Théo van Rysselberghe (1862-1926)
Ancienne collection Henri de Toulouse-Lautrec
Théo van Rysselberghe (1862-1926)

À Thuin ou La Partie de tennis

Details
Théo van Rysselberghe (1862-1926)
À Thuin ou La Partie de tennis
monogrammé (en bas à gauche)
huile sur toile
53.8 x 66.7 cm.
Peint en 1889

signed with monogram (lower left)
oil on canvas
21 1/8 x 26 ¼ in.
Painted in 1889
Provenance
Henri de Toulouse-Lautrec, Albi (don de l'artiste avant 1901).
Collection Toulouse-Lautrec, Malromé (par descendance).
Baron Séré de Rivière, Toulouse (acquis auprès de celle-ci avant 1962).
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Literature
Le Phare, Gand, 12 août 1962.
M.-J. Chartrain-Hebbelinck, ‘Théo Van Rysselberghe, Le Groupe des XX et la Libre Esthétique’, in Revue belge d’Archéologie et d’Histoire de l’Art, vol. XXXIV, 1965, p. 110.
L. Lewillie et F. Noël, Le Sport dans l’art belge de l’époque romaine à nos jours, Bruxelles, 1982, p. 140 (illustré en couleurs, p. 141).
R. Feltkamp, Théo van Rysselberghe, Catalogue raisonné, Bruxelles, 2003, p. 286, no. 1889-017 (illustré).
Théo van Rysselberghe, l'instant sublimé, cat. exp., Musée de Lodève, Lodève, 2012, p. 74.
Exhibited
Bruxelles, Musée d'Art Moderne, VIIe Exposition annuelle des XX, janvier-février 1890, no. 2 ou 3 (titré 'à Thuin').
Gand, Musée des Beaux-Arts, Rétrospective Théo van Rysselberghe, juillet-septembre 1962, p. 38, no. 56 (illustré, pl. XX).
Further Details
« Cet art plonge non point dans le rêve ou l’extase mais dans une sorte de vie choisie qu’il montre sous ses aspects de santé ou de beauté. Du bonheur frais y circule sans qu’on songe aux idylles des anciens poètes, ni au paradis classique ».
E. Verhaeren, ‘L’Art Moderne’, 6 mars 1898 cité in R. Feltkamp, Théo van Rysselberghe, Catalogue raisonné, Bruxelles, 2003, p. 65.

C'est en 1886, à l'occasion d'un voyage à Paris en compagnie du poète Émile Verhaeren, que Théo van Rysselberghe fait la rencontre de Seurat et Signac. À son retour en Belgique, déterminé à introduire le nouveau style divisionniste au sein du cénacle artistique belge, van Rysselberghe participe à la fondation puis aux activités du Groupe des XX et devient très rapidement l'un des membres incontournables du mouvement divisionniste en Belgique.
Si, à l'instar d’autres néo-impressionnistes tels que Signac, Luce ou encore Seurat, Théo van Rysselberghe s'intéresse aux paysages et aux divertissements populaires de la vie moderne, son œuvre se singularise par sa sensibilité et sa détermination à capter l’intimité des modèles qu'il portraiture.
Peinte en 1889, À Thuin ou La Partie de tennis qui incarne la maturité des explorations néo-impressionnistes de van Rysselberghe, nous plonge au cœur du « Berceau » à Thuin, maison de campagne que les Monnom « avaient prise en location dans une dépendance de l’Abbaye d’Aulne. » (cité in M.-J. Chartrain-Hebbelinck, ibid, p. 110).
L’artiste choisit de représenter un sujet très moderne - la représentation de jeunes femmes jouant au tennis - alors que le tennis féminin commencera à être présent aux Jeux Olympiques dès 1900 à Paris, soit à peine plus de dix ans après l’exécution du présent tableau.
Dans cette composition, presque traitée comme une scène d’intérieur où bâtisse et végétation font office de tenture placée en arrière-plan, les figures sont dispersées en différentes attitudes de part et d’autre des troncs d’arbre dont la verticalité majestueuse n’est pas sans évoquer l’influence des estampes japonaises, particulièrement en vogue à l’époque.
Procédant par mouchetage de couleurs pures et éclatantes, l’artiste confère à cette œuvre une facture vibrante dont Ronald Feltkamp loue le caractère éblouissant : « Chez beaucoup de pointillistes, le petit point introduit un effet monotone et mécanique ; ce n'est pas le cas chez van Rysselberghe. Outre l'effet d'optique des couleurs non mélangées, il réussit à donner une sorte d'effervescence aux points et les fait tourbillonner » (R. Feltkamp, op. cit. p. 51).
Pour cette composition harmonieuse au sein de laquelle les figures semblent être en symbiose avec le paysage, le peintre belge choisit la juxtaposition de vert et de bleu-mauve, là ou Seurat et Signac préconisaient la loi du contraste simultané : association rouge-vert ou bleu-orange. Plus que le respect strict des théories néo-impressionnistes, c’est le pouvoir symbolique de la couleur que célèbre l’artiste, conférant à ses portraits bucoliques une atmosphère poétique, que l’on retrouve également dans d’autres toiles charmantes de l’artiste représentant des femmes au jardin (Le Verger ou La femme au jardin, 1890, Otterlo, Kröller-Müller Museum, fig. 1).
Si l’artiste se distingue de Signac et Seurat par sa touche novatrice, il partage néanmoins avec ces derniers une même obsession pour la lumière, ici magnifiée de manière triomphante, allant presque par endroits jusqu’à l’aveuglement.
Outre sa facture iconique, le présent tableau nous livre un précieux témoignage de l’évolution de la société face à l’avènement de la pratique sportive à la fin du XIXe siècle. Si les femmes à l’exercice sont représentées dès l’Antiquité (fig. 2), leur pratique sportive évolue considérablement à la fin du XIXe siècle.
Au tournant du XXe siècle, la pratique sportive au féminin est encore limitée, partagée entre une éducation physique nécessaire à la bonne santé des mères et des activités de loisir mondain. Équitation, chasse, escrime, golf, polo, alpinisme, automobile et bien entendu lawn-tennis mobilisent la haute société tant parisienne que provinciale, qui profite de ces activités pour développer les occasions de mondanités.
C'est au XIXe siècle que le tennis – inspiré du Jeu de Paume - se développe et se commercialise, sous l’impulsion du Major Walter Clopton Wingfield qui en décrit les règles dans son ouvrage A Portable Court of Playing Tennis. À l’origine davantage considéré comme un jeu que comme sport, le tennis était, comme en témoigne la présente composition, exclusivement pratiqué dans des propriétés privées, généralement sur un terrain gazonné, au cours de fêtes champêtres mondaines ou dans des clubs de tennis.
Les premiers « kits » de tennis sont vendus dès 1874 – comme le suggèrent les accessoires disséminés sur la pelouse et représentés par l’artiste aux moyens de couleurs vives - et le succès de cette pratique est immédiat, tant chez les hommes que chez les femmes.
Dès le milieu des années 1880, les femmes participent aux tournois de Wimbledon et cette implication sera particulièrement remarquée ; le Wright & Ditson Officially Adopted Lawn Tennis écrit en effet dans son guide de 1891 : « Le lawn tennis a fait davantage pour donner le goût du sport en plein air aux jeunes filles que tous les autres sports combinés ».
Le présent tableau, acquis par Henri de Toulouse-Lautrec directement auprès de Théo van Rysselberghe, matérialise le puissant lien qui s’est créé entre ces deux artistes dès leur rencontre en 1887. Dès ses débuts, van Rysselberghe voue au peintre de Montmartre une réelle admiration et s’en inspire dans plusieurs de ses toiles exécutées autour de 1890. Lautrec écrit d’ailleurs à sa mère en juillet 1887 : « Ma chère Maman, je suis, depuis deux jours, d'une humeur massacrante et ne sais comment ça va tourner. […] À part ça, les affaires vont. J'expose en février en Belgique, et deux peintres belges intransigeants étant venus me voir [Théo Van Rysselberghe et Eugène Boch] ont été charmants et prodigues d'éloges hélas immérités ».
Cette œuvre est restée dans la collection de Toulouse-Lautrec jusqu’au décès de l’artiste. Cédée par les descendants de ce dernier à une famille toulousaine, À Thuin ou La Partie de tennis est demeurée dans cette collection particulière jusqu’à aujourd’hui, où elle est révélée sur le marché pour la première fois depuis sa réalisation.


“His art immerses us not in a dreamlike or ecstatic state but in a sort of chosen life which he shows in all its healthy and beautiful aspects. A fresh happiness flows through them without bringing to mind either the idylls of the antique poets or the classical Elysium.”
E. Verhaeren, ‘L’Art Moderne’, 6 March 1898, quoted in R. Feltkamp, Théo van Rysselberghe, Catalogue raisonné, Brussels, 2003, p. 65.

It was in 1886, on a trip to Paris with poet Émile Verhaeren, that Théo van Rysselberghe met Seurat and Signac. On his return to Belgium, determined to introduce the new divisionist style to the Belgian artistic set, van Rysselberghe helped to found and was subsequently an active member of the Les XX and very quickly became one of the key members of the divisionist movement in Belgium.
Like other Neo-Impressionists such as Signac, Luce and Seurat, van Rysselberghe was interested in landscapes and the popular diversions of modern life, but his work is distinctive for its sensitivity and its determination to capture the intimate aspects of the models it portrays.
Painted in 1889, À Thuin, also known as La Partie de tennis, which epitomises the mature phase of van Rysselberghe’s Neo-Impressionist explorations, immerses us in the setting of “Le Berceau” in Thuin, the country house the Monnoms “were renting in an annex of Aulne Abbey” (quoted in M.-J. Chartrain-Hebbelinck, ibid, p. 110).
The artist chose to depict women playing tennis, a very modern subject given that women’s tennis did not appear at the Olympic Games until 1900 in Paris, just over 10 years after this picture was painted.
In this composition, handled almost like an interior scene in which the building and vegetation serve as a backdrop, the figures are scattered in various poses on either side of the tree trunks, the majestic verticality of which is suggestive of the influence of Japanese prints, which were very much in vogue at the time.
Applying specks of pure, radiant colour, the artist uses a vibrant technique for this picture, the vivid quality of which is praised by Ronald Feltkamp: “With many pointillists, the small dot introduces a monotonous, mechanical effect; but not with van Rysselberghe. Apart from the visual effect of the non-mixed colours, he succeeds in giving the dots a kind of effervescence and makes them swirl.” (R. Feltkamp, op. cit. p. 51).
For this harmonious composition in which the figures seem to be in symbiosis with the landscape, van Rysselberghe chooses to juxtapose green and blue-mauve, unlike Seurat and Signac, who preached the law of simultaneous contrast: the pairing of red and green or blue and orange. Rather than strictly conforming to Neo-Impressionist theories, the artist celebrates the symbolic power of colour, giving his bucolic pictures a poetic ambiance also to be found in other charming paintings by the artist portraying women in a garden (Le Verger and La femme au jardin, 1890, Otterlo, Kröller-Müller Museum, fig. 1).
Although the artist’s innovative touch differentiates him from Signac and Seurat, he does share with them an obsession with light, which is celebrated here in a triumphant manner, to the point of being blinding in places. Apart from his iconic technique, this picture provides us with valuable evidence of how society was changing with the arrival of sporting activity in the late 19th century. Although women taking exercise had been represented since antiquity (fig. 2), they became considerably more active in sports in the late 19th century.
At the turn of the 20th century, sport for women was still limited, consisting either of the physical education necessary for maternal good health or leisure activities for society ladies. Riding, hunting, fencing, golf, polo, mountaineering, motor sports and of course lawn tennis were eagerly taken up by high society, both Parisian and provincial, who used these activities to liven up their social occasions.
It was in the 19th century that tennis, inspired by royal tennis, took off and became widespread, under the aegis of Major Walter Clopton Wingfield who set out the rules in his book A Portable Court of Playing Tennis. Initially considered as more of a game than a sport, tennis was, as this picture shows, played exclusively at private properties, usually on a grassy area, at high-society country-house parties and at tennis clubs.
The first tennis “kits” were sold in 1874, as suggested by the accessories distributed across the lawn and represented by the artist by means of vivid colours. Tennis caught on immediately, for men and women alike.
From the mid-1880s onwards, women played in the Wimbledon tournaments and the implications of this were particularly remarked upon in the 1891 guide, Wright & Ditson Officially Adopted Lawn Tennis: “Lawn tennis has done more to give young girls a taste for outdoor sport than every other sport combined.” This picture, acquired by Henri de Toulouse-Lautrec directly from van Rysselberghe, bears witness to the strong connection that had developed between these two artists since their meeting in 1887. From the very beginning of his career, van Rysselberghe had genuinely admired the Montmartre artist and drawn inspiration from the paintings he produced around 1890. Moreover, Toulouse-Lautrec wrote to his mother in July 1887: “My dear Mother, I have been, these past two days, in a foul mood and don’t know how it will end. […] Apart from that, everything is fine. I am exhibiting in Belgium in February, and two uncompromising Belgian painters who came to see me [van Rysselberghe and Eugène Boch] were charming, and lavish with their alas unmerited praise.”
This painting has remained in Toulouse-Lautrec’s collection until the artist’s death. Disposed of by the artist’s descendants to a family in Toulouse, À Thuin, also known as La Partie de tennis, has remained in the same private collection until now, when it is being placed on the market for the first time since it was painted.
Sale Room Notice
Please kindly note that this work has been requested for a loan for the exhibition Théo van Rysselberghe, schilder van de Zon that will take place at the Singer Museum in Laren in May-September 2021 and not 2020 as indicated in the catalogue.

Veuillez noter que cette œuvre fait l’objet d’une demande de prêt pour l’exposition Théo van Rysselberghe, schilder van de Zon (Théo van Rysselberghe, peintre du soleil) qui se tiendra au Musée Singer à Laren, Pays-Bas, de mai à septembre 2021 et non 2020 comme indiqué au catalogue.

Brought to you by

Valérie Didier
Valérie Didier

Lot Essay

Nous remercions Olivier Bertrand pour les informations données au sujet de cette œuvre qui sera incluse dans le catalogue raisonné de l’œuvre de Théo van Rysselberghe en cours de préparation sous sa direction, titré À THUIN – TENNIS.

Veuillez noter que cette œuvre fait l’objet d’une demande de prêt pour l’exposition Théo van Rysselberghe, schilder van de Zon (Théo van Rysselberghe, peintre du soleil) qui se tiendra de mai à septembre 2021 au Musée Singer à Laren, Pays-Bas.

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