Lot Essay
C'est avec les moyens iconographiques les plus modestes – un compotier, distillé en formes frugales et géométriques – que Picasso signe ici un hommage à sa compagne Françoise Gilot, employant un langage artistique très intime grâce auquel il infuse sa composition de plusieurs niveaux de lecture. Les fruits schématiques ne sont autres que des cerises, mets sensuel qui joua un rôle de choix lors de sa première rencontre avec Françoise en mai 1943, au restaurant Le Catalan, à Paris. Ce jour-là, l'artiste mange avec Dora Maar lorsque Françoise, attablée avec des amis, attire son œil dissipé. «Il s'est levé et s'est approché de notre table», se souvient-elle. «Il a apporté un bol de cerises et nous en a proposées à tous, avec son fort accent espagnol, les appelant des 'cerisses', avec un doux double 's'» (F. Gilot et C. Lake, Life with Picasso, New York, 1964, p. 14).
Picasso célèbrera cette rencontre dans deux toiles qui figurent des cerises posées sur le buffet du Catalan (Zervos, vol. 13, nos. 26-27). Par la suite, il glisse de temps à autre le fruit dans ses natures mortes, dès lors qu'il s'agit d'exprimer des sentiments liés à Françoise, nouvelle conquête qui prend la place de Dora dans sa vie au crépuscule de la guerre. Picasso peint probablement Le Compotier fin 1946, à son retour à Paris après un séjour prolongé avec Françoise à Golfe-Juan et Antibes. Le fond jaune acidulé suggère une scène nocturne, baignée de lumière artificielle, tandis que l'espace clos renvoie au souvenir de l'Occupation qui semble planer, encore bien vif, sur la rue des Grands-Augustins. Dans la matrice rassurante du bol de fruits, cependant, une vie nouvelle se prépare à éclore. Françoise est alors enceinte de leur fils, Claude, et ces cerises, avec les noyaux qu'elles portent dans leur chair, peuvent être perçues comme des métaphores d'ovules fécondés.
Le Compotier évoque aussi la forme d'une tête humaine vue de profil, un chignon sur la nuque – un portrait symbolique de Françoise, dans la veine de l'emblématique Femme-fleur. La forme arrondie qui se découpe sur la droite de la toile pourrait aussi bien représenter l'ombre de la tête sur le mur que le contour bombé d'un ventre de femme enceinte. "Tu es comme une plante qui pousse", Picasso avait-il confié à Françoise, "et je me suis demandé comment exprimer l'idée que tu appartiens au royaume végétal puisqu'au monde animal" (cité in ibid., p. 119).
With the very simplest of iconographic means - a compotier of fruit, distilled into spare, geometric forms - Picasso has here created an homage to his partner Françoise Gilot, using a deeply personal creative language to imbue the composition with multiple layers of meaning. The schematized fruits are cherries, a sensual delicacy that played a role in Picasso’s first encounter with Françoise, at the restaurant Le Catalan in Paris in May 1943. The artist was dining with Dora Maar when Françoise, seated nearby with friends, caught his roving eye. “He got up and came over to our table", she recalled. “He brought with him a bowl of cherries and offered some to all of us, in his strong Spanish accent, calling them cerisses, with a soft, double-s sound” (F. Gilot et C. Lake, Life with Picasso, New York, 1964, p. 14).
Picasso memorialized this meeting in two canvases depicting cherries on the sideboard at Le Catalan (Zervos, vol. 13, nos. 26-27). Thereafter, he included the fruit in his still-lifes intermittently to represent feelings associated with Françoise, who supplanted Dora as the artist’s paramour as the war drew to a close. The present Le Compotier was probably painted late in 1946, after Picasso and Françoise returned to Paris from an extended stay at Golfe-Juan and Antibes. The acidic yellow ground suggests a nocturnal scene, rendered under artificial light, while the enclosed space hints that memories of the wartime Occupation still lingered on the rue des Grands-Augustins. In the womb-like safety of the fruit dish, however, new life is incubating. Françoise was then pregnant with the couple’s son Claude, and the cherries with their central pits may be read metaphorically as fertilized ova.
Le Compotier also takes on the form of a human head viewed in right profile, with a chignon at the nape of the neck - a symbolic portrait of Françoise, like the iconic Femme-fleur. The rounded form at the far right represents the shadow of the head on the wall, as well as evoking the swelling contour of a pregnant belly. “You’re like a growing plant", Picasso told Françoise, “and I’ve been wondering how I could get across the idea that you belong to the vegetable kingdom rather than the animal” (quoted in ibid., p. 119).
Picasso célèbrera cette rencontre dans deux toiles qui figurent des cerises posées sur le buffet du Catalan (Zervos, vol. 13, nos. 26-27). Par la suite, il glisse de temps à autre le fruit dans ses natures mortes, dès lors qu'il s'agit d'exprimer des sentiments liés à Françoise, nouvelle conquête qui prend la place de Dora dans sa vie au crépuscule de la guerre. Picasso peint probablement Le Compotier fin 1946, à son retour à Paris après un séjour prolongé avec Françoise à Golfe-Juan et Antibes. Le fond jaune acidulé suggère une scène nocturne, baignée de lumière artificielle, tandis que l'espace clos renvoie au souvenir de l'Occupation qui semble planer, encore bien vif, sur la rue des Grands-Augustins. Dans la matrice rassurante du bol de fruits, cependant, une vie nouvelle se prépare à éclore. Françoise est alors enceinte de leur fils, Claude, et ces cerises, avec les noyaux qu'elles portent dans leur chair, peuvent être perçues comme des métaphores d'ovules fécondés.
Le Compotier évoque aussi la forme d'une tête humaine vue de profil, un chignon sur la nuque – un portrait symbolique de Françoise, dans la veine de l'emblématique Femme-fleur. La forme arrondie qui se découpe sur la droite de la toile pourrait aussi bien représenter l'ombre de la tête sur le mur que le contour bombé d'un ventre de femme enceinte. "Tu es comme une plante qui pousse", Picasso avait-il confié à Françoise, "et je me suis demandé comment exprimer l'idée que tu appartiens au royaume végétal puisqu'au monde animal" (cité in ibid., p. 119).
With the very simplest of iconographic means - a compotier of fruit, distilled into spare, geometric forms - Picasso has here created an homage to his partner Françoise Gilot, using a deeply personal creative language to imbue the composition with multiple layers of meaning. The schematized fruits are cherries, a sensual delicacy that played a role in Picasso’s first encounter with Françoise, at the restaurant Le Catalan in Paris in May 1943. The artist was dining with Dora Maar when Françoise, seated nearby with friends, caught his roving eye. “He got up and came over to our table", she recalled. “He brought with him a bowl of cherries and offered some to all of us, in his strong Spanish accent, calling them cerisses, with a soft, double-s sound” (F. Gilot et C. Lake, Life with Picasso, New York, 1964, p. 14).
Picasso memorialized this meeting in two canvases depicting cherries on the sideboard at Le Catalan (Zervos, vol. 13, nos. 26-27). Thereafter, he included the fruit in his still-lifes intermittently to represent feelings associated with Françoise, who supplanted Dora as the artist’s paramour as the war drew to a close. The present Le Compotier was probably painted late in 1946, after Picasso and Françoise returned to Paris from an extended stay at Golfe-Juan and Antibes. The acidic yellow ground suggests a nocturnal scene, rendered under artificial light, while the enclosed space hints that memories of the wartime Occupation still lingered on the rue des Grands-Augustins. In the womb-like safety of the fruit dish, however, new life is incubating. Françoise was then pregnant with the couple’s son Claude, and the cherries with their central pits may be read metaphorically as fertilized ova.
Le Compotier also takes on the form of a human head viewed in right profile, with a chignon at the nape of the neck - a symbolic portrait of Françoise, like the iconic Femme-fleur. The rounded form at the far right represents the shadow of the head on the wall, as well as evoking the swelling contour of a pregnant belly. “You’re like a growing plant", Picasso told Françoise, “and I’ve been wondering how I could get across the idea that you belong to the vegetable kingdom rather than the animal” (quoted in ibid., p. 119).