拍品专文
«Le rapprochement d'un noir et d'un bleu a toujours quelque chose d'assez sensuel, on s'y livre avec une certaine volupté'. »
'Bringing black and blue together is always quite sensual, it produces a certain frisson of pleasure.'
PIERRE SOULAGES
Au printemps de l’année 1986, alors que Pierre Soulages se trouve dans son atelier de Sète en surplomb de la Méditerranée, un accident singulier survient, qui déclenchera une évolution décisive dans le travail du peintre : le bleu de la mer vient interagir avec le noir de l’une de ses œuvres. « C'est lorsque j'ai cru voir un vrai bleu dans une toile, peinte pourtant avec du noir seul, mais qui avait les reflets d'un bleu intense, que j'ai eu envie d'y mêler un bleu venant des pigments de la peinture » (O. Pauli, « Les couleurs du noir : entretien avec Pierre Soulages », avril 1990).
S’ensuivra une période de plusieurs années où l’artiste aura recours au bleu pour souligner davantage encore la lumière de ses œuvres, à l’image de Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987. Pour cela, l'artiste enduit d'abord la toile d'une préparation acrylique bleue, puis la recouvre à la brosse d'une épaisse pâte noire. Ce n'est qu’ensuite, en raclant la surface avec une lame, que le bleu initial réapparaîtra çà et là, au gré des sillons et des crêtes de la matière. Pour autant, là encore, le bleu n'est pas considéré en tant que tel, mais davantage pour la lumière qu'il envoie, pour la vibration qu'il engendre au-delà de la toile. Il s'inscrit en quelque sorte dans la continuité chromatique du noir : comme lui, il oblige à penser autrement la notion même de couleur.
Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987 offre un condensé particulièrement abouti de cette utilisation du bleu, qui non seulement s’offre au regard dans la large bande verticale au centre, mais qui surgit également sur les arêtes du tableau, témoignant de la couche sous-jacente de peinture initialement déposée sur la surface. Alternant des pans striés – tantôt verticaux, tantôt obliques – et des zones en aplats – bleu donc, mais aussi noir le long du bord droit – Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987 propulse le regardeur dans l’expérience visuelle qui se trouve au cœur de l’Outrenoir : en fonction de la position d’où elle est contemplée et selon les inflexions de la lumière qui y est projetée, l’œuvre change et se renouvelle sans cesse sous les yeux de celui qui la regarde.
In the spring of 1986, as Pierre Soulages was painting in his studio in Sète overlooking the Mediterranean, a singular accident occurred that would trigger a decisive turning point in the artist's work: the blue of the sea interacted with the black on one of his canvases. 'When I thought I saw a true blue on a canvas that had been painted only with black, but had reflections of an intense blue, I wanted to blend in a blue from the paint pigments' (O. Pauli, 'Les couleurs du noir: entretien avec Pierre Soulages', April 1990).
What followed was a period of several years during which the painter used blue to further accentuate the light in his works, as in Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987. To achieve this effect, the artist first coats the canvas with a blue acrylic preparation, then uses a brush to cover it with a thick black paste. The initial blue does not reappear until the next step, when the surface is raked and it emerges here and there, depending on the furrows and ridges of the matter. And yet, here again, the blue is not considered as such, but instead is employed for the light it reflects and the vibrations it creates beyond the canvas. It somehow falls into the chromatic continuum of black: like black, it demands that one think differently about the very notion of colour.
Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987 is a particularly accomplished example of this use of blue, which not only appears to the eye in the wide vertical stripe in the centre, but also jumps out along the edges of the painting, attesting to the underlying layer of paint first deposited on the surface. Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987 alternates sections of stripes – some vertical, some diagonal – with flat blocks of colour – of blue, yes, but also of black along the right edge. It ushers the viewer into the visual experience that lies at the heart of 'Outrenoir': depending on the viewing angle and the deflections of light cast on it, the work constantly changes and morphs before the eyes of the beholder.
'Bringing black and blue together is always quite sensual, it produces a certain frisson of pleasure.'
PIERRE SOULAGES
Au printemps de l’année 1986, alors que Pierre Soulages se trouve dans son atelier de Sète en surplomb de la Méditerranée, un accident singulier survient, qui déclenchera une évolution décisive dans le travail du peintre : le bleu de la mer vient interagir avec le noir de l’une de ses œuvres. « C'est lorsque j'ai cru voir un vrai bleu dans une toile, peinte pourtant avec du noir seul, mais qui avait les reflets d'un bleu intense, que j'ai eu envie d'y mêler un bleu venant des pigments de la peinture » (O. Pauli, « Les couleurs du noir : entretien avec Pierre Soulages », avril 1990).
S’ensuivra une période de plusieurs années où l’artiste aura recours au bleu pour souligner davantage encore la lumière de ses œuvres, à l’image de Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987. Pour cela, l'artiste enduit d'abord la toile d'une préparation acrylique bleue, puis la recouvre à la brosse d'une épaisse pâte noire. Ce n'est qu’ensuite, en raclant la surface avec une lame, que le bleu initial réapparaîtra çà et là, au gré des sillons et des crêtes de la matière. Pour autant, là encore, le bleu n'est pas considéré en tant que tel, mais davantage pour la lumière qu'il envoie, pour la vibration qu'il engendre au-delà de la toile. Il s'inscrit en quelque sorte dans la continuité chromatique du noir : comme lui, il oblige à penser autrement la notion même de couleur.
Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987 offre un condensé particulièrement abouti de cette utilisation du bleu, qui non seulement s’offre au regard dans la large bande verticale au centre, mais qui surgit également sur les arêtes du tableau, témoignant de la couche sous-jacente de peinture initialement déposée sur la surface. Alternant des pans striés – tantôt verticaux, tantôt obliques – et des zones en aplats – bleu donc, mais aussi noir le long du bord droit – Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987 propulse le regardeur dans l’expérience visuelle qui se trouve au cœur de l’Outrenoir : en fonction de la position d’où elle est contemplée et selon les inflexions de la lumière qui y est projetée, l’œuvre change et se renouvelle sans cesse sous les yeux de celui qui la regarde.
In the spring of 1986, as Pierre Soulages was painting in his studio in Sète overlooking the Mediterranean, a singular accident occurred that would trigger a decisive turning point in the artist's work: the blue of the sea interacted with the black on one of his canvases. 'When I thought I saw a true blue on a canvas that had been painted only with black, but had reflections of an intense blue, I wanted to blend in a blue from the paint pigments' (O. Pauli, 'Les couleurs du noir: entretien avec Pierre Soulages', April 1990).
What followed was a period of several years during which the painter used blue to further accentuate the light in his works, as in Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987. To achieve this effect, the artist first coats the canvas with a blue acrylic preparation, then uses a brush to cover it with a thick black paste. The initial blue does not reappear until the next step, when the surface is raked and it emerges here and there, depending on the furrows and ridges of the matter. And yet, here again, the blue is not considered as such, but instead is employed for the light it reflects and the vibrations it creates beyond the canvas. It somehow falls into the chromatic continuum of black: like black, it demands that one think differently about the very notion of colour.
Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987 is a particularly accomplished example of this use of blue, which not only appears to the eye in the wide vertical stripe in the centre, but also jumps out along the edges of the painting, attesting to the underlying layer of paint first deposited on the surface. Peinture 35 x 55 cm, 29 mai 1987 alternates sections of stripes – some vertical, some diagonal – with flat blocks of colour – of blue, yes, but also of black along the right edge. It ushers the viewer into the visual experience that lies at the heart of 'Outrenoir': depending on the viewing angle and the deflections of light cast on it, the work constantly changes and morphs before the eyes of the beholder.