拍品专文
"Un matin à Londres, [à la Hanover Gallery], c'était en mars 1959, juché sur un tabouret, je feuilletais des dessins étalés sur une table, intrigué par la multiplicité des traits des contours d'Alberto, s'opposant à la ligne unique, magistrale, de Picasso, ou aux sinuosités savantes de Matisse. Je me laissai séduire par un dessin double-face d'Alberto avec d'un côté la tête de Diego et de l'autre une représentation de l'Homme qui marche.
Je ramenai précieusement ce dessin à Paris et téléphonai l'après-midi même de mon retour à Alberto pour lui faire part de mon acquisition. Il me répondit: "J'arrive tout de suite".
Nous discutâmes longuement sur la manière de présenter ce double-face. "Il faut demander son avis à Diego", me dit-il. Je raconte cette anecdote pour montrer à quel point le jugement de Diego avait de l'importance sur les décisions d'Alberto.
Nous nous étions mis d'accord avec Alberto pour présenter le dessin dans un cadre monté sur un piédestal en bronze dont la base reproduisait le pied du dessin de l'Homme qui marche. Alberto fit un rapide croquis sur une de mes feuilles de correspondance pour le porter à Diego et nous nous rendîmes rue Hippolyte-Maindron dans le petit atelier, voisin de celui d'Alberto, où nous attendait Diego.
Ce dernier regarda longuement le dessin double-face et le croquis du piédestal qu'avait fait Alberto.
Il ne dit rien.
"Qu'est ce qui ne va pas? lui demanda Alberto.
- Si je comprends bien, répliqua Diego, vous ne voulez pas privilégier un côté du double-face.
- Non, répondîmes-nous en choeur.
- Alors il ne faut pas représenter un pied sur un côté du piédestal, ce qui le privilégie forcément.
- Tu as raison", conclut Alberto.
C'est ainsi que mon dessin eut un piédestal avec une base rectangulaire."
Le propriétaire, cité dans C. Delay, Giacometti, Alberto et Diego, l'histoire cachée, Paris, 2007, pp. 272-273.
"One morning in London, [at the Hanover Gallery], it was March 1959, perched on a stool, I was rummaging through some drawings spread out on a table, intrigued by the multiplicity of lines of Alberto's shapes, as opposed to the single, masterful line of Picasso or the skilful curves of Matisse. I allowed myself to be drawn to a double-sided drawing by Alberto with Diego's head on one side and a representation of L'Homme qui marche on the other.
I brought this drawing carefully back to Paris and telephoned Alberto the afternoon I got back to tell him about my acquisition. He said, "I'm coming immediately".
We discussed how to display this double-sided drawing for a long time. "We should ask Diego for his advice", he told me. I am telling this story to show how important Diego's judgment was to Alberto's decisions.
It was agreed with Alberto to display the drawing in a frame mounted on a bronze pedestal with a base modelled on the foot in the drawing of L'Homme qui marche. Alberto made a rapid sketch on one of my sheets of letter paper to take to Diego and we went to the little studio, next to Alberto's on rue Hippolyte-Maindron, where Diego was waiting for us.
He looked for a long time at the double-sided drawing and the sketch of the pedestal that Alberto had drawn.
He said nothing.
"What's wrong?" Alberto asked him.
"If I understand correctly", Diego said, "you do not want to give preference to either side.
- "No," we answered in unison.
- "So you shouldn't represent a foot on one side of the pedestal, since that will necessarily give it preference."
- "You are right", concluded Alberto.
This is how my drawing came to have a pedestal with a rectangular base."
The owner, quoted in C. Delay, Giacometti, Alberto et Diego, l'histoire cache, Paris, 2007, pp. 272-273.
Je ramenai précieusement ce dessin à Paris et téléphonai l'après-midi même de mon retour à Alberto pour lui faire part de mon acquisition. Il me répondit: "J'arrive tout de suite".
Nous discutâmes longuement sur la manière de présenter ce double-face. "Il faut demander son avis à Diego", me dit-il. Je raconte cette anecdote pour montrer à quel point le jugement de Diego avait de l'importance sur les décisions d'Alberto.
Nous nous étions mis d'accord avec Alberto pour présenter le dessin dans un cadre monté sur un piédestal en bronze dont la base reproduisait le pied du dessin de l'Homme qui marche. Alberto fit un rapide croquis sur une de mes feuilles de correspondance pour le porter à Diego et nous nous rendîmes rue Hippolyte-Maindron dans le petit atelier, voisin de celui d'Alberto, où nous attendait Diego.
Ce dernier regarda longuement le dessin double-face et le croquis du piédestal qu'avait fait Alberto.
Il ne dit rien.
"Qu'est ce qui ne va pas? lui demanda Alberto.
- Si je comprends bien, répliqua Diego, vous ne voulez pas privilégier un côté du double-face.
- Non, répondîmes-nous en choeur.
- Alors il ne faut pas représenter un pied sur un côté du piédestal, ce qui le privilégie forcément.
- Tu as raison", conclut Alberto.
C'est ainsi que mon dessin eut un piédestal avec une base rectangulaire."
Le propriétaire, cité dans C. Delay, Giacometti, Alberto et Diego, l'histoire cachée, Paris, 2007, pp. 272-273.
"One morning in London, [at the Hanover Gallery], it was March 1959, perched on a stool, I was rummaging through some drawings spread out on a table, intrigued by the multiplicity of lines of Alberto's shapes, as opposed to the single, masterful line of Picasso or the skilful curves of Matisse. I allowed myself to be drawn to a double-sided drawing by Alberto with Diego's head on one side and a representation of L'Homme qui marche on the other.
I brought this drawing carefully back to Paris and telephoned Alberto the afternoon I got back to tell him about my acquisition. He said, "I'm coming immediately".
We discussed how to display this double-sided drawing for a long time. "We should ask Diego for his advice", he told me. I am telling this story to show how important Diego's judgment was to Alberto's decisions.
It was agreed with Alberto to display the drawing in a frame mounted on a bronze pedestal with a base modelled on the foot in the drawing of L'Homme qui marche. Alberto made a rapid sketch on one of my sheets of letter paper to take to Diego and we went to the little studio, next to Alberto's on rue Hippolyte-Maindron, where Diego was waiting for us.
He looked for a long time at the double-sided drawing and the sketch of the pedestal that Alberto had drawn.
He said nothing.
"What's wrong?" Alberto asked him.
"If I understand correctly", Diego said, "you do not want to give preference to either side.
- "No," we answered in unison.
- "So you shouldn't represent a foot on one side of the pedestal, since that will necessarily give it preference."
- "You are right", concluded Alberto.
This is how my drawing came to have a pedestal with a rectangular base."
The owner, quoted in C. Delay, Giacometti, Alberto et Diego, l'histoire cache, Paris, 2007, pp. 272-273.