拍品专文
Si les années 1909-10 marquent pour Egon Schiele le tournant vers la maturité artistique, cette œuvre exécutée un peu plus tôt en 1908 – alors qu’il a tout juste dix-huit ans – illustre déjà le talent immense du jeune artiste et sa place au centre de la scène d’avant-garde viennoise du début du XXème siècle. Cette année-là, tandis qu’il est étudiant à l’Académie des beaux-arts de Vienne, Schiele rencontre enfin Gustav Klimt, dont le travail et les préceptes l’inspiraient déjà largement. Cet événement agit comme une épiphanie chez le jeune homme, qui conservera un temps des leçons de son maître le sens de l’ornementation autant que la conscience aiguë de l’espace négatif.
L’influence de Klimt sur Schiele trouve sa plus éclatante illustration dans la Danaë que ce dernier réalise en 1909 (fig. 1), et qui résonne comme un hommage à la version de 1907 de son aîné (fig. 2). Par sa posture, la jeune femme du présent dessin semble justement préfigurer le chef-d’œuvre de l’année suivante. Il s’agit pourtant là d’une Danaë démystifiée, d’une endormie du quotidien, dénuée de tout atour décoratif. En outre, là où Klimt s’attache à peindre des figures allégoriques ou des membres de la bourgeoisie viennoise, Schiele choisit ses modèles parmi la population prolétarienne, les ouvrières, les enfants ou les filles de joie. Ici, les quelques motifs et ornements ne créent pas le profil en pochoir, comme dans l’huile sur toile, mais sont constitutifs de la silhouette. L’on retrouve néanmoins dans les deux œuvres les mêmes lèvres vermillon, la même chevelure prune et le même sourire énigmatique, conduisant l’observateur attentif à se demander s’il pourrait s’agir du même modèle.
La composition est elle-même particulièrement avant-gardiste : comme dans nombre de ses œuvres sur papier, le personnage semble flotter sur la feuille, assoupie dans un espace vide. Jane Kallir dira, au sujet de cet équilibre entre espace négatif et positif si caractéristique de Schiele : « Ses dessins tirent leur structure substantielle du vide qui entoure leur sujet, tout simplement » (J. Kallir, Egon Schiele, The Complete Works, New York, 1990, p. 391).
Cette œuvre de jeunesse se trouve ainsi à la croisée entre influence du Jugendstil et rupture expressionniste qui s’affirme chez le jeune artiste à compter de 1910. Ici, le visage n’est en effet pas encore empreint de cette matérialité crue et âpre, rendues par les marbrures vertes, bleues et rouges typiques des corps tels qu’il les représente par la suite ; ni n’est encore baignée d’érotisme l’attitude de cette femme, ainsi que le seront celles de ses feuilles plus tardives. Toutefois, la ligne déjà expressive et légèrement distordue du présent dessin préfigure le style tortueux, si ce n’est torturé, que Schiele développe ensuite tout au long de sa carrière.
Un an après la réalisation de la présente œuvre, en 1909, Schiele quitte l’Académie des beaux-arts. Ce départ lui laissera davantage de liberté pour se consacrer à ses explorations artistiques et à l’affirmation de son style iconique. Cette même année, il sera invité à participer à l’International Kunstschau, exposition de la Sécession viennoise, qui imposera sa réputation en tant que successeur du Klimt.
Although Egon Schiele’s decisive shift towards artistic maturity occurred in 1909-10, this slightly earlier work from 1908 – when he was just eighteen – already demonstrates the young artist’s immense talent and his place at the centre of the avant-garde scene in 20th‑century Vienna. That same year, while a student at the Vienna Academy of Fine Art, Schiele finally met Gustav Klimt, whose work and precepts had already greatly inspired him. This event was something of an epiphany for the young man, who, as a result of his master’s lessons, would for some time to come retain a feel for ornamentation and an acute awareness of negative space.
Klimt’s influence on Schiele is nowhere more dazzlingly apparent than in the Danaë executed by the latter in 1909 (fig. 1), which is seemingly a tribute to the 1907 version by his elder (fig. 2). In her posture, the young woman in the drawing presented here seems to prefigure the following year’s masterpiece quite clearly. She is, however, a demystified Danaë, just an ordinary sleeping woman, devoid of any decorative surround. Moreover, where Klimt devotes himself to painting allegorical figures of members of the Vienna bourgeoisie, Schiele chooses working-class models – female labourers, prostitutes and children. Here, the few patterns and embellishments do not create a stencil outline, as with oil on canvas, but are the components of the silhouette. And yet we find in both works the same vermilion lips, the same plum-coloured hair and the same enigmatic smile, leading the attentive observer to wonder if this might be the same model.
The composition is itself particularly avant-gardist: as in a number of Schiele’s works on paper, the figure seems to float against the sheet of paper, dozing in an empty space. Jane Kallir would later say, regarding this equilibrium between negative and positive space so characteristic of Schiele: “His drawings take their substantial structure from the void that surrounds their subject, quite simply” (J. Kallir, Egon Schiele, The Complete Works, New York, 1990, p. 391).
This youthful work is also situated at the crossroads between the influence of the Jugendstil (Art Nouveau) and the breaking away towards Expressionism apparent in the young artist from 1910 onwards. Here, though, the face is not yet stamped with that crude, harsh materiality, rendered by the typical green, blue and red marbling of bodies as he later represented them; nor is this woman’s pose yet steeped in eroticism, as would be those in his later works on paper. However, the already expressive and slightly twisted line of this drawing prefigures the twisted, if not tortured, style that Schiele went on to develop over the course of his entire career.
One year after executing this work, in 1909, Schiele left the Academy of Fine Art. His departure gave him greater freedom to devote himself to his artistic explorations and to assert his iconic style. That same year, he would be invited to participate in the International Kunstschau, the Viennese Secession exhibition that would forge his reputation as Klimt’s successor.
L’influence de Klimt sur Schiele trouve sa plus éclatante illustration dans la Danaë que ce dernier réalise en 1909 (fig. 1), et qui résonne comme un hommage à la version de 1907 de son aîné (fig. 2). Par sa posture, la jeune femme du présent dessin semble justement préfigurer le chef-d’œuvre de l’année suivante. Il s’agit pourtant là d’une Danaë démystifiée, d’une endormie du quotidien, dénuée de tout atour décoratif. En outre, là où Klimt s’attache à peindre des figures allégoriques ou des membres de la bourgeoisie viennoise, Schiele choisit ses modèles parmi la population prolétarienne, les ouvrières, les enfants ou les filles de joie. Ici, les quelques motifs et ornements ne créent pas le profil en pochoir, comme dans l’huile sur toile, mais sont constitutifs de la silhouette. L’on retrouve néanmoins dans les deux œuvres les mêmes lèvres vermillon, la même chevelure prune et le même sourire énigmatique, conduisant l’observateur attentif à se demander s’il pourrait s’agir du même modèle.
La composition est elle-même particulièrement avant-gardiste : comme dans nombre de ses œuvres sur papier, le personnage semble flotter sur la feuille, assoupie dans un espace vide. Jane Kallir dira, au sujet de cet équilibre entre espace négatif et positif si caractéristique de Schiele : « Ses dessins tirent leur structure substantielle du vide qui entoure leur sujet, tout simplement » (J. Kallir, Egon Schiele, The Complete Works, New York, 1990, p. 391).
Cette œuvre de jeunesse se trouve ainsi à la croisée entre influence du Jugendstil et rupture expressionniste qui s’affirme chez le jeune artiste à compter de 1910. Ici, le visage n’est en effet pas encore empreint de cette matérialité crue et âpre, rendues par les marbrures vertes, bleues et rouges typiques des corps tels qu’il les représente par la suite ; ni n’est encore baignée d’érotisme l’attitude de cette femme, ainsi que le seront celles de ses feuilles plus tardives. Toutefois, la ligne déjà expressive et légèrement distordue du présent dessin préfigure le style tortueux, si ce n’est torturé, que Schiele développe ensuite tout au long de sa carrière.
Un an après la réalisation de la présente œuvre, en 1909, Schiele quitte l’Académie des beaux-arts. Ce départ lui laissera davantage de liberté pour se consacrer à ses explorations artistiques et à l’affirmation de son style iconique. Cette même année, il sera invité à participer à l’International Kunstschau, exposition de la Sécession viennoise, qui imposera sa réputation en tant que successeur du Klimt.
Although Egon Schiele’s decisive shift towards artistic maturity occurred in 1909-10, this slightly earlier work from 1908 – when he was just eighteen – already demonstrates the young artist’s immense talent and his place at the centre of the avant-garde scene in 20th‑century Vienna. That same year, while a student at the Vienna Academy of Fine Art, Schiele finally met Gustav Klimt, whose work and precepts had already greatly inspired him. This event was something of an epiphany for the young man, who, as a result of his master’s lessons, would for some time to come retain a feel for ornamentation and an acute awareness of negative space.
Klimt’s influence on Schiele is nowhere more dazzlingly apparent than in the Danaë executed by the latter in 1909 (fig. 1), which is seemingly a tribute to the 1907 version by his elder (fig. 2). In her posture, the young woman in the drawing presented here seems to prefigure the following year’s masterpiece quite clearly. She is, however, a demystified Danaë, just an ordinary sleeping woman, devoid of any decorative surround. Moreover, where Klimt devotes himself to painting allegorical figures of members of the Vienna bourgeoisie, Schiele chooses working-class models – female labourers, prostitutes and children. Here, the few patterns and embellishments do not create a stencil outline, as with oil on canvas, but are the components of the silhouette. And yet we find in both works the same vermilion lips, the same plum-coloured hair and the same enigmatic smile, leading the attentive observer to wonder if this might be the same model.
The composition is itself particularly avant-gardist: as in a number of Schiele’s works on paper, the figure seems to float against the sheet of paper, dozing in an empty space. Jane Kallir would later say, regarding this equilibrium between negative and positive space so characteristic of Schiele: “His drawings take their substantial structure from the void that surrounds their subject, quite simply” (J. Kallir, Egon Schiele, The Complete Works, New York, 1990, p. 391).
This youthful work is also situated at the crossroads between the influence of the Jugendstil (Art Nouveau) and the breaking away towards Expressionism apparent in the young artist from 1910 onwards. Here, though, the face is not yet stamped with that crude, harsh materiality, rendered by the typical green, blue and red marbling of bodies as he later represented them; nor is this woman’s pose yet steeped in eroticism, as would be those in his later works on paper. However, the already expressive and slightly twisted line of this drawing prefigures the twisted, if not tortured, style that Schiele went on to develop over the course of his entire career.
One year after executing this work, in 1909, Schiele left the Academy of Fine Art. His departure gave him greater freedom to devote himself to his artistic explorations and to assert his iconic style. That same year, he would be invited to participate in the International Kunstschau, the Viennese Secession exhibition that would forge his reputation as Klimt’s successor.