Lot Essay
« Avec la peinture abstraite, nous créons un meilleur moyen d’approcher ce qui ne peut être ni vu ni compris. »
Travaillée dans une palette sombre et opulente aux tons ardents d’orange flamboyant, d’ocre et de céruléen, Abstraktes Bild (1992) est un joyau de la peinture qui date de l’apogée de la pratique abstraite de Gerhard Richter. Peinte l’année où Richter a exposé un certain nombre d’œuvres d’envergure de la série Abstraktes Bilder à la Documenta IX de Kassel - une exposition qui a propulsé ses œuvres abstraites vers une renommée internationale plus grande que jamais, nombre d’entre elles arborant les rayures complexes de la présente peinture - cette œuvre reflète un moment charnière où l’artiste a véritablement maîtrisé la technique qui le caractérise.
Sur une surface travaillée avec soin, Richter nous présente de larges et luxueux rubans de peinture entrecoupés d’éclairs, d’éclats et de stries de couleurs vives. En se séparant par séquences, les balayages horizontaux dominants créent une surface d’apparence pliée qui illumine et obscurcit simultanément les couches résiduaires situées en dessous, créant ainsi un changement continu de focalisation entre les multiples plans. La technique de Richter, véritable maître chorégraphe, évoque un sens lyrique du mouvement, les bandes marbrées de pigments scintillant en couches complexes et iridescentes. Sans conteste, Abstraktes Bild, myriade kaléidoscopique de couleurs et de détails, est un souvenir majestueux de la période formaliste la plus sophistiquée de Richter. Dans ses notes personnelles de 1992, Richter attire l’attention sur son processus de peinture raffiné de l’époque, en déclarant : « Depuis un an environ, je ne peux rien faire d’autre dans ma peinture que gratter, empiler et enlever à nouveau. Dans ce processus, je ne révèle pas vraiment ce qui est en dessous. Si je voulais le faire, je devrais réfléchir à ce qu’il faut révéler (images figuratives, signes ou motifs), c’est-à-dire des images qui pourraient aussi bien être produites directement. Il s’agirait d’un tour de passe-passe symbolique : ramener à la lumière les images perdues, enterrées, ou quelque chose de ce genre. Le processus d’application, de destruction et de superposition ne sert qu’à atteindre un répertoire technique plus varié dans la création d’images » (G. Richter cité dans D. Elger, Gerhard Richter : A Life in Painting, Cologne 2002, p. 322).
La technique abstraite que Richter a réussi à mettre au point au début des années 1990 est le résultat de trois décennies d’expérimentation, une expérimentation amorcée avec les premiers tourbillons gris de pigments qu’il a utilisés pour recouvrir l’image photoréaliste Tisch (Table) en 1962 et poursuivie dans les années 1980 lorsqu’il a utilisé pour la première fois la raclette pour étendre des traînées épaisses et intenses de peinture sur sa toile. Comme l’a observé Dietmar Elger, « pour Richter, la raclette est l’outil le plus important pour intégrer la coïncidence dans son art. Pendant des années, il l’a utilisée avec parcimonie, mais il a fini par comprendre que la structure de la peinture appliquée avec une raclette ne peut jamais être totalement contrôlée. Il introduit ainsi un moment de surprise qui lui permet souvent de se sortir d’une impasse créative, détruisant un effort antérieur insatisfaisant et ouvrant la porte à un nouveau départ. » (D. Elger, ibid., p. 251). Peinte à un moment décisif entre son audacieuse exposition à la Tate Gallery de Londres en 1991 et sa première grande rétrospective itinérante, Gerhard Richter : Malerei 1962-1993, organisée par Kasper König en 1993, l’œuvre Abstraktes Bild est non seulement une composition cinétique et dynamique, mais aussi une relique de certaines des années les plus significatives de la carrière de Richter.
‘With abstract painting we create a better means of approaching what can be neither seen nor understood’
Gerhard Richter
Rendered in a dark, opulent palette bearing fiery tones of blazing orange, ochre and cerulean, Abstraktes Bild (1992) is a jewel-like painting dating from the height of Gerhard Richter’s abstract practice. Painted the year Richter showcased a number of large-scale Abstraktes Bilder at Documenta IX in Kassel—an exhibition which propelled his abstract works to greater international acclaim than ever before, many of them sharing the present painting’s complex, striped striations—this work reflects a pivotal moment in which the artist had truly mastered his trademark technique.
Squeegeed across his elaborately worked surface, Richter presents us with broad, luxurious ribbons of paint interspersed by flashes, shafts and streaks of vibrant colour. Parting sequentially, the dominant horizontal swipes create a seemingly folded surface which simultaneously highlights and obscures the residual layers below, creating an ongoing shift in focus between the multiple planes. A master choreographer, Richter’s technique evokes a lyrical sense of movement, the marbled swathes of pigment shimmering in intricate, iridescent layers. Indeed, Abstraktes Bild, a kaleidoscopic myriad of colour and detail, is a majestic memento from Richter’s most sophisticated formalist period. In his personal notes from 1992, Richter draws attention to his refined painting process of the time, stating ‘For about a year now, I have been unable to do anything in my painting but scrape off, pile on and then remove again. In this process, I don’t actually reveal what was beneath. If I wanted to do that, I would have to think what to reveal (figurative pictures or signs or patterns); that is, pictures that might as well be produced direct. It would be something of a symbolic trick: bringing to light the lost, buried pictures, or something to that effect. The process of applying, destroying and layering serves only to achieve a more varied technical repertoire in picture-making’ (G. Richter quoted in D. Elger, Gerhard Richter: A Life in Painting, Cologne 2002, p. 322).
The abstract technique Richter had achieved by the early 1990s was the result of a three-decade journey of experimentation, kicked off by the first grey swirls of pigment he had used to cover the photorealist image Tisch (Table) in 1962 and continued through the 1980s when he first introduced the squeegee to spread thick, vibrant streaks of paint across his canvas. As Dietmar Elger has observed, ‘for Richter, the squeegee is the most important implement for integrating coincidence into his art. For years, he used it sparingly, but he came to appreciate how the structure of paint applied with a squeegee can never be completely controlled. It thus introduces a moment of surprise that often enables him to extricate himself from a creative dead-end, destroying a prior, unsatisfactory effort and opening the door to a fresh start’ (D. Elger, ibid., p. 251). Painted at the defining moment between his breakthrough exhibition at Tate Gallery, London in 1991 and his first major touring retrospective Gerhard Richter: Malerei 1962-1993 curated by Kasper König in 1993, Abstraktes Bild is not only a vibrant, dynamic composition, but also a relic of some of the most significant years of Richter’s career.
Travaillée dans une palette sombre et opulente aux tons ardents d’orange flamboyant, d’ocre et de céruléen, Abstraktes Bild (1992) est un joyau de la peinture qui date de l’apogée de la pratique abstraite de Gerhard Richter. Peinte l’année où Richter a exposé un certain nombre d’œuvres d’envergure de la série Abstraktes Bilder à la Documenta IX de Kassel - une exposition qui a propulsé ses œuvres abstraites vers une renommée internationale plus grande que jamais, nombre d’entre elles arborant les rayures complexes de la présente peinture - cette œuvre reflète un moment charnière où l’artiste a véritablement maîtrisé la technique qui le caractérise.
Sur une surface travaillée avec soin, Richter nous présente de larges et luxueux rubans de peinture entrecoupés d’éclairs, d’éclats et de stries de couleurs vives. En se séparant par séquences, les balayages horizontaux dominants créent une surface d’apparence pliée qui illumine et obscurcit simultanément les couches résiduaires situées en dessous, créant ainsi un changement continu de focalisation entre les multiples plans. La technique de Richter, véritable maître chorégraphe, évoque un sens lyrique du mouvement, les bandes marbrées de pigments scintillant en couches complexes et iridescentes. Sans conteste, Abstraktes Bild, myriade kaléidoscopique de couleurs et de détails, est un souvenir majestueux de la période formaliste la plus sophistiquée de Richter. Dans ses notes personnelles de 1992, Richter attire l’attention sur son processus de peinture raffiné de l’époque, en déclarant : « Depuis un an environ, je ne peux rien faire d’autre dans ma peinture que gratter, empiler et enlever à nouveau. Dans ce processus, je ne révèle pas vraiment ce qui est en dessous. Si je voulais le faire, je devrais réfléchir à ce qu’il faut révéler (images figuratives, signes ou motifs), c’est-à-dire des images qui pourraient aussi bien être produites directement. Il s’agirait d’un tour de passe-passe symbolique : ramener à la lumière les images perdues, enterrées, ou quelque chose de ce genre. Le processus d’application, de destruction et de superposition ne sert qu’à atteindre un répertoire technique plus varié dans la création d’images » (G. Richter cité dans D. Elger, Gerhard Richter : A Life in Painting, Cologne 2002, p. 322).
La technique abstraite que Richter a réussi à mettre au point au début des années 1990 est le résultat de trois décennies d’expérimentation, une expérimentation amorcée avec les premiers tourbillons gris de pigments qu’il a utilisés pour recouvrir l’image photoréaliste Tisch (Table) en 1962 et poursuivie dans les années 1980 lorsqu’il a utilisé pour la première fois la raclette pour étendre des traînées épaisses et intenses de peinture sur sa toile. Comme l’a observé Dietmar Elger, « pour Richter, la raclette est l’outil le plus important pour intégrer la coïncidence dans son art. Pendant des années, il l’a utilisée avec parcimonie, mais il a fini par comprendre que la structure de la peinture appliquée avec une raclette ne peut jamais être totalement contrôlée. Il introduit ainsi un moment de surprise qui lui permet souvent de se sortir d’une impasse créative, détruisant un effort antérieur insatisfaisant et ouvrant la porte à un nouveau départ. » (D. Elger, ibid., p. 251). Peinte à un moment décisif entre son audacieuse exposition à la Tate Gallery de Londres en 1991 et sa première grande rétrospective itinérante, Gerhard Richter : Malerei 1962-1993, organisée par Kasper König en 1993, l’œuvre Abstraktes Bild est non seulement une composition cinétique et dynamique, mais aussi une relique de certaines des années les plus significatives de la carrière de Richter.
‘With abstract painting we create a better means of approaching what can be neither seen nor understood’
Gerhard Richter
Rendered in a dark, opulent palette bearing fiery tones of blazing orange, ochre and cerulean, Abstraktes Bild (1992) is a jewel-like painting dating from the height of Gerhard Richter’s abstract practice. Painted the year Richter showcased a number of large-scale Abstraktes Bilder at Documenta IX in Kassel—an exhibition which propelled his abstract works to greater international acclaim than ever before, many of them sharing the present painting’s complex, striped striations—this work reflects a pivotal moment in which the artist had truly mastered his trademark technique.
Squeegeed across his elaborately worked surface, Richter presents us with broad, luxurious ribbons of paint interspersed by flashes, shafts and streaks of vibrant colour. Parting sequentially, the dominant horizontal swipes create a seemingly folded surface which simultaneously highlights and obscures the residual layers below, creating an ongoing shift in focus between the multiple planes. A master choreographer, Richter’s technique evokes a lyrical sense of movement, the marbled swathes of pigment shimmering in intricate, iridescent layers. Indeed, Abstraktes Bild, a kaleidoscopic myriad of colour and detail, is a majestic memento from Richter’s most sophisticated formalist period. In his personal notes from 1992, Richter draws attention to his refined painting process of the time, stating ‘For about a year now, I have been unable to do anything in my painting but scrape off, pile on and then remove again. In this process, I don’t actually reveal what was beneath. If I wanted to do that, I would have to think what to reveal (figurative pictures or signs or patterns); that is, pictures that might as well be produced direct. It would be something of a symbolic trick: bringing to light the lost, buried pictures, or something to that effect. The process of applying, destroying and layering serves only to achieve a more varied technical repertoire in picture-making’ (G. Richter quoted in D. Elger, Gerhard Richter: A Life in Painting, Cologne 2002, p. 322).
The abstract technique Richter had achieved by the early 1990s was the result of a three-decade journey of experimentation, kicked off by the first grey swirls of pigment he had used to cover the photorealist image Tisch (Table) in 1962 and continued through the 1980s when he first introduced the squeegee to spread thick, vibrant streaks of paint across his canvas. As Dietmar Elger has observed, ‘for Richter, the squeegee is the most important implement for integrating coincidence into his art. For years, he used it sparingly, but he came to appreciate how the structure of paint applied with a squeegee can never be completely controlled. It thus introduces a moment of surprise that often enables him to extricate himself from a creative dead-end, destroying a prior, unsatisfactory effort and opening the door to a fresh start’ (D. Elger, ibid., p. 251). Painted at the defining moment between his breakthrough exhibition at Tate Gallery, London in 1991 and his first major touring retrospective Gerhard Richter: Malerei 1962-1993 curated by Kasper König in 1993, Abstraktes Bild is not only a vibrant, dynamic composition, but also a relic of some of the most significant years of Richter’s career.