Provenance
Galerie Bernheim-Jeune et Cie., Paris (acquis auprès de l'artiste vers 1915).
Galerie Charpentier, Paris (vers 1957).
Vente, Me Rheims, Paris, 10 décembre 1957, lot 61.
Galerie de l'Élysée (Alex Maguy), Paris.
Yul Brynner, Buchillon (avant 1967); vente, Christie, Manson & Woods, Londres, 14 avril 1970, lot 62.
Jean Mélas Kyriazi, Lausanne (acquis au cours de cette vente).
Collection particulière, Lausanne.
Collection particulière; vente, Sotheby’s, New York, 11 novembre 1987, lot 43.
Gallery Motomachi, Yokohama (acquis au cours de cette vente).
Masatsugu Nagamatsu, Japon (avant 1995); vente, Sotheby's, New York, 1er mai 1996, lot 38.
Larry Gagosian, New York (acquis au cours de cette vente).
Collection particulière, New York; vente, Christie's, New York, 12 mai 1998, lot 34.
Acquis au cours de cette vente par la famille du propriétaire actuel.
Literature
R. Nacenta, School of Paris, The Painters and the Artistic Climate of Paris since 1910, Paris, 1960, p. 104, no. 20 (illustré en couleurs, p. 105; daté '1908').
L. Chaumeil, Van Dongen, L’homme et l’artiste, La vie et l’œuvre, Genève, 1967, p. 311 (illustré, fig. 46; daté '1908').
J. Melas Kyriazi, Van Dongen et le fauvisme, Lausanne, 1971, p. 147, no. 51 (illustré en couleurs, p. 121).
A. D., 'Asian Buyers Back in The Picture', in Artnewsletter, The International Biweekly Report on the Art Market XXI, No. 19, Numéro spécial, 14 mai 1996, p. 2.
Further Details
Prenant la pose devant deux colonnes classiques, la séduisante nymphe de ce tableau émane peut-être d'une rêverie orientaliste de l'artiste. On pourrait y voir, par exemple, une odalisque se déshabillant pour passer au bain de son harem, ou Salomé dansant devant Hérode et ôtant pour lui le dernier de ses sept voiles. À moins qu'il ne s'agisse d'un personnage beaucoup plus moderne, tiré de la réalité urbaine du XXe siècle : peut-être une prostituée parisienne faussement réservée, feignant un dernier geste de pudeur avant de plonger avec son client dans le cabinet fantastique de sa maison close. En conjuguant la longue tradition picturale européenne avec sa prédilection pour la figure de la femme légère, Kees van Dongen se plaît à instiller dans sa peinture une charge érotique exaltante : avec une maîtrise sans doute inégalée par ses pairs du Paris d'avant-guerre, il fait, le plus naturellement du monde, de la sensualité l'un des ingrédients essentiels de l'art moderne.
Ce sensationnalisme assumé, allié à une réputation de coloriste d'exception, lui amènent le succès et, avec celui-ci, la reconnaissance professionnelle et une certaine respectabilité. La très fréquentable galerie Bernheim-Jeune monte notamment en 1908 une rétrospective majeure de ses travaux des quinze années précédentes – une première pour van Dongen. S'ensuivent un nombre considérable de ventes, ainsi que des apparitions très remarquées aux deux Salons de 1909, au lendemain desquelles l'artiste signe avec Bernheim-Jeune un contrat de sept ans lui garantissant un revenu minimum de six-mille francs annuels.
La carrière de van Dongen s'envole plus encore lorsque son marchand lui achète à l'automne 1910 quarante tableaux qu'il revend aussitôt. Face à cette ascension fulgurante, présage d'un avenir tout aussi prometteur, l'artiste (qui ne s'est encore jamais aventuré au-delà de son Hollande natale et de sa France d'adoption) décide d'entreprendre un long voyage à l'étranger durant l'hiver 1910-1911.
Van Dongen choisit deux destinations qui ont longtemps fasciné les peintres parisiens : l'Espagne et le Maroc. Il découvre les couleurs dépaysantes de la culture ibérique, s'imprègne de ses splendeurs artistiques, de l'héritage de Velázquez et des peintres baroques du Siglo de oro. En Andalousie, il explore les trésors des Maures du Moyen Âge et leurs arts islamiques. Si la coïncidence voudra que Matisse sillonne également l'Espagne cette année-là, leurs chemins ne se croiseront pas.
L'Espagne sera pour Matisse et van Dongen l'anti-chambre du monde musulman, l'avant-goût de cet art et de cette culture islamiques qui ont tant nourri les tendances orientalistes de la peinture européenne depuis Delacroix, Ingres ou Renoir. Un univers que van Dongen découvre bientôt au Maroc, qu'il rejoint directement depuis l'Espagne. Matisse, lui, retourne à Paris après son périple ibérique, avant de prendre le chemin de Tanger une première fois en 1911, puis en 1912-1913.
« La perception occidentale du Proche-Orient a été profondément marquée par la conviction que cette région du monde pouvait satisfaire la soif d'exotisme de l'Occident, estime MaryAnne Stevens. L'exotisme était synonyme d'exploration plastique, d'exploration de territoires et d'époques qui permettaient de donner libre cours à l'imagination, parce qu'elles échappaient au cadre strict des règles classiques. […] Cet Orient fantasmé s'articulait aussi, plus concrètement, autour de la fascination que les voyageurs européens éprouvaient pour les femmes orientales. Ces créatures inaccessibles, avec leurs voiles et leurs vies pleines de mystères, hantaient le visiteur occidental et l'incitaient à rechercher l'excès, ne serait-ce que dans son imaginaire » (The Orientalists: Delacroix to Matisse, cat. exp., Royal Academy of Arts, Londres, 1984, p. 18).
Si Van Dongen ne ramène que quelques toiles de son voyage, ses esquisses feront l'objet de nombreux tableaux sur des thèmes inspirés du Maghreb et de l'Espagne. À Paris, l'orientalisme est en vogue depuis longtemps et van Dongen a déjà été amené à prendre pour modèle une brune sulfureuse de Montmartre, du nom d'Anita la Bohémienne. Cette danseuse de cabaret de la place Pigalle apparaît notamment dans un tableau à l'atmosphère orientale, représentant une troupe de danseurs et de musiciens. Anita comptait parmi ses nombreux talents la danse du ventre, qu'elle n'interprétait guère dans les règles de l'art mais à la manière volontairement licencieuse et vulgaire de ce qu'on appelle alors dans le jargon le « hootchy-kootchy ». Au mépris des conventions orientales, van Dongen aimait d'ailleurs peindre Anita (de son nom de scène Fatima) dansant la poitrine dénudée. C'est aussi elle qu'il représente dans une attitude plus retenue, plus élégante, dans cette œuvre-ci.
Parmi les trente-six tableaux de la seconde exposition personnelle de van Dongen chez Bernheim-Jeune, l'artiste exposera une autre composition similaire en juin 1911. Forte de ce deuxième succès, la galerie invite à nouveau van Dongen à présenter vingt-neuf « Œuvres nouvelles » en décembre de la même année. Un catalogue est publié, dans lequel l'artiste signe un « avant-propos capricieux ». Il y écrit : « Voici des tableaux – des danseuses lascives, une femme qui passe, un bel enfant, une mère qui allaite son petit – de la musique, des fleurs, des couleurs – du vert qui est l'optimisme qui guérit, du bleu qui est la lumière du repos, du jaune royal, quelques couleurs d'oubli et toutes les couleurs de la vie » (in Van Dongen, cat. exp., Musée des beaux-arts de Montréal, 2009, p. 7).
Set against a backdrop of classical columns, the shapely young woman in this painting may be the painter’s Orientalist reverie of a harem odalisque as she disrobes to enter her bath, or a vision of Salome dancing for Herod, dropping the last of her seven veils. The red interior suggests another scenario, from real life in the modern city, in which a Paris prostitute feints coyness and a final gesture of modesty as she entices a client into her brothel fantasy room. Having merged the traditions of high art and his taste for the demi-mondaine, Kees van Dongen’s desire and ability to generate erotic excitement as a key ingredient in modern art was unrivaled among the painters at work in Paris during the decade prior to the First World War.
Such unabashed sensationalism and a reputation for color pyrotechnics brought Van Dongen success, and with success came acceptance and a measure of respectability. The estimable Galerie Bernheim-Jeune gave the artist his first major show in November 1908, covering the previous decade and a half of his career. An impressive number of sales, as well as the notices Van Dongen attracted for his entries to the two salons of 1909, induced the dealer to sign the painter to seven-year contract, guaranteeing him a minimum of six thousand francs per year.
Van Dongen’s fortunes improved even more dramatically when Bernheim-Jeune purchased forty paintings from him in the early fall of 1910, and quickly sold them. With these earnings and his prospects for the future as equally promising, the artist—who had never travelled outside his native Holland and France—decided to spend most of the winter of 1910-1911 on an extended journey abroad.
The two countries on Van Dongen’s itinerary were Spain and Morocco, traditional destinations for many a Parisian painter. Spain could offer the touring artist the many glories of its pictorial heritage, especially the legacy of Velázquez and the Baroque painters of El Siglo de Oro, as well as the exotic color of its contemporary culture. In the south of Spain, in lands long occupied by the Moors during the Middle Ages, there were numerous sites where one could appreciate the splendor of Islamic arts. Matisse also decided to visit Spain that winter; he and Van Dongen, however, did not cross paths.
Spain would provide for Van Dongen and Matisse the portal to a subsequent and more complete experience of Islamic art and culture, the basis of the Orientalist tradition in European painting since Delacroix, Ingres, and Renoir. Following his stay in Spain, Van Dongen crossed over to Morocco. Matisse returned to Paris following his Spanish sojourn, and later traveled twice to Morocco, in 1911 and 1912-1913.
“One of the preoccupations which profoundly affected the Western understanding of the Near East was the belief that this region could satisfy the West’s urge for exotic experience,” MaryAnne Stevens has written. “Exoticism meant the artistic exploration of territories and ages in which the free flights of the imagination were possible because they lay outside the restrictive operation of classical rules... The imaginary exotic Orient was also given a more particular focus in the fascination which Western visitors had for the women of the East. These unobtainable women, with their veils and secretive lives, haunted the Western visitor and goaded him to seek excess, if only in his imagination” (The Orientalists: Delacroix to Matisse, exh. cat., Royal Academy of Arts, London, 1984, p. 18).
Van Dongen brought back only a few canvases from his trip, but many sketches which he developed into paintings on Spanish and North African themes. Orientalism was very much in vogue at that time in Paris. Van Dongen had already painted a dark, sultry gypsy girl known as Anita la Bohémienne, a dancer in a dive on the Place Pigalle, the notorious red light district of Montmartre, in depictions of a Middle-Eastern-style troupe of dancers and musicians. Among the performing skills in Anita’s repertory was belly-dancing, not of an authentic kind, but in the deliberately licentious and vulgarized form known in carnival sideshow parlance as the “hootchy-kootchy.” Van Dongen liked to paint Anita—alias Fatima, a common stage name for belly-dancers even at that time—gyrating topless, not a feature of traditional style. In a more decorous pose, she is the artist’s model in the present painting.
Among the 36 pictures in Van Dongen’s second exhibition at Bernheim-Jeune, subtitled Paris-Espagne-Maroc, held in June 1911 the artiste presented a similar composition. The gallery capitalized on the success of this event with a follow-up show in December, titled Oeuvres nouvelles, comprising another 29 works. The artist wrote in Avant-propos capricieux, his preface to the catalogue: "Here are some pictures—lascivious dancers—a passing woman—a beautiful child—a mother breast-feeding her baby—music—flowers—colors—green, which is optimism and heals, blue, which is light and rest, royal yellow, a few colors of oblivion and all the colors of life" (quoted in Van Dongen, exh. cat., The Montréal Museum of Fine Arts, 2009, p. 7).