Lot Essay
« Nous, c'est-à-dire Pegeen et moi. Elle est ravissante, blonde, [...] . Elle a été élevée en grande partie à Megève. Je suis tombé follement amoureux d'elle et je l'ai épousée. [...] J'ai l'impression d'être délivré d'un cauchemar, d'être revenu à ma jeunesse et à la liberté. Je suis très heureux ». - Lettre de Jean Hélion à son premier fils, Jean-Jacques, le 20 mars 1945. (in P. Dagen, Hélion, Paris, 2004, p. 159)
“We, that is to say Pegeen and me. She is beautiful, blonde, [...] . She was raised mostly in Megève. I fell madly in love with her and married her. [...] I have the impression of being delivered from a nightmare, of having returned to my youth and to freedom. I am very happy." - Letter from Jean Hélion to his first son, Jean-Jacques, March 20th, 1945 (in P. Dagen, Hélion, Paris, 2004, p. 159)
Œuvre majeure de Jean Hélion illustrant Pegeen Vail, Fille au mannequin est un tableau décisif dans lequel se rejoignent l'histoire personnelle de l'artiste, sa trajectoire de peintre et, plus largement, la grande Histoire du XXe siècle. Fille au mannequin est en effet le tableau d'une délivrance, tant personnelle qu’artistique : en 1944, année de sa création, Jean Hélion est à New York; il est libre, amoureux, et son art emprunte une voie nouvelle.
Aucun récit ne permet mieux que l'œuvre elle-même - sa palette flamboyante, la douceur de ses courbes, la tendresse immense du peintre pour son modèle palpable dans chaque coup de pinceau - de prendre la mesure du chemin parcouru par Jean Hélion depuis ce sombre mois de juin 1940 où l'artiste, combattant l'Allemagne nazie est fait prisonnier en Poméranie, puis enfermé sur un bateau-prison à Stettin-sur-Oder. En 1942, Hélion s'évade de Stettin et gagne la zone sud où il retrouve Brauner, Duchamp, Tzara, entre autres, avant de s'embarquer en octobre pour les Etats-Unis. C'est là qu'il écrit They Shall Not Have Me (Ils ne m'auront pas), récit de sa captivité et manifeste en faveur de la liberté qui devient un best-seller outre-Atlantique. L'expérience de la guerre a en effet profondément ébranlé Hélion et lui donne le sentiment vif que l'abstraction n'est plus en accord avec le monde contemporain.
En opérant ce virage, Jean Hélion se livre à une remise en question de ce qu'a été sa vision de l'art et de la peinture jusqu'à alors - opération courageuse car sa réputation de peintre est solidement installée des deux côtés de l'Atlantique et parce que la scène artistique européenne et américaine est très largement dominée par l'abstraction. Fille au mannequin est emblématique de ce moment-pivot : le peintre semble atteindre ici le point d'équilibre entre ses recherches abstraites des années 1930 et sa volonté nouvelle d'appréhender l'acte de création par un retour à la figuration. Si l'œuvre est résolument figurative, on y retrouve néanmoins bon nombre des éléments plastiques caractéristiques des œuvres des années 1930 : ondulation des formes, grands aplats de couleurs, découpes franches de la composition qui rappellent celles des compositions abstraites de la décennie précédente.
Ce faisant, Hélion s'inscrit au cœur des réflexions menées par les artistes à la fin de la guerre autour de la question (et de la pertinence) de l'acte de création après les traumatismes de la guerre : comment créer encore lorsque le pire vient de se produire ? À cette question, Jean Hélion répond par un double acte de foi, en la peinture et en l'amour, réunis sur une même toile : Fille au mannequin.
“We, that is to say Pegeen and me. She is beautiful, blonde, [...] . She was raised mostly in Megève. I fell madly in love with her and married her. [...] I have the impression of being delivered from a nightmare, of having returned to my youth and to freedom. I am very happy." - Letter from Jean Hélion to his first son, Jean-Jacques, March 20th, 1945 (in P. Dagen, Hélion, Paris, 2004, p. 159)
Œuvre majeure de Jean Hélion illustrant Pegeen Vail, Fille au mannequin est un tableau décisif dans lequel se rejoignent l'histoire personnelle de l'artiste, sa trajectoire de peintre et, plus largement, la grande Histoire du XXe siècle. Fille au mannequin est en effet le tableau d'une délivrance, tant personnelle qu’artistique : en 1944, année de sa création, Jean Hélion est à New York; il est libre, amoureux, et son art emprunte une voie nouvelle.
Aucun récit ne permet mieux que l'œuvre elle-même - sa palette flamboyante, la douceur de ses courbes, la tendresse immense du peintre pour son modèle palpable dans chaque coup de pinceau - de prendre la mesure du chemin parcouru par Jean Hélion depuis ce sombre mois de juin 1940 où l'artiste, combattant l'Allemagne nazie est fait prisonnier en Poméranie, puis enfermé sur un bateau-prison à Stettin-sur-Oder. En 1942, Hélion s'évade de Stettin et gagne la zone sud où il retrouve Brauner, Duchamp, Tzara, entre autres, avant de s'embarquer en octobre pour les Etats-Unis. C'est là qu'il écrit They Shall Not Have Me (Ils ne m'auront pas), récit de sa captivité et manifeste en faveur de la liberté qui devient un best-seller outre-Atlantique. L'expérience de la guerre a en effet profondément ébranlé Hélion et lui donne le sentiment vif que l'abstraction n'est plus en accord avec le monde contemporain.
En opérant ce virage, Jean Hélion se livre à une remise en question de ce qu'a été sa vision de l'art et de la peinture jusqu'à alors - opération courageuse car sa réputation de peintre est solidement installée des deux côtés de l'Atlantique et parce que la scène artistique européenne et américaine est très largement dominée par l'abstraction. Fille au mannequin est emblématique de ce moment-pivot : le peintre semble atteindre ici le point d'équilibre entre ses recherches abstraites des années 1930 et sa volonté nouvelle d'appréhender l'acte de création par un retour à la figuration. Si l'œuvre est résolument figurative, on y retrouve néanmoins bon nombre des éléments plastiques caractéristiques des œuvres des années 1930 : ondulation des formes, grands aplats de couleurs, découpes franches de la composition qui rappellent celles des compositions abstraites de la décennie précédente.
Ce faisant, Hélion s'inscrit au cœur des réflexions menées par les artistes à la fin de la guerre autour de la question (et de la pertinence) de l'acte de création après les traumatismes de la guerre : comment créer encore lorsque le pire vient de se produire ? À cette question, Jean Hélion répond par un double acte de foi, en la peinture et en l'amour, réunis sur une même toile : Fille au mannequin.