Lot Essay
Conçu vers 1953, Concetto spaziale appartient à la série des Pietre (ou ‘Pierres’) de Lucio Fontana: un cycle initié en 1952 qui doit son nom aux fragments de verre rocailleux fixés à la surface de ses toiles. Ici, les quatre morceaux de verre coloré forment une colonne entre les emblématiques perforations (ou Buchi) de l’artiste. Ces renfoncements et ces protubérances font naître, ensemble, une présence sculpturale sur le support recouvert d’un doux gris ardoise: tandis que les Pietre font saillie, les Buchi semblent au contraire plonger dans l’espace derrière le tableau. ‘Lorsque j’ai commencé à utiliser les ‘Pierres’’, explique Fontana, ‘je voulais voir si je pouvais me projeter vers l’avant... Je me disais qu’avec les pierres, la lumière circulerait mieux - que cela créerait davantage de mouvement’ (L. Fontana in S. Whitfield, Lucio Fontana, cat. ex., Londres, 1999, p. 17).
Concetto spaziale témoigne de la rupture radicale de Fontana avec la sphère illusoire du tableau, au profit d’une expression plastique capable de conjuguer la couleur avec le mouvement, le temps et l’espace. Cette volonté de symbiose absolue dérive d’une longue recherche: la quête d’une forme d’art en adéquation avec les avancées de la science, d’un langage visuel qui reflète les progrès techniques de l’époque contemporaine. L’avènement de la physique atomique, de l’ordinateur, du moteur à réaction: Fontana est bien conscient de l’ampleur de ces phénomènes. Porté par une foi profonde en l’immensité de l’univers, il est, par ailleurs, intimement convaincu de la place relativement insignifiante qu’y occupe l’être humain. Concetto spaziale voit le jour une décennie avant que le président John F. Kennedy n’annonce son projet d’envoyer un homme sur la Lune. Or cette œuvre dont la composition rappelle l’espace sidéral paraît bien augurer l’imminente conquête de l’espace. Même les Pietre accrochées à la toile semblent procéder d’une dimension cosmique inconnue - comme les reliques d’un autre monde.
‘Je fais un trou, l’infini le traverse, la lumière le transperce, inutile de peindre quoi que ce soit’.
Lucio Fontana
Si ses éclats de verre scintillants et ses Buchi évoquent à bien des égards les astres d’une constellation, Concetto spaziale ne cherche pourtant pas à reproduire l’image d’un ciel étoilé. En réalité, c’est à l’intérieur même des Buchi, ces minuscules ouvertures dans la toile, que Fontana voudrait contenir toute la vastitude de l’univers. Ces perforations font leur apparition dans l’œuvre de l’artiste quatre ans plus tôt, en 1949, le jour où il décide de percer quelques trous dans des travaux sur papier. Par ce geste, Fontana introduit pour la toute première fois un espace bien réel, une profondeur palpable dans ce qui avait été, depuis l’aube de l’histoire de l’art, une surface totalement plate et hermétique. Comme le précise l’artiste, ‘Je ne veux pas faire de tableau, je veux ouvrir l’espace, créer pour l’art une nouvelle dimension, le rattacher au cosmos tel qu’il s’étend à l’infini, au-delà de la surface plane de l’image’ (L. Fontana in J. van der Marck & E. Crispolti, La Connaissance, Bruxelles, 1974, p. 7).
S’ensuit une période prolifique durant laquelle Fontana s’impose en précurseur de l’école abstraite italienne. Les années 1950 sont marquées par sa participation à plusieurs éditions de la Biennale de Venise, à la documenta II et à des expositions collectives majeures entre les murs de la Galleria Nazionale d’Arte Moderna, à Rome, la Haus der Kunst de Munich ou l’Institute of Contemporary Arts de Londres. En contrepoint, l’artiste ne cesse de créer, de transgresser, de pousser toujours plus loin les frontières de la peinture; en 1958, il ajoute notamment ses visionnaires Tagli (les ‘Entailles’) à son répertoire artistique. Sans cesse animé par le désir brûlant de retenir l’infini, Fontana voudrait localiser, au fond, ce qu’Enrico Crispolti appelle élégamment ‘l’autre côté’ de l’espace (E. Crispolti, Lucio Fontana, Catalogo ragionato di sculture, dipinti, ambientazioni, vol. I, Milan, 2006, p. 31).
Executed circa 1953, Concetto spaziale belongs to Lucio Fontana’s acclaimed series of Pietre paintings, a cycle he initiated in 1952 and named for the coloured glass ‘stones’ affixed to the picture’s surface. In the present work, the four pieces form a column set amongst the artist’s Buchi, or ‘Holes’. Together, these protrusions and recessions introduce a sculptural presence into the warm, dove grey surface: while the Pietre project outwards, the Buchi recede into the space behind. As Fontana explained, ‘When I began using the “stones” I wanted to see if I could move forward… I thought that with the stones, the light would flow better - that it would create more the effect of movement’ (L. Fontana, quoted in S. Whitfield, Lucio Fontana, exh. cat., London, 1999, p. 17).
Concetto spaziale captures Fontana’s radical shift away from the illusory space of the painting and towards a visual idiom that synthesised colour, motion, time and space. He had long sought an art that represented and adequately reflected the technological and scientific advancements of his era. From atomic physics to the development of the computer and the jet engine, Fontana understood the impact of these phenomena. More than anything, Fontana nurtured a belief in the vastness of the universe and mankind’s relatively minor role therein. Although predating John F. Kennedy’s 1962 declaration to send a man to the Moon, Concetto spaziale nevertheless foretold the coming Space Age. Indeed, the present work invokes this infinite, astral expanse. Even the Pietre seem to have come from some other cosmic realm. They are mementos from another world.
‘I make holes, infinity passes through them, light passes through them, there is no need to paint’.
Lucio Fontana
Yet though the flickering glass and Buchi may suggest a constellation, the arrangement is not meant to imitate the night sky. In fact, it is within the Buchi themselves that the universe limitless is seemingly contained. Fontana first introduced these holes four years earlier, in 1949, when he pierced several works on paper. In doing so, he brought real space to what had, throughout the whole of art history, been a flat plane. As the artist explained, ‘I do not want to make a painting: I want to open up space, create a new dimension for art, tie in with the cosmos as it endlessly expands beyond the confining plane of the picture’ (L. Fontana, quoted in J. van der Marck and E. Crispolti, La Connaissance, Brussels, 1974, p. 7).
These were prolific years for Fontana who, during the 1950s, gained an international reputation as the pioneer of Italian abstract art. The decade saw his inclusion in several iterations of the Venice Biennale and documenta II as well as his participation in group exhibitions at such museums as the Galleria Nazionale d’Arte Moderna, Rome; Haus der Kunst, Munich; and the Institute of Contemporary Arts, London. Fontana continued to innovate and dare, introducing his Tagli or ‘Slashes’ in 1958, and furthering his visionary idiom. What continued to consume the artist was the need, no matter the form, to arrest the infinite. Fontana wanted nothing more than to locate what Enrico Crispolti called, the ‘spatial “other side”’ (E. Crispolti, Lucio Fontana, Catalogo ragionato di sculture, dipinti, ambientazioni, vol. I, Milan, 2006, p. 31).
Concetto spaziale témoigne de la rupture radicale de Fontana avec la sphère illusoire du tableau, au profit d’une expression plastique capable de conjuguer la couleur avec le mouvement, le temps et l’espace. Cette volonté de symbiose absolue dérive d’une longue recherche: la quête d’une forme d’art en adéquation avec les avancées de la science, d’un langage visuel qui reflète les progrès techniques de l’époque contemporaine. L’avènement de la physique atomique, de l’ordinateur, du moteur à réaction: Fontana est bien conscient de l’ampleur de ces phénomènes. Porté par une foi profonde en l’immensité de l’univers, il est, par ailleurs, intimement convaincu de la place relativement insignifiante qu’y occupe l’être humain. Concetto spaziale voit le jour une décennie avant que le président John F. Kennedy n’annonce son projet d’envoyer un homme sur la Lune. Or cette œuvre dont la composition rappelle l’espace sidéral paraît bien augurer l’imminente conquête de l’espace. Même les Pietre accrochées à la toile semblent procéder d’une dimension cosmique inconnue - comme les reliques d’un autre monde.
‘Je fais un trou, l’infini le traverse, la lumière le transperce, inutile de peindre quoi que ce soit’.
Lucio Fontana
Si ses éclats de verre scintillants et ses Buchi évoquent à bien des égards les astres d’une constellation, Concetto spaziale ne cherche pourtant pas à reproduire l’image d’un ciel étoilé. En réalité, c’est à l’intérieur même des Buchi, ces minuscules ouvertures dans la toile, que Fontana voudrait contenir toute la vastitude de l’univers. Ces perforations font leur apparition dans l’œuvre de l’artiste quatre ans plus tôt, en 1949, le jour où il décide de percer quelques trous dans des travaux sur papier. Par ce geste, Fontana introduit pour la toute première fois un espace bien réel, une profondeur palpable dans ce qui avait été, depuis l’aube de l’histoire de l’art, une surface totalement plate et hermétique. Comme le précise l’artiste, ‘Je ne veux pas faire de tableau, je veux ouvrir l’espace, créer pour l’art une nouvelle dimension, le rattacher au cosmos tel qu’il s’étend à l’infini, au-delà de la surface plane de l’image’ (L. Fontana in J. van der Marck & E. Crispolti, La Connaissance, Bruxelles, 1974, p. 7).
S’ensuit une période prolifique durant laquelle Fontana s’impose en précurseur de l’école abstraite italienne. Les années 1950 sont marquées par sa participation à plusieurs éditions de la Biennale de Venise, à la documenta II et à des expositions collectives majeures entre les murs de la Galleria Nazionale d’Arte Moderna, à Rome, la Haus der Kunst de Munich ou l’Institute of Contemporary Arts de Londres. En contrepoint, l’artiste ne cesse de créer, de transgresser, de pousser toujours plus loin les frontières de la peinture; en 1958, il ajoute notamment ses visionnaires Tagli (les ‘Entailles’) à son répertoire artistique. Sans cesse animé par le désir brûlant de retenir l’infini, Fontana voudrait localiser, au fond, ce qu’Enrico Crispolti appelle élégamment ‘l’autre côté’ de l’espace (E. Crispolti, Lucio Fontana, Catalogo ragionato di sculture, dipinti, ambientazioni, vol. I, Milan, 2006, p. 31).
Executed circa 1953, Concetto spaziale belongs to Lucio Fontana’s acclaimed series of Pietre paintings, a cycle he initiated in 1952 and named for the coloured glass ‘stones’ affixed to the picture’s surface. In the present work, the four pieces form a column set amongst the artist’s Buchi, or ‘Holes’. Together, these protrusions and recessions introduce a sculptural presence into the warm, dove grey surface: while the Pietre project outwards, the Buchi recede into the space behind. As Fontana explained, ‘When I began using the “stones” I wanted to see if I could move forward… I thought that with the stones, the light would flow better - that it would create more the effect of movement’ (L. Fontana, quoted in S. Whitfield, Lucio Fontana, exh. cat., London, 1999, p. 17).
Concetto spaziale captures Fontana’s radical shift away from the illusory space of the painting and towards a visual idiom that synthesised colour, motion, time and space. He had long sought an art that represented and adequately reflected the technological and scientific advancements of his era. From atomic physics to the development of the computer and the jet engine, Fontana understood the impact of these phenomena. More than anything, Fontana nurtured a belief in the vastness of the universe and mankind’s relatively minor role therein. Although predating John F. Kennedy’s 1962 declaration to send a man to the Moon, Concetto spaziale nevertheless foretold the coming Space Age. Indeed, the present work invokes this infinite, astral expanse. Even the Pietre seem to have come from some other cosmic realm. They are mementos from another world.
‘I make holes, infinity passes through them, light passes through them, there is no need to paint’.
Lucio Fontana
Yet though the flickering glass and Buchi may suggest a constellation, the arrangement is not meant to imitate the night sky. In fact, it is within the Buchi themselves that the universe limitless is seemingly contained. Fontana first introduced these holes four years earlier, in 1949, when he pierced several works on paper. In doing so, he brought real space to what had, throughout the whole of art history, been a flat plane. As the artist explained, ‘I do not want to make a painting: I want to open up space, create a new dimension for art, tie in with the cosmos as it endlessly expands beyond the confining plane of the picture’ (L. Fontana, quoted in J. van der Marck and E. Crispolti, La Connaissance, Brussels, 1974, p. 7).
These were prolific years for Fontana who, during the 1950s, gained an international reputation as the pioneer of Italian abstract art. The decade saw his inclusion in several iterations of the Venice Biennale and documenta II as well as his participation in group exhibitions at such museums as the Galleria Nazionale d’Arte Moderna, Rome; Haus der Kunst, Munich; and the Institute of Contemporary Arts, London. Fontana continued to innovate and dare, introducing his Tagli or ‘Slashes’ in 1958, and furthering his visionary idiom. What continued to consume the artist was the need, no matter the form, to arrest the infinite. Fontana wanted nothing more than to locate what Enrico Crispolti called, the ‘spatial “other side”’ (E. Crispolti, Lucio Fontana, Catalogo ragionato di sculture, dipinti, ambientazioni, vol. I, Milan, 2006, p. 31).