Lot Essay
‘Je voulais me sentir immergé dans la couleur’.
Ettore Spalletti
Réalisé en 1997, Rosso porpora (‘Rouge pourpre’) est parfaitement emblématique de la manière dont Ettore Spalletti cherchait à fusionner la forme, la couleur et l’espace dans son art. Ce triptyque est composé de panneaux géométriques de formes différentes, peints d’un rouge très vif et biseautés de façon singulière avec, le long des tranches, un rehaut de feuille d’or. Tiraillée entre deux dimensions, hésitant entre le plan pictural et le volume, la pratique artistique de Spalletti bouscule la traditionnelle distinction entre peinture et sculpture. Surgissant de la surface lisse du mur avec ses bords anguleux, Rosso porpora s’inscrit à bien des égards dans le sillage du minimalisme américain et de son langage de lignes sans concessions. Ici, le délicat biseau doré souligne la saillie des trois panneaux monochromes, qui semblent flotter dans une lueur ambrée. Cette œuvre date d’une année charnière, durant laquelle Spalletti est notamment invité à représenter l’Italie à la Biennale de Venise de 1997, présidée par Germano Celant. ‘[Dans mon œuvre], une couleur en amène une autre, confie-t-il, elle se mue continuellement en une couleur indéfinie qui n’a ni commencement ni fin, qui se déploie toujours plus jusqu’à vous étreindre, vous envelopper complètement’ (E. Spalletti, in C. Turner, ‘How Do You Capture a Colour? Interview with Ettore Spalletti,’ Apollo, mai 2016).
Célébré pour ses conceptions monochromes, Spalletti se restreint essentiellement à une palette de bleus, de roses, de rouges et d’or tout au long de sa carrière. À la fois raffinée et très technique, sa démarche s’inspire de la longue tradition des ateliers du Moyen Âge et de la Renaissance. Selon la coutume des maîtres italiens, Spalletti travaille à l’impasto à partir d’un mélange d’huiles, de pigments et de poudre de craie qu’il prépare de ses propres mains. ‘J’applique quotidiennement une fine couche’, précise-t-il, toujours vers la même heure, et ce pendant quinze jours ou plus, selon l’épaisseur que je veux obtenir’ (E. Spalletti in ibid). En découle une texture velouteuse, feutrée, qui confère à ses œuvres une présence tangible. Sa méthode bien particulière de biseautage intensifie d'autant plus cette portée sculpturale. Dans Rosso porpora, les dorures des biseaux créent ainsi l’effet d’un halo de lumière diffuse. En brouillant la frontière entre l’objet d’art et l’espace qui l’entoure, Spalletti renoue avec les interrogations phénoménologiques de ses prédécesseurs minimalistes (on pense notamment aux installations de Donald Judd ou Carl Andre), tout en évoquant l’or sublime des retables du XVe siècle d’un Piero della Francesca ou d’un Masaccio.
Spalletti est né en 1940 à Cappelle sul Tavo, petite ville perchée dans les hauteurs des Abruzzes où il vécut et travailla jusqu’à sa mort en 2019. Puisant son inspiration dans le monde naturel, il se voyait ‘davantage en peintre figuratif comme Turner, qu’en artiste’ (E. Spalletti, in V. Attard, ‘Into the Blue, The Italian Artist Ettore Spalletti is Diving into a New London Show,’ Wallpaper* 206, mai 2016). En se fondant dans leur environnement immédiat où elles répandent leur orbe de pigments, ses œuvres semblent en effet donner vie à de véritables espaces sensoriels. C’est durant cette décennie déterminante pour sa carrière que Spalletti conçoit, en 1996, la première de ses célèbres installations immersives. Ces salles spectaculaires qui plongent l’observateur dans un univers totalement monochrome viennent témoigner, une fois de plus, de sa volonté inlassable de confondre l’espace et la couleur. Exécutée à peine un an plus tard, Rosso porpora est elle aussi, à sa manière, une expression dynamique et recherchée de cette ambition.
‘I wanted to have the feeling of being immersed in the colour’.
Ettore Spalletti
Executed in 1997, Rosso porpora (Red purple) is a powerful example of Ettore Spalletti’s ambitions to unify form, colour and space within his art. The work comprises three geometric board panels painted with bold red pigment, each uniquely bevelled and embellished with gold leaf. Caught between two and three dimensionality, Spalletti’s oeuvre defies traditional categorisation as painting or sculpture. Projecting beyond the flat wall space, Rosso porpora speaks to the legacy of American Minimalism with its hard-edged formal language. The finely gilded edges accentuate the triptych’s protrusion, making each monochromatic board appear to hover in an ethereal, yellow glow. The work was made in the same seminal year that Spalletti represented Italy at Germano Celant’s Venice Biennale in 1997. ‘My colour gives you another colour’, said Spalletti, ‘transforming continuously in a sort of colour that has no beginning and no end, stretching itself more and more until it hugs you, wrapping you completely’ (E. Spalletti, quoted in C. Turner, ‘How Do You Capture a Colour? Interview with Ettore Spalletti’, Apollo, May 2016).
Renowned for his monochrome works, Spalletti worked from a palette of blue, pink, red and gold for the majority of his career. His process was technical and refined, owing much to the legacies of medieval and Renaissance ateliers. He prepared an impasto by mixing oils with pigments and powdered chalks. ‘I spread a thin layer of colour each day’, the artist said of his painting ritual, ‘almost at the same time, for 15 days or more, depending on the thickness I want to get’ (E. Spalletti, quoted in ibid.). Rendering a distinctly soft, velvety surface texture, Spalletti created works with tangible atmosphere. His signature bevelling technique accentuates the ambient, sculptural quality of each work. In Rosso porpora, the boards slanted edges are faced with gold leaf, creating a diffuse emanating light. Blurring the boundary between art object and its surrounding spatial environment, the artist reinstates the phenomenological interests of his Minimalist forebears - evoking installations by Donald Judd and Carl Andre - while his gilding in turn conjures the sublime panels of early Renaissance painters Masaccio and Piero della Francesca.
Spalletti was born in Cappelle sul Tavo in 1940, a small hill town where he continued to live and work until his death in 2019. Drawing inspiration from the natural world, the artist stated ‘I like to think of myself as a figurative painter like Turner rather than an artist’ (E. Spalletti, quoted in V. Attard, ‘Into the Blue, The Italian Artist Ettore Spalletti is Diving into a New London Show’, Wallpaper* 206, May 2016). Indeed, his works fuse with their environments, creating activated and sensory spaces of pigment, light and hue. It was within this pivotal decade of the artist’s career, in 1996, that he created the first of his iconic immersive rooms. Enveloping his viewers within a total, chromatic realm, this development attests to the artist’s enduring ambitions for his art to elide colour and space. Rosso porpora, executed just one year later, is a dynamic and sophisticated realisation of this vision.
Ettore Spalletti
Réalisé en 1997, Rosso porpora (‘Rouge pourpre’) est parfaitement emblématique de la manière dont Ettore Spalletti cherchait à fusionner la forme, la couleur et l’espace dans son art. Ce triptyque est composé de panneaux géométriques de formes différentes, peints d’un rouge très vif et biseautés de façon singulière avec, le long des tranches, un rehaut de feuille d’or. Tiraillée entre deux dimensions, hésitant entre le plan pictural et le volume, la pratique artistique de Spalletti bouscule la traditionnelle distinction entre peinture et sculpture. Surgissant de la surface lisse du mur avec ses bords anguleux, Rosso porpora s’inscrit à bien des égards dans le sillage du minimalisme américain et de son langage de lignes sans concessions. Ici, le délicat biseau doré souligne la saillie des trois panneaux monochromes, qui semblent flotter dans une lueur ambrée. Cette œuvre date d’une année charnière, durant laquelle Spalletti est notamment invité à représenter l’Italie à la Biennale de Venise de 1997, présidée par Germano Celant. ‘[Dans mon œuvre], une couleur en amène une autre, confie-t-il, elle se mue continuellement en une couleur indéfinie qui n’a ni commencement ni fin, qui se déploie toujours plus jusqu’à vous étreindre, vous envelopper complètement’ (E. Spalletti, in C. Turner, ‘How Do You Capture a Colour? Interview with Ettore Spalletti,’ Apollo, mai 2016).
Célébré pour ses conceptions monochromes, Spalletti se restreint essentiellement à une palette de bleus, de roses, de rouges et d’or tout au long de sa carrière. À la fois raffinée et très technique, sa démarche s’inspire de la longue tradition des ateliers du Moyen Âge et de la Renaissance. Selon la coutume des maîtres italiens, Spalletti travaille à l’impasto à partir d’un mélange d’huiles, de pigments et de poudre de craie qu’il prépare de ses propres mains. ‘J’applique quotidiennement une fine couche’, précise-t-il, toujours vers la même heure, et ce pendant quinze jours ou plus, selon l’épaisseur que je veux obtenir’ (E. Spalletti in ibid). En découle une texture velouteuse, feutrée, qui confère à ses œuvres une présence tangible. Sa méthode bien particulière de biseautage intensifie d'autant plus cette portée sculpturale. Dans Rosso porpora, les dorures des biseaux créent ainsi l’effet d’un halo de lumière diffuse. En brouillant la frontière entre l’objet d’art et l’espace qui l’entoure, Spalletti renoue avec les interrogations phénoménologiques de ses prédécesseurs minimalistes (on pense notamment aux installations de Donald Judd ou Carl Andre), tout en évoquant l’or sublime des retables du XVe siècle d’un Piero della Francesca ou d’un Masaccio.
Spalletti est né en 1940 à Cappelle sul Tavo, petite ville perchée dans les hauteurs des Abruzzes où il vécut et travailla jusqu’à sa mort en 2019. Puisant son inspiration dans le monde naturel, il se voyait ‘davantage en peintre figuratif comme Turner, qu’en artiste’ (E. Spalletti, in V. Attard, ‘Into the Blue, The Italian Artist Ettore Spalletti is Diving into a New London Show,’ Wallpaper* 206, mai 2016). En se fondant dans leur environnement immédiat où elles répandent leur orbe de pigments, ses œuvres semblent en effet donner vie à de véritables espaces sensoriels. C’est durant cette décennie déterminante pour sa carrière que Spalletti conçoit, en 1996, la première de ses célèbres installations immersives. Ces salles spectaculaires qui plongent l’observateur dans un univers totalement monochrome viennent témoigner, une fois de plus, de sa volonté inlassable de confondre l’espace et la couleur. Exécutée à peine un an plus tard, Rosso porpora est elle aussi, à sa manière, une expression dynamique et recherchée de cette ambition.
‘I wanted to have the feeling of being immersed in the colour’.
Ettore Spalletti
Executed in 1997, Rosso porpora (Red purple) is a powerful example of Ettore Spalletti’s ambitions to unify form, colour and space within his art. The work comprises three geometric board panels painted with bold red pigment, each uniquely bevelled and embellished with gold leaf. Caught between two and three dimensionality, Spalletti’s oeuvre defies traditional categorisation as painting or sculpture. Projecting beyond the flat wall space, Rosso porpora speaks to the legacy of American Minimalism with its hard-edged formal language. The finely gilded edges accentuate the triptych’s protrusion, making each monochromatic board appear to hover in an ethereal, yellow glow. The work was made in the same seminal year that Spalletti represented Italy at Germano Celant’s Venice Biennale in 1997. ‘My colour gives you another colour’, said Spalletti, ‘transforming continuously in a sort of colour that has no beginning and no end, stretching itself more and more until it hugs you, wrapping you completely’ (E. Spalletti, quoted in C. Turner, ‘How Do You Capture a Colour? Interview with Ettore Spalletti’, Apollo, May 2016).
Renowned for his monochrome works, Spalletti worked from a palette of blue, pink, red and gold for the majority of his career. His process was technical and refined, owing much to the legacies of medieval and Renaissance ateliers. He prepared an impasto by mixing oils with pigments and powdered chalks. ‘I spread a thin layer of colour each day’, the artist said of his painting ritual, ‘almost at the same time, for 15 days or more, depending on the thickness I want to get’ (E. Spalletti, quoted in ibid.). Rendering a distinctly soft, velvety surface texture, Spalletti created works with tangible atmosphere. His signature bevelling technique accentuates the ambient, sculptural quality of each work. In Rosso porpora, the boards slanted edges are faced with gold leaf, creating a diffuse emanating light. Blurring the boundary between art object and its surrounding spatial environment, the artist reinstates the phenomenological interests of his Minimalist forebears - evoking installations by Donald Judd and Carl Andre - while his gilding in turn conjures the sublime panels of early Renaissance painters Masaccio and Piero della Francesca.
Spalletti was born in Cappelle sul Tavo in 1940, a small hill town where he continued to live and work until his death in 2019. Drawing inspiration from the natural world, the artist stated ‘I like to think of myself as a figurative painter like Turner rather than an artist’ (E. Spalletti, quoted in V. Attard, ‘Into the Blue, The Italian Artist Ettore Spalletti is Diving into a New London Show’, Wallpaper* 206, May 2016). Indeed, his works fuse with their environments, creating activated and sensory spaces of pigment, light and hue. It was within this pivotal decade of the artist’s career, in 1996, that he created the first of his iconic immersive rooms. Enveloping his viewers within a total, chromatic realm, this development attests to the artist’s enduring ambitions for his art to elide colour and space. Rosso porpora, executed just one year later, is a dynamic and sophisticated realisation of this vision.