拍品专文
C'est la fin de l'année scolaire 1984-1985. J'ai treize ans. Je sors du collège Montaigne où, comme tous les samedis, le professeur de français nous a donné un cours de théâtre. On a dû y réciter un petit extrait — n'importe lequel — d'un livre qu'on est en train de lire pour soi cette semaine-là. J'ai choisi le roman La tante de Frankenstein d'Allan Rune Petterson qui décrit l’entrée d’une chauve-souris par la fenêtre ouverte d’un vieux salon :
« La chauve-souris fit un tour dans la pièce. L’appel d’air provoqué par ses ailes faisait tomber la poussière et les toiles d’araignée des étagères. Les deux occupants du salon s’étaient levés précipitamment de leur fauteuil et se protégeaient le visage de leurs mains. La chauve-souris fit encore un tour, et dans un grand bruissement d’aile s’immobilisa en l’air. Elle planait sur place : des ailes tomba quelque chose qui ressemblait à un rideau noir… Une forme humaine ! Il y eut un froufrou de tissus et on entendit une paire de chaussures vernies atterrir sur le parquet. Et là, élégant en habit et en cape, pâle comme la mort, un sourire à ses lèvres noires, apparut le comte Dracula. »
À la sortie du collège devant le jardin du Luxembourg, ma mère est venue me chercher. Kinésithérapeute à l'époque, elle doit faire un saut chez Diego qui est un de ses patients — et un de ses amis. Il est dans son atelier de la rue Hippolyte-Maindron. Sur le chemin, je récite à ma mère le texte de la chauve-souris. Elle m'invite à le réciter aussi à Diego. L'extrait lui plaît beaucoup. Il me promet une surprise en retour.
Quelques semaines plus tard, la chauve-souris de Diego entre dans ma vie. Avant de monter dans une ambulance venue le chercher (pour l'hôpital américain où il allait s’éteindre), Diego a demandé à son assistant, un peu comme on se souvient de quelque chose avant de partir, d'assembler pour moi une de ses petites chauves-souris sur trois feuilles de bronze. Je n'étais pas à l'atelier à ce moment-là ; mais le hasard veut que Daniel Marchesseau, lui, l'était — puisqu'il a même eu le temps de photographier la chauve-souris fraichement assemblée.
Certains animaux nocturnes inquiètent parfois ; la chauve-souris de Diego a toujours été une présence malicieuse et rassurante. Et je sais bien, maintenant qu’on lui rouvre la fenêtre, qu’elle n’aura aucun mal à trouver un nouveau salon sur lequel veiller.
Nous remercions Monsieur Daniel Marchesseau, auteur de Diego Giacometti, sculpteur de meubles, publié en 2018, pour son aide à la rédaction de cette notice.
The 1984-1985 school year was ending. I was thirteen years old. I left the Collège Montaigne where, as happened every Saturday, the French teacher had been giving a drama class in which the pupils had to recite a little extract – it didn’t matter what – from a book we were reading to ourselves that week. I chose a piece from the novel Frankenstein’s Aunt by Allan Rune Petterson describing how a bat flew in through the open window of an old drawing room:
“The bat flew round the room. The draught raised by its wings brought down the dust and the cobwebs hanging from the shelves. The two occupants of the living room had jumped up from their armchairs, shielding their faces with their hands. The bat made another tour of the room and, with a great flapping of its wings, stopped in mid-air, hovering on the spot. Something which looked like a black curtain fell from its wings … a human form! There was a rustle of cloth. A pair of shiny shoes could be heard landing on the floor. And there, elegant in a suit and cloak, pale as death, a smile on his black lips, stood Count Dracula”.
When I left the school opposite the Luxembourg gardens my mother came to collect me on her scooter. She was a physiotherapist at the time and had to stop off at Diego’s address as he was one of her patients – and one of her friends. He was in his studio in the Rue Hippolyte-Maindron. On the scooter on the way home, I recited the passage about the bat to my mother. She asked me to recite it to Diego too. He really liked the extract and promised me a surprise in exchange.
Diego’s bat entered my life a few weeks later. Before getting into an ambulance which had come to collect him (to go to the American hospital where he was going to die), Diego asked his assistant, rather as how one remembers something before setting off, to arrange one of his little bats on three bronze leaves for me. I wasn’t in the studio just then but, just by chance, Daniel Marchesseau was there – as he even had the time to photograph the freshly assembled bat.
Certain nocturnal animals can be upsetting sometimes. Diego’s bat has always been a mischievous and reassuring presence. And I’m well aware that, when the window is opened for it once more, it will have no difficulty in finding a new drawing room to watch over.
We would like to thank Mister Daniel Marchesseau, author of Diego Giacometti, sculpteur de meubles, published in 2018, for his assistance with the cataloguing of this lot.
« La chauve-souris fit un tour dans la pièce. L’appel d’air provoqué par ses ailes faisait tomber la poussière et les toiles d’araignée des étagères. Les deux occupants du salon s’étaient levés précipitamment de leur fauteuil et se protégeaient le visage de leurs mains. La chauve-souris fit encore un tour, et dans un grand bruissement d’aile s’immobilisa en l’air. Elle planait sur place : des ailes tomba quelque chose qui ressemblait à un rideau noir… Une forme humaine ! Il y eut un froufrou de tissus et on entendit une paire de chaussures vernies atterrir sur le parquet. Et là, élégant en habit et en cape, pâle comme la mort, un sourire à ses lèvres noires, apparut le comte Dracula. »
À la sortie du collège devant le jardin du Luxembourg, ma mère est venue me chercher. Kinésithérapeute à l'époque, elle doit faire un saut chez Diego qui est un de ses patients — et un de ses amis. Il est dans son atelier de la rue Hippolyte-Maindron. Sur le chemin, je récite à ma mère le texte de la chauve-souris. Elle m'invite à le réciter aussi à Diego. L'extrait lui plaît beaucoup. Il me promet une surprise en retour.
Quelques semaines plus tard, la chauve-souris de Diego entre dans ma vie. Avant de monter dans une ambulance venue le chercher (pour l'hôpital américain où il allait s’éteindre), Diego a demandé à son assistant, un peu comme on se souvient de quelque chose avant de partir, d'assembler pour moi une de ses petites chauves-souris sur trois feuilles de bronze. Je n'étais pas à l'atelier à ce moment-là ; mais le hasard veut que Daniel Marchesseau, lui, l'était — puisqu'il a même eu le temps de photographier la chauve-souris fraichement assemblée.
Certains animaux nocturnes inquiètent parfois ; la chauve-souris de Diego a toujours été une présence malicieuse et rassurante. Et je sais bien, maintenant qu’on lui rouvre la fenêtre, qu’elle n’aura aucun mal à trouver un nouveau salon sur lequel veiller.
Nous remercions Monsieur Daniel Marchesseau, auteur de Diego Giacometti, sculpteur de meubles, publié en 2018, pour son aide à la rédaction de cette notice.
The 1984-1985 school year was ending. I was thirteen years old. I left the Collège Montaigne where, as happened every Saturday, the French teacher had been giving a drama class in which the pupils had to recite a little extract – it didn’t matter what – from a book we were reading to ourselves that week. I chose a piece from the novel Frankenstein’s Aunt by Allan Rune Petterson describing how a bat flew in through the open window of an old drawing room:
“The bat flew round the room. The draught raised by its wings brought down the dust and the cobwebs hanging from the shelves. The two occupants of the living room had jumped up from their armchairs, shielding their faces with their hands. The bat made another tour of the room and, with a great flapping of its wings, stopped in mid-air, hovering on the spot. Something which looked like a black curtain fell from its wings … a human form! There was a rustle of cloth. A pair of shiny shoes could be heard landing on the floor. And there, elegant in a suit and cloak, pale as death, a smile on his black lips, stood Count Dracula”.
When I left the school opposite the Luxembourg gardens my mother came to collect me on her scooter. She was a physiotherapist at the time and had to stop off at Diego’s address as he was one of her patients – and one of her friends. He was in his studio in the Rue Hippolyte-Maindron. On the scooter on the way home, I recited the passage about the bat to my mother. She asked me to recite it to Diego too. He really liked the extract and promised me a surprise in exchange.
Diego’s bat entered my life a few weeks later. Before getting into an ambulance which had come to collect him (to go to the American hospital where he was going to die), Diego asked his assistant, rather as how one remembers something before setting off, to arrange one of his little bats on three bronze leaves for me. I wasn’t in the studio just then but, just by chance, Daniel Marchesseau was there – as he even had the time to photograph the freshly assembled bat.
Certain nocturnal animals can be upsetting sometimes. Diego’s bat has always been a mischievous and reassuring presence. And I’m well aware that, when the window is opened for it once more, it will have no difficulty in finding a new drawing room to watch over.
We would like to thank Mister Daniel Marchesseau, author of Diego Giacometti, sculpteur de meubles, published in 2018, for his assistance with the cataloguing of this lot.