拍品专文
« Outrenoir pour dire : au-delà du noir une lumière reflétée, transmutée par le noir. Outrenoir : noir qui, cessant de l’être, devient émetteur de clarté, de lumière secrète. Outrenoir : un champ mental noir autre que celui du simple noir. »
« Outrenoir: in other words, beyond black, a reflected light that is transmuted by black. Outrenoir: black that – ceasing to be – becomes an emitter of clarity, of secret light. Outrenoir: a black mental field that differs from mere black. »
Pierre Soulages
Au printemps 1979, dans son atelier de Sète face à la Méditerranée, Pierre Soulages fait une découverte décisive dans sa trajectoire artistique. Par erreur, le noir a envahi toute la surface d’une toile qu’il est en train de peindre. Couverte intégralement de peinture, l’œuvre ne présente plus de distinction entre premier et arrière plans ; toutefois, les jeux de texture de la surface (crêtes et creux de l’huile appliquée en couches épaisses) reflètent la lumière extérieure, comme si le noir était devenu un émetteur de lumière. L’artiste donnera à cette révolution le nom d’outrenoir : comme on dit outre-Atlantique ou outre-Rhin, l’outrenoir invite le regardeur à franchir une frontière, à investir un nouveau champ mental, au-delà de la couleur. Depuis cette année charnière, le peintre n’aura de cesse d’explorer les possibilités multiples offertes par cette approche d’un genre nouveau.
À plusieurs reprises au cours des années 1980, Soulages réintroduira de la couleur au cœur de ses outrenoirs, et en particulier le bleu. C’est le cas dans Peinture 130 x 92 cm, 30 avril 1981 où un bleu outremer vif occupe la partie basse de l’œuvre et transparaît en plusieurs zones de la composition par raclage de la peinture noire. Le noir lui-même, en revanche, est bien celui de l’outrenoir : alternant de larges aplats mats et des zones striées, de peinture plus brillante et dont les sillons captent la lumière et la renvoient d’une façon toujours différente en fonction d’où on contemple l’œuvre. « La lumière venant de la toile vers le regardeur crée un espace devant la toile et le regardeur se trouve dans cet espace ; il y a une instantanéité de la vision pour chaque point de vue, si on en change il y a de dissolution de la première vision, effacement, apparition d’une autre ; […] sous une lumière naturelle, la clarté venant du noir évolue avec celle marquant dans l’immobilité l’écoulement du temps (Pierre Soulages, entretien avec P. Encrevé in « Les éclats du noir », Beaux-Arts Magazine, hors-série, Paris, 1996, pp. 21-31).
In spring 1979, in his Sète studio facing the Mediterranean, Pierre Soulages made a decisive discovery on his artistic path. Black had accidentally taken over the entire surface of a canvas that he was in the middle of painting. Entirely covered in paint, the work no longer showed a distinction between the fore- and background; however, the plays of texture on the surface (ridges and hollows of the oil applied in thick layers) reflected the external light, as if black had become an emitter of light. The artist would give this revolution the name “outrenoir” (beyond black): like outre-Atlantique or outre-Rhin (on the other side of the Atlantic or the Rhine), outrenoir invites the viewer to cross a border and venture into a new mental field, beyond colour. Since this pivotal year, the painter has ceaselessly explored the multiple possibilities offered by this new kind of approach.
On several occasions during the eighties, Soulages would reintroduce colour at the heart of his outrenoirs, especially blue. This is true of Peinture 130 x 92 cm, 30 avril 1981, in which a bright ultramarine blue occupies the lower part of the work and shows through in several areas of the composition where the black paint has been scraped. The black itself, however, is clearly outrenoir black: alternating wide matte flat tints and ridged areas in glossier paint whose grooves capture the light and reflect it in an ever-changing way depending on from where you are contemplating the work. “The light emanating from the canvas to the viewer creates a space in front of the canvas and the viewer finds themselves in this space; there is an immediacy of vision for each viewpoint; if you change it, the first view dissolves and is erased, and another appears; […] in natural light, the clarity emanating from the black moves with that bringing the flow of time to a standstill (Pierre Soulages, interview with P. Encrevé in “Les éclats du noir”, Beaux-Arts Magazine, special edition, Paris, 1996, pp. 21-31).
« Le noir a des possibilités insoupçonnées et, attentif à ce que j’ignore, je vais à leur rencontre. »
« Black has unsuspected possibilities and, since I am attentive to what I do not know, I go to meet them. »
PIERRE SOULAGES
« Outrenoir: in other words, beyond black, a reflected light that is transmuted by black. Outrenoir: black that – ceasing to be – becomes an emitter of clarity, of secret light. Outrenoir: a black mental field that differs from mere black. »
Pierre Soulages
Au printemps 1979, dans son atelier de Sète face à la Méditerranée, Pierre Soulages fait une découverte décisive dans sa trajectoire artistique. Par erreur, le noir a envahi toute la surface d’une toile qu’il est en train de peindre. Couverte intégralement de peinture, l’œuvre ne présente plus de distinction entre premier et arrière plans ; toutefois, les jeux de texture de la surface (crêtes et creux de l’huile appliquée en couches épaisses) reflètent la lumière extérieure, comme si le noir était devenu un émetteur de lumière. L’artiste donnera à cette révolution le nom d’outrenoir : comme on dit outre-Atlantique ou outre-Rhin, l’outrenoir invite le regardeur à franchir une frontière, à investir un nouveau champ mental, au-delà de la couleur. Depuis cette année charnière, le peintre n’aura de cesse d’explorer les possibilités multiples offertes par cette approche d’un genre nouveau.
À plusieurs reprises au cours des années 1980, Soulages réintroduira de la couleur au cœur de ses outrenoirs, et en particulier le bleu. C’est le cas dans Peinture 130 x 92 cm, 30 avril 1981 où un bleu outremer vif occupe la partie basse de l’œuvre et transparaît en plusieurs zones de la composition par raclage de la peinture noire. Le noir lui-même, en revanche, est bien celui de l’outrenoir : alternant de larges aplats mats et des zones striées, de peinture plus brillante et dont les sillons captent la lumière et la renvoient d’une façon toujours différente en fonction d’où on contemple l’œuvre. « La lumière venant de la toile vers le regardeur crée un espace devant la toile et le regardeur se trouve dans cet espace ; il y a une instantanéité de la vision pour chaque point de vue, si on en change il y a de dissolution de la première vision, effacement, apparition d’une autre ; […] sous une lumière naturelle, la clarté venant du noir évolue avec celle marquant dans l’immobilité l’écoulement du temps (Pierre Soulages, entretien avec P. Encrevé in « Les éclats du noir », Beaux-Arts Magazine, hors-série, Paris, 1996, pp. 21-31).
In spring 1979, in his Sète studio facing the Mediterranean, Pierre Soulages made a decisive discovery on his artistic path. Black had accidentally taken over the entire surface of a canvas that he was in the middle of painting. Entirely covered in paint, the work no longer showed a distinction between the fore- and background; however, the plays of texture on the surface (ridges and hollows of the oil applied in thick layers) reflected the external light, as if black had become an emitter of light. The artist would give this revolution the name “outrenoir” (beyond black): like outre-Atlantique or outre-Rhin (on the other side of the Atlantic or the Rhine), outrenoir invites the viewer to cross a border and venture into a new mental field, beyond colour. Since this pivotal year, the painter has ceaselessly explored the multiple possibilities offered by this new kind of approach.
On several occasions during the eighties, Soulages would reintroduce colour at the heart of his outrenoirs, especially blue. This is true of Peinture 130 x 92 cm, 30 avril 1981, in which a bright ultramarine blue occupies the lower part of the work and shows through in several areas of the composition where the black paint has been scraped. The black itself, however, is clearly outrenoir black: alternating wide matte flat tints and ridged areas in glossier paint whose grooves capture the light and reflect it in an ever-changing way depending on from where you are contemplating the work. “The light emanating from the canvas to the viewer creates a space in front of the canvas and the viewer finds themselves in this space; there is an immediacy of vision for each viewpoint; if you change it, the first view dissolves and is erased, and another appears; […] in natural light, the clarity emanating from the black moves with that bringing the flow of time to a standstill (Pierre Soulages, interview with P. Encrevé in “Les éclats du noir”, Beaux-Arts Magazine, special edition, Paris, 1996, pp. 21-31).
« Le noir a des possibilités insoupçonnées et, attentif à ce que j’ignore, je vais à leur rencontre. »
« Black has unsuspected possibilities and, since I am attentive to what I do not know, I go to meet them. »
PIERRE SOULAGES