Lot Essay
‘Tout Art est Fantaisie, tout Art est Nature’.
Tancredi
Œuvre monumentale provenant directement de la collection des héritiers de l’artiste, Omaggio a Debussy (Il cielo la terra e l’acqua) date de l’apogée de la carrière de Tancredi. Se dressant sur près de deux mètres, elle donne à voir le foisonnement virtuose de traces et de taches qui caractérisent ses tableaux magistraux de la fin des années 1950. Posés sur un voile délicat de bleus et de verts, des pointillés de couleur viennent déverser sur la toile une pluie de lumière et de mouvement. Tancredi y orchestre toute une symphonie de couleurs et de textures, de la froideur aqueuse du turquoise à la lueur jaune des rayons du soleil, en passant par les tons les plus terreux. En filigrane, quelques lignes et formes au dessin délicat structurent l’ensemble à la manière d’une partition de musique. En découle, comme son titre l’indique, un hommage effervescent à Claude Debussy: compositeur qui, comme Tancredi, se plaisait à jouer avec les rythmes et les harmonies de la nature. Ici, le ciel, l’eau et la terre semblent ainsi se mêler dans une danse abstraite, étincelante de vie.
Peint en 1958, Omaggio a Debussy est révélé au public au Carnegie Institute de Pittsburgh, lors de la Bicentennial International Exhibition of Contemporary Painting and Sculpture de cette année-là. Durant cette période, la reconnaissance internationale de Tancredi gagne en ampleur à la suite de deux grandes expositions personnelles, d’abord aux États-Unis puis à la Hanover Gallery de Londres. Propulsé sur l’avant de la scène vénitienne dès le début des années 1950, Tancredi bénéficie notamment du soutien de Peggy Guggenheim, qui le prend sous son aile à partir de 1952. L’engouement de Guggenheim sera décisif pour la trajectoire de l’Italien, qu’elle défend et promeut avec la même ferveur qu’elle avait réservée, autrefois, à son protégé Jackson Pollock. C’est entre 1957 et 1958 que l’expression de Tancredi arrive à maturité, trouvant son plein aboutissement avec une série de grands formats spectaculaires, désormais disséminés dans plusieurs collections majeures dont celles du Brooklyn Museum de New York et du Wadsworth Atheneum Museum of Art de Hartford. Autant de visions kaléidoscopiques saisissantes, nées d’un procédé que Tancredi compare à de ‘l’automatisme instinctif’. Bien que sous-tendues par un sens soigneux et mesuré de la composition, ces toiles brillent avant tout par leur extraordinaire spontanéité, aussi farouche et impénétrable que la nature elle-même.
Fortement inspiré, à ses débuts, par le dripping de Jackson Pollock, Tancredi avait rejoint, très tôt, le mouvement Spatialiste de Lucio Fontana, dans le giron duquel ses tableaux et ses écrits épousèrent une fascination pour le cosmos, une sorte de poésie de l’ineffable. L’influence de Piet Mondrian et de Paul Klee fut, toutefois, peut-être plus déterminante encore, leur esthétique confortant Tancredi dans l’idée que le ‘point’ (c’est-à-dire ‘l’espace le plus restreint que l’esprit puisse contempler’) était le vecteur idéal ‘pour créer, à travers des marques, des taches et des couleurs intuitives, des représentations nouvelles de la natur’ (Tancredi, ‘Nature = Space’, 1953, retranscrit in L. Massimo Barbero (ed.), Tancredi: Writings and Critical Perspectives, Venise, 2017, p. 39). D’après Claudio Zambianchi, la nuée de pointillés de Omaggio a Debussy ‘évoque dans une certaine mesure la mosaïque vénitienne traditionnelle’ et son ‘agencement orthogonal’; une structure qui n’exclut en aucun cas, ajoute-t-il, ‘une sensibilité face au spectacle de la nature’. ‘Les formes de la nature’, écrit en effet Tancredi en 1956, ‘peuvent se démultiplier à l’infini; c’est en divisant ainsi les choses que l’on découvre la géométrie’ (C. Zambianchi, La Collezione Barilla di Arte Moderna, cat. ex., Fondazione Magnanin Rocca, Parme, 1993, p. 335). Une logique comparable irrigue, à bien des égards, les grandes rhapsodies de Debussy, tissées à partir de petits motifs mélodiques qui semblent proliférer par eux-mêmes.
‘All Art is Fantasy, all Art is Nature’.
Tancredi
Offered from the collection of the artist’s family and heirs, Omaggio a Debussy (Il cielo la terra e l’acqua) is a dazzling large-scale work dating from the height of Tancredi’s career. Spanning almost two metres in height, it captures the virtuosic, liberated mark-making that came to define his majestic canvases of the late 1950s. Over delicate, liquid veils of blue and green, a shower of coloured dots rains down, alive with light and movement. The artist orchestrates a symphonic spectrum of colour and texture, ranging from glints of yellow sunlight to aqueous washes of turquoise and raw, earthen hues. Delicately inscribed lines and forms seem to shape the composition like a musical score. The work, indeed, is titled in homage to Claude Debussy: a composer who, like Tancredi, played with the rhythms and harmonies of nature. Here, sky, water and earth are bound into a scintillating abstract dance, sparkling with life.
Painted in 1958, the work was unveiled at the Carnegie Institute’s Bicentennial International Exhibition of Contemporary Painting and Sculpture in Pittsburgh that year. By this stage, Tancredi was beginning to take his place on the global stage, mounting his first solo exhibition in America followed by a major show at the Hanover Gallery in London. The artist had risen to prominence in Venice during the early 1950s, fuelled in part by his association with Peggy Guggenheim from 1952 onwards. She became a significant early champion of his work, promoting his art with the same fervour that she had previously reserved for her protégé Jackson Pollock. Between 1957 and 1958, Tancredi’s language reached its full maturity, giving rise to spectacular large-scale canvases now held in institutions including the Brooklyn Museum, New York and the Wadsworth Atheneum Museum of Art, Hartford. These extraordinary kaleidoscopic visions were guided by an approach that the artist described as ‘instinctive automatism’. Though underpinned by careful and deliberate compositional structures, the results sparkle like virtuosic improvisations, as mysterious and incalculable as nature itself.
Tancredi had been inspired by Pollock’s drip paintings early on his career. He had also associated himself with Lucio Fontana’s Spatialist movement, giving rise to a poetics of cosmic wonder that permeated both his paintings and his writings. Among his most important early influences, however, were the works of Piet Mondrian and Paul Klee. These artists fuelled Tancredi’s conviction that the ‘point’ - being the ‘smallest space the mind can contemplate’ - was the ideal vehicle ‘through intuitive marks and colours to create new images of nature’ (Tancredi, ‘Nature = Space’, 1953, reproduced in L. Massimo Barbero (ed.), Tancredi, Writings and Critical Perspectives, Venice, 2017, p. 39). Speaking of the present work, Claudio Zambianchi writes that its veil of dots ‘is somewhat reminiscent of the Venetian mosaicists’, with its ‘organising principle… based on orthogonals’. However, he writes, this structure ‘is not in conflict with sensitivity towards the natural spectacle. “Nature”, wrote the painter in 1956, “can be divided into forms that can be infinitely multiplied; dividing it, you discover geometry”’ (C. Zambianchi, La Collezione Barilla di Arte Moderna, exh. cat., Fondazione Magnanin Rocca, Parma, 1993, p. 335). Debussy’s music, notably, had cleaved to a similar logic, spinning small motifs into vast rhapsodies that seemed to proliferate of their own accord.
Tancredi
Œuvre monumentale provenant directement de la collection des héritiers de l’artiste, Omaggio a Debussy (Il cielo la terra e l’acqua) date de l’apogée de la carrière de Tancredi. Se dressant sur près de deux mètres, elle donne à voir le foisonnement virtuose de traces et de taches qui caractérisent ses tableaux magistraux de la fin des années 1950. Posés sur un voile délicat de bleus et de verts, des pointillés de couleur viennent déverser sur la toile une pluie de lumière et de mouvement. Tancredi y orchestre toute une symphonie de couleurs et de textures, de la froideur aqueuse du turquoise à la lueur jaune des rayons du soleil, en passant par les tons les plus terreux. En filigrane, quelques lignes et formes au dessin délicat structurent l’ensemble à la manière d’une partition de musique. En découle, comme son titre l’indique, un hommage effervescent à Claude Debussy: compositeur qui, comme Tancredi, se plaisait à jouer avec les rythmes et les harmonies de la nature. Ici, le ciel, l’eau et la terre semblent ainsi se mêler dans une danse abstraite, étincelante de vie.
Peint en 1958, Omaggio a Debussy est révélé au public au Carnegie Institute de Pittsburgh, lors de la Bicentennial International Exhibition of Contemporary Painting and Sculpture de cette année-là. Durant cette période, la reconnaissance internationale de Tancredi gagne en ampleur à la suite de deux grandes expositions personnelles, d’abord aux États-Unis puis à la Hanover Gallery de Londres. Propulsé sur l’avant de la scène vénitienne dès le début des années 1950, Tancredi bénéficie notamment du soutien de Peggy Guggenheim, qui le prend sous son aile à partir de 1952. L’engouement de Guggenheim sera décisif pour la trajectoire de l’Italien, qu’elle défend et promeut avec la même ferveur qu’elle avait réservée, autrefois, à son protégé Jackson Pollock. C’est entre 1957 et 1958 que l’expression de Tancredi arrive à maturité, trouvant son plein aboutissement avec une série de grands formats spectaculaires, désormais disséminés dans plusieurs collections majeures dont celles du Brooklyn Museum de New York et du Wadsworth Atheneum Museum of Art de Hartford. Autant de visions kaléidoscopiques saisissantes, nées d’un procédé que Tancredi compare à de ‘l’automatisme instinctif’. Bien que sous-tendues par un sens soigneux et mesuré de la composition, ces toiles brillent avant tout par leur extraordinaire spontanéité, aussi farouche et impénétrable que la nature elle-même.
Fortement inspiré, à ses débuts, par le dripping de Jackson Pollock, Tancredi avait rejoint, très tôt, le mouvement Spatialiste de Lucio Fontana, dans le giron duquel ses tableaux et ses écrits épousèrent une fascination pour le cosmos, une sorte de poésie de l’ineffable. L’influence de Piet Mondrian et de Paul Klee fut, toutefois, peut-être plus déterminante encore, leur esthétique confortant Tancredi dans l’idée que le ‘point’ (c’est-à-dire ‘l’espace le plus restreint que l’esprit puisse contempler’) était le vecteur idéal ‘pour créer, à travers des marques, des taches et des couleurs intuitives, des représentations nouvelles de la natur’ (Tancredi, ‘Nature = Space’, 1953, retranscrit in L. Massimo Barbero (ed.), Tancredi: Writings and Critical Perspectives, Venise, 2017, p. 39). D’après Claudio Zambianchi, la nuée de pointillés de Omaggio a Debussy ‘évoque dans une certaine mesure la mosaïque vénitienne traditionnelle’ et son ‘agencement orthogonal’; une structure qui n’exclut en aucun cas, ajoute-t-il, ‘une sensibilité face au spectacle de la nature’. ‘Les formes de la nature’, écrit en effet Tancredi en 1956, ‘peuvent se démultiplier à l’infini; c’est en divisant ainsi les choses que l’on découvre la géométrie’ (C. Zambianchi, La Collezione Barilla di Arte Moderna, cat. ex., Fondazione Magnanin Rocca, Parme, 1993, p. 335). Une logique comparable irrigue, à bien des égards, les grandes rhapsodies de Debussy, tissées à partir de petits motifs mélodiques qui semblent proliférer par eux-mêmes.
‘All Art is Fantasy, all Art is Nature’.
Tancredi
Offered from the collection of the artist’s family and heirs, Omaggio a Debussy (Il cielo la terra e l’acqua) is a dazzling large-scale work dating from the height of Tancredi’s career. Spanning almost two metres in height, it captures the virtuosic, liberated mark-making that came to define his majestic canvases of the late 1950s. Over delicate, liquid veils of blue and green, a shower of coloured dots rains down, alive with light and movement. The artist orchestrates a symphonic spectrum of colour and texture, ranging from glints of yellow sunlight to aqueous washes of turquoise and raw, earthen hues. Delicately inscribed lines and forms seem to shape the composition like a musical score. The work, indeed, is titled in homage to Claude Debussy: a composer who, like Tancredi, played with the rhythms and harmonies of nature. Here, sky, water and earth are bound into a scintillating abstract dance, sparkling with life.
Painted in 1958, the work was unveiled at the Carnegie Institute’s Bicentennial International Exhibition of Contemporary Painting and Sculpture in Pittsburgh that year. By this stage, Tancredi was beginning to take his place on the global stage, mounting his first solo exhibition in America followed by a major show at the Hanover Gallery in London. The artist had risen to prominence in Venice during the early 1950s, fuelled in part by his association with Peggy Guggenheim from 1952 onwards. She became a significant early champion of his work, promoting his art with the same fervour that she had previously reserved for her protégé Jackson Pollock. Between 1957 and 1958, Tancredi’s language reached its full maturity, giving rise to spectacular large-scale canvases now held in institutions including the Brooklyn Museum, New York and the Wadsworth Atheneum Museum of Art, Hartford. These extraordinary kaleidoscopic visions were guided by an approach that the artist described as ‘instinctive automatism’. Though underpinned by careful and deliberate compositional structures, the results sparkle like virtuosic improvisations, as mysterious and incalculable as nature itself.
Tancredi had been inspired by Pollock’s drip paintings early on his career. He had also associated himself with Lucio Fontana’s Spatialist movement, giving rise to a poetics of cosmic wonder that permeated both his paintings and his writings. Among his most important early influences, however, were the works of Piet Mondrian and Paul Klee. These artists fuelled Tancredi’s conviction that the ‘point’ - being the ‘smallest space the mind can contemplate’ - was the ideal vehicle ‘through intuitive marks and colours to create new images of nature’ (Tancredi, ‘Nature = Space’, 1953, reproduced in L. Massimo Barbero (ed.), Tancredi, Writings and Critical Perspectives, Venice, 2017, p. 39). Speaking of the present work, Claudio Zambianchi writes that its veil of dots ‘is somewhat reminiscent of the Venetian mosaicists’, with its ‘organising principle… based on orthogonals’. However, he writes, this structure ‘is not in conflict with sensitivity towards the natural spectacle. “Nature”, wrote the painter in 1956, “can be divided into forms that can be infinitely multiplied; dividing it, you discover geometry”’ (C. Zambianchi, La Collezione Barilla di Arte Moderna, exh. cat., Fondazione Magnanin Rocca, Parma, 1993, p. 335). Debussy’s music, notably, had cleaved to a similar logic, spinning small motifs into vast rhapsodies that seemed to proliferate of their own accord.