quadrillé ; sur chacun de ces panneaux, hormis un, Boetti a rempli d'encre noire un nombre fixe et déterminé de carrés (cent-vingt-et-un), d'après une suite mathématique. De panneau en panneau, le nombre de carrés noircis reste fixe, mais la quantité de différents motifs qu'il peuvent engendrer diminue (se condense) jusqu'à ce que, dans le dernier panneau, l'intégralité des cent-vingt-et-un carrés s'agglomèrent, pour former une tache noire compacte et carrée.
The phenomenon of condensation and also the wider theme of entropy are ones that play a major role in the work of many arte povera artists from Piero Calzolari and Giovanni Anselmo to Emilio Prini. Boetti himself became fascinated by both subjects after encountering the writings of Norman O. Brown.
Executed in 1975 Boetti’s Storia naturale della condensazione (Natural History of Condensation) is a vast, expansive and unique work on this theme that navigates a strange path between freedom and confinement, graphic impulse and systematic rule as well as, ultimately and, as its title suggests, between emptiness and the cohesive image. An extraordinary and mysterious graphic combination of regular mathematical structure and intuitively arrived at form it is a work that relates closely to a series of playful mathematically progressive works made by Boetti in the mid-1970s that extended the permutational logic of his earlier chequerboard Dama works into new and surprising graphic directions.
The majority of Boetti’s works of this type are entitled Storia naturale della moltiplicazione (Natural History of Multiplication) and articulate the extraordinary variety, and graphic beauty that can be arrived at through even the simplest and most mundane of mathematical systems of progression. In these works Boetti employed a system of filling in a set number of squares in black ink according to a random pattern. With each new panel, the number of squares and their surface area was increased according to a set mathematical progression until, by the final panel - and in complete contrast to the almost empty first panel - the grid became almost completely covered with ink. In this way the apparent dryness and regularity of the kind of mathematical structuring was graphically revealed to be the source of a surprising and seemingly infinite variety. Similar to the kind of mathematical progressions of growth often found in nature, these works are therefore, particularly clear illustrations of Boetti’s concept of the intertwined polarity of ‘ordine e disordine’ (order and disorder) that he believed underpins all existence.
Though somewhat similar in appearance to these works Storia naturale della condensazione is different in its structuring. It comprises of twenty-eight rectangular panels of squared paper. Over all but one of these panels Boetti has, by following a progressive sequence, filled in, with black ink, a specific and unchanging number of squares (121). This number of squares remains fixed while gradually the number of different sign-like forms made with them decreases (condenses) until finally in the last panel, all one hundred and twenty-one squares are combined to form a single cohesive black square form.