Lot Essay
Cette feuille inédite est un ajout intéressant à l’œuvre dessinée du plus prolifique des dessinateurs flamands du XVIIe siècle, Jacob Jordaens, qui a survécu à ses principaux rivaux, Pierre Paul Rubens et Antoine van Dyck, de près de quarante ans. Aidé par un vaste atelier, il a laissé un grand nombre de peintures et d'autres œuvres achevées, auxquelles de nombreux dessins peuvent être rattachés (pour les dessins de Jordaens, voir R.-A. d’Hulst, Jordaens Drawings, 4 vol., Bruxelles, 1974). Cependant, il semble avoir également produit de nombreux dessins indépendants, souvent religieux, qui ont pu jouer un rôle dans les rassemblements protestants auxquels Jordaens participait (comme le suggère S. Alsteens dans Raphael to Renoir. Drawings from the Collection of Jean Bonna, cat. exp., New York, The Metropolitan Museum of Art ; Édimbourg, National Gallery of Scotland, 2009, n° 48, ill.). Le présent dessin, sans lien avec une quelconque peinture de l’artiste, pourrait appartenir à cette catégorie d’œuvres.
L’inscription autographe caractéristique de l’artiste, connue sur de nombreux autres dessins, semble identifier le sujet comme un épisode de la parabole de l’Économe infidèle, ou ‘onrechtvaardige rentmeester’ en néerlandais, tel que raconté dans l'évangile selon Luc (chapitre 16). Rarement représentée, cette parabole au sens controversé raconte l’histoire d’un intendant que son maître menace de renvoyer pour mauvaise gestion. Pour s’assurer qu’il aura un abri s’il n’est plus employé, l’intendant permet aux débiteurs de son maître de déclarer moins que ce qu’ils lui doivent, ce à quoi ‘le maître fit l’éloge de l’intendant malhonnête à cause de l’habileté dont il avait fait preuve’ (Luc 16.8). L’homme assis à gauche pourrait être l’intendant (plutôt que son maître), tandis que les personnages qui s’adressent à lui seraient les débiteurs. Mais la scène semble plus appropriée à l’illustration d’une autre parabole, celle du Juge inique (Luc 18). Le juge, connu pour son manque de miséricorde, décide de rendre justice à une veuve obstinée pour qu’elle cesse de l’importuner. Le Christ explique son récit en disant : ‘Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard ?’ (Luc 18.7). Jordaens aurait-il été confus et écrit ‘rentmeester’ au lieu de ‘rechter’ ? Ou bien l'inscription fragmentaire pourrait-elle faire référence à une autre composition, peut-être située originellement sous le présent dessin ?
Quoi qu’il en soit, ce dessin est un parfait exemple du style de composition théâtrale et décorative de Jordaens et de sa maîtrise dans la combinaison de différents médiums. Un autre élément caractéristique est l’utilisation de différents morceaux de papier afin d’ajuster le format du support au gré de l’inspiration de l’artiste. L’inscription partiellement coupée semble contenir une date dans les années 1660 (peut-être 1660 ?), ce qui situerait ce dessin dans la seconde moitié de la carrière de l’artiste. Parmi d’autres exemples, deux allégories élaborées, de style et de technique similaires sont datées de 1658 (D’Hulst, op. cit., II, nos A327, A328, IV, fig. 344, 345). De nombreux aspects sont communs à l’ensemble de l’œuvre de Jordaens - stylistiques, techniques, mais aussi structurels, comme l’espace peu profond et les figures empilées. Le chien élégamment représenté fait écho à un motif déjà utilisé par Jordaens pour une tapisserie représentant un proverbe, datée de 1638 et conservée au Musée Plantin-Moretus d’Anvers (inv. PK.OT.00160 ; voir D’Hulst, op. cit., I, n° A190, III, fig. 205 ; et R.-A. d’Hulst, Jacob Jordaens (1593-1678), II, Tekeningen en prenten, cat. exp., Anvers, Musée Royal des beaux-arts, 1993, n° B38, ill.).
L’inscription autographe caractéristique de l’artiste, connue sur de nombreux autres dessins, semble identifier le sujet comme un épisode de la parabole de l’Économe infidèle, ou ‘onrechtvaardige rentmeester’ en néerlandais, tel que raconté dans l'évangile selon Luc (chapitre 16). Rarement représentée, cette parabole au sens controversé raconte l’histoire d’un intendant que son maître menace de renvoyer pour mauvaise gestion. Pour s’assurer qu’il aura un abri s’il n’est plus employé, l’intendant permet aux débiteurs de son maître de déclarer moins que ce qu’ils lui doivent, ce à quoi ‘le maître fit l’éloge de l’intendant malhonnête à cause de l’habileté dont il avait fait preuve’ (Luc 16.8). L’homme assis à gauche pourrait être l’intendant (plutôt que son maître), tandis que les personnages qui s’adressent à lui seraient les débiteurs. Mais la scène semble plus appropriée à l’illustration d’une autre parabole, celle du Juge inique (Luc 18). Le juge, connu pour son manque de miséricorde, décide de rendre justice à une veuve obstinée pour qu’elle cesse de l’importuner. Le Christ explique son récit en disant : ‘Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard ?’ (Luc 18.7). Jordaens aurait-il été confus et écrit ‘rentmeester’ au lieu de ‘rechter’ ? Ou bien l'inscription fragmentaire pourrait-elle faire référence à une autre composition, peut-être située originellement sous le présent dessin ?
Quoi qu’il en soit, ce dessin est un parfait exemple du style de composition théâtrale et décorative de Jordaens et de sa maîtrise dans la combinaison de différents médiums. Un autre élément caractéristique est l’utilisation de différents morceaux de papier afin d’ajuster le format du support au gré de l’inspiration de l’artiste. L’inscription partiellement coupée semble contenir une date dans les années 1660 (peut-être 1660 ?), ce qui situerait ce dessin dans la seconde moitié de la carrière de l’artiste. Parmi d’autres exemples, deux allégories élaborées, de style et de technique similaires sont datées de 1658 (D’Hulst, op. cit., II, nos A327, A328, IV, fig. 344, 345). De nombreux aspects sont communs à l’ensemble de l’œuvre de Jordaens - stylistiques, techniques, mais aussi structurels, comme l’espace peu profond et les figures empilées. Le chien élégamment représenté fait écho à un motif déjà utilisé par Jordaens pour une tapisserie représentant un proverbe, datée de 1638 et conservée au Musée Plantin-Moretus d’Anvers (inv. PK.OT.00160 ; voir D’Hulst, op. cit., I, n° A190, III, fig. 205 ; et R.-A. d’Hulst, Jacob Jordaens (1593-1678), II, Tekeningen en prenten, cat. exp., Anvers, Musée Royal des beaux-arts, 1993, n° B38, ill.).