Lot Essay
« C'est exactement le même mot, mais avec ce petit préfixe « dis- » qui change complètement le sens de la phrase. Parfois ces lettres inversent la signification du mot, parfois elles créent un sens totalement nouveau ». - Alighiero Boetti
"It is exactly the same word, with that little prefix “dis” which completely changes the sense of the sentence. Sometimes these letters reverse the meaning of the word, sometimes they create an entirely new meaning." - Alighiero Boetti
Acquis directement auprès de l'artiste par son propriétaire précédent, Segno e disegno (1979) est un élégant puzzle alphabétique issu de la série des Arazzi (« tapisseries ») d'Alighiero Boetti. Brodé sur un damier noir et blanc, le titre de l'œuvre serpente à travers la composition une lettre après l'autre, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre depuis le coin supérieur gauche jusqu'au centre, où culmine un grand « O ». L'oeuvre s'inscrit dans un ensemble de tapisseries « linguistiques » que Boetti initie au début des années 1970. Allant de pair avec ses Mappe («planisphères»), elles déploient des jeux de lettres qui juxtaposent des notions contraires, ou affichent des dates sous forme de réseaux confus de symboles. Dans la présente pièce, Boetti joue sur la dualité de deux termes : chaque lettre, chaque mot est un « signe » porteur de sens, or lorsqu'il est décomposé et réordonné – comme ici – il vient friser le « design » abstrait. À travers ces compositions espiègles, Boetti cherche ainsi à interroger les systèmes avec lesquels nous organisons notre connaissance du monde, et à démontrer combien il est facile de les faire basculer dans le chaos.
« Ce qui m'intéresse, ce sont les matières premières, comme l'alphabet […] Il existe en toute chose un ordre inné bien précis, même s'il se manifeste dans le désordre ». Ce questionnement des structures mêmes de la communication s'inscrit dans un contexte plus large de courants artistiques. À l'aube des temps post-modernes, beaucoup d'artistes s'interrogent sur la manière dont l'homme crée du sens à partir de signifiants visuels a priori arbitraires. Si Jasper Johns met certaines de ces idées en branle dès les années 1950 avec ses peintures de cartes du monde, d'alphabets et de nombres, d'autres, comme Christopher Wool ou Wade Guyton, poursuivront plus tard sur cette voie. Les tapisseries de Boetti ajoutent cependant une couche de complexité supplémentaire. Imaginées et dessinées par l'artiste, les Arazzi sont fabriquées par des brodeuses afghanes, entraînant une scission entre l'idée « abstraite » de l'oeuvre et le produit fini, qui se matérialise hors du contrôle de Boetti. À la manière de « segno e disegno », ou de son grand axiome « ordine e disordine » (« ordre et désordre »), Boetti perçoit ces deux réalités comme les deux faces identiques d'une même pièce. Une oeuvre d'art peut exister à la fois sous forme d'idée et sous forme d'objet concret, de la même manière que le monde est aussi bien régi par des notions abstraites que par les forces irraisonnées et imprévisibles de la nature. Le noir et le blanc de Segno e Disegno soulignent davantage encore ce raisonnement : même les contraires que l'on croyait les plus irréconciliables, nous dit Boetti, ne sont jamais complètement dichotomiques.
Acquired directly from the artist by the previous owner, Segno e disegno (Sign and Drawing) (1979) is an elegant semiotic puzzle from Alighiero Boetti’s series of Arazzi (Tapestries). In alternating squares of black and white, the work’s title snakes around the composition in individually-embroidered letters, reading anticlockwise from the top left-hand corner and culminating in a large ‘O’ at the centre. The work belongs to a series of linguistic tapestries that Boetti began in the early 1970s. Operating in conjunction with his Mappe (Maps), these works offered a set of word games, often juxtaposing opposing concepts or spelling out dates in complex patterns. In the present work, Boetti plays with the duality of his two terms: each letter and word is a ‘sign’ containing meaning, but when broken down and re-ordered—as they are here—they verge on abstract ‘design’. Through these playful structures, Boetti sought to shed light upon the systems through which we order our knowledge of the world, highlighting just how easily they can descend into chaos.
"I am interested in primary matters, such as the alphabet … There is an exact order innate in each and everything, even if it manifests in a disorderly manner." Boetti’s interrogation of communication structures took its place within a broader set of artistic currents. As the post-modern era dawned, many artists grappled with the question of how we create meaning from seemingly arbitrary visual signifiers. Jasper Johns’ painted maps, letters and numbers had set some of these ideas in motion during the 1950s; later, artists such as Christopher Wool and Wade Guyton would continue these enquiries. Boetti’s tapestries, however, added a further layer of complexity. Though designed by the artist, the works were fabricated in collaboration with skilled weavers in Afghanistan, forcing a disjunct between the abstract ‘idea’ of the artwork and the final product, which materialised outside of his control. Much like ‘segno e disegno’, or indeed his great axiom ‘ordine e disordine’ (‘order and disorder’), Boetti viewed these two realities as twin sides of the same coin. An artwork can exist as both a notion and a physical object, in the same way that the world is governed both by abstract concepts and by the unruly, unpredictable forces of nature. The black and white duality of Segno e disegno serves to emphasise this point: even the most seemingly rigid opposites, it proclaims, are never wholly binary.
"It is exactly the same word, with that little prefix “dis” which completely changes the sense of the sentence. Sometimes these letters reverse the meaning of the word, sometimes they create an entirely new meaning." - Alighiero Boetti
Acquis directement auprès de l'artiste par son propriétaire précédent, Segno e disegno (1979) est un élégant puzzle alphabétique issu de la série des Arazzi (« tapisseries ») d'Alighiero Boetti. Brodé sur un damier noir et blanc, le titre de l'œuvre serpente à travers la composition une lettre après l'autre, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre depuis le coin supérieur gauche jusqu'au centre, où culmine un grand « O ». L'oeuvre s'inscrit dans un ensemble de tapisseries « linguistiques » que Boetti initie au début des années 1970. Allant de pair avec ses Mappe («planisphères»), elles déploient des jeux de lettres qui juxtaposent des notions contraires, ou affichent des dates sous forme de réseaux confus de symboles. Dans la présente pièce, Boetti joue sur la dualité de deux termes : chaque lettre, chaque mot est un « signe » porteur de sens, or lorsqu'il est décomposé et réordonné – comme ici – il vient friser le « design » abstrait. À travers ces compositions espiègles, Boetti cherche ainsi à interroger les systèmes avec lesquels nous organisons notre connaissance du monde, et à démontrer combien il est facile de les faire basculer dans le chaos.
« Ce qui m'intéresse, ce sont les matières premières, comme l'alphabet […] Il existe en toute chose un ordre inné bien précis, même s'il se manifeste dans le désordre ». Ce questionnement des structures mêmes de la communication s'inscrit dans un contexte plus large de courants artistiques. À l'aube des temps post-modernes, beaucoup d'artistes s'interrogent sur la manière dont l'homme crée du sens à partir de signifiants visuels a priori arbitraires. Si Jasper Johns met certaines de ces idées en branle dès les années 1950 avec ses peintures de cartes du monde, d'alphabets et de nombres, d'autres, comme Christopher Wool ou Wade Guyton, poursuivront plus tard sur cette voie. Les tapisseries de Boetti ajoutent cependant une couche de complexité supplémentaire. Imaginées et dessinées par l'artiste, les Arazzi sont fabriquées par des brodeuses afghanes, entraînant une scission entre l'idée « abstraite » de l'oeuvre et le produit fini, qui se matérialise hors du contrôle de Boetti. À la manière de « segno e disegno », ou de son grand axiome « ordine e disordine » (« ordre et désordre »), Boetti perçoit ces deux réalités comme les deux faces identiques d'une même pièce. Une oeuvre d'art peut exister à la fois sous forme d'idée et sous forme d'objet concret, de la même manière que le monde est aussi bien régi par des notions abstraites que par les forces irraisonnées et imprévisibles de la nature. Le noir et le blanc de Segno e Disegno soulignent davantage encore ce raisonnement : même les contraires que l'on croyait les plus irréconciliables, nous dit Boetti, ne sont jamais complètement dichotomiques.
Acquired directly from the artist by the previous owner, Segno e disegno (Sign and Drawing) (1979) is an elegant semiotic puzzle from Alighiero Boetti’s series of Arazzi (Tapestries). In alternating squares of black and white, the work’s title snakes around the composition in individually-embroidered letters, reading anticlockwise from the top left-hand corner and culminating in a large ‘O’ at the centre. The work belongs to a series of linguistic tapestries that Boetti began in the early 1970s. Operating in conjunction with his Mappe (Maps), these works offered a set of word games, often juxtaposing opposing concepts or spelling out dates in complex patterns. In the present work, Boetti plays with the duality of his two terms: each letter and word is a ‘sign’ containing meaning, but when broken down and re-ordered—as they are here—they verge on abstract ‘design’. Through these playful structures, Boetti sought to shed light upon the systems through which we order our knowledge of the world, highlighting just how easily they can descend into chaos.
"I am interested in primary matters, such as the alphabet … There is an exact order innate in each and everything, even if it manifests in a disorderly manner." Boetti’s interrogation of communication structures took its place within a broader set of artistic currents. As the post-modern era dawned, many artists grappled with the question of how we create meaning from seemingly arbitrary visual signifiers. Jasper Johns’ painted maps, letters and numbers had set some of these ideas in motion during the 1950s; later, artists such as Christopher Wool and Wade Guyton would continue these enquiries. Boetti’s tapestries, however, added a further layer of complexity. Though designed by the artist, the works were fabricated in collaboration with skilled weavers in Afghanistan, forcing a disjunct between the abstract ‘idea’ of the artwork and the final product, which materialised outside of his control. Much like ‘segno e disegno’, or indeed his great axiom ‘ordine e disordine’ (‘order and disorder’), Boetti viewed these two realities as twin sides of the same coin. An artwork can exist as both a notion and a physical object, in the same way that the world is governed both by abstract concepts and by the unruly, unpredictable forces of nature. The black and white duality of Segno e disegno serves to emphasise this point: even the most seemingly rigid opposites, it proclaims, are never wholly binary.