拍品专文
L'oeuvre présentée ici fut peinte à Osny, petit village de la culture du blé situé au nord-ouest de Paris, près de Pontoise. Achevé en 1883, ce tableau est le plus accompli d'une série de huit toiles exécutées par Pissarro avant qu'il ne quitte la région pour Eragny. Exceptionnel tant par la touche de l'artiste dont la vivacité est perceptible dans le traitement des volumes et du rythme des toits des maisons du village, que par la structure donnée par la juxtaposition de tons chauds et froids tels que les rouges de l'architecture et les verts acides des feuillages, Vue sur le village d'Osny annonce des similtudes avec l'exécution des paysages de Cézanne.
Le début des années 1880 marque une période fondamentale dans les recherches menées par la plupart des peintres impressionnistes. Mais tandis que Monet et Renoir, en quête d'une inspiration renouvelée prennent la route du Midi, Pissarro, lui, reste dans les environs de Paris, préférant se concentrer sur l'évolution de l'aspect technique de sa peinture. Cette toile illustre parfaitement les réflexions menées par le maître au cours de ces années. Alors que les qualités de luxuriance et de toucher attirent le regard sur la surface de la toile, Pissarro parvient à maintenir un équilibre entre la matière picturale et la construction de l'espace à l'intérieur du cadre. De plus, "en regardant la composition, il y a moins d'insistance sur le recul et la profondeur spatiale. Les éléments fondamentaux - le premier plan, le plan intermédiaire et l'arrière plan - semblent aplatis, amenant le spectateur à parcourir la toile de bas en haut en suivant le mouvement donné par cette succession de bandes horizontales, la technique de Pissarro continuant de privilégier des petits coups de pinceau également répartis et très chargés en matière" (in Camille Pissarro, catalogue d'exposition, Arts Council of Great Britain, 1981, p. 116), autant de qualités qui placent l'oeuvre au sommet de sa première période impressionniste tout en laissant poindre son expérience du pointillisme à venir.
Dans l'article consacré à l'exposition de Camille Pissarro en 1892 à la Galerie Durand-Ruel, paru dans le Mercure de France on peut lire au sujet des qualités picturales de l'artiste:
"Chez Durand-Ruel, une importante exposition des oeuvres de Camille Pissarro, permettant de saisir, dans leur ensemble, les évolutions multiples et pourtant logiques de cet artiste sincère et consciencieux jusque dans ses plus paradoxales recherches. A citer particulièrement parmi les oeuvres exposées: Vue d'Osny, près Pontoise, le chef-d'oeuvre de la série, peut-être, bien que dans la première manière du Maître; chaque ton intense, violent et l'ensemble fondu en une admirable symphonie" (op. cit.).
Bien qu'intimement liée à ses paysages exécutés au cours de la décennie précédente, l'évolution des compositions de Pissarro peut être comparée à une vue similaire peinte cette fois-ci par Gauguin, lors du séjour que ce dernier passa auprès de la famille Pissarro à Osny. Dans La ferme au lavoir, Osny également exécuté en 1883, le point de fuite unique apparaît nettement (fig. 2), alors que dans le tableau de Pissarro, le chemin dégagé au premier plan semble inviter le spectateur à pénétrer dans la scène dont le rythme brisé des toits des maisons empêche d'emblée une entrée facile. Pissarro semble avoir pris le parti délibéré de clarifier un écheveau confus de formes architecturales et naturelles. La construction méticuleuse de ce type de compositions, souvent étudiée sur place puis retravaillée avec application à l'atelier, confirme la stature de Pissarro comme artiste doué d'une exceptionnelle facilité technique.
The present work was painted at Osny, a small wheat-growing village northwest of Paris near Pontoise. Completed in 1883, it is the most accomplished work from this series of eight pictures the artist completed before leaving the region in 1884 for Eragny. Exceptional for both its stunning brushwork, evident in Pissarro's volumetric and rhythmic treatment of the village rooftops, and its structural juxtaposition of warm and cool colours, visible in the cool reds of the architecture and the acidic greens of the leaves, Vue sur le village d'Osny anticipates the similar execution of Cézanne's landscapes.
The early 1880s were important years of re-evaluation for many of the Impressionist painters. Monet and Renoir, in search of renewed inspiration, traveled to the south. Pissarro remained in the environs of Paris, instead focusing on the evolution of his technique. The present work clearly illustrates the artist's development during this period. While the lush and tactile qualities draw the eye to the surface of the canvas, Pissarro retains a balance between the physical nature of the paint itself and complex spatial effects within the picture frame. Moreover, "regarding the compositions, there is less emphasis on recession and spatial depth. The basic elements - foreground, middle distance and background - tend to be flattened, so that the design is read upwards as a series of horizontal bands Pissarro's technique continues to evolve in favor of small, evenly distributed, and heavily loaded brushstrokes" (in Camille Pissarro, exh. cat., Arts Council of Great Britain, Londres, 1981, p. 116). These qualities position this picture both at the height of his first Impressionist phase and presage his experiments with pointillism a few years later.
As reviewed by the Mercure de France during the 1892 Pissarro exhibition at the Galerie Durand-Ruel, the present work was singled-out for its exemplary pictorial qualities:
At the Galerie Durand-Ruel, a large exhibition of the works of Camille Pissarro, make it possible to observe, in full, the multiple and yet logical developments of this sincere and conscientious artist, including his most paradoxical research. Of particular note among the works exhibited: Vue d'Osny, near Pontoise, the masterpiece of the series, perhaps, although in the master's earliest style; each intense, violent tone, all blended into an admirable symphony (op. cit.).
While closely related to his landscapes of the previous decade, the advancement of Pissarro's compositions can be illustrated in comparison to a similar view of the local wash-house painted by Gauguin, who stayed with Pissarro and his family when he visited Osny. In La ferme au lavoir, Osny, painted by Gauguin that same year, the single vanishing point is clearly evident (fig. 2), while in Pissarro's composition, the cleared path in the foreground on the right of the composition seems to invite the viewer into the scene, while the staccato rhythm of the rooftops immediately prevents an easy entry. It is as if Pissarro deliberately set out to make visual clarity out of a confused and tangled web of natural and architectural forms. The careful construction of such canvasses, often studied from nature and meticulously reworked in the studio, confirms Pissarro's stature as an artist of supreme technical facility.
(fig. 1) Rue Jean-Larosa, Osny.
(fig. 2) Paul Gauguin, La ferme au lavoir, Osny, 1884.
Collection particulière, Etats-Unis.
Le début des années 1880 marque une période fondamentale dans les recherches menées par la plupart des peintres impressionnistes. Mais tandis que Monet et Renoir, en quête d'une inspiration renouvelée prennent la route du Midi, Pissarro, lui, reste dans les environs de Paris, préférant se concentrer sur l'évolution de l'aspect technique de sa peinture. Cette toile illustre parfaitement les réflexions menées par le maître au cours de ces années. Alors que les qualités de luxuriance et de toucher attirent le regard sur la surface de la toile, Pissarro parvient à maintenir un équilibre entre la matière picturale et la construction de l'espace à l'intérieur du cadre. De plus, "en regardant la composition, il y a moins d'insistance sur le recul et la profondeur spatiale. Les éléments fondamentaux - le premier plan, le plan intermédiaire et l'arrière plan - semblent aplatis, amenant le spectateur à parcourir la toile de bas en haut en suivant le mouvement donné par cette succession de bandes horizontales, la technique de Pissarro continuant de privilégier des petits coups de pinceau également répartis et très chargés en matière" (in Camille Pissarro, catalogue d'exposition, Arts Council of Great Britain, 1981, p. 116), autant de qualités qui placent l'oeuvre au sommet de sa première période impressionniste tout en laissant poindre son expérience du pointillisme à venir.
Dans l'article consacré à l'exposition de Camille Pissarro en 1892 à la Galerie Durand-Ruel, paru dans le Mercure de France on peut lire au sujet des qualités picturales de l'artiste:
"Chez Durand-Ruel, une importante exposition des oeuvres de Camille Pissarro, permettant de saisir, dans leur ensemble, les évolutions multiples et pourtant logiques de cet artiste sincère et consciencieux jusque dans ses plus paradoxales recherches. A citer particulièrement parmi les oeuvres exposées: Vue d'Osny, près Pontoise, le chef-d'oeuvre de la série, peut-être, bien que dans la première manière du Maître; chaque ton intense, violent et l'ensemble fondu en une admirable symphonie" (op. cit.).
Bien qu'intimement liée à ses paysages exécutés au cours de la décennie précédente, l'évolution des compositions de Pissarro peut être comparée à une vue similaire peinte cette fois-ci par Gauguin, lors du séjour que ce dernier passa auprès de la famille Pissarro à Osny. Dans La ferme au lavoir, Osny également exécuté en 1883, le point de fuite unique apparaît nettement (fig. 2), alors que dans le tableau de Pissarro, le chemin dégagé au premier plan semble inviter le spectateur à pénétrer dans la scène dont le rythme brisé des toits des maisons empêche d'emblée une entrée facile. Pissarro semble avoir pris le parti délibéré de clarifier un écheveau confus de formes architecturales et naturelles. La construction méticuleuse de ce type de compositions, souvent étudiée sur place puis retravaillée avec application à l'atelier, confirme la stature de Pissarro comme artiste doué d'une exceptionnelle facilité technique.
The present work was painted at Osny, a small wheat-growing village northwest of Paris near Pontoise. Completed in 1883, it is the most accomplished work from this series of eight pictures the artist completed before leaving the region in 1884 for Eragny. Exceptional for both its stunning brushwork, evident in Pissarro's volumetric and rhythmic treatment of the village rooftops, and its structural juxtaposition of warm and cool colours, visible in the cool reds of the architecture and the acidic greens of the leaves, Vue sur le village d'Osny anticipates the similar execution of Cézanne's landscapes.
The early 1880s were important years of re-evaluation for many of the Impressionist painters. Monet and Renoir, in search of renewed inspiration, traveled to the south. Pissarro remained in the environs of Paris, instead focusing on the evolution of his technique. The present work clearly illustrates the artist's development during this period. While the lush and tactile qualities draw the eye to the surface of the canvas, Pissarro retains a balance between the physical nature of the paint itself and complex spatial effects within the picture frame. Moreover, "regarding the compositions, there is less emphasis on recession and spatial depth. The basic elements - foreground, middle distance and background - tend to be flattened, so that the design is read upwards as a series of horizontal bands Pissarro's technique continues to evolve in favor of small, evenly distributed, and heavily loaded brushstrokes" (in Camille Pissarro, exh. cat., Arts Council of Great Britain, Londres, 1981, p. 116). These qualities position this picture both at the height of his first Impressionist phase and presage his experiments with pointillism a few years later.
As reviewed by the Mercure de France during the 1892 Pissarro exhibition at the Galerie Durand-Ruel, the present work was singled-out for its exemplary pictorial qualities:
At the Galerie Durand-Ruel, a large exhibition of the works of Camille Pissarro, make it possible to observe, in full, the multiple and yet logical developments of this sincere and conscientious artist, including his most paradoxical research. Of particular note among the works exhibited: Vue d'Osny, near Pontoise, the masterpiece of the series, perhaps, although in the master's earliest style; each intense, violent tone, all blended into an admirable symphony (op. cit.).
While closely related to his landscapes of the previous decade, the advancement of Pissarro's compositions can be illustrated in comparison to a similar view of the local wash-house painted by Gauguin, who stayed with Pissarro and his family when he visited Osny. In La ferme au lavoir, Osny, painted by Gauguin that same year, the single vanishing point is clearly evident (fig. 2), while in Pissarro's composition, the cleared path in the foreground on the right of the composition seems to invite the viewer into the scene, while the staccato rhythm of the rooftops immediately prevents an easy entry. It is as if Pissarro deliberately set out to make visual clarity out of a confused and tangled web of natural and architectural forms. The careful construction of such canvasses, often studied from nature and meticulously reworked in the studio, confirms Pissarro's stature as an artist of supreme technical facility.
(fig. 1) Rue Jean-Larosa, Osny.
(fig. 2) Paul Gauguin, La ferme au lavoir, Osny, 1884.
Collection particulière, Etats-Unis.