拍品专文
Elégante par sa ligne et ses proportions, luxueuse par les bronzes dorés qui l’ornent et par son placage de citronnier au lieu du traditionnel acajou à cette époque, la présente commode est une synthèse du mobilier d’exception réalisé en cette période post-révolutionnaire de la fin du XVIIIe siècle, par le dernier Ebéniste du roi : Guillaume Benneman.
La destinée de Guillaume Benneman (vers 1750-1811, reçu maître en 1785) est fascinante. Il arrive tardivement d’Allemagne dont il est natif pour s’installer en tant qu’ébéniste rue du faubourg Saint-Antoine puis rue Forest dans le quartier du Temple. Il exerce alors en tant qu’ouvrier libre. Guidé par sa bonne étoile, il décide de participer à l’« appel d’offre » lancé par le Garde-Meuble de la Couronne qui, dans un contexte de crise économique, cherche un inconnu comme alternative à Riesener devenu trop cher.
Guillaume Benneman et le Garde-Meuble de la Couronne
En 1784-1785 l’excessivité des prix de Jean-Henri Riesener est mise en avant par le nouveau directeur du Garde-Meuble royal, Thierry de Ville-d’Avray, qui lui préfère alors Benneman, aussi soucieux de la qualité des placages et des bronzes employés sur ses meubles que son compatriote. On lui octroie alors la maîtrise de menuisier-ébéniste avec dispense de droits et conditions d’accès à la profession le 14 août 1785.
Guillaume Benneman achève donc la liste prestigieuse des ébénistes fournisseurs du Garde-Meuble de la Couronne : Antoine-Robert Gaudreaux fils (1751-1752), Gilles Joubert (1752-1774) puis Jean-Henri Riesener (1774-1786).
De 1786 à 1792, Benneman livre 235 meubles pour un total de 59.555 livres. 1786 et 1790 sont les deux années les plus prolifiques pour l’ébéniste, puisque le montant total de ses factures s’élève respectivement à 38.052 livres et 14.945 livres.
Cependant, il convient de nuancer la liberté de Benneman puisque les meubles qu’il livre pour le Garde-Meuble répondent à un programme savamment orchestré par le sculpteur sur bois Jean Hauré.
Le Garde-Meuble de la Couronne étant l’administration tenue de gérer le mobilier et les objets d’art placés dans toutes les résidences royales, Hauré, dirige en tant que maître d’œuvre tous les travaux d’ébénisterie, fonte, ciselure, dorure, marbrerie et serrurerie. Pour ce faire, il distingue la production courante de celle plus luxueuse alors sous-traitée au marchand- mercier Dominique Daguerre.
Jean Hauré lance une politique de restauration des meubles déjà présents dans les différentes résidences royales mais également de copies voire de transformations. Ces opérations sont effectuées au sein de l’atelier de Benneman qui compte sous ses ordres une quinzaine d’ouvriers employés par le Garde-Meuble.
Aux alentours de 1788, l’influence d’Hauré semble s’estomper au sein du Garde-Meuble ; Benneman continue cependant à collaborer avec l’administration et voit son carnet de commandes prendre de l’ampleur en parallèle des effectifs de son atelier qui culminent à vingt en 1788.
Le 2 juin 1789, Benneman est nommé officiellement Ebéniste du roi. Jusqu’en 1792, Benneman réalise de nombreux meubles essentiellement pour Versailles et Saint-Cloud puis dans une moindre mesure dans les derniers temps pour les Tuileries et Compiègne.
Un Corpus restreint
Ce n’est réellement qu’à partir de 1787 que Benneman livre des créations personnelles. Cette commode s’inscrit dans un corpus assez restreint, lui-même appartenant aux meubles luxueux livrés par Benneman à la fin du XVIIIe siècle où on note un regain d’intérêt pour ce type de meubles après la Terreur, que ce soit en France ou pour les cours étrangères comme la Russie ou l’Espagne.
Ce meuble présente une riche ornementation de bronze doré que l’on retrouve sur quelques autres pièces, à l’instar du putto si caractéristique représenté en atlante, ainsi que les poignées tombantes en guirlandes de laurier retenues par des amours, ou encore l’élégante frise d’entrelacs en partie basse, à savoir :
- Pour les putti et les poignées :
Une commode en placage d’acajou des collections Rosebery au château de Mentmore ; vente Sotheby’s Parke Bernet, 18 mai 1977, lot 126 ;
Un secrétaire à abattant en suite de la commode précédente, des collections Rosebery au château de Mentmore ; vente Sotheby’s Parke Bernet, 18 mai 1977, lot 126, ancienne collection George Watson Taylor, vente Christie, 25 mai 1825, lot 26 ;
Une paire de commodes en acajou d’une collection privée (reproduites dans Cat. Expo. « Elements of style », Rosenberg & Stiebel, New York, 1984);
Un secrétaire conservé au Victoria and Albert museum, Londres (inv. W.23:1to3-1958) ;
Un secrétaire et une commode en pendant tous deux conservés dans le Salon jaune du Palacio Real de Madrid.
- Pour les poignées et la frise d’entrelacs en partie basse:
Une commode provenant du palais de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, vente Sotheby’s, Londres, 17 avril 1964, lot 117 et illustrée dans A. Pradère, Les Ebénistes de Louis XIV à la Révolution, Paris, 1989, p. 405 ;
Un secrétaire en suite avec la commode précédente, livré également pour la chambre du trésorier de l’impératrice au palais de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, vente Sotheby’s, Londres, 17 avril 1964, lot 118 (illustrée dans A. Pradère, Op. Cit.¸ p. 404) ;
Une commode conservée au musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg (inv. Эпр-5080).
- Pour la frise d’entrelacs en partie basse :
Un secrétaire aux cariatides livré en 1786 pour le Cabinet intérieur de Louis XVI à Compiègne et aujourd’hui conservé au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. 1971.206.17) et illustré dans le catalogue d’exposition « Louis XVI et Marie-Antoinette à Compiègne », (Op. Cit. p. 38).
Les commodes de ce corpus adoptent toutes la même structure : trois tiroirs en ceinture surmontant deux rangs de tiroir, des montants en colonne détachée prolongés par des pieds en toupie.
Un marché européen pour les meubles de Benneman
En cette période post-Révolution, Guillaume Benneman entretien des rapports avérés avec le monde du commerce comme Jean-Louis Collignon à qui il vend toute une série de meubles en acajou en 1798 ; meubles que Collignon revend à son tour à la cour impériale russe.
Collignon acquiert de nombreuses pièces lors des ventes révolutionnaires. Il est en activité jusqu’en 1801.
La présence des étiquettes de Rocheux, bien que non mentionnée dans la vente Watson Taylor, ne soulève pas de doute particulier. Denise Ledoux Lebard dans son Dictionnaire des Ebénistes du XIXe siècle rapporte que Rocheux est établi de 1805 jusqu’à sa mort en 1821 rue de la Concorde (rue Royale). Lors des ventes révolutionnaires, il s’était porté acquéreur de pièces importantes. Sa boutique est réputée et possède une belle clientèle voire prestigieuse avec la famille impériale pour le palais de Fontainebleau. La vente de son stock qui a lieu le 29 janvier 1821 permet d’en constater la qualité. On y retrouve notamment des meubles Boulle (bureaux, bibliothèque, armoire, baromètre, coffres, etc.), ou encore des meubles de Riesener (un grand bureau, un autre bureau et une console desserte) ; la présente commode n’y figure pas.
On ignore donc à quel moment cette commode rejoint l’Angleterre. Soit elle y est arrivée dans les années 1802, au moment de la paix d’Amiens où le marché anglais est très actif ; soit après le blocus, à partir de 1815.
Les papiers du marchand Rocheux évoquent la piste d’une filière anglaise puisqu’un certain M. Benoist de Londres lui était débiteur de 6.000 francs.
Une provenance prestigieuse : George Watson Taylor (1770-1841)
La présente commode a en effet fait partie de l’une des vacations consacrées à la dispersion de la collection de George Watson Taylor ployant sous le poids d’importantes difficultés financières.
On identifie la commode sous le lot 27 :
27. A Superb chest of three larger, and three smaller drawers, fronted with satinwood, with inlaid borders of mahogany. The fronts of the three smaller drawers, and the locks and the handles of the larger, are composed of tablets with ornaments of or-moulu: the handles in particular, formed of festoons borne by Amorini, are worthy of the fine taste of the Cinque Cento artists: a pair of columns at the hangles, fluted and enriched with or-moulu, are surmounted by figures of infants bending under the slab of brocadella which they support – from the Palace of Compiegne, 5 feet long and 2 feet wide.
(Selection of sumptuous articles of Parisian and other furniture (…) from the late very distinguished town mansion of G. Watson Taylor, vente Christie, Londres, 28 mai 1825).
George Watson Taylor appartient à un groupe d’amateurs francophiles installés en Angleterre parmi lequel on compte George IV (1762-1830) et le 10e duc d’Hamilton (1767-1852). Malgré un début de vie relativement modeste, son mariage en 1810 avec la fille d’un baronnet, Anna Susana Taylor, lui permet d’hériter en 1815 d’une grande fortune. Le couple devient propriétaire d’une élégante maison sur Cavendish Square et est propulsé au rang des couples les plus en vue de la société londonienne. A ce patrimoine foncier, s’ajoute un grand manoir de campagne à Erlestoke, dans le Wiltshire (H. Roberts, « Quite appropriate for Windsor Castle. George IV and George Watson Taylor » in Furniture History Society, Vol. 36, 2000, p. 115).
Grâce à cette nouvelle fortune, Watson Taylor commença à collectionner des œuvres d’art des plus somptueuses. Sa collection de meubles et œuvres d’art français et italiens devient vite célèbre. En janvier 1822, le Morning Post rapporte que « M. Watson Taylor a récemment importé une vaste collection d’antiquités, de bronzes et de meubles, la première d’Italie, la dernière de Paris » (ibid, p. 118). George IV se rend en personne à Cavendish House admirer ce fabuleux ensemble, sans doute attiré par les descriptions rapportées des intérieurs cossus des Watson Taylor.
Cependant au début des années 1820, en raison de pertes importantes de revenus émanant des plantations conjuguées à des dépenses incontrôlées, Georges Watson Taylor se voit dans l’obligation de vendre sa collection d’œuvres lors d’une série de ventes qui débute en 1823. La vente des tableaux et des meubles de Cavendish Square est organisée par Christie’s les 13 et 14 juin 1823 et 28 mai 1825.
La commode présentée sous le lot 27 de la vente de 1825 est adjugée 342 £ et 6 deniers au marchand londonien George Alexander Gasley installé rue Great Newport Street.
Cette vente rassemble deux critères-clefs pour les antiquaires, sur-représentés parmi les acheteurs : des chefs-d’œuvre avec une provenance prestigieuse. On retrouve certains antiquaires achetant pour le compte de George IV, Robert Hume, Robert Fogg ou encore Edward Baldock. Toujours dans cette vente de 1825, George IV a acquis 31 lots pour un total de 4.868 £ dont six meubles de Jean-Henri Riesener (par l’intermédiaire de Fogg) dont les chefs-d’œuvre de la vente, le serre-bijoux de la comtesse de Provence et un bureau à cylindre royal (toujours conservé dans les collections royales).
Il est très probable que l’antiquaire Gasley représentait également un artistocrate de haut rang au moment de la vente. En 1827, la commode n’est plus dans son stock et ne figure pas à sa vente du 2 juillet. On note qu’au même moment, George Watson Taylor est enregistré en tant que débiteur.
La destinée de Guillaume Benneman (vers 1750-1811, reçu maître en 1785) est fascinante. Il arrive tardivement d’Allemagne dont il est natif pour s’installer en tant qu’ébéniste rue du faubourg Saint-Antoine puis rue Forest dans le quartier du Temple. Il exerce alors en tant qu’ouvrier libre. Guidé par sa bonne étoile, il décide de participer à l’« appel d’offre » lancé par le Garde-Meuble de la Couronne qui, dans un contexte de crise économique, cherche un inconnu comme alternative à Riesener devenu trop cher.
Guillaume Benneman et le Garde-Meuble de la Couronne
En 1784-1785 l’excessivité des prix de Jean-Henri Riesener est mise en avant par le nouveau directeur du Garde-Meuble royal, Thierry de Ville-d’Avray, qui lui préfère alors Benneman, aussi soucieux de la qualité des placages et des bronzes employés sur ses meubles que son compatriote. On lui octroie alors la maîtrise de menuisier-ébéniste avec dispense de droits et conditions d’accès à la profession le 14 août 1785.
Guillaume Benneman achève donc la liste prestigieuse des ébénistes fournisseurs du Garde-Meuble de la Couronne : Antoine-Robert Gaudreaux fils (1751-1752), Gilles Joubert (1752-1774) puis Jean-Henri Riesener (1774-1786).
De 1786 à 1792, Benneman livre 235 meubles pour un total de 59.555 livres. 1786 et 1790 sont les deux années les plus prolifiques pour l’ébéniste, puisque le montant total de ses factures s’élève respectivement à 38.052 livres et 14.945 livres.
Cependant, il convient de nuancer la liberté de Benneman puisque les meubles qu’il livre pour le Garde-Meuble répondent à un programme savamment orchestré par le sculpteur sur bois Jean Hauré.
Le Garde-Meuble de la Couronne étant l’administration tenue de gérer le mobilier et les objets d’art placés dans toutes les résidences royales, Hauré, dirige en tant que maître d’œuvre tous les travaux d’ébénisterie, fonte, ciselure, dorure, marbrerie et serrurerie. Pour ce faire, il distingue la production courante de celle plus luxueuse alors sous-traitée au marchand- mercier Dominique Daguerre.
Jean Hauré lance une politique de restauration des meubles déjà présents dans les différentes résidences royales mais également de copies voire de transformations. Ces opérations sont effectuées au sein de l’atelier de Benneman qui compte sous ses ordres une quinzaine d’ouvriers employés par le Garde-Meuble.
Aux alentours de 1788, l’influence d’Hauré semble s’estomper au sein du Garde-Meuble ; Benneman continue cependant à collaborer avec l’administration et voit son carnet de commandes prendre de l’ampleur en parallèle des effectifs de son atelier qui culminent à vingt en 1788.
Le 2 juin 1789, Benneman est nommé officiellement Ebéniste du roi. Jusqu’en 1792, Benneman réalise de nombreux meubles essentiellement pour Versailles et Saint-Cloud puis dans une moindre mesure dans les derniers temps pour les Tuileries et Compiègne.
Un Corpus restreint
Ce n’est réellement qu’à partir de 1787 que Benneman livre des créations personnelles. Cette commode s’inscrit dans un corpus assez restreint, lui-même appartenant aux meubles luxueux livrés par Benneman à la fin du XVIIIe siècle où on note un regain d’intérêt pour ce type de meubles après la Terreur, que ce soit en France ou pour les cours étrangères comme la Russie ou l’Espagne.
Ce meuble présente une riche ornementation de bronze doré que l’on retrouve sur quelques autres pièces, à l’instar du putto si caractéristique représenté en atlante, ainsi que les poignées tombantes en guirlandes de laurier retenues par des amours, ou encore l’élégante frise d’entrelacs en partie basse, à savoir :
- Pour les putti et les poignées :
Une commode en placage d’acajou des collections Rosebery au château de Mentmore ; vente Sotheby’s Parke Bernet, 18 mai 1977, lot 126 ;
Un secrétaire à abattant en suite de la commode précédente, des collections Rosebery au château de Mentmore ; vente Sotheby’s Parke Bernet, 18 mai 1977, lot 126, ancienne collection George Watson Taylor, vente Christie, 25 mai 1825, lot 26 ;
Une paire de commodes en acajou d’une collection privée (reproduites dans Cat. Expo. « Elements of style », Rosenberg & Stiebel, New York, 1984);
Un secrétaire conservé au Victoria and Albert museum, Londres (inv. W.23:1to3-1958) ;
Un secrétaire et une commode en pendant tous deux conservés dans le Salon jaune du Palacio Real de Madrid.
- Pour les poignées et la frise d’entrelacs en partie basse:
Une commode provenant du palais de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, vente Sotheby’s, Londres, 17 avril 1964, lot 117 et illustrée dans A. Pradère, Les Ebénistes de Louis XIV à la Révolution, Paris, 1989, p. 405 ;
Un secrétaire en suite avec la commode précédente, livré également pour la chambre du trésorier de l’impératrice au palais de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, vente Sotheby’s, Londres, 17 avril 1964, lot 118 (illustrée dans A. Pradère, Op. Cit.¸ p. 404) ;
Une commode conservée au musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg (inv. Эпр-5080).
- Pour la frise d’entrelacs en partie basse :
Un secrétaire aux cariatides livré en 1786 pour le Cabinet intérieur de Louis XVI à Compiègne et aujourd’hui conservé au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. 1971.206.17) et illustré dans le catalogue d’exposition « Louis XVI et Marie-Antoinette à Compiègne », (Op. Cit. p. 38).
Les commodes de ce corpus adoptent toutes la même structure : trois tiroirs en ceinture surmontant deux rangs de tiroir, des montants en colonne détachée prolongés par des pieds en toupie.
Un marché européen pour les meubles de Benneman
En cette période post-Révolution, Guillaume Benneman entretien des rapports avérés avec le monde du commerce comme Jean-Louis Collignon à qui il vend toute une série de meubles en acajou en 1798 ; meubles que Collignon revend à son tour à la cour impériale russe.
Collignon acquiert de nombreuses pièces lors des ventes révolutionnaires. Il est en activité jusqu’en 1801.
La présence des étiquettes de Rocheux, bien que non mentionnée dans la vente Watson Taylor, ne soulève pas de doute particulier. Denise Ledoux Lebard dans son Dictionnaire des Ebénistes du XIXe siècle rapporte que Rocheux est établi de 1805 jusqu’à sa mort en 1821 rue de la Concorde (rue Royale). Lors des ventes révolutionnaires, il s’était porté acquéreur de pièces importantes. Sa boutique est réputée et possède une belle clientèle voire prestigieuse avec la famille impériale pour le palais de Fontainebleau. La vente de son stock qui a lieu le 29 janvier 1821 permet d’en constater la qualité. On y retrouve notamment des meubles Boulle (bureaux, bibliothèque, armoire, baromètre, coffres, etc.), ou encore des meubles de Riesener (un grand bureau, un autre bureau et une console desserte) ; la présente commode n’y figure pas.
On ignore donc à quel moment cette commode rejoint l’Angleterre. Soit elle y est arrivée dans les années 1802, au moment de la paix d’Amiens où le marché anglais est très actif ; soit après le blocus, à partir de 1815.
Les papiers du marchand Rocheux évoquent la piste d’une filière anglaise puisqu’un certain M. Benoist de Londres lui était débiteur de 6.000 francs.
Une provenance prestigieuse : George Watson Taylor (1770-1841)
La présente commode a en effet fait partie de l’une des vacations consacrées à la dispersion de la collection de George Watson Taylor ployant sous le poids d’importantes difficultés financières.
On identifie la commode sous le lot 27 :
27. A Superb chest of three larger, and three smaller drawers, fronted with satinwood, with inlaid borders of mahogany. The fronts of the three smaller drawers, and the locks and the handles of the larger, are composed of tablets with ornaments of or-moulu: the handles in particular, formed of festoons borne by Amorini, are worthy of the fine taste of the Cinque Cento artists: a pair of columns at the hangles, fluted and enriched with or-moulu, are surmounted by figures of infants bending under the slab of brocadella which they support – from the Palace of Compiegne, 5 feet long and 2 feet wide.
(Selection of sumptuous articles of Parisian and other furniture (…) from the late very distinguished town mansion of G. Watson Taylor, vente Christie, Londres, 28 mai 1825).
George Watson Taylor appartient à un groupe d’amateurs francophiles installés en Angleterre parmi lequel on compte George IV (1762-1830) et le 10e duc d’Hamilton (1767-1852). Malgré un début de vie relativement modeste, son mariage en 1810 avec la fille d’un baronnet, Anna Susana Taylor, lui permet d’hériter en 1815 d’une grande fortune. Le couple devient propriétaire d’une élégante maison sur Cavendish Square et est propulsé au rang des couples les plus en vue de la société londonienne. A ce patrimoine foncier, s’ajoute un grand manoir de campagne à Erlestoke, dans le Wiltshire (H. Roberts, « Quite appropriate for Windsor Castle. George IV and George Watson Taylor » in Furniture History Society, Vol. 36, 2000, p. 115).
Grâce à cette nouvelle fortune, Watson Taylor commença à collectionner des œuvres d’art des plus somptueuses. Sa collection de meubles et œuvres d’art français et italiens devient vite célèbre. En janvier 1822, le Morning Post rapporte que « M. Watson Taylor a récemment importé une vaste collection d’antiquités, de bronzes et de meubles, la première d’Italie, la dernière de Paris » (ibid, p. 118). George IV se rend en personne à Cavendish House admirer ce fabuleux ensemble, sans doute attiré par les descriptions rapportées des intérieurs cossus des Watson Taylor.
Cependant au début des années 1820, en raison de pertes importantes de revenus émanant des plantations conjuguées à des dépenses incontrôlées, Georges Watson Taylor se voit dans l’obligation de vendre sa collection d’œuvres lors d’une série de ventes qui débute en 1823. La vente des tableaux et des meubles de Cavendish Square est organisée par Christie’s les 13 et 14 juin 1823 et 28 mai 1825.
La commode présentée sous le lot 27 de la vente de 1825 est adjugée 342 £ et 6 deniers au marchand londonien George Alexander Gasley installé rue Great Newport Street.
Cette vente rassemble deux critères-clefs pour les antiquaires, sur-représentés parmi les acheteurs : des chefs-d’œuvre avec une provenance prestigieuse. On retrouve certains antiquaires achetant pour le compte de George IV, Robert Hume, Robert Fogg ou encore Edward Baldock. Toujours dans cette vente de 1825, George IV a acquis 31 lots pour un total de 4.868 £ dont six meubles de Jean-Henri Riesener (par l’intermédiaire de Fogg) dont les chefs-d’œuvre de la vente, le serre-bijoux de la comtesse de Provence et un bureau à cylindre royal (toujours conservé dans les collections royales).
Il est très probable que l’antiquaire Gasley représentait également un artistocrate de haut rang au moment de la vente. En 1827, la commode n’est plus dans son stock et ne figure pas à sa vente du 2 juillet. On note qu’au même moment, George Watson Taylor est enregistré en tant que débiteur.