拍品专文
Nicolas et Olivier Descharnes ont confirmé l'authenticité de cette œuvre.
Emblématique des œuvres de Dalí des années 1960, Personnages dans le désert illustre le grand intérêt de l’artiste pour la psychologie freudienne du rêve, les récits historiques ou mythologiques et les phénomènes scientifiques ou mystiques, qu’il combine ici pour retranscrire une image aux sens multiples.
Cette œuvre est dominée par deux personnages féminins imposants suspendus au ciel, accompagnés d’un trio d’hirondelles voltigeant. De semblables silhouettes féminines se retrouvent souvent dans l’imagerie de Dalí, qui exprimait à travers elles une forte ambiguïté à l’égard du corps féminin. Dans ‘Les nouvelles couleurs du sex appeal ‘ (in Minotaure en 1934), Dalí exprime clairement une image personnelle et précise du physique féminin : «La chaire elle-même enveloppe, cache, protège, transfigure, incite, tente, donne une notion trompeuse du volume». Les femmes transparentes représentées par Dalí mettent un terme à cette tromperie : leurs corps sont destinés à être «désassemblés, démontés, exhibés séparément, selon leur volonté». D’après l’artiste, les femmes possédent une tendance naturelle à l’exhibitionnisme, qui serait plus facilement satisfaite à travers la possession d’un tel corps «démonté».
Cette interprétation unique de la sensualité féminine est renforcée par la présence de béquilles, l’un des symboles érotiques les plus utilisés par Dalí. Dans La vie secrète de Salvador Dalí, son autobiographie publiée en 1942, l’artiste raconte l'anecdote (réelle ou imaginaire) du jour où, enfant, il a trouvé une béquille abandonnée. Relatée comme un rituel psychologique élaboré, la suite d’incidents grotesques retrace la genèse de son fétichisme de la béquille. Elle est inaugurée par le massacre cruel d’un hérisson perpétré à l’aide de l’appui-bras de sa béquille, suivi par l’empalement d’un melon mûr du bout de l’instrument simulant un acte sexuel. Au cœur du lexique visuel de Dalí, la béquille est l’un des objets les plus chargés de sens, représentant à la fois une métaphore sexuelle et le triomphe de la résurrection sur la mort. Dans les premières œuvres surréalistes telles que Harpe invisible (Fig. 1.; collection particulière), une toile peinte en 1934, la béquille soutient un membre boursouflé ou démesuré duquel germe un corps grotesque. Elle devient le support requis pour lutter contre la putréfaction et la décomposition. Tout au long de la carrière de Dalí, la fonction fétichiste de la béquille a évolué, entre autre par l’acquisition de sens métaphysique. Elle illustre par exemple le concept selon lequel l’art même de Dalí soutiendrait une époque culturelle en plein déclin et bientôt révolue. Les corps féminins flottants dans Personnages dans le désert ne sont pas monstrueux, et les béquilles qui s’y trouvent ne les supportent pas physiquement, mais font plutôt partie d’une structure décorative enveloppant leurs membres et leurs torses. En tant qu’ornements, elles servent à augmenter la connotation érotique de l’imagerie de Dalí.
Les hirondelles qui voltigent autour des deux personnages ajoutent leur propre métaphore visuelle, permettant à l’observateur de déchiffrer un autre message codé dans l'œuvre. D’un point de vue historique, la forme de l’hirondelle donne lieu à plusieurs interprétations, la plus fréquente étant celle de la transition ou du nouveau départ, comme dans le cas d’un changement de saison. Ici, leur présence alliée à celle des deux femmes suspendues au-dessus d’un paysage idyllique pourrait faire allusion aux thèmes de la résurrection et de l’éternité.
Personnages dans le désert renferme un sens aussi multiple que complexe — la déstructuration du physique féminin, des motifs à forte connotation érotique et la renaissance au milieu d’un paysage arcadien — créant ainsi une image typique de Dalí : superbement élaborée et fascinante.
Characteristic of Dalí’s works from the 1960s, Personnages dans le désert illustrates the artist’s wide-ranging interests in Freudian Dream Psychology, historical or mythological narrative and scientific or mystical phenomena which he combines here to create an image of densely-layered meanings.
The composition is dominated by two monumental female figures suspended in the sky and accompanied by a trio of darting swallows. Such translucent female forms are a recurring motif in Dalí’s imagery, in relation to which the artist expressed his distinct ambivalence towards the physical female body. In his text ‘Les nouvelles couleurs du sex appeal’ in Minotaure, no. 5, 1934), Dalí articulated a specific personal perception of female physicality: “Flesh’s envelope covers up, hides, protects, transforms, incites, tempts, gives a mistaken impression of volume”. Dalí’s ephemeral women counter this deception, their bodies intended to be “disassembled, deconstructed and displayed separately according to its wishes”. Women possessed, according to the artist, a natural aspiration towards exhibitionism, and this would be more easily achieved through the possession of such a ‘deconstructed’ body.
This unique interpretation of female sensuality is further enhanced in the present painting by the artist’s use of one of the most recognisable Dalinian erotic devices, the crutch. In his autobiography La vie secrète de Salvador Dalí (1942) the artist relates a childhood experience (real or imagined) of the day he found an abandoned crutch. Recounted as an elaborate psychological ritual, the succession of grotesque incidents - starting with his using the crutch’s arm support to brutally massacre a hedgehog, followed by his impalement of a ripe melon with the tip of the crutch in an act of sexual simulation – formed the genesis of his crutch fetish. Employed as one of the most charged objects within the artist’s complex visual lexicon, the crutch represents both a sexual metaphor as well as the triumph of resurrection over death. In early surrealist works, such in the 1934 painting La Harpe invisible (Fig. 1.; private collection), the crutch provides physical support for a bloated or exaggerated limb which sprouts from a grotesque body. They became physical props required to counter putrefaction and decay. The fetish function of the crutch evolved throughout Dalí’s career, gaining further metaphysical meaning, for example to illustrate the notion that Dalí’s art itself provided support to a decaying cultural epoch on the brink of collapse. The floating female bodies in Personnages dans le désert are not monstrous, and the crutches employed do not physically support them, but rather form part of an ornamental structure wrapped around their limbs and torsos. As ornament their purpose is therefore rather to heighten the erotic charge of Dalí’s imagery.
The swooping swallows which carve the air around the two figures bring their own visual metaphor, allowing the viewer to extract a further coded meaning within the work. Historically, the swallow form alluded to a multitude of interpretations, the most commonplace being a transition or a new beginning such as the turning of seasons. Their presence here, combined with the suspended pair of female forms above the idealized landscape, may allude to themes of resurrection and eternity.
The complex layering of meaning present in Personnages dans le désert – the deconstruction of female physicality, erotically charged motifs and renaissance within an Arcadian landscape - form a classic Dalí image: beautifully crafted and intriguing.
Emblématique des œuvres de Dalí des années 1960, Personnages dans le désert illustre le grand intérêt de l’artiste pour la psychologie freudienne du rêve, les récits historiques ou mythologiques et les phénomènes scientifiques ou mystiques, qu’il combine ici pour retranscrire une image aux sens multiples.
Cette œuvre est dominée par deux personnages féminins imposants suspendus au ciel, accompagnés d’un trio d’hirondelles voltigeant. De semblables silhouettes féminines se retrouvent souvent dans l’imagerie de Dalí, qui exprimait à travers elles une forte ambiguïté à l’égard du corps féminin. Dans ‘Les nouvelles couleurs du sex appeal ‘ (in Minotaure en 1934), Dalí exprime clairement une image personnelle et précise du physique féminin : «La chaire elle-même enveloppe, cache, protège, transfigure, incite, tente, donne une notion trompeuse du volume». Les femmes transparentes représentées par Dalí mettent un terme à cette tromperie : leurs corps sont destinés à être «désassemblés, démontés, exhibés séparément, selon leur volonté». D’après l’artiste, les femmes possédent une tendance naturelle à l’exhibitionnisme, qui serait plus facilement satisfaite à travers la possession d’un tel corps «démonté».
Cette interprétation unique de la sensualité féminine est renforcée par la présence de béquilles, l’un des symboles érotiques les plus utilisés par Dalí. Dans La vie secrète de Salvador Dalí, son autobiographie publiée en 1942, l’artiste raconte l'anecdote (réelle ou imaginaire) du jour où, enfant, il a trouvé une béquille abandonnée. Relatée comme un rituel psychologique élaboré, la suite d’incidents grotesques retrace la genèse de son fétichisme de la béquille. Elle est inaugurée par le massacre cruel d’un hérisson perpétré à l’aide de l’appui-bras de sa béquille, suivi par l’empalement d’un melon mûr du bout de l’instrument simulant un acte sexuel. Au cœur du lexique visuel de Dalí, la béquille est l’un des objets les plus chargés de sens, représentant à la fois une métaphore sexuelle et le triomphe de la résurrection sur la mort. Dans les premières œuvres surréalistes telles que Harpe invisible (Fig. 1.; collection particulière), une toile peinte en 1934, la béquille soutient un membre boursouflé ou démesuré duquel germe un corps grotesque. Elle devient le support requis pour lutter contre la putréfaction et la décomposition. Tout au long de la carrière de Dalí, la fonction fétichiste de la béquille a évolué, entre autre par l’acquisition de sens métaphysique. Elle illustre par exemple le concept selon lequel l’art même de Dalí soutiendrait une époque culturelle en plein déclin et bientôt révolue. Les corps féminins flottants dans Personnages dans le désert ne sont pas monstrueux, et les béquilles qui s’y trouvent ne les supportent pas physiquement, mais font plutôt partie d’une structure décorative enveloppant leurs membres et leurs torses. En tant qu’ornements, elles servent à augmenter la connotation érotique de l’imagerie de Dalí.
Les hirondelles qui voltigent autour des deux personnages ajoutent leur propre métaphore visuelle, permettant à l’observateur de déchiffrer un autre message codé dans l'œuvre. D’un point de vue historique, la forme de l’hirondelle donne lieu à plusieurs interprétations, la plus fréquente étant celle de la transition ou du nouveau départ, comme dans le cas d’un changement de saison. Ici, leur présence alliée à celle des deux femmes suspendues au-dessus d’un paysage idyllique pourrait faire allusion aux thèmes de la résurrection et de l’éternité.
Personnages dans le désert renferme un sens aussi multiple que complexe — la déstructuration du physique féminin, des motifs à forte connotation érotique et la renaissance au milieu d’un paysage arcadien — créant ainsi une image typique de Dalí : superbement élaborée et fascinante.
Characteristic of Dalí’s works from the 1960s, Personnages dans le désert illustrates the artist’s wide-ranging interests in Freudian Dream Psychology, historical or mythological narrative and scientific or mystical phenomena which he combines here to create an image of densely-layered meanings.
The composition is dominated by two monumental female figures suspended in the sky and accompanied by a trio of darting swallows. Such translucent female forms are a recurring motif in Dalí’s imagery, in relation to which the artist expressed his distinct ambivalence towards the physical female body. In his text ‘Les nouvelles couleurs du sex appeal’ in Minotaure, no. 5, 1934), Dalí articulated a specific personal perception of female physicality: “Flesh’s envelope covers up, hides, protects, transforms, incites, tempts, gives a mistaken impression of volume”. Dalí’s ephemeral women counter this deception, their bodies intended to be “disassembled, deconstructed and displayed separately according to its wishes”. Women possessed, according to the artist, a natural aspiration towards exhibitionism, and this would be more easily achieved through the possession of such a ‘deconstructed’ body.
This unique interpretation of female sensuality is further enhanced in the present painting by the artist’s use of one of the most recognisable Dalinian erotic devices, the crutch. In his autobiography La vie secrète de Salvador Dalí (1942) the artist relates a childhood experience (real or imagined) of the day he found an abandoned crutch. Recounted as an elaborate psychological ritual, the succession of grotesque incidents - starting with his using the crutch’s arm support to brutally massacre a hedgehog, followed by his impalement of a ripe melon with the tip of the crutch in an act of sexual simulation – formed the genesis of his crutch fetish. Employed as one of the most charged objects within the artist’s complex visual lexicon, the crutch represents both a sexual metaphor as well as the triumph of resurrection over death. In early surrealist works, such in the 1934 painting La Harpe invisible (Fig. 1.; private collection), the crutch provides physical support for a bloated or exaggerated limb which sprouts from a grotesque body. They became physical props required to counter putrefaction and decay. The fetish function of the crutch evolved throughout Dalí’s career, gaining further metaphysical meaning, for example to illustrate the notion that Dalí’s art itself provided support to a decaying cultural epoch on the brink of collapse. The floating female bodies in Personnages dans le désert are not monstrous, and the crutches employed do not physically support them, but rather form part of an ornamental structure wrapped around their limbs and torsos. As ornament their purpose is therefore rather to heighten the erotic charge of Dalí’s imagery.
The swooping swallows which carve the air around the two figures bring their own visual metaphor, allowing the viewer to extract a further coded meaning within the work. Historically, the swallow form alluded to a multitude of interpretations, the most commonplace being a transition or a new beginning such as the turning of seasons. Their presence here, combined with the suspended pair of female forms above the idealized landscape, may allude to themes of resurrection and eternity.
The complex layering of meaning present in Personnages dans le désert – the deconstruction of female physicality, erotically charged motifs and renaissance within an Arcadian landscape - form a classic Dalí image: beautifully crafted and intriguing.