拍品专文
La composition savante et élégante de ce sublime tapis, son décor et sa technique caractéristiques permettent de le rattacher à un groupe bien identifié d’œuvres tissées à la Savonnerie durant les décennies 1640 – 1660. Tantôt appelés Louis XIII en raison de leur décor, tantôt Louis XIV en raison des dates officielles du règne du Roi-Soleil, ces tapis, dont le nôtre figure parmi les plus beaux, ont en réalité été tissés durant cette période charnière de la Régence d’Anne d’Autriche.
Historiquement, cette période de transition correspond à l’affirmation de l’absolutisme royal et à la mise au pas du Parlement. Dans le domaine des arts décoratifs notamment, elle correspond, après l’absorption de toutes les influences étrangères durant la première moitié du siècle, à la naissance d’un langage vernaculaire et à l’essor de manufactures. Bientôt leur rayonnement fabuleux allait permettre à la France de connaître ce que l’Histoire appelle aujourd’hui le Grand Siècle.
En effet dès 1604, Henri IV voulait limiter l’importation ruineuse des tapis de Perse et du Levant et encourager la production française. Il installa dans la Grande Galerie du Louvre le tapissier Pierre Dupont, chargé de mettre au point la technique permettant de contrefaire les tapis « façon de Turquie et du Levant ». Quelques années plus tard, en 1625, son meilleur élève Simon Lourdet créait avec l’aide de Marie de Médicis un atelier dans une ancienne fabrique de savons sur la colline de Chaillot. Dupont et Lourdet s’associaient un an plus tard pour bénéficier des privilèges accordés par le Roi. La savonnerie était née, qui comprenait alors deux ateliers distincts (P. Verlet, The James Rothschild Collection at Waddesdon Manor, The Savonnerie, Londres, 1982, pp. 17-34).
C’est celui de Chaillot qui a réalisé le magnifique parterre de fleurs que nous présentons ici. Il correspond tout à fait à la description d’un tapis acheté à Lourdet en 1661 par la reine Marie-Thérèse d’Autriche « … au milieu duquel est un gros bouquet de fleurs dans une bordure ovale de fleurs, liée de quatre rubans bleu, avec deux vases bleus à godrons jaune remplis de fleurs … » (J. Guiffrey, Inventaire général du mobilier de la Couronne sous Louis XIV (1663-1715), 1886, I, p.410, n°237).
Si la description correspond en tout point à notre tapis, on retrouve ce décor central sur d’autres pièces, nécessairement tissées par le même atelier à la même époque. Citons par exemple le tapis de Vaux-le-Vicomte, qui ne diffère du nôtre que par ses dimensions (J. Vittet, Un temps d’exubérance, les arts décoratifs sous Louis XIII et la Régence, Cat. Expo. Grand-Palais, Paris, 2012, pp.187-188, ill. n°109). Ce décor central se retrouve également sur le tapis vendu avec la collection Georges Blumenthal (sa vente, Paris, Galerie Georges Petit, 2 décembre 1932, lot 193, pl. XCIII) et celui d’une collection Rothschild présenté aux enchères plus récemment (vente Christie’s, Londres, 4 juillet 2019, lot 8).
Outre le décor central, notre tapis présente en encadrement une fine bordure à décor de fleurs bleues et de feuilles vertes considérées par Jean Vittet comme une « signature de l’atelier de Chaillot ». On retrouve précisément cet élément sur l’inventaire des collections du cardinal Mazarin dressé en 1653 qui mentionne « un grand tapis de Savonnerie à fonds noir, (…) le dit tapis ayant une grande frize remplie de fleurs, de pots et de panniers plains de fleurs entre deux petites bordures, l’une ornée de coquilles blanches, et l’autre de rozettes bleües et feuilles vertes… » (H. d’Orléans, duc d’Aumale, Inventaire de tous les meubles du Cardinal Mazarin : dressé en 1653, et publié d'après l'original, conservé dans les archives de Condé, 1861, p.170).
Les coupes d’orfèvrerie aux anses en mufles de lion ou ornées de chimères que l’on observe en bordure se retrouvent également sur d’autre tapis prestigieux de la Savonnerie : celui conservé au Musée Nissim de Camondo (Inv. 177) et celui de l’ancienne collection Wrightsman qui se trouve aujourd’hui au Metropolitan Museum de New-York (inv. 1976.155.III).
On ignore encore qui donna les modèles de ce corpus très restreint. Au vu de l’équilibre et de la complexité du décor, un carton a dû être réalisé préalablement au tissage. Le nom de Georges Baussonet a été avancé, la bibliothèque municipale de Rheims conservant plusieurs dessins de sa main préparatifs à la réalisation de tapis dans les années 1610-1620. Sarah B. Sherill avait également tenté un rapprochement entre le dessin du panier en vannerie remplie de fleurs et une peinture de Jacques Linard conservée au Musée du Louvre (S. Sherill, Tapis d’Occident, New-York, 1996, p. 65).
La production de Simon Lourdet à Chaillot a fait l’objet de recherches fouillées. Entre autres sources importantes, la correspondance de Catherine de France, dite Madame Royale avec sa fille la duchesse de Bavière en 1652 est particulièrement intéressante (Turin, Archivio di Stato, Lettere Ministri Francia, 58, doss. 3). On y apprend le prix très élevé d’un tapis comme le nôtre : entre 2.100 et 2.600 livres, les longs délais de commande nécessaires à son exécution : au moins un an, et qu’ils sont réservés aux « persones de condition ». De fait : le Roi, la Reine, le cardinal Mazarin, la princesse de Condé, de rares aristocrates amateurs et privilégiés comme le marquis d’Effiat ou le duc de Nemours ont seuls eu accès à ces tapis prestigieux. Au cours des siècles, ces somptueux parterres de laine n’ont connu aucun désamour, devenant l’apanage des collections les plus prestigieuses : Fould, Blumenthal, Sommier, Rothschild, Wrightsman… une litanie qui en dira suffisamment long à l’amateur éclairé.
Historiquement, cette période de transition correspond à l’affirmation de l’absolutisme royal et à la mise au pas du Parlement. Dans le domaine des arts décoratifs notamment, elle correspond, après l’absorption de toutes les influences étrangères durant la première moitié du siècle, à la naissance d’un langage vernaculaire et à l’essor de manufactures. Bientôt leur rayonnement fabuleux allait permettre à la France de connaître ce que l’Histoire appelle aujourd’hui le Grand Siècle.
En effet dès 1604, Henri IV voulait limiter l’importation ruineuse des tapis de Perse et du Levant et encourager la production française. Il installa dans la Grande Galerie du Louvre le tapissier Pierre Dupont, chargé de mettre au point la technique permettant de contrefaire les tapis « façon de Turquie et du Levant ». Quelques années plus tard, en 1625, son meilleur élève Simon Lourdet créait avec l’aide de Marie de Médicis un atelier dans une ancienne fabrique de savons sur la colline de Chaillot. Dupont et Lourdet s’associaient un an plus tard pour bénéficier des privilèges accordés par le Roi. La savonnerie était née, qui comprenait alors deux ateliers distincts (P. Verlet, The James Rothschild Collection at Waddesdon Manor, The Savonnerie, Londres, 1982, pp. 17-34).
C’est celui de Chaillot qui a réalisé le magnifique parterre de fleurs que nous présentons ici. Il correspond tout à fait à la description d’un tapis acheté à Lourdet en 1661 par la reine Marie-Thérèse d’Autriche « … au milieu duquel est un gros bouquet de fleurs dans une bordure ovale de fleurs, liée de quatre rubans bleu, avec deux vases bleus à godrons jaune remplis de fleurs … » (J. Guiffrey, Inventaire général du mobilier de la Couronne sous Louis XIV (1663-1715), 1886, I, p.410, n°237).
Si la description correspond en tout point à notre tapis, on retrouve ce décor central sur d’autres pièces, nécessairement tissées par le même atelier à la même époque. Citons par exemple le tapis de Vaux-le-Vicomte, qui ne diffère du nôtre que par ses dimensions (J. Vittet, Un temps d’exubérance, les arts décoratifs sous Louis XIII et la Régence, Cat. Expo. Grand-Palais, Paris, 2012, pp.187-188, ill. n°109). Ce décor central se retrouve également sur le tapis vendu avec la collection Georges Blumenthal (sa vente, Paris, Galerie Georges Petit, 2 décembre 1932, lot 193, pl. XCIII) et celui d’une collection Rothschild présenté aux enchères plus récemment (vente Christie’s, Londres, 4 juillet 2019, lot 8).
Outre le décor central, notre tapis présente en encadrement une fine bordure à décor de fleurs bleues et de feuilles vertes considérées par Jean Vittet comme une « signature de l’atelier de Chaillot ». On retrouve précisément cet élément sur l’inventaire des collections du cardinal Mazarin dressé en 1653 qui mentionne « un grand tapis de Savonnerie à fonds noir, (…) le dit tapis ayant une grande frize remplie de fleurs, de pots et de panniers plains de fleurs entre deux petites bordures, l’une ornée de coquilles blanches, et l’autre de rozettes bleües et feuilles vertes… » (H. d’Orléans, duc d’Aumale, Inventaire de tous les meubles du Cardinal Mazarin : dressé en 1653, et publié d'après l'original, conservé dans les archives de Condé, 1861, p.170).
Les coupes d’orfèvrerie aux anses en mufles de lion ou ornées de chimères que l’on observe en bordure se retrouvent également sur d’autre tapis prestigieux de la Savonnerie : celui conservé au Musée Nissim de Camondo (Inv. 177) et celui de l’ancienne collection Wrightsman qui se trouve aujourd’hui au Metropolitan Museum de New-York (inv. 1976.155.III).
On ignore encore qui donna les modèles de ce corpus très restreint. Au vu de l’équilibre et de la complexité du décor, un carton a dû être réalisé préalablement au tissage. Le nom de Georges Baussonet a été avancé, la bibliothèque municipale de Rheims conservant plusieurs dessins de sa main préparatifs à la réalisation de tapis dans les années 1610-1620. Sarah B. Sherill avait également tenté un rapprochement entre le dessin du panier en vannerie remplie de fleurs et une peinture de Jacques Linard conservée au Musée du Louvre (S. Sherill, Tapis d’Occident, New-York, 1996, p. 65).
La production de Simon Lourdet à Chaillot a fait l’objet de recherches fouillées. Entre autres sources importantes, la correspondance de Catherine de France, dite Madame Royale avec sa fille la duchesse de Bavière en 1652 est particulièrement intéressante (Turin, Archivio di Stato, Lettere Ministri Francia, 58, doss. 3). On y apprend le prix très élevé d’un tapis comme le nôtre : entre 2.100 et 2.600 livres, les longs délais de commande nécessaires à son exécution : au moins un an, et qu’ils sont réservés aux « persones de condition ». De fait : le Roi, la Reine, le cardinal Mazarin, la princesse de Condé, de rares aristocrates amateurs et privilégiés comme le marquis d’Effiat ou le duc de Nemours ont seuls eu accès à ces tapis prestigieux. Au cours des siècles, ces somptueux parterres de laine n’ont connu aucun désamour, devenant l’apanage des collections les plus prestigieuses : Fould, Blumenthal, Sommier, Rothschild, Wrightsman… une litanie qui en dira suffisamment long à l’amateur éclairé.