Léon Spilliaert (1881-1946)
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Provenant d'une importante collection particulière belge
Léon Spilliaert (1881-1946)

Autoportrait

Details
Léon Spilliaert (1881-1946)
Autoportrait
signé et inscrit ‘L Spilliaert 1906 [sic]' (en bas à droite); signé, daté et inscrit ‘Leon Spilliaert Oostende 1916’ (au revers)
encre sépia, encre de Chine, lavis d’encre, gouache et aquarelle sur carton
50.2 x 49 cm.
Exécuté à Ostende en 1916

signed and inscribed ‘L Spilliaert 1906 [sic]' (lower right); signed, dated and inscribed 'Leon Spilliaert Oostende 1916' (on the reverse)
sepia ink, India ink, wash and ink, gouache and watercolour on board
19 3⁄4 x 19 1⁄4 in.
Executed in Ostende in 1916
Provenance
Atelier de l'artiste.
Madeleine Spilliaert, Uccle (par descendance).
NF Art Gallery, Bruxelles (acquis auprès de celle-ci en 2005).
Collection particulière, Bruxelles (acquis auprès de celle-ci en 2007).
Don de celle-ci au propriétaire actuel.
Exhibited
Bruxelles, NF Art Gallery, Léon Spilliaert, janvier-mars 2007, no. 25.

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Antoine Lebouteiller
Antoine Lebouteiller Head of Department

Lot Essay

Cette œuvre sera incluse au catalogue raisonné de Léon Spilliaert en préparation par le Dr. Anne Adriaens-Pannier.

« La figure est osseuse, accentuée, creusée profondément aux joues, sous des pommettes saillantes, indiquant la volonté que renforcent encore les maxillaires presque brutaux. L’œil […], très doux, songeur – un regard brumeux de mer automnal – a cependant des reflets de froids d’acier. Le front, haut, droit est surmonté d’une étonnante chevelure blonde, ébouriffée, quasi-fantastique, hoffmannesque. Et de toute la face se dégage comme une illumination discrète, retenue, communicative pourtant, malgré la réserve timide de la personne. »
F. Jollivet-Castelot, ‘Léon Spilliaert’ in Le Carillon, Ostende, 4-5 décembre 1909, No. 174, p.1.

The face is bony, accentuated, with deeply sunken cheeks under prominent cheekbones, indicating a wilfulness reinforced by the nearly brutal jawbones. The eye […], though quite soft and dreamy the misty look of an autumnal sea has glints of steely cold. The high, straight forehead is topped by a shock of ruffled blond hair that is nearly fantastical, even Hoffmannesque. The whole face projects a sort of discreet, restrained and communicative illumination, despite the timid and reserved nature of the subject.”
F. Jollivet-Castelot, “Léon Spilliaert” in Le Carillon, Ostende, 4-5 December 1909, No. 174, p.1.

"Il n’est donné à personne de se découvrir par les yeux des autres, on ne peut le faire que par l’introspection" (A. Adriaens-Pannier, on Spilliaert, Le regard de l’âme, Bruxelles, 2006, p. 62-63). Telle aurait pu être la devise de Léon Spilliaert. En effet, l’œuvre de l’artiste est emplie d’autoportraits, tous aussi mystérieux qu’envoûtants. Le présent, réalisé en 1916 – bien qu’erronément antidaté 1906 par l’artiste – s’inscrit dans une longue série commencée en 1903.
Réalisés au début sur une simple feuille de papier au format modeste, les autoportraits que dessine le jeune artiste originaire d’Ostende tendent à se développer. D’une ligne sobre, simple, synthétique et épurée des premiers autoportraits, l’artiste passe à une ligne plus nerveuse et expressive, évoluant de la description contemplative à l’analyse introspective de soi. L’individualité de l’homme s’affirme. La psychologie se développe. L’étude de soi s’approfondit. La représentation se fait plus analytique. La composition devient plus large, le cadrage se concentre sur le haut du buste et sur le jeu de l’ombre et de la lumière. Plus que simple autoreprésentation, l’œuvre devient un véritable autoportrait halluciné.
Spilliaert, bien que n’ayant suivi aucune formation académique, ne recule pas devant l’exercice complexe de l’autoreprésentation. Cet exercice est pour lui l’ultime moyen d’exprimer quelque chose de purement privé et personnel.
Nourri des écrits de Nietzsche, Schopenhauer, Chateaubriand ou encore Baudelaire, Spilliaert délaisse ici ses représentations d’étendues désertes et de personnages esseulés pour se représenter tel qu’il est lui-même, en proie à une tragique mélancolie. En silence, le dessin hurle la solitude de l’artiste. Il révèle ses doutes, ses peurs. Le dessin devient alors plus que jamais un exutoire pour celui qui, pendant longtemps, fut habité par la tristesse et les tourments, limité dans ses déplacements par une santé fragile. Dans ce face à face avec lui-même c’est son implacable désolation que Spilliaert nous crie.
Face à lui-même, celui-ci s’impose en artiste résolument romantique, perdu entre jour et nuit, entre vie et trépas. Ici, la méditation et le silence sont les seuls motifs principaux de la composition. En reprenant certains éléments stylistiques de James Ensor ou d’Edward Munch, l’artiste, âgé de 35 ans, met tout en œuvre pour que le dessin représente au mieux le reflet de son âme. Les orbites sont remplies de ténèbres impénétrables, les coins de la bouche sont fermement serrés, les joues sont ciselées et creusées. Les traits du visage sont distordus, anguleux, tirés, émaciés voire violents. Tapie dans l’ombre, l’artiste se représente entouré de ses propres démons.
Outre cet aspect introspectif, Spilliaert se montre ici en véritable virtuose de l’encre.
Maître incontesté de la ligne pure, l’artiste utilise mieux que quiconque la plume et l’encre, travaillant par voiles et jouant sur la transparence et l’opacité ; faisant jaillir la lumière de son front et les ténèbres de ses yeux.
Memento mori des temps modernes, autobiographie peinte, cet autoportrait est aujourd’hui l’un des rares en mains privées, à ne pas être accroché aux murs de l’un des grands musées comme le Musée d’Orsay à Paris, le MET à New York ; la Royal Academy et tant d’autres.
Vacillant entre un symbolisme sombre et un expressionnisme tempéré, cet Autoportrait de 1916 constitue le point d’orgue de la création de Spilliaert.

Après la série des autoportraits tourmentés des années 1907-1908, qui déjà témoignait de la turbulence de ses sentiments empreints de mélancolie, Léon Spilliaert crée néanmoins un ensemble d’œuvres riches en thématiques diverses : marines intemporelles, intérieurs mystérieux et figures solitaires. Les années d’avant-guerre le voient passer magistralement d’une palette sombre où le contraste clair/obscur domine à une palette colorée et plus expressive. Dans le chaos qui s’ensuit cependant et déçu du peu de reconnaissance que son travail rencontre, il se replie sur lui-même et retrouve cette analyse profonde de l’image de soi. Les autoportraits de cette seconde période sont dépourvus de mises en scène complexes et se profilent dans un environnement sobre. Les traits du visage expriment un ravage psychologique intérieur, tout au plus souligné par un feuillage automnal (Musée d’Anvers, 1915) ou d’un fond aux touches monochromes en désordre. La lueur du regard inquisiteur de jeunesse a été remplacée par un regard aux prunelles sombres, mais non moins expressifs et empreints de vérité. Les touches de gouache blanche soulignant les sourcils et le front dégagé expriment aussi la volonté de croire au pouvoir de l’esprit éclairé soutenu d’espoir. En 1916, Spilliaert est arrivé à un tournant dans sa vie. Il retrouvera bientôt l’élan et le pouvoir créateur original qui caractérise son rôle de pionnier sous bien de facettes. Même si une petite erreur de datation sème le trouble (voulu ?), l’image que Spilliaert nous montre est bien celle d’un homme que la vie n’a pas épargné mais qui en sort grandi à chaque fois.
Anne Adriaens-Pannier, 12.02.2022

No one can discover themselves through the eyes of another; they can only do so through introspection” (A. Adriaens-Pannier, Léon Spilliaert, Le regard de l’âme, Brussels, 2006, p. 62-63). That could have been the motto of Léon Spilliaert. Indeed, the artists oeuvre is full of self-portraits that are as mysterious as they are enchanting. The present work, executed in 1916 which the artist erroneously backdated to 1906 is part of a long series begun in 1903.
In the beginning, the young artist from Ostend drew modestly sized self-portraits on plain paper, but they changed over time. From the understated, simple, abbreviated and clean lines of his first self-portraits, the artist shifted to more excited and expressive lines, evolving from contemplative description to self-analysing introspection. The individuality of the man asserts itself. The psychology develops. The self-reflection deepens. The representation becomes more analytical. The composition grows bigger, the framing focuses on the top of the bust and on the interplay of light and shadow. More than mere self-representation, the work becomes a hallucinated self-portrait.
Although Spilliaert had no academic training, he does not shrink away from the complex exercise of self-representation. For him, this exercise is the ultimate means of expressing something purely private and personal.
Steeped in the writings of Nietzsche, Schopenhauer, Chateaubriand and Baudelaire, here Spilliaert abandons his depictions of deserted expanses and lonely characters to show himself as he really is, in the grips of a tragic melancholy. The drawing silently screams the artists solitude. It reveals his doubts, his fears. More than ever, drawing is an outlet for this man who, for so long, was riddled with sadness and torment, his outings limited by fragile health. In this head-to-head encounter with himself, Spilliaert proclaims his implacable desolation.
Confronting himself, he emerges as a resolutely romantic artist, lost between day and night, between life and death. Here, meditation and silence are the only reasons for the composition. At age 35, the artist borrows some stylistic approaches from James Ensor and Edvard Munch and makes every effort to ensure that the drawing is the best possible reflection of his soul. The eye sockets are filled with impenetrable darkness, the corners of the mouth are closed tightly, the cheeks are chiselled and sunken. The facial features are distorted, angular, drawn, emaciated even violent. Hidden in the shadow, the artist depicts himself surrounded by his own demons.
Beyond this introspection, Spilliaert also shows himself to be a true virtuoso with ink.
An undeniable master of pure lines, the artist uses pen and ink better than anyone else, working in layers, playing with transparency and opacity, bringing forth light from his forehead and darkness from his eyes.
A memento mori of modern times or a painted autobiography, this self-portrait is one of the rare privately held works not to hang on the wall of a major museum such as the Mue dOrsay in Paris, the Met in New York, the Royal Academy and their ilk.
Wavering between sombre symbolism and tempered expressionism, this Autoportrait of 1916 is the high point of Spilliaerts output.

After his 1907-1908 series of tormented self-portraits, in which we already see evidence of turbulent and melancholic feelings, Léon Spilliaert produced a body of work covering a wide variety of different subjects: timeless seascapes, mysterious interiors and solitary figures. The pre-war years saw him move masterfully from a sombre palette dominated by the contrast between light and dark to a colourful, more expressive palette. In the chaos that ensued, however, and disappointed by the lack of recognition of his work, he turned inward once more and returned to that deep analysis of self-image. The self-portraits from this second period are devoid of complex staging and are set in subdued surroundings. The facial features express an inner psychological devastation, emphasised at most by autumnal foliage (Royal Museum of Fine Arts Antwerp, 1915) or a background of disordered monochrome touches. The gleam of the inquisitive gaze of youth has been replaced by a dark, but no less expressive and truthful look. The touches of white gouache underlining the eyebrows and the open forehead also express the desire to believe in the power of the enlightened mind, sustained by hope. In 1916, Spilliaert reached a turning point in his life. He would soon regain momentum and the original creative power that characterises his pioneering role in so many ways. Though a small dating error is (deliberately?) misleading, the image Spilliaert shows us is that of a man who has not been spared by life but who has always grown from it.
Anne Adriaens-Pannier, 12.02.2022

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