出版
G. Grappe, Catalogue du Musée Rodin, Paris, 1927, p. 52 (une version en plâtre illustrée).
L. Goldscheider, Rodin Sculptures, Londres, 1964 (une version en plâtre illustrée, pl. 38 et une autre version illustrée, pl. 39).
I. Jianou et C. Goldscheider, Rodin, Paris, 1967, p. 97.
A. Le Normand-Romain, Rodin et le bronze, Catalogue des œuvres conservées au Musée Rodin, Paris, 2007, vol. I, p. 235, no. S.626 (une autre épreuve illustrée).
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Debout, la tête détournée et le bras droit levé en un geste théâtral tout à la fois de défi et d’impuissance, Pierre de Wiessant, Nu monumental est l’un des personnages composant le monument iconique de Rodin représentant les Bourgeois de Calais. Cette œuvre puissante et particulièrement expressive rend hommage à six notables de la ville qui se rendirent en 1347 à Edouard III pour que cesse, après onze mois, le siège de Calais, en pleine guerre de Cent Ans. L’épouse du roi, la reine Philippa de Hainaut, prit ces hommes en pitié et parvint à convaincre son mari de les épargner. La ville devint quant à elle anglaise le 3 août 1347 et le demeura durant plus de deux siècles, jusqu’à ce qu’Henri II de France la reprenne aux mains de Mary Tudor en 1558.
En 1884, Auguste Rodin fut présenté au maire de Calais, qui lui fit part du projet de monument. Le sculpteur se mit immédiatement au travail, inspiré par les Chroniques de France de Jean Froissart, publiées à l’époque des faits et relatant cette histoire héroïque et tragique. Il décida de représenter les bourgeois solennels et accablés de douleur, alors qu’ils entament ce qu’ils pensent être leur ultime voyage. Vêtus de guenilles et la corde au cou, ils transportent avec eux les clés de la ville, qu’ils s’apprêtent à remettre au roi.
‘Je n’ai jamais vu dans aucun autre art d’évocation d’âmes aussi splendide et captivante’, déclara le critique Octave Mirbeau lorsque Rodin exposa Les bourgeois de Calais pour la première fois en 1895. Cette oeuvre fut sa première commande pour un monument publique et l’un des projets déterminants pour sa carrière (cité in J. Tancock, op. cit., 1976, p. 388).
Rejetant l’idéalisation traditionnelle qui caractérisait les monuments publics, Rodin représenta ces bourgeois avec une puissance expressive exceptionnelle et une profonde humanité, conférant à chacun une personnalité propre.
Comme l’explique en détail le sculpteur, "Je ne les ai pas groupés en une apothéose triomphante: car une telle glorification de leur héroïsme n’aurait correspondu à rien de réel. Au contraire, je les ai comme égrenés les uns derrière les autres, parce que, dans l’indécision du dernier combat intérieur qui se livre entre leur dévouement à leur cité et leur peur de mourir, chacun d’eux est comme isolé en face de sa conscience. Ils s’interrogent encore pour savoir s’ils auront la force d’accomplir le suprême sacrifice… leur âme les pousse en avant et leurs pieds refusent de marcher. Ils se traînent péniblement, Autant à cause de la faiblesse à laquelle les a réduits la famine, qu’à cause de l’épouvante du supplice… Et certainement, si j’ai réussi à montrer combine le corps, même exténué par les plus cruelles souffrances, tient encore à la vie, combien il a encore d’empire sur l’âme éprise de vaillance, je ne puis [que] me féliciter de n’être pas resté au-dessous du noble thème que j’avais à traiter" (cité in A. Le Normand-Romain, op. cit., 2007, p. 213).
C’est justement cette tension entre peur et dignité, épuisement et courage, défaite et fierté, que Rodin parvient à rendre avec splendeur dans la sculpture du nu ci-joint, notamment à travers le mouvement dramatique et contorsionné du corps de Pierre de Wiessant. Rodin avait commencé par faire des études de nus du bourgeois entre 1884 et 1886, avant de l’envelopper avec une toile de sac, qui rappelle les drapés élaborés et réalistes caractéristiques de la sculpture gothique. Rodin conserve une telle précision dans la pose, le mouvement et les expressions faciales de son modèle, qu’il soit vêtu ou non, afin d’exprimer les émotions contradictoires du bourgeois de Calais au moment même que sa ville se rend à l’ennemi, essayant de simultanément l’affronter et s’en protéger.
En dépit de sa radicalité, le projet fut retenu par la ville au début de l’année 1885. Rodin commença alors à travailler chaque figure individuellement. Une fois que l’œuvre fut révélée au public pour la première fois dix ans plus tard, Rodin réalisa entre 1895 et 1903 des réductions de cinq des six personnages, tous à l’exception de son Jacques de Wiessant. Pierre de Wiessant fut l’un des premiers à avoir été réduit, dès 1895, et d’autres épreuves de la même édition que l’œuvre ci-contre se trouvent aujourd’hui dans des collections publiques de grande renommée, telles celle du musée Boymans van Beuningen, Rotterdam; de la Kunsthalle de Hambourg; du Brooklyn Museum of Art; de la fondation de Norton Simon à Pasadena; du musée des beaux-arts de Calais et de la Galerie d’Art d’Australie du Sud à Adélaïde.
Standing, his head downturned and right arm raised in a dramatic gesture that is at once boldly defiant yet tragically helpless, Pierre de Wiessant, Nu monumental is one of the six heroic figures that comprise Auguste Rodin’s seminal public monument, Les Bourgeois de Calais. This compelling and deeply emotive work was created as a monument to the heroic deeds of six men of Calais, who, in 1347 in the midst of The Hundred Years War, offered to surrender to King Edward III in return for the termination of the siege of their city. His wife, Queen Philippa de Hainaut, took pity on the men, and after pleading with her husband, persuaded him to spare them. The city then became English on the 3rd of August 1347, and remained it until Henri II of France retrieved it from Mary Tudor more than two centuries later, in 1558.
In 1884, Rodin was introduced to the Mayor of Calais, and on hearing about the commission immediately set to work on a maquette. Captivated by Jean Froissart’s 14th Century Chronicles of France, he plunged into the tragic, noble and heroic tale. He chose to depict all six of the solemn, grief-stricken men as they began what they thought was to be their final journey, clothed in sack cloths and nooses and carrying the keys of the city, to hand them over to the king.
“I do not know, in any art, of an evocation of souls so splendidly compelling,” the critic Octave Mirbeau declared when Rodin first exhibited Les bourgeois de Calais in 1895. This project was Rodin’s earliest commission for a free-standing, public monument and one of the defining projects of his career (quoted in J. Tancock, op. cit., 1976, p. 388).
Shunning the traditional heroic idealism that usually characterises public monuments, Rodin portrayed these figures with a powerful sense of dramatic expression and a raw humanity, endowing each one with a vivid and poignant individuality.
“I did not group them together in a triumphant apotheosis, for such a glorification of their heroism would not in any way have corresponded to reality,” Rodin explained. “On the contrary, I strung them out one behind the other, because, with the uncertain outcome of the final inner struggle being waged between their devotion to their city and their fear of dying, it is as if each of them has to face their conscience alone. They are still wondering if they will have the strength to make the supreme sacrifice. Their hearts urge them forward and their feet refuse to walk. They drag themselves along with difficulty, due as much to the weakness to which famine has reduced them as to their dread of their execution. And indeed, if I have succeeded in showing how the body, even when exhausted by the cruelest suffering, still clings to life, how it still holds sway over the soul enamored of bravery, I can only congratulate myself for being equal to the noble theme that I had to treat” (quoted in A. Le Normand-Romain, op. cit., 2007, p. 213).
It is precisely that tension between fear and dignity, exhaustion and courage, defeat and pride, which Rodin so beautifully captures in the present nude sculpture, particularly in Pierre de Wiessant’s dramatic and contorted body language. Rodin had first done nude studies of his burgher between 1884 and 1886, of which this is the largest, before draping him with sackcloth. Rodin succeeds in preserving such precision in terms of his model’s pose, movements and facial expressions, with or without his clothes, conveying the burgher’s mixed emotions during his city’s surrender to the enemy, caught between defying him and protecting himself from him.
Despite Rodin’s radical approach to the subject, the city of Calais approved of the project in 1885 and Rodin immediately started working on each figure individually. Once the final composition revealed to the public ten years later, Rodin produced between 1895 and 1903 various reductions of five out of the six characters, excluding Jacques de Wiessant. Rodin worked on a reduction of Pierre de Wiessant as early as 1895 and other casts of the present edition, the height of which is 196cm., are housed in various museums such as the Boymans van Beuningen Museum, Rotterdam; the Kunsthalle in Hamburg; the Brooklyn Museum of Art; the Norton Simon Foundation in Pasadena; the Museum of Fine Arts in Calais and the Art Gallery of South Australia in Adelaide.