拍品专文
En janvier 1931, Joan Miró retourne à Paris après un séjour prolongé en Espagne. C'est là, dans son atelier du 3, rue François Mouthon, que l'artiste catalan renoue avec la peinture après avoir négligé ses pinceaux pendant plusieurs années. Il y conçoit entre janvier et juin 1931 un ensemble de tableaux – dont Femme –, peu nombreux certes, mais déterminants pour la suite de sa carrière. « En 1931, il reprend sa palette, mais de façon hésitante, comme un homme qui sortirait d'une longue maladie », écrit Jacques Dupin. « Une douzaine de tableaux exécutés entre janvier et juin, de taille réduite ou moyenne pour la plupart, vont faire office de transition, ouvrant la voie à un style nouveau, plus affirmé, plus puissant... Si la poésie reste la priorité absolue de l'art de Miró, les moyens par lesquels il va y parvenir deviennent plus riches et plus complexes » (J. Dupin, Miró, New York, 1993, p. 161).
Entre 1929 et 1930, Miró mène des recherches avec des matériaux improbables qui annoncent le début de sa période dite d'« anti-peinture ». Arpentant les plages catalanes près de sa maison familiale à Montroig, l'artiste cueille sur le sable des objets naufragés et autres curiosités à l'abandon qu'il intègre par la suite à ses collages et sculptures d'assemblage. C'est bien son œil de peintre, toujours vif, qui lui permet de discerner en un regard le potentiel plastique et la charge émotive qui réside dans le bord arrondi d'un coquillage ou l'angle oblique d'un morceau de bois. « Il ne faut pas oublier qu'il n'existe guère d'éléments non-figuratifs dans la peinture de Miró », rappelait Bill Rubin, ancien conservateur au Museum of Modern Art, à New York. « Chaque forme qui apparaît dans sa peinture est associée, sur le plan métaphorique, à quelque chose d'extérieur à la toile ; chaque élément émet une allusion, aussi évasive et insondable soit-elle » (W. Rubin, Miró in the Collection of the Museum of Modern Art, cat. exp., New York, 1973, p. 51).
Paradoxalement, Miró ne renonce jamais complètement à son chevalet durant sa période soi-disant « anti-peinture ». Cette étape transitoire de sa carrière voit naître plusieurs séries audacieuses, notamment les grandes toiles sur fond blanc auxquelles il se consacre durant les premiers mois de 1930. L'année suivante, de janvier à juin, il produit encore une trentaine de tableaux, parmi lesquels la présente œuvre. Si des oiseaux, des têtes, des figures humaines abstraites et d'autres motifs familiers constellent la plupart de ces compositions, Femme, avec son format intimiste et ses beaux pictogrammes elliptiques, constitue sans doute l'une des œuvres les plus poétiques et les plus élégantes de cet ensemble. Comparé à Oiseau mare de sang sur la plaine de mars 1931 (Dupin, no. 340), une pièce du même groupe vendue à plus de 500 000 dollars par Christie’s Londres en juin dernier, Femme fait preuve d'une exécution beaucoup plus raffinée ; moins grotesques, moins exubérants, ses tracés et ses formes respirent tout autant l'impérissable poésie de Miró. Bien que ces deux œuvres soient de dimensions égales, le format vertical de Femme permet en outre à Miró d'élancer sa figure, lui conférant une présence imposante tout en la dotant d'une certaine grâce, de légèreté.
Dupin a souligné que, durant les premiers mois de 1931, Miró « fait aussi des expériences avec d'autres matériaux, en particulier des planches de bois contreplaqué aux formes parfois irrégulières, sur lesquels il applique de la peinture très liquide qui laisse transparaître la texture du bois. Ces petites toiles sont moins calculées, et donc plus libres et plus expressives. Certaines d'entre elles annoncent des tendances bien plus tardives » (J. Dupin, op. cit, p. 164). Avec son support de bois dont on aperçoit les veines à l'arrière-plan, Femme illustre parfaitement ces mots de Dupin. Ici, l'énigmatique figure féminine semble prendre vie au contact du monde mystérieux et fantasque dans lequel nous entraîne Miró. Réduite à l'essentiel par quelques lignes noires très graphiques, la femme paraît danser, ses mouvements animés par quelques touches vives de rouge et de jaune (les couleurs du drapeau catalan) qu'exalte la nuée de vert acidulé de l'angle inférieur droit. Les deux « nuages » du coin inférieur gauche de la composition, l'un noir, l'autre blanc, dialoguent quant à eux avec les taches cotonneuses d'orange et de vert sur la droite. En découle une symphonie éthérée qui nous plonge, peut-être plus encore que les autres tableaux de cette série de janvier-juin 1931, dans l'univers onirique de Miró.
In January of 1931, Joan Miró returned to Paris after a prolonged stay in Spain. It was there, in his studio at 3 rue François Mouthon, that Miró threw himself into painting again after a hiatus of several years. Painted between January and June of 1931, this small but pivotal group of paintings – to which Femme belongs – would prove crucial to his development. "In 1931 he took up the palette again, but with some hesitation, like a man who has been through a long illness," Jacques Dupin has written. "A dozen paintings executed between January and June, mostly of small or medium size, provide the necessary transition, clearing the way for a new, more affirmative, more powerful style… Poetry remains the supreme goal of Miró’s art, but his means for attaining it became richer and more complex" (J. Dupin, Miró, New York, 1993, p. 161).
Between 1929 and 1930 Miró experimented with a variety of unusual materials, heralding the beginning of what would become known as his anti-painting period. Combing the sandy beaches of the Spanish coast, a short distance from his family’s estate at Montroig, he gathered pieces of cast-off ephemera that he would later transform into collages and assemblages. Miró still possessed a painter’s eye, however, and he could visualize the latent emotional power in the curved edge of a piece of shell or the oblique angle of a fragment of wood. "It must be remembered that there is no such thing as a nonfigurative element in Miro's painting," the Museum of Modern Art curator Bill Rubin has written. "However elliptical, however distant the allusion, every form in his paintings is associated metaphorically with something outside the work" (W. Rubin, Miró in the Collection of the Museum of Modern Art, exh. cat., New York, 1973, p. 51).
Intriguingly, Miró never entirely abandoned painting during his so-called anti-painting period. In fact, he made several experimental series, most notably the large paintings on white backgrounds that occupied him for much of the first half of 1930. The following year, between January and June of 1931, he executed roughly thirty paintings to which Femme belongs. Familiar motifs, such as birds, heads and abstracted human figures, emerge from the series but Femme is probably one of the most poetic and finest compositions of the group, emphasized by its small intimate format and its simplified pictograms. In comparison to a sister piece recently sold for more than $500,000 by Christie’s London last June, Oiseau mare de sang sur la plaine of March 1931 (Dupin, no. 340), Femme appears to be much finer in terms of execution, the shapes and lines are not as grotesque and caricature-like as in the former but are still loaded with Miró’s endless poetry. Although both works are of the same size the vertical format of Femme elongates his figure endowing her with a certain elegance, lightness and dominance.
During the first half of 1931, Dupin explained that "he also experimented with other media, with pieces of plywood especially, sometimes irregular in shape, on which he used a runny paint so that we can still see the texture of the wood. These small paintings are less calculated, hence freer and more expressive. Some of them anticipate developments that will come only much later" (J. Dupin, op. cit, p. 164). Femme illustrates perfectly what Dupin described here above as Miró creates an enigmatic female figure that he brings to life in a mysterious and whimsical world set against this intentionally textured wooden background. The woman, the essence of whom is defined by a few graphic black lines, seems to be dancing and her movements are further animated by a few bright touches of the red and yellow colours of the Catalan flag, accented by a light area of lime-green in the lower right quadrant. With its two 'clouds’, one black and one white, in the composition’s lower left quadrant balanced by the airy patches of orange and green on the right, Miró plunges the viewer in his dreamy world more than in any of the other paintings of the January-June 1931 series.
Entre 1929 et 1930, Miró mène des recherches avec des matériaux improbables qui annoncent le début de sa période dite d'« anti-peinture ». Arpentant les plages catalanes près de sa maison familiale à Montroig, l'artiste cueille sur le sable des objets naufragés et autres curiosités à l'abandon qu'il intègre par la suite à ses collages et sculptures d'assemblage. C'est bien son œil de peintre, toujours vif, qui lui permet de discerner en un regard le potentiel plastique et la charge émotive qui réside dans le bord arrondi d'un coquillage ou l'angle oblique d'un morceau de bois. « Il ne faut pas oublier qu'il n'existe guère d'éléments non-figuratifs dans la peinture de Miró », rappelait Bill Rubin, ancien conservateur au Museum of Modern Art, à New York. « Chaque forme qui apparaît dans sa peinture est associée, sur le plan métaphorique, à quelque chose d'extérieur à la toile ; chaque élément émet une allusion, aussi évasive et insondable soit-elle » (W. Rubin, Miró in the Collection of the Museum of Modern Art, cat. exp., New York, 1973, p. 51).
Paradoxalement, Miró ne renonce jamais complètement à son chevalet durant sa période soi-disant « anti-peinture ». Cette étape transitoire de sa carrière voit naître plusieurs séries audacieuses, notamment les grandes toiles sur fond blanc auxquelles il se consacre durant les premiers mois de 1930. L'année suivante, de janvier à juin, il produit encore une trentaine de tableaux, parmi lesquels la présente œuvre. Si des oiseaux, des têtes, des figures humaines abstraites et d'autres motifs familiers constellent la plupart de ces compositions, Femme, avec son format intimiste et ses beaux pictogrammes elliptiques, constitue sans doute l'une des œuvres les plus poétiques et les plus élégantes de cet ensemble. Comparé à Oiseau mare de sang sur la plaine de mars 1931 (Dupin, no. 340), une pièce du même groupe vendue à plus de 500 000 dollars par Christie’s Londres en juin dernier, Femme fait preuve d'une exécution beaucoup plus raffinée ; moins grotesques, moins exubérants, ses tracés et ses formes respirent tout autant l'impérissable poésie de Miró. Bien que ces deux œuvres soient de dimensions égales, le format vertical de Femme permet en outre à Miró d'élancer sa figure, lui conférant une présence imposante tout en la dotant d'une certaine grâce, de légèreté.
Dupin a souligné que, durant les premiers mois de 1931, Miró « fait aussi des expériences avec d'autres matériaux, en particulier des planches de bois contreplaqué aux formes parfois irrégulières, sur lesquels il applique de la peinture très liquide qui laisse transparaître la texture du bois. Ces petites toiles sont moins calculées, et donc plus libres et plus expressives. Certaines d'entre elles annoncent des tendances bien plus tardives » (J. Dupin, op. cit, p. 164). Avec son support de bois dont on aperçoit les veines à l'arrière-plan, Femme illustre parfaitement ces mots de Dupin. Ici, l'énigmatique figure féminine semble prendre vie au contact du monde mystérieux et fantasque dans lequel nous entraîne Miró. Réduite à l'essentiel par quelques lignes noires très graphiques, la femme paraît danser, ses mouvements animés par quelques touches vives de rouge et de jaune (les couleurs du drapeau catalan) qu'exalte la nuée de vert acidulé de l'angle inférieur droit. Les deux « nuages » du coin inférieur gauche de la composition, l'un noir, l'autre blanc, dialoguent quant à eux avec les taches cotonneuses d'orange et de vert sur la droite. En découle une symphonie éthérée qui nous plonge, peut-être plus encore que les autres tableaux de cette série de janvier-juin 1931, dans l'univers onirique de Miró.
In January of 1931, Joan Miró returned to Paris after a prolonged stay in Spain. It was there, in his studio at 3 rue François Mouthon, that Miró threw himself into painting again after a hiatus of several years. Painted between January and June of 1931, this small but pivotal group of paintings – to which Femme belongs – would prove crucial to his development. "In 1931 he took up the palette again, but with some hesitation, like a man who has been through a long illness," Jacques Dupin has written. "A dozen paintings executed between January and June, mostly of small or medium size, provide the necessary transition, clearing the way for a new, more affirmative, more powerful style… Poetry remains the supreme goal of Miró’s art, but his means for attaining it became richer and more complex" (J. Dupin, Miró, New York, 1993, p. 161).
Between 1929 and 1930 Miró experimented with a variety of unusual materials, heralding the beginning of what would become known as his anti-painting period. Combing the sandy beaches of the Spanish coast, a short distance from his family’s estate at Montroig, he gathered pieces of cast-off ephemera that he would later transform into collages and assemblages. Miró still possessed a painter’s eye, however, and he could visualize the latent emotional power in the curved edge of a piece of shell or the oblique angle of a fragment of wood. "It must be remembered that there is no such thing as a nonfigurative element in Miro's painting," the Museum of Modern Art curator Bill Rubin has written. "However elliptical, however distant the allusion, every form in his paintings is associated metaphorically with something outside the work" (W. Rubin, Miró in the Collection of the Museum of Modern Art, exh. cat., New York, 1973, p. 51).
Intriguingly, Miró never entirely abandoned painting during his so-called anti-painting period. In fact, he made several experimental series, most notably the large paintings on white backgrounds that occupied him for much of the first half of 1930. The following year, between January and June of 1931, he executed roughly thirty paintings to which Femme belongs. Familiar motifs, such as birds, heads and abstracted human figures, emerge from the series but Femme is probably one of the most poetic and finest compositions of the group, emphasized by its small intimate format and its simplified pictograms. In comparison to a sister piece recently sold for more than $500,000 by Christie’s London last June, Oiseau mare de sang sur la plaine of March 1931 (Dupin, no. 340), Femme appears to be much finer in terms of execution, the shapes and lines are not as grotesque and caricature-like as in the former but are still loaded with Miró’s endless poetry. Although both works are of the same size the vertical format of Femme elongates his figure endowing her with a certain elegance, lightness and dominance.
During the first half of 1931, Dupin explained that "he also experimented with other media, with pieces of plywood especially, sometimes irregular in shape, on which he used a runny paint so that we can still see the texture of the wood. These small paintings are less calculated, hence freer and more expressive. Some of them anticipate developments that will come only much later" (J. Dupin, op. cit, p. 164). Femme illustrates perfectly what Dupin described here above as Miró creates an enigmatic female figure that he brings to life in a mysterious and whimsical world set against this intentionally textured wooden background. The woman, the essence of whom is defined by a few graphic black lines, seems to be dancing and her movements are further animated by a few bright touches of the red and yellow colours of the Catalan flag, accented by a light area of lime-green in the lower right quadrant. With its two 'clouds’, one black and one white, in the composition’s lower left quadrant balanced by the airy patches of orange and green on the right, Miró plunges the viewer in his dreamy world more than in any of the other paintings of the January-June 1931 series.