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Tout au long de sa vie, Alberto Giacometti a livré des vases, des lustres, des luminaires pour quelques décorateurs, architectes ou amis. Acceptées dans un premier temps par nécessité, les commandes d'objets utilitaires ne sont pas moins, comme toujours chez Giacometti, traitées avec honnêteté.
Le sculpteur qui jamais ne reniera ce pan de son oeuvre confessera au critique André Parinaud en 1962 avoir : "accepté pour vivre de faire des objets utilitaires anonymes pour un décorateur de l'époque. [...] C'était plutôt mal vu. C'était considéré comme une espèce de déchéance. J'ai cependant essayé de faire le mieux possible des vases par exemple, et je me suis rendu compte que je travaillais un vase exactement comme les sculptures et qu'il n'y avait aucune différence entre ce que j'appelais une sculpture et ce qui était un objet, un vase !" ("Entretien avec André Parinaud", in Alberto Giacometti, Ecrits, Paris, 1990, p. 272). Cet aveu vécu comme un échec qui conduit le sculpteur à reprendre le travail d'après nature au milieu des années 1930 témoigne du sérieux avec lequel il a abordé la question. Plus ou moins ignorées par l'histoire de l'art qui considérait ces créations comme des bagatelles détournant le grand artiste du grand oeuvre, "ces miettes" (L. Aragon, "Grandeur nature", in Ecrits sur l'art moderne, Paris, 1981, p. 218), renferment en elles la substance artistique de leur créateur.
C'est avec Jean-Michel Frank, ce décorateur au coeur de la vie intellectuelle et mondaine de l'entre-deux-guerres, que la collaboration sera la plus fructueuse avec plus d'une cinquantaine d'objets livrés au cours des années 1930. C'est pour Frank que sont réalisés les modèles les plus emblématiques comme le vase Egyptien, inspiré d'une lampe à huile retrouvée dans la tombe de Toutankhamon par Howard Carter, la lampe Figure avec son visage androgyne ou la série des lampadaires, les modèles Etoile, Osselet, Grande Feuille et Pilastre. C'est par des interventions aussi sommaires parfois que le faonnage de poignées de portes ou de boutons de commodes qu'il fait son entrée dans les hauts lieux de la vie mondaine, artistique et intellectuelle. Frank compte en effet une clientèle composée le plus souvent d'amis écrivains ou grands collectionneurs des deux côtés de l'Atlantique : Jorge Born, René Crevel, Templeton Crocker, Paul Eluard, Edward James, Syrie Maugham, Franois Mauriac, Charles et Marie-Laure de Noailles, Léon Pierre-Quint, Marie-Blanche de Polignac, Nelson Rockefeller, Elsa Schiaparelli, pour ne citer que les plus connus.
Pour ce décorateur qu'il considère comme le meilleur, Alberto Giacometti a bien voulu se soumettre à son esthétique faite d'archaïsme et d'anonymat, d'une recherche d'absolu, d'onirisme et d'étrange, d'un luxe bâti avec de la paille, de la toile à sac et du plâtre qui se confond à bien des égards avec l'oeuvre du sculpteur. Si, comme le souligne Jean Cocteau, les artistes sollicités par Frank "s'effaçaient d'eux-mêmes et collaboraient à l'ensemble sans prendre la vedette" (J. Cocteau, "Adieu à Jean-Michel Frank", in Art et Industrie, novembre 1945, p. 18), il n'en demeure pas moins qu'aucun d'eux n'abdique sa personnalité.
En imaginant des objets utilitaires, Giacometti ne s'intéresse guère à des problématiques fonctionnelles. Comme Giacometti l'écrivit au sujet d'une sculpture chaldéenne qui "cassée en quatre [...] donne quatre sculptures, et chaque partie vaut le tout et le tout comme chaque partie reste toujours virulent et actuel" (V. Wiesinger, "Sculpter sans relâche", in L'atelier d'Alberto Giacometti. Collection de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, catalogue d'exposition, Paris, 2007, p. 79), ces objets utilitaires ne sont rien d'autres que des "morceaux" de son oeuvre sculpté. Au milieu des pièces lambrissées de cuir ou de marbre, sur les tables de chêne arraché, d'ivoire, de fer battu ou de parchemin, les modestes ouvrages du sculpteur, moulés dans le plâtre, s'imposent comme des objets fétiches.
Comme ses sculptures, une grande partie de ces objets est imaginée à partir d'objets usuels de civilisations anciennes, égyptienne, cycladique, chaldéenne ou de monnaies étrusques et romaines. Ces inspirations ne semblent pourtant qu'être des points d'ancrage car toutes les références trop précises sont enfouies et gommées, comme pour le vase Egyptien dont l'original est incisé de hiéroglyphes et de feuilles de lotus.
La plupart de ces objets feignent une fabrication maladroite avec de nombreuses irrégularités, comme s'ils avaient été fabriqués par un artisan sans outil. Les formes sont accidentées par une irrégularité des lignes, des surépaisseurs de matière, des courbes un peu molles et des symétries toujours approximatives. Le critique Waldemar George les qualifie "d'objets de fouilles", de témoignages de civilisations barbares inconnues. Certains modèles sont incisés de griffures, de signes ou de graffitis, comme les sculptures Tête de 1925-26, Composition de 1927 ou dans une moindre mesure Le Cube de 1933-34. L'applique dite Cubique est ainsi incisée de lettres d'un alphabet inconnu d'une civilisation perdue.
Conçu en 1935, le Lampadaire, modèle "Pilastre" est l'un des exemplaires les plus aboutis de cette remontée dans le temps. Ces formes effacées par le temps prêtent à de multiples interprétations. Si son nom se réfère à une colonne, le chapiteau qui la surmonte ne renvoie à aucun des trois ordres de l'architecture. Par son matériau, son modelé irrégulier, sa forme sans référence, ce pilastre pourrait appartenir à un ordre ancestral, antérieur à l'ordre dorique.
À l'image de ses sculptures, ces objets sont énigmatiques et sujets à toutes sortes d'interprétations et licences poétiques. L'oeil de chacun se livre à une propre interprétation qui se renouvelle au gré des heures du jour ou de la nuit. Au soir de sa vie, Louis Aragon se souviendra de ces luminaires qui l'avaient accompagnés lors de ses soirées d'écriture et soulignera que Giacometti : "aura été dans l'avant-guerre le fournisseur du luxe le plus haut, l'inventeur d'objets et de meubles qui seront demain recherchés comme les oeuvres d'un Jacob ou les ferronneries de Percier et Fontaine" (L. Aragon, "Grandeur nature", in Ecrits sur l'art moderne, Paris, 1981, p. 218).
Throughout his whole life, Alberto Giacometti produced vases, chandeliers and lights for a select group of interior designers, architects and friends. Although initially accepted out of necessity, as always with Giacometti these orders for utilitarian objects were treated with integrity.
The sculptor never disowned this aspect of his work and confessed to the critic André Parinaud in 1962 that he had: "agreed, in order to survive, to produce anonymous utilitarian objects for an interior designer of the period. [...] This was viewed rather badly. I was considered to be in some way lowering myself. Nevertheless, I did my best with the vases, for example, and I realised I was working on the vase in exactly the same way as a sculpture and that there was no difference between what I called a sculpture and this object, this vase!" ("interview with André Parinaud", in Alberto Giacometti, Ecrits, Paris, 1990, p. 272). The sculptor saw this as an admission of failure and, in the mid-1930s, returned to working from nature, showing how seriously he took the matter. These creations, more or less ignored by art history and considered as trivia distracting the great artist from his great work, "these crumbs" (L. Aragon, "Grandeur nature", in Ecrits sur l'art moderne, Paris, 1981, p. 218) in the words of Louis Aragon, contain within them the artistic essence of their creator.
The most prolific collaboration was with Jean-Michel Frank (1895-1941), the interior designer at the heart of inter-war intellectual and social life, with more than 50 objects produced during the 1930s. It was for Frank that the most emblematic pieces were created such as the Egyptien vase, inspired by an oil lamp found by Howard Carter in the tomb of Tutankhamen, the Figure lamp with its androgynous face and the series of Etoile, Osselet, Grande Feuille and Pilastre standard lamps. His introduction into the social, artistic and intellectual elite came through work sometimes as basic as producing door handles or knobs for chests of drawers. Frank's clientele often included friends who were writers or major collectors from both sides of the Atlantic: Jorge Born, René Crevel, Templeton Crocker, Paul Eluard, Edward James, Syrie Maugham, Franois Mauriac, Charles and Marie-Laure de Noailles, Léon Pierre-Quint, Marie-Blanche de Polignac, Nelson Rockefeller, Elsa Schiaparelli, to name but a few of the most famous.
For this interior designer, who he considered to be the best, Alberto Giacometti was very willing to submit to an aesthetic featuring archaism and anonymity, a search for the absolute, for fantasy and strangeness, luxury constructed from straw, sackcloth and plaster - an aesthetic which overlaps in many respects with the work of the sculptor. Although, in the words of Jean Cocteau, the artists commissioned by Frank "deliberately chose to take a back seat and all contributed without seeking the limelight" (J. Cocteau, "Adieu à Jean-Michel Frank", in Art et Industrie, November 1945, p. 18), it is also true that none of them abandoned their personality.
Giacometti is not in any way focusing on functional problems when he designs utilitarian objects. As Giacometti wrote, on the subject of a Chaldean sculpture which "broken into four [...] gives four sculptures, and each part is as good as the whole, since each part remains intense and of-the-moment" (V. Wiesinger, "Sculpter sans relâche", in L'atelier d'Alberto Giacometti. Collection de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, exhibition catalogue, Paris, 2007, p. 79), these objects are nothing less than "fragments" of his sculptural work. In the midst of works covered with leather or marble, on tables of uprooted oak, ivory, wrought iron and parchment, the sculptor's modest works, moulded in plaster, stand out like talisman objects.
Like his sculptures, many of these objects are designed based on everyday objects from ancient Egyptian, Cycladic and Chaldean civilisations or Etruscan or Roman coins. These inspirations seem to be merely anchor points, however, since all references which are too precise are buried or erased, as with the Egyptien vase, the original of which is inscribed with hieroglyphs and lotus leaves.
Most of these objects contrive to appear crudely manufactured, with numerous irregularities, as if produced by a craftsman without any tools. The shapes are marred by the irregularity of their lines, excessively thick areas of material, slightly sagging curves and symmetries which are always approximate. The critic Waldemar George called them "excavated objects" ("objets de fouilles"), testimony to unknown Barbarian civilisations. Some models are incised with scratches, symbols or graffiti, like the Tête sculptures of 1925-26, Composition of 1927 or, to a lesser extent, Le Cube of 1933-34. The wall-light called Cubique is incised with letters from an unknown alphabet from a lost civilisation.
Designed in 1935, the Pilastre standard lamp is one of the most accomplished examples of this journey into the past. These forms, erased by time, lend themselves to multiple interpretations. While its name refers to a column, the capital at its summit does not relate to any of the three orders of architecture. The material, irregular modelling and original style of this pilaster may belong to an age-old order, predating the Doric.
Like his sculptures, these objects are enigmatic and subject to all sorts of interpretations and poetic licence. Everyone's eye comes up with a different interpretation, which changes over the course of day and night. Towards the end of his life, Louis Aragon would recall these lights, which accompanied him during his evening writing sessions, and note that Giacometti "was the supplier of the highest luxury during the pre-war period, the inventor of objects and furniture which in the future will be sought after like the works of a Jacob or the ironwork of Percier and Fontaine" (L. Aragon, "Grandeur nature", in Ecrits sur l'art moderne, Paris, 1981, p. 218).
Le sculpteur qui jamais ne reniera ce pan de son oeuvre confessera au critique André Parinaud en 1962 avoir : "accepté pour vivre de faire des objets utilitaires anonymes pour un décorateur de l'époque. [...] C'était plutôt mal vu. C'était considéré comme une espèce de déchéance. J'ai cependant essayé de faire le mieux possible des vases par exemple, et je me suis rendu compte que je travaillais un vase exactement comme les sculptures et qu'il n'y avait aucune différence entre ce que j'appelais une sculpture et ce qui était un objet, un vase !" ("Entretien avec André Parinaud", in Alberto Giacometti, Ecrits, Paris, 1990, p. 272). Cet aveu vécu comme un échec qui conduit le sculpteur à reprendre le travail d'après nature au milieu des années 1930 témoigne du sérieux avec lequel il a abordé la question. Plus ou moins ignorées par l'histoire de l'art qui considérait ces créations comme des bagatelles détournant le grand artiste du grand oeuvre, "ces miettes" (L. Aragon, "Grandeur nature", in Ecrits sur l'art moderne, Paris, 1981, p. 218), renferment en elles la substance artistique de leur créateur.
C'est avec Jean-Michel Frank, ce décorateur au coeur de la vie intellectuelle et mondaine de l'entre-deux-guerres, que la collaboration sera la plus fructueuse avec plus d'une cinquantaine d'objets livrés au cours des années 1930. C'est pour Frank que sont réalisés les modèles les plus emblématiques comme le vase Egyptien, inspiré d'une lampe à huile retrouvée dans la tombe de Toutankhamon par Howard Carter, la lampe Figure avec son visage androgyne ou la série des lampadaires, les modèles Etoile, Osselet, Grande Feuille et Pilastre. C'est par des interventions aussi sommaires parfois que le faonnage de poignées de portes ou de boutons de commodes qu'il fait son entrée dans les hauts lieux de la vie mondaine, artistique et intellectuelle. Frank compte en effet une clientèle composée le plus souvent d'amis écrivains ou grands collectionneurs des deux côtés de l'Atlantique : Jorge Born, René Crevel, Templeton Crocker, Paul Eluard, Edward James, Syrie Maugham, Franois Mauriac, Charles et Marie-Laure de Noailles, Léon Pierre-Quint, Marie-Blanche de Polignac, Nelson Rockefeller, Elsa Schiaparelli, pour ne citer que les plus connus.
Pour ce décorateur qu'il considère comme le meilleur, Alberto Giacometti a bien voulu se soumettre à son esthétique faite d'archaïsme et d'anonymat, d'une recherche d'absolu, d'onirisme et d'étrange, d'un luxe bâti avec de la paille, de la toile à sac et du plâtre qui se confond à bien des égards avec l'oeuvre du sculpteur. Si, comme le souligne Jean Cocteau, les artistes sollicités par Frank "s'effaçaient d'eux-mêmes et collaboraient à l'ensemble sans prendre la vedette" (J. Cocteau, "Adieu à Jean-Michel Frank", in Art et Industrie, novembre 1945, p. 18), il n'en demeure pas moins qu'aucun d'eux n'abdique sa personnalité.
En imaginant des objets utilitaires, Giacometti ne s'intéresse guère à des problématiques fonctionnelles. Comme Giacometti l'écrivit au sujet d'une sculpture chaldéenne qui "cassée en quatre [...] donne quatre sculptures, et chaque partie vaut le tout et le tout comme chaque partie reste toujours virulent et actuel" (V. Wiesinger, "Sculpter sans relâche", in L'atelier d'Alberto Giacometti. Collection de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, catalogue d'exposition, Paris, 2007, p. 79), ces objets utilitaires ne sont rien d'autres que des "morceaux" de son oeuvre sculpté. Au milieu des pièces lambrissées de cuir ou de marbre, sur les tables de chêne arraché, d'ivoire, de fer battu ou de parchemin, les modestes ouvrages du sculpteur, moulés dans le plâtre, s'imposent comme des objets fétiches.
Comme ses sculptures, une grande partie de ces objets est imaginée à partir d'objets usuels de civilisations anciennes, égyptienne, cycladique, chaldéenne ou de monnaies étrusques et romaines. Ces inspirations ne semblent pourtant qu'être des points d'ancrage car toutes les références trop précises sont enfouies et gommées, comme pour le vase Egyptien dont l'original est incisé de hiéroglyphes et de feuilles de lotus.
La plupart de ces objets feignent une fabrication maladroite avec de nombreuses irrégularités, comme s'ils avaient été fabriqués par un artisan sans outil. Les formes sont accidentées par une irrégularité des lignes, des surépaisseurs de matière, des courbes un peu molles et des symétries toujours approximatives. Le critique Waldemar George les qualifie "d'objets de fouilles", de témoignages de civilisations barbares inconnues. Certains modèles sont incisés de griffures, de signes ou de graffitis, comme les sculptures Tête de 1925-26, Composition de 1927 ou dans une moindre mesure Le Cube de 1933-34. L'applique dite Cubique est ainsi incisée de lettres d'un alphabet inconnu d'une civilisation perdue.
Conçu en 1935, le Lampadaire, modèle "Pilastre" est l'un des exemplaires les plus aboutis de cette remontée dans le temps. Ces formes effacées par le temps prêtent à de multiples interprétations. Si son nom se réfère à une colonne, le chapiteau qui la surmonte ne renvoie à aucun des trois ordres de l'architecture. Par son matériau, son modelé irrégulier, sa forme sans référence, ce pilastre pourrait appartenir à un ordre ancestral, antérieur à l'ordre dorique.
À l'image de ses sculptures, ces objets sont énigmatiques et sujets à toutes sortes d'interprétations et licences poétiques. L'oeil de chacun se livre à une propre interprétation qui se renouvelle au gré des heures du jour ou de la nuit. Au soir de sa vie, Louis Aragon se souviendra de ces luminaires qui l'avaient accompagnés lors de ses soirées d'écriture et soulignera que Giacometti : "aura été dans l'avant-guerre le fournisseur du luxe le plus haut, l'inventeur d'objets et de meubles qui seront demain recherchés comme les oeuvres d'un Jacob ou les ferronneries de Percier et Fontaine" (L. Aragon, "Grandeur nature", in Ecrits sur l'art moderne, Paris, 1981, p. 218).
Throughout his whole life, Alberto Giacometti produced vases, chandeliers and lights for a select group of interior designers, architects and friends. Although initially accepted out of necessity, as always with Giacometti these orders for utilitarian objects were treated with integrity.
The sculptor never disowned this aspect of his work and confessed to the critic André Parinaud in 1962 that he had: "agreed, in order to survive, to produce anonymous utilitarian objects for an interior designer of the period. [...] This was viewed rather badly. I was considered to be in some way lowering myself. Nevertheless, I did my best with the vases, for example, and I realised I was working on the vase in exactly the same way as a sculpture and that there was no difference between what I called a sculpture and this object, this vase!" ("interview with André Parinaud", in Alberto Giacometti, Ecrits, Paris, 1990, p. 272). The sculptor saw this as an admission of failure and, in the mid-1930s, returned to working from nature, showing how seriously he took the matter. These creations, more or less ignored by art history and considered as trivia distracting the great artist from his great work, "these crumbs" (L. Aragon, "Grandeur nature", in Ecrits sur l'art moderne, Paris, 1981, p. 218) in the words of Louis Aragon, contain within them the artistic essence of their creator.
The most prolific collaboration was with Jean-Michel Frank (1895-1941), the interior designer at the heart of inter-war intellectual and social life, with more than 50 objects produced during the 1930s. It was for Frank that the most emblematic pieces were created such as the Egyptien vase, inspired by an oil lamp found by Howard Carter in the tomb of Tutankhamen, the Figure lamp with its androgynous face and the series of Etoile, Osselet, Grande Feuille and Pilastre standard lamps. His introduction into the social, artistic and intellectual elite came through work sometimes as basic as producing door handles or knobs for chests of drawers. Frank's clientele often included friends who were writers or major collectors from both sides of the Atlantic: Jorge Born, René Crevel, Templeton Crocker, Paul Eluard, Edward James, Syrie Maugham, Franois Mauriac, Charles and Marie-Laure de Noailles, Léon Pierre-Quint, Marie-Blanche de Polignac, Nelson Rockefeller, Elsa Schiaparelli, to name but a few of the most famous.
For this interior designer, who he considered to be the best, Alberto Giacometti was very willing to submit to an aesthetic featuring archaism and anonymity, a search for the absolute, for fantasy and strangeness, luxury constructed from straw, sackcloth and plaster - an aesthetic which overlaps in many respects with the work of the sculptor. Although, in the words of Jean Cocteau, the artists commissioned by Frank "deliberately chose to take a back seat and all contributed without seeking the limelight" (J. Cocteau, "Adieu à Jean-Michel Frank", in Art et Industrie, November 1945, p. 18), it is also true that none of them abandoned their personality.
Giacometti is not in any way focusing on functional problems when he designs utilitarian objects. As Giacometti wrote, on the subject of a Chaldean sculpture which "broken into four [...] gives four sculptures, and each part is as good as the whole, since each part remains intense and of-the-moment" (V. Wiesinger, "Sculpter sans relâche", in L'atelier d'Alberto Giacometti. Collection de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, exhibition catalogue, Paris, 2007, p. 79), these objects are nothing less than "fragments" of his sculptural work. In the midst of works covered with leather or marble, on tables of uprooted oak, ivory, wrought iron and parchment, the sculptor's modest works, moulded in plaster, stand out like talisman objects.
Like his sculptures, many of these objects are designed based on everyday objects from ancient Egyptian, Cycladic and Chaldean civilisations or Etruscan or Roman coins. These inspirations seem to be merely anchor points, however, since all references which are too precise are buried or erased, as with the Egyptien vase, the original of which is inscribed with hieroglyphs and lotus leaves.
Most of these objects contrive to appear crudely manufactured, with numerous irregularities, as if produced by a craftsman without any tools. The shapes are marred by the irregularity of their lines, excessively thick areas of material, slightly sagging curves and symmetries which are always approximate. The critic Waldemar George called them "excavated objects" ("objets de fouilles"), testimony to unknown Barbarian civilisations. Some models are incised with scratches, symbols or graffiti, like the Tête sculptures of 1925-26, Composition of 1927 or, to a lesser extent, Le Cube of 1933-34. The wall-light called Cubique is incised with letters from an unknown alphabet from a lost civilisation.
Designed in 1935, the Pilastre standard lamp is one of the most accomplished examples of this journey into the past. These forms, erased by time, lend themselves to multiple interpretations. While its name refers to a column, the capital at its summit does not relate to any of the three orders of architecture. The material, irregular modelling and original style of this pilaster may belong to an age-old order, predating the Doric.
Like his sculptures, these objects are enigmatic and subject to all sorts of interpretations and poetic licence. Everyone's eye comes up with a different interpretation, which changes over the course of day and night. Towards the end of his life, Louis Aragon would recall these lights, which accompanied him during his evening writing sessions, and note that Giacometti "was the supplier of the highest luxury during the pre-war period, the inventor of objects and furniture which in the future will be sought after like the works of a Jacob or the ironwork of Percier and Fontaine" (L. Aragon, "Grandeur nature", in Ecrits sur l'art moderne, Paris, 1981, p. 218).