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« Si je mourais là-bas sur le front de l'armée,
Tu pleurerais un jour, ô Lou, ma bien-aimée.
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée,
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur. »
“If I were to die down there at the front,
You would weep one day, Oh Lou, my beloved.
And then your memory of me would fade away
As dies a shell exploding at the front,
A beautiful shell like mimosas in bloom."
Extrait des Poèmes à Lou, Guillaume Apollinaire, janvier 1915.
La figure éplorée d’une femme noire nue, tenant contre son sein une lettre plissée, se détache dans La lettre, III de Wifredo Lam sur un aplat uniforme de bleu-vert. Réalisée en 1939, à l’orée de la Seconde Guerre mondiale, l’œuvre porte en elle comme la prescience du conflit qui s’annonce. Un an plus tôt, Lam a quitté l’Espagne (où il s’était installé après son départ de Cuba), alors en proie à la guerre civile. Il s’est engagé aux côtés des forces républicaines et il a vu, à Madrid et Barcelone, le contrecoup des combats pour les femmes demeurées à l’arrière du front. Dès 1938, il se saisit du sujet dans La Lettre, I et La Lettre, II qui entrent, en dépit de leurs différences formelles, en résonance avec La lettre, III. On y retrouve la figure d’une femme, d’autant plus fragile qu’elle est nue, apprenant le décès d’un enfant ou d’un mari au front. L’impuissance se mêle à l’injustice, il n’en reste que des larmes.
À l'immensité du chagrin répond par contraste une grande économie de moyens, témoin de la prégnance de l’esthétique moderne sur l’artiste cubain. Fuyant la déroute républicaine, Lam s’installe à Paris en 1938. Il se présente à l’atelier de Picasso, muni d’une lettre d’introduction signée de la main du sculpteur espagnol Manolo Hugué. Si l'entente est immédiate, elle est également fructueuse : Picasso introduit le cubain à son cercle parisien premier, composé de Georges Braques, Paul Eluard ou Michel Leiris, et l’encourage à embrasser ses racines Afro-cubaines. La Lettre III en est le fruit. En suivant les préceptes hérités du cubisme, Lam simplifie le tracé, délimite le corps au trait noir, applique la couleur sur de larges aplats.
En simplifiant le visage, devenu un masque rectiligne anonyme, et en bousculant les proportions du buste, l’artiste se place également dans la continuité de la statuaire africaine. La lettre, III est en réalité le point de départ d’une plus large introspection. Retourné en 1941 sur sa terre natale, par un exil forcé, l’artiste cubain trouvera dans le spiritisme de la santería le moteur d’un langage plastique propre qui fera dire au père du Surréalisme, André Breton que ‘l’art de Wilfredo Lam fuse de ce point où la source vitale mire l’arbre-mystère’ (préface du catalogue de l’exposition La nuit en Haïti, cité in Alain Jouffroy, Wilfredo Lam et son œuvre, Paris 1975).
The grieving figure of a naked black woman, holding a folded letter against her breast, stands out in Wifredo Lam’s La lettre, III, against a uniform blue-green area. Realized in 1939, at the dawn of the Second World War, the work carries in it the foreknowlegde of the conflict about to take place. A year earlier, Lam left Spain (where he had settled after leaving Cuba), then facing civil war. He joined the Republican forces and saw in Madrid and Barcelona, the aftermath of the fighting for the women remained behind the battlefront. As early as 1938, he took up the subject in La lettre, I and La lettre, II which, despite their formal differences, resonate with La lettre, III. We find the figure of a woman, all the more fragile as she is naked, learning the death of a child or a husband at the battlefront. Helplessness is mixed with injustice, only tears remain.
By contrast, a great economy of means responds to the immensity of her sorrow, highlighting the importance of modern aesthetics on the Cuban artist. Fleeing the Republican defeat, Lam moved to Paris in 1938. He went to Picasso’s studio, with a letter of introduction signed by the hand of the Spanish sculptor Manolo Hugué. If the agreement is immediate, it is also fruitful: Picasso introduces the Cuban to his main Parisian circle, composed of Georges Braque, Paul Eluard or Michel Leiris, and encourages him to embrace his Afro-Cuban roots. This gave birth to La lettre, III. By following the precepts inherited from cubism, Lam simplifes the drawing, delimits the body with a black line, applies the color on large fat areas.
By simplifying the face, which has become an anonymous rectilinear mask, and by playing with the proportions of the bust, the artist also places himself in continuity of African statuary. La lettre, III is actually the starting point of a wider introspection. Returned in 1941 to his native land, by a forced exile, the Cuban artist will find in the spiritism of the santería the engine of a plastic language of his own that will make the father of Surrealism, André Breton, say that “the art of Wifredo Lam fows from this point where the vital source is the tree-mystery” (foreword to the catalog of the exhibition La nuit en Haïti, quoted in Alain Joufroy, Wifredo Lam et son oeuvre, Paris 1975).
Tu pleurerais un jour, ô Lou, ma bien-aimée.
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée,
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur. »
“If I were to die down there at the front,
You would weep one day, Oh Lou, my beloved.
And then your memory of me would fade away
As dies a shell exploding at the front,
A beautiful shell like mimosas in bloom."
Extrait des Poèmes à Lou, Guillaume Apollinaire, janvier 1915.
La figure éplorée d’une femme noire nue, tenant contre son sein une lettre plissée, se détache dans La lettre, III de Wifredo Lam sur un aplat uniforme de bleu-vert. Réalisée en 1939, à l’orée de la Seconde Guerre mondiale, l’œuvre porte en elle comme la prescience du conflit qui s’annonce. Un an plus tôt, Lam a quitté l’Espagne (où il s’était installé après son départ de Cuba), alors en proie à la guerre civile. Il s’est engagé aux côtés des forces républicaines et il a vu, à Madrid et Barcelone, le contrecoup des combats pour les femmes demeurées à l’arrière du front. Dès 1938, il se saisit du sujet dans La Lettre, I et La Lettre, II qui entrent, en dépit de leurs différences formelles, en résonance avec La lettre, III. On y retrouve la figure d’une femme, d’autant plus fragile qu’elle est nue, apprenant le décès d’un enfant ou d’un mari au front. L’impuissance se mêle à l’injustice, il n’en reste que des larmes.
À l'immensité du chagrin répond par contraste une grande économie de moyens, témoin de la prégnance de l’esthétique moderne sur l’artiste cubain. Fuyant la déroute républicaine, Lam s’installe à Paris en 1938. Il se présente à l’atelier de Picasso, muni d’une lettre d’introduction signée de la main du sculpteur espagnol Manolo Hugué. Si l'entente est immédiate, elle est également fructueuse : Picasso introduit le cubain à son cercle parisien premier, composé de Georges Braques, Paul Eluard ou Michel Leiris, et l’encourage à embrasser ses racines Afro-cubaines. La Lettre III en est le fruit. En suivant les préceptes hérités du cubisme, Lam simplifie le tracé, délimite le corps au trait noir, applique la couleur sur de larges aplats.
En simplifiant le visage, devenu un masque rectiligne anonyme, et en bousculant les proportions du buste, l’artiste se place également dans la continuité de la statuaire africaine. La lettre, III est en réalité le point de départ d’une plus large introspection. Retourné en 1941 sur sa terre natale, par un exil forcé, l’artiste cubain trouvera dans le spiritisme de la santería le moteur d’un langage plastique propre qui fera dire au père du Surréalisme, André Breton que ‘l’art de Wilfredo Lam fuse de ce point où la source vitale mire l’arbre-mystère’ (préface du catalogue de l’exposition La nuit en Haïti, cité in Alain Jouffroy, Wilfredo Lam et son œuvre, Paris 1975).
The grieving figure of a naked black woman, holding a folded letter against her breast, stands out in Wifredo Lam’s La lettre, III, against a uniform blue-green area. Realized in 1939, at the dawn of the Second World War, the work carries in it the foreknowlegde of the conflict about to take place. A year earlier, Lam left Spain (where he had settled after leaving Cuba), then facing civil war. He joined the Republican forces and saw in Madrid and Barcelona, the aftermath of the fighting for the women remained behind the battlefront. As early as 1938, he took up the subject in La lettre, I and La lettre, II which, despite their formal differences, resonate with La lettre, III. We find the figure of a woman, all the more fragile as she is naked, learning the death of a child or a husband at the battlefront. Helplessness is mixed with injustice, only tears remain.
By contrast, a great economy of means responds to the immensity of her sorrow, highlighting the importance of modern aesthetics on the Cuban artist. Fleeing the Republican defeat, Lam moved to Paris in 1938. He went to Picasso’s studio, with a letter of introduction signed by the hand of the Spanish sculptor Manolo Hugué. If the agreement is immediate, it is also fruitful: Picasso introduces the Cuban to his main Parisian circle, composed of Georges Braque, Paul Eluard or Michel Leiris, and encourages him to embrace his Afro-Cuban roots. This gave birth to La lettre, III. By following the precepts inherited from cubism, Lam simplifes the drawing, delimits the body with a black line, applies the color on large fat areas.
By simplifying the face, which has become an anonymous rectilinear mask, and by playing with the proportions of the bust, the artist also places himself in continuity of African statuary. La lettre, III is actually the starting point of a wider introspection. Returned in 1941 to his native land, by a forced exile, the Cuban artist will find in the spiritism of the santería the engine of a plastic language of his own that will make the father of Surrealism, André Breton, say that “the art of Wifredo Lam fows from this point where the vital source is the tree-mystery” (foreword to the catalog of the exhibition La nuit en Haïti, quoted in Alain Joufroy, Wifredo Lam et son oeuvre, Paris 1975).