Details
Ed Ruscha (né en 1937)
Judy
signé et daté 'Ed Ruscha 1992' (au dos)
acrylique sur toile
66 x 76 cm.
Peint en 1992.

signed and dated 'Ed Ruscha 1992' (on the reverse)
acrylic on canvas
26 x 29 7/8 in.
Painted in 1992.
Provenance
Gagosian Gallery, Los Angeles (acquis directement auprès de l'artiste)
Collection Ann Guidotti, New Jersey
Kantor Gallery, Los Angeles
Vente anonyme, Christie's, New York, 17 mai 2001, lot 192
Collection Andre Sakhai, New York
Vente anonyme, Phillips, Londres, 12 octobre 2011, lot 24
Acquis lors de cette vente
Literature
K. Miller, in Tokion, 'One of America's greatest artists, Ed Ruscha has a way with words', juin-juillet 2006, pp. 76-81 (illustré en couleurs p. 80).
R. Dean et L. Turvey, Edward Ruscha: catalogue raisonné of the paintings, volume four: 1988-1992, New York, 2009, pp. 428-429 et p. 548 (illustré en couleurs p. 429).

Brought to you by

Paul Nyzam
Paul Nyzam Head of Department

Lot Essay

Représentant une silhouette féminine floue en blanc sur un fond noir, sur laquelle sont superposés des tiges de blé et le titre de l’œuvre écrit en lettres intenses et sinueuses parées de rouge et de bleu, Judy (1992) illustre à la perfection le remarquable jeu d’interaction entre image et texte d’Ed Ruscha. Ruscha se concentre principalement sur la typographie utilisée pour faire ressortir le nom, une caractéristique qui souligne et minimise simultanément la présence fantomatique de la femme. Si elle s’appelle Judy, elle n’en reste pas moins non identifiée : son contour est un motif graphique qui agit comme un complément sombre à la beauté formaliste et audacieuse du texte. Les lettres planent dans l’image comme dans le générique d’ouverture d’un film sur un écran de cinéma. Verbalisant le visuel, Ed Ruscha est un peintre des mots et a consacré sa pratique à l’exploration de l’intersection entre le littéral et le pictural. « ... J’aime le langage », a déclaré Ruscha. « Pour moi, les mots ont une température. Quand ils atteignent un certain degré et deviennent chauds, je me sens attiré par eux » (E. Ruscha cité dans R. D. Marshall, Ed Ruscha, Londres 2003, p. 11).
Judy appartient à une série de compositions en sfumato fuligineuses que l’artiste a commencé à produire dans les années 1980, où des silhouettes se dessinent sur des fonds monochromes et ombreux. Créées à l’aide d’un aérographe, certaines de ces œuvres ne comportent aucun texte et se concentrent sur des formes inspirées de la photographie et des films en noir et blanc. Si Judy donne au texte un rôle central, son clair-obscur nocturne - juxtaposé au texte rouge et bleu d’une brillance sucrée et au premier plan scénique du blé - confère à l’œuvre un suspense surréaliste et théâtral qui fait écho à la cinématographie classique et à l’esthétique grinçante du film noir. L’œuvre est à la fois richement atmosphérique et profondément énigmatique. « Si je suis influencé par les films », a déclaré Ruscha, « c’est en profondeur, pas seulement en surface. Beaucoup de mes peintures sont des toiles de fond anonymes sur lesquelles je mets en scène les mots... J’ai un arrière-plan, un premier plan. C’est très simple. Et les arrière-plans n’ont pas de caractère particulier. Ils sont juste destinés à servir l’intensité dramatique » (E. Ruscha cité dans Cotton Puffs, Q-Tips, Smoke and Mirrors : The Drawings of Ed Ruscha, cat. exp. Musée d’art contemporain, Los Angeles 2004-05, p. 21).
Installé depuis 1956 à Los Angeles, dans un monde très éloigné de la scène artistique animée de New York, Ed Ruscha a créé sa propre marque de Pop Art, basée sur la représentation fonctionnelle des mots et des lettres. Influencé par la publicité américaine et les codes visuels des médias de masse, qui ont également inspiré les toiles d’Andy Warhol et de Roy Lichtenstein, Ruscha a imprégné ses œuvres textuelles de leur propre marque de fabrique, traitant les toiles comme une sorte de panneau d’affichage caractérisé par des mots décontextualisés. À la différence de ses contemporains de la côte Est, qui s’intéressaient à une esthétique plus froide et mécanique, Ruscha s’est attaché à ce que ses œuvres restent distinctement picturales dans leur composition, une technique qui est visible dans les textures alternativement brutes, aérographiées et graphiques de Judy. Jeffrey Deitch remarque que Ruscha « s’est branché sur un type de conscience particulièrement contemporain, un mode de pensée qui n’aurait pas vraiment été possible avant la fin des années 1950 ou 1960. C’est l’état d’esprit de quelqu’un qui conduit une voiture en mode pilote automatique, une sorte de méditation dans laquelle les panneaux de signalisation, les panneaux d’affichage, les palmiers, les immeubles, etc. entrent et sortent de la conscience avec une uniformité neutre de l’impact. C’est un mode de conscience qui a peut-être d’abord émergé à Los Angeles, mais avec la mondialisation de la culture californienne, il s’est diffusé dans le monde entier. » (J. Deitch, Edward Ruscha : Early Paintings, cat. exp. Pierre Matisse Gallery, New York, 1988, n.p.). Ce sens de la libre association et de la dérive cinématographique est illustré par cette œuvre, qui - même si sa sémiotique remue de mystérieuses profondeurs de pensée et de signification - est imprégnée d’une fraîcheur onirique, typiquement californienne.

Depicting a hazy female figure silhouetted in white against a black background, overlaid by stems of wheat and the work’s title written in vibrant, curvaceous red and blue script, Judy (1992) is a superb example of Ed Ruscha’s masterful interplay between image and text. Ruscha focuses primarily on the typography used to render the name, a feature which simultaneously highlights and dwarfs the woman’s ghostly presence. If she is named Judy, she nonetheless remains unidentified: her outline is a graphic motif that acts as a moody adjunct to the bold formalist beauty of the text. The letters hover through the picture as if in a movie-screen’s opening credits. Verbalising the visual, Ed Ruscha is a painter of words, and has dedicated his practice to exploring the intersection between the literal and the pictorial. ‘… I love the language,’ Ruscha has stated. ‘Words have temperatures to me. When they reach a certain point and become hot words, then they appeal to me’ (E. Ruscha quoted in R. D. Marshall, Ed Ruscha, London 2003, p. 11).
Judy belongs to a series of sooty sfumato compositions that the artist started to produce in the 1980s, with silhouettes set against monochrome, shadowy backgrounds. Created using an airbrush, some of these works left out text altogether, focusing on forms inspired by photography and black-and-white film. While Judy sees text retaining a central role, its nocturnal chiaroscuro—juxtaposed with the candied, glossy red and blue text and the scenic foreground of the wheat—lends the work a surreal, theatrical suspense that echoes the classic cinematography and gritty aesthetic of film noir. The work is at once richly atmospheric and profoundly enigmatic. ‘If I’m influenced by the movies,’ Ruscha has said, ‘it’s from way down underneath, not just on the surface. A lot of my paintings are anonymous backdrops for the drama of words ... I have a background, foreground. It’s so simple. And the backgrounds are of no particular character. They’re just meant to support the drama’ (E. Ruscha quoted in Cotton Puffs, Q-Tips, Smoke and Mirrors: The Drawings of Ed Ruscha, exh. cat. Museum of Contemporary Art, Los Angeles 2004-05, p. 21).
Based since 1956 in Los Angeles, in a very different world to New York’s bustling art scene, Ed Ruscha arrived at his own brand of Pop Art based on the utilitarian styling of words and letters. Influenced by American advertising and mass-media imagery, which had also informed the canvases of Andy Warhol and Roy Lichtenstein, Ruscha imbued his text works with a trademark quality of their own, treating canvases as a type of billboard characterised by de-contextualised words. Unlike his East Coast contemporaries, who were concerned with a more cool, mechanical aesthetic, Ruscha’s works remained distinctively painterly in their composition, a technique which is visible in the alternately raw, airbrushed and crisply graphic textures of Judy. Jeffrey Deitch notes that Ruscha ‘tuned in to a particularly contemporary kind of consciousness, a mode of thinking that would not really have been possible until the late 1950s or 1960s. It is the state of mind of someone driving in a car in a sort of automatic pilot mode, a kind of meditation in which street signs, billboards, palm trees, apartment houses, etc., loom in and out of consciousness with a neutral evenness of impact. This is a mode of consciousness that may have first emerged in Los Angeles, but with the globalisation of California culture, it is something that is experienced world-wide’ (J. Deitch, Edward Ruscha: Early Paintings, exh. cat. Tony Shafrazi Gallery, New York 1988, n.p.). This sense of free-associative, cinematic drift is exemplified by the present work, which—even as its semiotics stir mysterious depths of thought and meaning—is infused with a dreamlike, distinctly Californian cool.

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