Émile Bernard (1868-1941)
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Baigneuses aux nénuphars

Details
Émile Bernard (1868-1941)
Baigneuses aux nénuphars
indistinctement signé et daté 'E. Bernard' (en bas à droite)
huile sur toile
92.2 x 72.8 cm.
Peint vers 1889

indistinctly signed and dated 'E. Bernard' (lower right)
oil on canvas
36 ¼ x 28 ¾ in.
Painted circa 1889
Provenance
Ambroise Vollard, Paris (acquis auprès de l’artiste le 22 mai 1901).
Madeleine de Galéa, Paris (par descendance).
Galerie La Cave, Paris.
Sam Josefowitz, Pully (acquis auprès de celle-ci le 6 octobre 1980).
Puis par descendance aux propriétaires actuels.
Literature
J.-J. Luthi, Émile Bernard, Catalogue raisonné de l'œuvre peint, Paris, 1982, p. 14, no. 68 (illustré, p. 15).
Van Gogh Bulletin, No. 3, 1990 (illustré en couleurs en couverture).
A. D'Souza, Cézanne's Bathers, Biography and the Erotics of Paint, Pennsylvania State University Press, 2008, p. 85.
F. Leeman, Émile Bernard, Paris, 2013, p. 145, no. 74 (illustré en couleurs).
J.-J. Luthi et A. Israël, Émile Bernard, Instigateur de l’École de Pont-Aven, Précurseur de l’art moderne, Sa vie, son œuvre, Catalogue raisonné, Paris, 2014, p. 150, no. 87 (illustré en couleurs).
Exhibited
(probablement) Paris, Galerie Durand-Ruel, Émile Bernard, Époque de Pont-Aven, 1883-1893, avril-mai 1959 no. 21.
Dallas, Valley House Gallery, Émile Bernard, Pont-Aven, mars-avril 1962, p. 4, no. 11 (illustré, p. 11).
Mannheim, Städtische Kunsthalle et Amsterdam, Van Gogh Museum, Émile Bernard, A Pioneer of Modern Art, mai-novembre 1990, p. 162, no. 33 (illustré en couleurs, p. 161 et illustré en couleurs en couverture).
(prêt) Amsterdam, Van Gogh Museum (de 1991 à 1993).
Tokyo, The Bunkamura Museum of Art; Kyoto, The National Museum of Modern Art; Hokkaido, Hokkaido Museum of Modern Art; Mie, Mie Prefectural Art Museum et Koriyama, Koriyama City Museum of Art, Gauguin et l'École de Pont-Aven, avril-novembre 1993, p. 56-58, no. 39 (illustré en couleurs, p. 57).
Sydney, The Art Gallery of New South Wales, Gauguin and the Pont-Aven School, mai-juillet 1994, p. 70 et 219, no. 40 (illustré en couleurs, p. 80).
Indianapolis, Indianapolis Museum of Art; Baltimore, The Walters Art Gallery; Montréal, The Montreal Museum of Fine Arts; Memphis, The Dixon Gallery and Gardens; San Diego, San Diego Museum of Art; Portland, Portland Art Museum; Boston, Museum of Fine Arts et Jérusalem, The Israel Museum, Gauguin and the School of Pont-Aven, septembre 1994-janvier 1997,
p. 68, no. 40 (illustré en couleurs, p. 69).
Philadelphie, Philadelphia Museum of Art, Gauguin, Cézanne, Matisse, Visions of Arcadia, juin-septembre 2012, p. 214 (illustré en couleurs, p. 39, fig. 37).
Paris, Musée de l’Orangerie, Émile Bernard, septembre 2014-janvier 2015, p. 85 (illustré en couleurs, p. 87, no. 21).
Further Details
Béatrice Recchi-Altarriba a confirmé l’authenticité de cette œuvre.

Émile Bernard a d’abord conçu Baigneuses aux nénuphars, peinture de nu remarquablement moderniste, comme une frise continue visant à décorer un atelier en bois que sa grand-mère avait construit pour lui pour l’automne 1887, dans le jardin d’une maison de la banlieue parisienne d’Asnières, où ses parents ont emménagé peu après le 20 mars 1887 (Lettre de Madeleine Bernard à son frère Émile, Asnières, mars 1887, Bibliothèque Universitaire de l’Université d’État de Pennsylvanie). Les deux autres tableaux sont exposés respectivement au Musée d’Orsay - Baigneuses à la vache rouge, et dans une collection particulière - Baigneuses, anciennement dans la collection Havemeyer.
Deux autoportraits témoignent de la fonction décorative de ces peintures. Dans le premier autoportrait daté de 1890 (Musée de Brest), l’on peut apercevoir une image en miroir du panneau d’Orsay. Cependant, en arrière- plan du second autoportrait, Autoportrait au tableau "Baigneuses à la vache rouge" ou Autoportrait aux nus (vers 1889; vendu par Christie’s à Paris le 18 octobre 2019, lot 166 pour 778 000 €, et acquis par le Musée d’Orsay), l’on peut apercevoir des parties de deux des panneaux, en miroir, comme s’ils ne formaient qu’une toile continue. Grâce à ces deux autoportraits et en mettant côte à côte les trois panneaux constituant la frise de l’atelier, nous pouvons alors affirmer que la présente peinture appartenant à la collection Josefowitz fut réalisée pour être l’élément de droite de cette frise.
Les nus représentés dans ces tableaux proviennent d'une feuille avec des esquisses de nus, et d'une esquisse sommaire de l'une de ces toiles. Ces dessins d'étude pourraient bien être des vestiges réutilisés de son passage en 1886-1887 à l'atelier Cormon où il avait l'habitude de faire de nombreux dessins de nu (F. Leeman, Émile Bernard, Paris, 2013, p. 145-146). Bernard écrit d’ailleurs à même la feuille ce à quoi les dessins sont destinés: «pour la décoration de mon atelier». Cette même feuille d’étude, daté de 1886, semble avoir été utilisée et retravaillée à plusieurs reprises avant que, trois ans plus tard, Bernard ne la réutilise comme inspiration pour la décoration de son atelier et la présente toile.
En avril 1888, Bernard envoie certains de ces croquis de décoration à son ami intime Vincent van Gogh, qui réside alors à Arles. Van Gogh trouve ces croquis «très drôles» (Lettre Vincent van Gogh à Émile Bernard, Arles, 12 avril 1888, no. 596). Ces croquis, pourraient être ceux des présentes Baigneuses ou d'une autre décoration composée de trois peintures de fleurs, d'arbres et de champs dont Bernard avait déjà parlé à van Gogh (Lettre de Vincent van Gogh à Émile Bernard, Arles, 3 octobre 1888, no. 696). Selon Bernard, ces derniers tableaux décoratifs ont inspiré à Vincent van Gogh, en octobre 1888, une décoration en grands tableaux de mêmes dimensions, Tournesols et La Berceuse dans la Maison jaune d'Arles (P. Cailler, éd., Lettres de Paul Gauguin à Émile Bernard 1888-1891, Genève, 1954, p. 16-17).
Ainsi, les croquis de 1888 et les échanges avec van Gogh la même année nous permettent d’avancer que Bernard réfléchit dès la fin 1888 à la réalisation d’une série d'au moins trois toiles de format identique devaient former un ensemble décoratif pour son atelier. S’agit-il des trois panneaux des présentes baigneuses où de la décoration antérieure dont Bernard avait parlé à Van Gogh?
Quoi qu’il en soit, les trois panneaux de baigneuses, dont font partie les présentes Baigneuses aux nénuphars, sembleraient dater de 1889. En effet, le troisième panneau, ayant appartenu à la collection Havemeyer, est signé et clairement daté «E. Bernard 1889». Selon l'inventaire que Bernard fit de son atelier lors de son départ pour l'Italie en 1893, le panneau du Musée d'Orsay, aurait été réalisé en janvier 1887. Or, cela semble impossible car les parents de Bernard n'avaient alors pas encore emménagé dans leur nouvelle maison à Asnières. Le tableau d'Orsay a dû recevoir la mention "EB 87" au moment où les trois tableaux ont été vendus au marchand d'art Ambroise Vollard, vers le 21 mai 1901. Dans la liste de cette transaction, tous portent la date de 1887 ; Vollard aurait-il demandé à Bernard de dater ces peintures à cette occasion? En 1901, Bernard était plongé dans une controverse avec son ancien ami Paul Gauguin au sujet de la priorité dans la genèse du Symbolisme pictural, et aurait pu être tenté de donner à ces toiles la date de ses esquisses, 1887. Il est ainsi plus sûr de s'en tenir à la date de 1889 pour la présente œuvre, non seulement pour des raisons de logique domestique, mais aussi de probabilité artistique.
Baigneuses aux nénuphars est une œuvre audacieuse à tous égards. Le premier plan est occupé par une eau calme bleu foncé où flottent des nénuphars. Un grand nu se tient debout dans l'eau jusqu'aux genoux. Le pré derrière est un parti pris de vert et de jaune, sur lequel plusieurs nus se reposent dans des postures variées. Ce n'est que dans quelques cas que Bernard a essayé de faire interagir les figures ; il semble s'être davantage soucié d'une répartition uniforme de la chair avec le moins de chevauchements possible. À droite, la scène est fermée par un tronc d'arbre plutôt informe et une rangée d'arbres à l'arrière-plan.
Bernard a créé cette composition à partir d'esquisses qui n'avaient aucun point commun. Le résultat est un motif essentiellement décoratif qui semble presque dépourvu de sens. Dans les décorations de son atelier, Bernard a élevé ce procédé au rang de principe. Il n'y a pratiquement pas de sujet conventionnel, puisqu'il n'y a pas d'interaction entre les personnages. Bernard a tout simplement conquis une nouvelle esthétique en nous confrontant à un ensemble de formes amusantes émotionnellement détaché, voire ironique. C'est peut-être ce qui a incité Van Gogh à qualifier ces esquisses de "drôles".
Bernard semble n'avoir que mépris pour les besoins sentimentaux ou esthétiques du spectateur, et lui plaire ou le faire réfléchir ne l’intéresse pas. Très vite, les critiques lui reprocheront ce manque de beauté conventionnelle. En comparaison, même les Grandes Baigneuses de Cezanne semblent de belles évocations, une renaissance d'une idylle ancienne. Ainsi, les décorations de l'atelier de Bernard annoncent une sorte de modernité qui, deux décennies plus tard, trouvera son expression la plus radicale dans Les Demoiselles d'Avignon de Picasso.
Fred Leeman

Emile Bernard initially conceived this remarkably modernist painting of nudes in a landscape, Baigneuses aux nénuphars as part of a continuous frieze of canvasses decorating a wooden studio that his grandmother had built for him by the autumn of 1887 in the garden of their house in the Parisian suburb of Asnières where his parents moved shortly after 20 March 1887 (Letter from Madeleine Bernard to her brother Émile, Asnières, March 1887, Pennsylvania State University Library, Special collections). The other two paintings from this triptych are housed at the Musée d’Orsay - Baigneuses à la vache rouge, and in a private collection - Baigneuses, which was acquired from the Havemeyer family.
Two self-portraits bear witness to the decorative function of these paintings. The rst self-portrait, dated 1890 (Musée de Brest), features a mirror image of the Orsay panel. However, in the background of the second self-portrait, Autoportrait au tableau "Baigneuses à la vache rouge" ou Autoportrait aux nus (circa 1889; sold by Christie's in Paris on 18 October 2019, lot 166 for €778,000, and acquired by the Musée d'Orsay), parts of two of the panels can be seen mirrored, as if they formed one continuous canvas. Thanks to these two self-portraits, and by placing the three panels side by side, we can then affirm that the present painting belonging to the Josefowitz collection was intended to be the right-hand element of this frieze.
Studies for the nudes depicted in these paintings may derive from a sheet of nude sketches, including rough sketch of one of these paintings. These drawing studies could well date to time at the Cormon studio (1886-1887), where he executed numerous nude studies (F. Leeman, Émile Bernard, Paris, 2013, p. 145-146). Bernard even wrote that these drawings were intended 'pour la décoration de mon atelier' ('for the decoration of my studio'). This same study, dated 1886, seems to have been used and reworked several times before, three years later, Bernard reused it as inspiration for the decoration of his studio and the present painting.
In April 1888, Bernard sent sketches of a decoration to his close friend Vincent Van Gogh, then residing in Arles. Van Gogh found the sketches “really amusing” (Letter Vincent van Gogh to Émile Bernard, Arles, 12 April 1888, no. 596: ‘très drôle’). That qualication may well pertain to these three spirited paintings of Baigneuses, but Bernard had also been exchanging with Van Gogh about another decoration consisting of three paintings of owers, trees and elds (Letter Vincent van Gogh to Émile Bernard, Arles, 3 October 1888, no. 696). According to Bernard, the latter decorative paintings inspired Vincent van Gogh by October 1888 to make a decoration of large paintings of the same dimensions of Sunflowers and Berceuses in the Yellow House in Arles (P. Cailler, ed., Lettres de Paul Gauguin à Émile Bernard 1888-1891, Geneva, 1954, p. 16-17).
Sketches from 1888 and communication with van Gogh the same year suggest that from the end of 1888, Bernard was thinking about producing a series of at least three canvases of identical format that would form a decorative ensemble for his studio. Were these the three panels of the present bathers or the earlier decoration that Bernard mentioned to Van Gogh?
In any case, the three panels of bathers, including the present Baigneuses aux nénuphars, all seem to date from 1889. Indeed, the third panel, which belonged to the Havemeyer collection, is signed and clearly dated "E. Bernard 1889". According to the inventory that Bernard made of his studio when he moved to Italy in 1893, the panel in the Musée d'Orsay would have been painted in January 1887. However, this seems impossible, as Bernard's parents had not yet moved into their new house in Asnières. The Orsay painting must have been marked "EB 87" when the three paintings were sold to the art dealer Ambroise Vollard, around 21 May 1901. In this sale list, they all bear the date 1887. Would Vollard have asked Bernard to date these paintings on this occasion? By 1901, Bernard was caught up in a controversy with his former friend Paul Gauguin, debating who was the rightful founder of Pictorial Symbolism. Consequently he may have been tempted to give the same date as his sketches of 1887 to two of the nished paintings. Nonetheless, it may be more prudent to adhere to the 1889 date for the present work, not only because of household logic, but also for artistic probability.
From all points of view, it is a daring work. The foreground is occupied by a dark blue still water with waterlilies floating. A large-scale nude is standing knee-deep in the water. The meadow behind is of a parti pris green, yellow on which a several nudes are resting in varied poses. Only in a few instances, do Bernard's figures interact; he seems to have cared more for an even distribution of flesh with as few overlaps as possible. At the right of the painting the scene is closed by a rather shapeless tree trunk and a military row of trees in the back.
Bernard created a many-figured composition from sketches that had no common ground. The result was an essentially decorative pattern that seemed almost devoid of meaning. In the decorations for his studio, Bernard elevated this procedure to the level of principle. There is hardly any conventional subject matter since there is hardly any interaction between the figures. Bernard straightforwardly conquered a new aesthetic as he confronts us with nothing but an emotionally detached, even ironical ensemble of forms. This may have incited Van Gogh to call the sketches “amusing”.
Bernard seems to neglect the viewer's sentimental or aesthetic needs; pleasing him or amusing him is not his concern. Critics would actually reproach him this lack of conventional beauty. In comparison, even Cezanne's Nude Bathers seem beautiful evocations, a revival of an ancient idyll. As such, Bernard's studio decorations herald a kind of modernity that two decades later would nd its most radical expression in Picasso's Demoiselles d'Avignon.

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