Lot Essay
Cette sublime paire de vases en bronze ciselé et doré est traditionnellement donnée à Pierre-François Feuchère. Et si l’attribution du modèle fait débat parmi les spécialistes, tous sont unanimes pour y reconnaître l’œuvre de l’un des grands bronziers du règne de Louis XVI. Sa forme éminemment élégante et son répertoire ornemental si caractéristiques, sa technique virtuose en font un symbole éloquent des arts décoratifs français à la fin du XVIIIe siècle.
Pierre-François Feuchère
Pierre-François Feuchère (1737-1823) fut maître de la jurande des doreurs en 1763 et également fondeur et doreur. Son nom apparaît régulièrement avant la Révolution sur les livres de comptes du Garde Meuble de la Couronne, et le Mobilier National conserve bien évidemment certaines de ses créations, comme la paire de vases de Compiègne (N. inv. GML 7516/1 et 2). Entre 1775 et 1779, Feuchères était installé rue Saint-Martin à Paris. Il travailla ensuite, à partir de 1784, avec son fils Lucien-François Feuchère et ils fournirent ensemble des résidences royales françaises, la Résidence de Würzburg et le palais Schwartzenberg de Vienne.
Les collections de Feuchère père furent dispersées en trois ventes en 1824, 1826 et 1829. Outre les objets d'art, de nombreux moules furent présentés lors de ces ventes, et de ce fait un certain nombre de modèles de Feuchère continuèrent d'être fondus tout au long du XIXème siècle. La "fabrique Feuchère" fut reprise d'abord jusqu'en 1824 par le fils de Pierre-François puis par son second fils et son gendre qui firent prospérer la maison jusqu'au milieu du XIXème siècle.
Une paternité disputée
A l’épaulement de nos vases délicatement s’asseyent deux figures féminines en gaine, la tête coiffée de ce qui s’apparente au némès de l’Egypte ancienne, le torse nu, les hanches ceintes d’un drapé dont s’échappent, en enroulement feuillagés, des rinceaux symétriques agrémentés de fleurs et de fruits.
Ces ornements sont strictement identiques à ceux qui ornent trois vases conservés au Musée du Louvre, livrés par les frères Darnault pour les appartements de Mesdames Adélaïde et Victoire dans leur château de Bellevue (inv. OA. 5213 et OA. 5497 1 et 2). Paul Biver en a reconstitué l’histoire et raconte que ces vases céladon, livrés à Mesdames en juillet 1782 agrémentés de montures rocailles, furent rendus aux marchands-merciers en juin 1786. Les princesses de la maison royale de France jugeaient les montures trop démodées et les firent remplacer par celles que nous connaissons, les mêmes qui embellissent également notre paire de vases.
Ces demi figures coiffées à l’égyptienne se retrouvent également sur une paire de candélabres acquis par le J. Paul Getty Museum (inv. 71.DF.99) et qui figurèrent dans les collections du baron Amschel de Rothschild à Mentmore Towers.
Le catalogue du musée californien attribue ces bronzes à Feuchère, attribution reprise par Hans Ottomeyer et Peter Pröschel dans Vergoldete Bronzen, Vol. I., Munich, 1986, p.261. Quant à ceux du Louvre, si le nom de Gouthière fut pendant un moment évoqué (L. Scheeuler, Chinesisches und japanisches Porzellan in europaïschen Fassungen, Braunschweig, 1980, p. 345), le conservateur Gérard Mabille se montrait plus prudent, indiquant dans un catalogue d’exposition que « rien ne permettait d’attribuer à Gouthière ces nouvelles montures » (Egyptomania, l’Egypte dans l’art occidental 1730 - 1930, Cat. Exp. Musée du Louvre, 1994, p.124).
Enfin, s’il fallait verser une dernière pièce au dossier sans craindre de semer la confusion, il nous faudrait citer Peter Hugues dans le catalogue de la Wallace collection qui attribue à François Rémond une paire de candélabre dont la partie inférieure de la monture est similaire à la nôtre (P. Hugues, Wallace Collection, Cat. T.III., N°244 ou F.132, p.1237).
Si le débat a donc toujours lieu autour de l’attribution, un consensus clair se dégage des différentes observations : ces bronzes, dignes des plus belles collections ont marqué l’histoire des collections.
Le retour de l’Egypte antique
Si ces vases remportèrent un tel succès auprès des rares privilégiés qui eurent la chance de les posséder, et si les musées les plus prestigieux s’enorgueillissent de pouvoir les présenter, c’est bien sûr pour l’indéniable beauté de leurs formes et le charme mystérieux des figures délicates que nous avons ici la chance d’admirer.
Mais nos vases représentent davantage encore. Ils sont l’illustration d’un moment déterminant du goût européen : celui de la pénétration, par le biais du néoclassicisme naissant, des motifs de l’antique Egypte dans les arts. Nos vases permettent une nouvelle fois de prouver que l’égyptomanie n’est pas la fille des campagnes de Bonaparte et des travaux de Vivant-Denon. Puisant un répertoire ornemental égyptisant dans les monuments antiques fraîchement exhumés à Rome, les artistes français sauront créer sous Louis XVI, avec la sensibilité et le raffinement propre à leur temps, des œuvres inspirées par celles du temps des pharaons. Les prises de nos vases, déclinaison française ô combien inspirées de l’Egypte et de ses sphinges sont une des plus belles réussite de ce syncrétisme artistique.
Pierre-François Feuchère
Pierre-François Feuchère (1737-1823) fut maître de la jurande des doreurs en 1763 et également fondeur et doreur. Son nom apparaît régulièrement avant la Révolution sur les livres de comptes du Garde Meuble de la Couronne, et le Mobilier National conserve bien évidemment certaines de ses créations, comme la paire de vases de Compiègne (N. inv. GML 7516/1 et 2). Entre 1775 et 1779, Feuchères était installé rue Saint-Martin à Paris. Il travailla ensuite, à partir de 1784, avec son fils Lucien-François Feuchère et ils fournirent ensemble des résidences royales françaises, la Résidence de Würzburg et le palais Schwartzenberg de Vienne.
Les collections de Feuchère père furent dispersées en trois ventes en 1824, 1826 et 1829. Outre les objets d'art, de nombreux moules furent présentés lors de ces ventes, et de ce fait un certain nombre de modèles de Feuchère continuèrent d'être fondus tout au long du XIXème siècle. La "fabrique Feuchère" fut reprise d'abord jusqu'en 1824 par le fils de Pierre-François puis par son second fils et son gendre qui firent prospérer la maison jusqu'au milieu du XIXème siècle.
Une paternité disputée
A l’épaulement de nos vases délicatement s’asseyent deux figures féminines en gaine, la tête coiffée de ce qui s’apparente au némès de l’Egypte ancienne, le torse nu, les hanches ceintes d’un drapé dont s’échappent, en enroulement feuillagés, des rinceaux symétriques agrémentés de fleurs et de fruits.
Ces ornements sont strictement identiques à ceux qui ornent trois vases conservés au Musée du Louvre, livrés par les frères Darnault pour les appartements de Mesdames Adélaïde et Victoire dans leur château de Bellevue (inv. OA. 5213 et OA. 5497 1 et 2). Paul Biver en a reconstitué l’histoire et raconte que ces vases céladon, livrés à Mesdames en juillet 1782 agrémentés de montures rocailles, furent rendus aux marchands-merciers en juin 1786. Les princesses de la maison royale de France jugeaient les montures trop démodées et les firent remplacer par celles que nous connaissons, les mêmes qui embellissent également notre paire de vases.
Ces demi figures coiffées à l’égyptienne se retrouvent également sur une paire de candélabres acquis par le J. Paul Getty Museum (inv. 71.DF.99) et qui figurèrent dans les collections du baron Amschel de Rothschild à Mentmore Towers.
Le catalogue du musée californien attribue ces bronzes à Feuchère, attribution reprise par Hans Ottomeyer et Peter Pröschel dans Vergoldete Bronzen, Vol. I., Munich, 1986, p.261. Quant à ceux du Louvre, si le nom de Gouthière fut pendant un moment évoqué (L. Scheeuler, Chinesisches und japanisches Porzellan in europaïschen Fassungen, Braunschweig, 1980, p. 345), le conservateur Gérard Mabille se montrait plus prudent, indiquant dans un catalogue d’exposition que « rien ne permettait d’attribuer à Gouthière ces nouvelles montures » (Egyptomania, l’Egypte dans l’art occidental 1730 - 1930, Cat. Exp. Musée du Louvre, 1994, p.124).
Enfin, s’il fallait verser une dernière pièce au dossier sans craindre de semer la confusion, il nous faudrait citer Peter Hugues dans le catalogue de la Wallace collection qui attribue à François Rémond une paire de candélabre dont la partie inférieure de la monture est similaire à la nôtre (P. Hugues, Wallace Collection, Cat. T.III., N°244 ou F.132, p.1237).
Si le débat a donc toujours lieu autour de l’attribution, un consensus clair se dégage des différentes observations : ces bronzes, dignes des plus belles collections ont marqué l’histoire des collections.
Le retour de l’Egypte antique
Si ces vases remportèrent un tel succès auprès des rares privilégiés qui eurent la chance de les posséder, et si les musées les plus prestigieux s’enorgueillissent de pouvoir les présenter, c’est bien sûr pour l’indéniable beauté de leurs formes et le charme mystérieux des figures délicates que nous avons ici la chance d’admirer.
Mais nos vases représentent davantage encore. Ils sont l’illustration d’un moment déterminant du goût européen : celui de la pénétration, par le biais du néoclassicisme naissant, des motifs de l’antique Egypte dans les arts. Nos vases permettent une nouvelle fois de prouver que l’égyptomanie n’est pas la fille des campagnes de Bonaparte et des travaux de Vivant-Denon. Puisant un répertoire ornemental égyptisant dans les monuments antiques fraîchement exhumés à Rome, les artistes français sauront créer sous Louis XVI, avec la sensibilité et le raffinement propre à leur temps, des œuvres inspirées par celles du temps des pharaons. Les prises de nos vases, déclinaison française ô combien inspirées de l’Egypte et de ses sphinges sont une des plus belles réussite de ce syncrétisme artistique.