Lot Essay
Wanda de Guébriant a confirmé l'authenticité de cette oeuvre.
Femme étendue fut exécuté le 17 octobre 1941, quelques mois à peine après une longue période d'hospitalisation, à la suite de laquelle Henri Matisse privilégie la pratique du dessin à celle de la peinture. L'oeuvre représente Nzy-Hamid Chawkat, assise et légèrement inclinée, entourée d'une végétation luxuriante dans l'atelier improvisé à l'hôtel Régina à Nice. Elle est à rapprocher de deux tableaux exécutés la même année où nous retrouvons Nzy en robe décolletée, posant accompagnée de Lydia Delectorskaya (fig. 1).
Depuis les années 1930, Matisse explore une approche du dessin fondée sur la répétition. Ayant choisi un sujet, il procède de façon systématique, travaillant et retravaillant les lignes jusqu'à ce que sa main trouve de manière instinctive le tracé idéal. Accédant à un autre niveau de conscience vis-à-vis du modèle, il se dégage de toute pesanteur académique et atteint ainsi la liberté totale de son geste. La série des dessins connue sous le titre de Thèmes et Variations, exécutée selon cette méthode à l'hôtel Régina entre 1941 et 1942, est considérée comme le sommet de sa maîtrise et fut qualifiée par l'artiste lui-même de "floraison". Femme étendue en constitue un exemple remarquable.
Alors que son état de santé le contraint à réduire son activité physique, Matisse trouve dans le dessin un exutoire. Comme il le souligne dans une note adressée à Gaston Diehl: "J'ai le sentiment que tous ces dessins résultent d'une fusion de mes expériences, de mes travaux, de mon besoin de connaissance. Ils sont comme le résultat d'un prodigieux acquis qui se forme inconsciemment en moi. Je les sens jaillir de mon être intérieur comme un grand éclat de rire" (Comoedia, 12 juin 1943). Les cent-cinquante-huit dessins constituant Thèmes et Variations sont répartis en seize suites identifiées par une lettre allant de A à P. A l'origine de chaque suite, un dessin au fusain définissant le thème exploré est ensuite suivi de nombreuses variations. Dans une lettre à sa fille Marguerite, il décrit la satisfaction que lui procure cette méthode : "depuis un an, j'ai fait un très important effort, un des plus importants de ma vie [...] J'ai fait une abondance de dessins tout à fait surprenante [...] ils se composent de suites, dont le dessin initial pour chaque suite est un dessin d'étude au fusain, qui donne une suite de dessins à la plume ou au crayon qui sont comme les parfums qui sortiraient de ce premier dessin matrice" (Matisse, lettre à sa fille Marguerite, février 1942).
"Dessin matrice" de la 'suite E', Femme étendue fut exécuté en trois étapes successives. Matisse a tout d'abord superposé les contours tracés et retracés de sa composition, conférant à l'ensemble une dimension quasi cinématographique, comme animée. Par ce biais, il cherche à capturer sur la feuille le temps qui s'écoule sous ses yeux durant la séance de pose - le bras qui se replace, la tête qui s'incline - et à révéler simultanément " le caractère du modèle, son expression humaine, la qualité de la lumière qui l'entoure". Une fois ces traits esquissés, il a travaillé à l'estompe, un épais morceau de papier enroulé servant à fondre les lignes. Cherchant à souligner encore le caractère du modèle et l'atmosphère qui règne dans l'atelier, son effet s'apparente à celui du sfumato, employé à la Renaissance pour traduire le mystère de la lumière. La dernière étape est celle de la révélation du "signe" final. En effet, comme le déclare l'artiste: "Il faut étudier longtemps un objet pour savoir quel est son signe". Femme étendue est ainsi exceptionnel par la perfection du trait final qui délimite le modèle dans son espace. Des courbes au fusain épais tranchent sur la surface complexe du travail préalable, faisant émerger le modèle du décor selon un processus qui selon Matisse ne relève pas de la "décision", mais de la "conviction". Comme le souligne le critique John Elderfield propos des uvres au fusain: "[Les dessins] sont réalisés selon leurs propres termes et sans exception montrent l'incroyable maîtrise que Matisse avait de cette technique si sensuelle. Bien que les graduations de tons soient extrêmement subtiles, elles semblent avoir été réalisées de manière tout à fait spontanée, de plus, son sens averti de l'interchangeabilité entre la figure linéaire et l'arrière-plan confère à la fois tension et intensité aux compositions. Réalisées au sommet de son art, ces oeuvres sont aussi riches en émotion qu'en détails techniques et nous dévoilent un Matisse bien plus humain que ne le font ses dessins à la ligne" (J. Elderfield, The Drawings of Henri Matisse, catalogue d'exposition, Londres, The Arts Council of Great Britain, 1984, p. 118).
Femme étendue was executed on 17th October 1941, only a few months after a long period of hospitalisation, and following which Henri Matisse would turn to drawing in preference over painting. The work represents Nzy-Hamid Chawkat, sitting and slightly inclined surrounded by luxurious foliage in the artist's improvised studio at the Hôtel Régina in Nice. The drawing is comparable to two paintings completed in the same year where we see Nzy, wearing the same dress with its low neckline, this time accompanied by Lydia Delectorskaya (fig. 1).
Since the 1930s Matisse had been exploring an approach to drawing based on the use of repetition. Once his subject was selected, he would proceed systematically to draw and redraw the composition until his hand found its instinctive path and he could create the ideal outline. Reaching an instinctive level of consciousness in relation to his subject released him from any preexisting academic boundaries and allowed Matisse to gain absolute freedom in his gestures. The series of drawings titled Thèmes et Variations, executed according to this method at the Hôtel Régina between 1941 et 1942, is considered to represent the height of the artist's powers and was described by the artist himself as an 'awakening'. Femme étendue is a remarkable example of this production.
Reduced to a minimum of physical activity, Matisse found a means of escape through drawing. As he wrote in a letter to Gaston Diehl: "my feeling is that all of these drawing result from a combination of my experiences, of my study, of my need to understand. They are like the result of a significant awareness which I have formed unconsciously. They shake my inner being in the way of a great laugh." (Comoedia, 12th of June 1943). The one hundred and fifty eight drawings which form the series Thèmes et Variations are divided into sixteen suites, each lettered A through P. At the start of each suite is a charcoal drawing which defines the theme to be explored through the subsequent numerous variation works.
In a letter to his daughter Marguerite he noted the satisfaction he derived from this method " for the past year I have undertaken a great project, one of the most important of my career [] I have completed an abundance of surprising drawings [] they form suites, of which the initial drawing for each suite is a charcoal study, which sets the scene for drawings in ink or pencil which blossom from this original template" (Matisse, Letter to his Daughter Margeritte, 7th of April 1942, Archives Matisse).
As the "template" drawing for the E suite, Femme étendue was completed in three successive stages. Firstly, Matisse superimposed layers of contours which set out the composition, giving the whole an almost 'cinematographic' quality as if the surface was animated. Through this process the artist sought to capture on his sheet the time which had elapsed during the pose in the studio - recording the movement of an arm, the head which shifts position - and to record at the same time the " character of the model, her expression, the quality of the light which surrounds her". Once these outlines are sketched, he worked with the estompe, using a thick piece of rolled paper to soften and blend the lines. The introduction of this element serves again to underscore the character of the model and the atmosphere which reigns, and as such recalls the sfumato canon of Renaissance painting whose preoccupation was in translating the mystery of light.
The last stage of the drawing is the revelation of the final 'signature'. As the artist himself declared: "one has to study for a long time an object before knowing its signature". Femme étendue is an exception work due to the quality of this final touch which defines the model in space. Thick charcoal curves slice across the complex undersurface of preliminary drawing, stemming from a source that Matisse confirmed had more to do with the artist's 'conviction' than any 'decision'.
As the critic John Elderfield highlighted about the works in charcoal: "[these drawings] are executed on their own terms and without exception demonstrate the absolute mastery that Matisse possessed with this sensuous technique. Whilst the shading remains extremely subtle, they appear nonetheless to have been done sponteneously, not least due to his ability to fuse the line drawn figure with the background which gives a tension and an intensity to his compositions. Completed at the height of his powers, these works are as rich in emotion as in technical detail and they show us Matisse in a light much more human an his straight-forward line drawings" (J. Elderfield, The Drawings of Henri Matisse, exhibition catalogue, London, The Arts Council of Great Britain, 1984, p. 118).
Femme étendue fut exécuté le 17 octobre 1941, quelques mois à peine après une longue période d'hospitalisation, à la suite de laquelle Henri Matisse privilégie la pratique du dessin à celle de la peinture. L'oeuvre représente Nzy-Hamid Chawkat, assise et légèrement inclinée, entourée d'une végétation luxuriante dans l'atelier improvisé à l'hôtel Régina à Nice. Elle est à rapprocher de deux tableaux exécutés la même année où nous retrouvons Nzy en robe décolletée, posant accompagnée de Lydia Delectorskaya (fig. 1).
Depuis les années 1930, Matisse explore une approche du dessin fondée sur la répétition. Ayant choisi un sujet, il procède de façon systématique, travaillant et retravaillant les lignes jusqu'à ce que sa main trouve de manière instinctive le tracé idéal. Accédant à un autre niveau de conscience vis-à-vis du modèle, il se dégage de toute pesanteur académique et atteint ainsi la liberté totale de son geste. La série des dessins connue sous le titre de Thèmes et Variations, exécutée selon cette méthode à l'hôtel Régina entre 1941 et 1942, est considérée comme le sommet de sa maîtrise et fut qualifiée par l'artiste lui-même de "floraison". Femme étendue en constitue un exemple remarquable.
Alors que son état de santé le contraint à réduire son activité physique, Matisse trouve dans le dessin un exutoire. Comme il le souligne dans une note adressée à Gaston Diehl: "J'ai le sentiment que tous ces dessins résultent d'une fusion de mes expériences, de mes travaux, de mon besoin de connaissance. Ils sont comme le résultat d'un prodigieux acquis qui se forme inconsciemment en moi. Je les sens jaillir de mon être intérieur comme un grand éclat de rire" (Comoedia, 12 juin 1943). Les cent-cinquante-huit dessins constituant Thèmes et Variations sont répartis en seize suites identifiées par une lettre allant de A à P. A l'origine de chaque suite, un dessin au fusain définissant le thème exploré est ensuite suivi de nombreuses variations. Dans une lettre à sa fille Marguerite, il décrit la satisfaction que lui procure cette méthode : "depuis un an, j'ai fait un très important effort, un des plus importants de ma vie [...] J'ai fait une abondance de dessins tout à fait surprenante [...] ils se composent de suites, dont le dessin initial pour chaque suite est un dessin d'étude au fusain, qui donne une suite de dessins à la plume ou au crayon qui sont comme les parfums qui sortiraient de ce premier dessin matrice" (Matisse, lettre à sa fille Marguerite, février 1942).
"Dessin matrice" de la 'suite E', Femme étendue fut exécuté en trois étapes successives. Matisse a tout d'abord superposé les contours tracés et retracés de sa composition, conférant à l'ensemble une dimension quasi cinématographique, comme animée. Par ce biais, il cherche à capturer sur la feuille le temps qui s'écoule sous ses yeux durant la séance de pose - le bras qui se replace, la tête qui s'incline - et à révéler simultanément " le caractère du modèle, son expression humaine, la qualité de la lumière qui l'entoure". Une fois ces traits esquissés, il a travaillé à l'estompe, un épais morceau de papier enroulé servant à fondre les lignes. Cherchant à souligner encore le caractère du modèle et l'atmosphère qui règne dans l'atelier, son effet s'apparente à celui du sfumato, employé à la Renaissance pour traduire le mystère de la lumière. La dernière étape est celle de la révélation du "signe" final. En effet, comme le déclare l'artiste: "Il faut étudier longtemps un objet pour savoir quel est son signe". Femme étendue est ainsi exceptionnel par la perfection du trait final qui délimite le modèle dans son espace. Des courbes au fusain épais tranchent sur la surface complexe du travail préalable, faisant émerger le modèle du décor selon un processus qui selon Matisse ne relève pas de la "décision", mais de la "conviction". Comme le souligne le critique John Elderfield propos des uvres au fusain: "[Les dessins] sont réalisés selon leurs propres termes et sans exception montrent l'incroyable maîtrise que Matisse avait de cette technique si sensuelle. Bien que les graduations de tons soient extrêmement subtiles, elles semblent avoir été réalisées de manière tout à fait spontanée, de plus, son sens averti de l'interchangeabilité entre la figure linéaire et l'arrière-plan confère à la fois tension et intensité aux compositions. Réalisées au sommet de son art, ces oeuvres sont aussi riches en émotion qu'en détails techniques et nous dévoilent un Matisse bien plus humain que ne le font ses dessins à la ligne" (J. Elderfield, The Drawings of Henri Matisse, catalogue d'exposition, Londres, The Arts Council of Great Britain, 1984, p. 118).
Femme étendue was executed on 17th October 1941, only a few months after a long period of hospitalisation, and following which Henri Matisse would turn to drawing in preference over painting. The work represents Nzy-Hamid Chawkat, sitting and slightly inclined surrounded by luxurious foliage in the artist's improvised studio at the Hôtel Régina in Nice. The drawing is comparable to two paintings completed in the same year where we see Nzy, wearing the same dress with its low neckline, this time accompanied by Lydia Delectorskaya (fig. 1).
Since the 1930s Matisse had been exploring an approach to drawing based on the use of repetition. Once his subject was selected, he would proceed systematically to draw and redraw the composition until his hand found its instinctive path and he could create the ideal outline. Reaching an instinctive level of consciousness in relation to his subject released him from any preexisting academic boundaries and allowed Matisse to gain absolute freedom in his gestures. The series of drawings titled Thèmes et Variations, executed according to this method at the Hôtel Régina between 1941 et 1942, is considered to represent the height of the artist's powers and was described by the artist himself as an 'awakening'. Femme étendue is a remarkable example of this production.
Reduced to a minimum of physical activity, Matisse found a means of escape through drawing. As he wrote in a letter to Gaston Diehl: "my feeling is that all of these drawing result from a combination of my experiences, of my study, of my need to understand. They are like the result of a significant awareness which I have formed unconsciously. They shake my inner being in the way of a great laugh." (Comoedia, 12th of June 1943). The one hundred and fifty eight drawings which form the series Thèmes et Variations are divided into sixteen suites, each lettered A through P. At the start of each suite is a charcoal drawing which defines the theme to be explored through the subsequent numerous variation works.
In a letter to his daughter Marguerite he noted the satisfaction he derived from this method " for the past year I have undertaken a great project, one of the most important of my career [] I have completed an abundance of surprising drawings [] they form suites, of which the initial drawing for each suite is a charcoal study, which sets the scene for drawings in ink or pencil which blossom from this original template" (Matisse, Letter to his Daughter Margeritte, 7th of April 1942, Archives Matisse).
As the "template" drawing for the E suite, Femme étendue was completed in three successive stages. Firstly, Matisse superimposed layers of contours which set out the composition, giving the whole an almost 'cinematographic' quality as if the surface was animated. Through this process the artist sought to capture on his sheet the time which had elapsed during the pose in the studio - recording the movement of an arm, the head which shifts position - and to record at the same time the " character of the model, her expression, the quality of the light which surrounds her". Once these outlines are sketched, he worked with the estompe, using a thick piece of rolled paper to soften and blend the lines. The introduction of this element serves again to underscore the character of the model and the atmosphere which reigns, and as such recalls the sfumato canon of Renaissance painting whose preoccupation was in translating the mystery of light.
The last stage of the drawing is the revelation of the final 'signature'. As the artist himself declared: "one has to study for a long time an object before knowing its signature". Femme étendue is an exception work due to the quality of this final touch which defines the model in space. Thick charcoal curves slice across the complex undersurface of preliminary drawing, stemming from a source that Matisse confirmed had more to do with the artist's 'conviction' than any 'decision'.
As the critic John Elderfield highlighted about the works in charcoal: "[these drawings] are executed on their own terms and without exception demonstrate the absolute mastery that Matisse possessed with this sensuous technique. Whilst the shading remains extremely subtle, they appear nonetheless to have been done sponteneously, not least due to his ability to fuse the line drawn figure with the background which gives a tension and an intensity to his compositions. Completed at the height of his powers, these works are as rich in emotion as in technical detail and they show us Matisse in a light much more human an his straight-forward line drawings" (J. Elderfield, The Drawings of Henri Matisse, exhibition catalogue, London, The Arts Council of Great Britain, 1984, p. 118).