拍品专文
The German artist Kurt Schwitters was a consummate Dadaist best known for his Merzbild. Much like the word at the root of Dadaism, dada, Schwitters’s word merz came about by chance. It means nothing, but at the same time encompasses everything related to the life and art of Kurt Schwitters ‒ it was his trademark.
According to Schwitters himself, “the Merz paintings [Merzbild] are abstract artworks. The word ‘Merz’ refers, essentially, to the use of any imaginable material for artistic purposes and, technically, to the equal assessment of each material out of principle. Thus, Merz painting uses not only the paint and the canvas, and the brush and the palette, but also all the materials visible to the naked eye and all the necessary tools. It matters quite little whether the materials used for Merz painting were produced for a specific purpose or not. The wheel of a pram, a segment of fencing, a bit of string and cotton wadding are all equivalents to paint. The artist creates by selecting, distributing and deforming the materials” (K. Schwhitters, “Die Merzmalerei”, in Der Zweemann, Monatsblätter für Dichtung und Kunst, November 1918, No. 1, p. 18).
Working from different types of rubbish (labels, wallpaper, fragments of wood, etc.), the artist composes refined pieces. In the first stage of creation, the emphasis is on luck, randomness, absurdity, spontaneity and freedom. But chance quickly gives way to the disciplined, orderly mind of the artist: the compositions become geometrical, the choice of colours grows complex. This is when sophisticated works are born, where the influence of constructivism is undeniable.
Thus, the work at hand, Für Tilly is the perfect expression of what a Merzbild (a Merz-image) really is. The artist assembles a turning handle on a wood panel painted in the manner of the constructivists. The work bursts with freedom and novelty, featuring a sublime interplay of colours, shapes and incongruous assemblages. Starting from a discarded object that no one needed, Schwitters created a piece that forces the mind out of its usual thinking patterns and disrupts one’s perception of values.
Although it is also influenced by the formalist and idealist notions of constructivism, Für Tilly is characteristic of the Merzbild. In 1923, after his interactions with members of De Stijl’s Dutch group and with the Russian artist El Lissitzky, Schwitters’s works gradually became more geometrical, evolving towards a higher degree of discipline, simplification and more universal expression.
Schwitters spent time in the Netherlands from autumn 1922 to spring 1923, organising a lecture tour with stops in several Dutch towns, working in particular with the Van Doesburgs. This is when the German artist met Mathilda Maria Petronella Brugman, who went by Til Brugman. Til, or Tilly, the leading Dutch avant-garde lesbian writer, was known for her Dadaist novels and poems. She quickly forged a close friendship with Schwitters. She enthusiastically helped her friend distribute his Dadaist review, Merz, in the Netherlands. She published some of her own Dadaist poems in the journal, along with writings by her friend Hannah Höch.
“A friend of half the world and known by the other half”, as Hanna Höch described her (H. Höch quoted in Jong Holland, Rotterdam, 1997, No. 4, p. 36), Til Brugman assembled a group of artists to redecorate her apartment in The Hague in 1923. Theo van Doesburg was to decorate one room, while El Lissitzky tackled another and Gerrit Rietveld provided the furniture. Kurt Schwitters was also asked to collaborate on the project. Without a doubt, the present work, Für Tilly (“For Tilly”) was created for the Hagenaar flat.
Revisiting the constructivist logic of his Merzebild assemblages from the 1920s, here Kurt Schwitters produces a piece with abstract mathematical geometry. He gives us an intriguing, enigmatic work where the floating object has been carefully positioned to create a complex and elegant unity of composition that, with its illusion of spatial depth, amounts to a major break with the cubist and constructivist treatments of space which characterised so many of Schwitters’s previous compositions.
Artiste dadaïste par excellence, l’allemand Kurt Schwitters est surtout connu pour ses Merzbild. Tout comme le mot clé du dadaïsme ‘dada’, le mot ‘merz’ de Schwitters est né par hasard, ne signifiant rien mais englobant en même temps tout ce qui était lié à la vie et à l'art de Kurt Schwitters - c'était sa marque de fabrique.
Selon Schwitters lui-même, « les peintures Merz [les Merzbild] sont des œuvres d'art abstraites. Le mot ‘Merz’ fait référence, essentiellement, à l'utilisation de tous les matériaux imaginables à des fins artistiques et, techniquement, à l'évaluation égale de chaque matériau par principe. Ainsi, la peinture Merz se sert non seulement de la peinture et de la toile, du pinceau et de la palette, mais aussi de tous les matériaux visibles à l'œil nu et de tous les outils nécessaires. Il importe peu que les matériaux utilisés pour la peinture Merz aient été fabriqués dans un but précis ou non. La roue d'une poussette, un grillage, un bout de ficelle et de la ouate sont tous des éléments équivalents à la peinture. L'artiste crée en sélectionnant, distribuant et dé-formant les matériaux » (K. Scwhitters, ‘Die Merzmalerei’, in Der Zweemann, Monatsblätter für Dichtung und Kunst, novembre 1918, No. 1, p. 18).
À partir de différents types de déchets (étiquettes, papiers peints, morceaux de bois,…), l’artiste compose donc des pièces raffinées. Dans la première phase de création, la priorité est donnée au hasard, à l'aléatoire, à l'absurde, à la spontanéité et à la liberté. Mais rapidement, le hasard cède la place à l'esprit discipliné et ordonné de l'auteur : les compositions se géométrisent, le choix des couleurs se complexifie. Naissent alors des œuvres sophistiquées où l’influence du constructivisme est indéniable.
Ainsi, la présente œuvre, Für Tilly est l’expression parfaite de ce qu’est réellement une Merzbild (un image-Merz). Sur un panneau de bois peint à la manière des constructivistes, l’artiste assemble une poignée tournante. L’œuvre, pleine de liberté et de nouveauté, est caractérisée par un jeu sublime de couleurs, de formes et d’assemblages incongrus. À partir d'un objet mis au rebut, dont personne n'a besoin Schwitters crée une œuvre qui oblige l'esprit à sortir de son chemin habituel et perturbe la perception des valeurs.
Caractéristiques de ces Merzbild, Für Tilly, est également influencée par les idées formalistes et idéalistes du constructivisme. En 1923, suite à ses contacts avec les membres du groupe néerlandais De Stijl et avec l'artiste russe El Lissitzky, les œuvres de Schwitters se géométrisent progressivement, évoluant vers une plus grande rigueur, une simplification et une expression plus universelle.
De l'automne 1922 au printemps 1923, Schwitters séjourne aux Pays-Bas, organisant, notamment avec le couple van Doesburg, une tournée de conférences dans un certain nombre de villes néerlandaises. C’est à ce moment là que l’artiste allemand rencontre Mathilda Maria Petronella Brugman, dite Til Brugman. Til ou Tilly première auteure lesbienne néerlandaise d'avant-garde, connue pour ses romans et poèmes dadaïstes, devient rapidement une proche de Schwitters. Elle aide volontiers son ami artiste à diffuser son journal dadaïste Merz au Pays-Bas, dans lequel elle publie certains de ses propres poèmes dadaïstes ainsi que des écrits de son amie Hannah Höch.
« Amie avec la moitié du monde et connue de l'autre moitié », comme l’affirmait Hanna Höch (H. Höch cité in Jong Holland, Rotterdam, 1997, No. 4, p. 36), Til Brugman s’entoure, en 1923, d’une série d’artiste afin de redécorer son appartement de La Haye : à Theo van Doesburg elle confie la décoration d’une pièce, à El Lissitzky celle d’une autre, à Gerrit Rietveld le mobilier,… Kurt Schwitters est lui aussi appelé à travailler sur ce projet. Sans doute, la présente œuvre, Für Tilly fut-elle créée pour cet appartement Haguenois.
Reprenant la logique constructiviste de l'assemblage des Merzbild des années 1920, Kurt Schwitters réalise ici une œuvre à la géométrie mathématique abstraite. Il nous livre une œuvre intrigante et énigmatique où l’objet, flottant, a été soigneusement placée pour créer une unité de composition complexe et élégante qui, dans son illusion de profondeur spatiale, représente une rupture significative avec le traitement cubiste et constructiviste de l'espace qui caractérisait tant les compositions antérieures de Schwitters.
According to Schwitters himself, “the Merz paintings [Merzbild] are abstract artworks. The word ‘Merz’ refers, essentially, to the use of any imaginable material for artistic purposes and, technically, to the equal assessment of each material out of principle. Thus, Merz painting uses not only the paint and the canvas, and the brush and the palette, but also all the materials visible to the naked eye and all the necessary tools. It matters quite little whether the materials used for Merz painting were produced for a specific purpose or not. The wheel of a pram, a segment of fencing, a bit of string and cotton wadding are all equivalents to paint. The artist creates by selecting, distributing and deforming the materials” (K. Schwhitters, “Die Merzmalerei”, in Der Zweemann, Monatsblätter für Dichtung und Kunst, November 1918, No. 1, p. 18).
Working from different types of rubbish (labels, wallpaper, fragments of wood, etc.), the artist composes refined pieces. In the first stage of creation, the emphasis is on luck, randomness, absurdity, spontaneity and freedom. But chance quickly gives way to the disciplined, orderly mind of the artist: the compositions become geometrical, the choice of colours grows complex. This is when sophisticated works are born, where the influence of constructivism is undeniable.
Thus, the work at hand, Für Tilly is the perfect expression of what a Merzbild (a Merz-image) really is. The artist assembles a turning handle on a wood panel painted in the manner of the constructivists. The work bursts with freedom and novelty, featuring a sublime interplay of colours, shapes and incongruous assemblages. Starting from a discarded object that no one needed, Schwitters created a piece that forces the mind out of its usual thinking patterns and disrupts one’s perception of values.
Although it is also influenced by the formalist and idealist notions of constructivism, Für Tilly is characteristic of the Merzbild. In 1923, after his interactions with members of De Stijl’s Dutch group and with the Russian artist El Lissitzky, Schwitters’s works gradually became more geometrical, evolving towards a higher degree of discipline, simplification and more universal expression.
Schwitters spent time in the Netherlands from autumn 1922 to spring 1923, organising a lecture tour with stops in several Dutch towns, working in particular with the Van Doesburgs. This is when the German artist met Mathilda Maria Petronella Brugman, who went by Til Brugman. Til, or Tilly, the leading Dutch avant-garde lesbian writer, was known for her Dadaist novels and poems. She quickly forged a close friendship with Schwitters. She enthusiastically helped her friend distribute his Dadaist review, Merz, in the Netherlands. She published some of her own Dadaist poems in the journal, along with writings by her friend Hannah Höch.
“A friend of half the world and known by the other half”, as Hanna Höch described her (H. Höch quoted in Jong Holland, Rotterdam, 1997, No. 4, p. 36), Til Brugman assembled a group of artists to redecorate her apartment in The Hague in 1923. Theo van Doesburg was to decorate one room, while El Lissitzky tackled another and Gerrit Rietveld provided the furniture. Kurt Schwitters was also asked to collaborate on the project. Without a doubt, the present work, Für Tilly (“For Tilly”) was created for the Hagenaar flat.
Revisiting the constructivist logic of his Merzebild assemblages from the 1920s, here Kurt Schwitters produces a piece with abstract mathematical geometry. He gives us an intriguing, enigmatic work where the floating object has been carefully positioned to create a complex and elegant unity of composition that, with its illusion of spatial depth, amounts to a major break with the cubist and constructivist treatments of space which characterised so many of Schwitters’s previous compositions.
Artiste dadaïste par excellence, l’allemand Kurt Schwitters est surtout connu pour ses Merzbild. Tout comme le mot clé du dadaïsme ‘dada’, le mot ‘merz’ de Schwitters est né par hasard, ne signifiant rien mais englobant en même temps tout ce qui était lié à la vie et à l'art de Kurt Schwitters - c'était sa marque de fabrique.
Selon Schwitters lui-même, « les peintures Merz [les Merzbild] sont des œuvres d'art abstraites. Le mot ‘Merz’ fait référence, essentiellement, à l'utilisation de tous les matériaux imaginables à des fins artistiques et, techniquement, à l'évaluation égale de chaque matériau par principe. Ainsi, la peinture Merz se sert non seulement de la peinture et de la toile, du pinceau et de la palette, mais aussi de tous les matériaux visibles à l'œil nu et de tous les outils nécessaires. Il importe peu que les matériaux utilisés pour la peinture Merz aient été fabriqués dans un but précis ou non. La roue d'une poussette, un grillage, un bout de ficelle et de la ouate sont tous des éléments équivalents à la peinture. L'artiste crée en sélectionnant, distribuant et dé-formant les matériaux » (K. Scwhitters, ‘Die Merzmalerei’, in Der Zweemann, Monatsblätter für Dichtung und Kunst, novembre 1918, No. 1, p. 18).
À partir de différents types de déchets (étiquettes, papiers peints, morceaux de bois,…), l’artiste compose donc des pièces raffinées. Dans la première phase de création, la priorité est donnée au hasard, à l'aléatoire, à l'absurde, à la spontanéité et à la liberté. Mais rapidement, le hasard cède la place à l'esprit discipliné et ordonné de l'auteur : les compositions se géométrisent, le choix des couleurs se complexifie. Naissent alors des œuvres sophistiquées où l’influence du constructivisme est indéniable.
Ainsi, la présente œuvre, Für Tilly est l’expression parfaite de ce qu’est réellement une Merzbild (un image-Merz). Sur un panneau de bois peint à la manière des constructivistes, l’artiste assemble une poignée tournante. L’œuvre, pleine de liberté et de nouveauté, est caractérisée par un jeu sublime de couleurs, de formes et d’assemblages incongrus. À partir d'un objet mis au rebut, dont personne n'a besoin Schwitters crée une œuvre qui oblige l'esprit à sortir de son chemin habituel et perturbe la perception des valeurs.
Caractéristiques de ces Merzbild, Für Tilly, est également influencée par les idées formalistes et idéalistes du constructivisme. En 1923, suite à ses contacts avec les membres du groupe néerlandais De Stijl et avec l'artiste russe El Lissitzky, les œuvres de Schwitters se géométrisent progressivement, évoluant vers une plus grande rigueur, une simplification et une expression plus universelle.
De l'automne 1922 au printemps 1923, Schwitters séjourne aux Pays-Bas, organisant, notamment avec le couple van Doesburg, une tournée de conférences dans un certain nombre de villes néerlandaises. C’est à ce moment là que l’artiste allemand rencontre Mathilda Maria Petronella Brugman, dite Til Brugman. Til ou Tilly première auteure lesbienne néerlandaise d'avant-garde, connue pour ses romans et poèmes dadaïstes, devient rapidement une proche de Schwitters. Elle aide volontiers son ami artiste à diffuser son journal dadaïste Merz au Pays-Bas, dans lequel elle publie certains de ses propres poèmes dadaïstes ainsi que des écrits de son amie Hannah Höch.
« Amie avec la moitié du monde et connue de l'autre moitié », comme l’affirmait Hanna Höch (H. Höch cité in Jong Holland, Rotterdam, 1997, No. 4, p. 36), Til Brugman s’entoure, en 1923, d’une série d’artiste afin de redécorer son appartement de La Haye : à Theo van Doesburg elle confie la décoration d’une pièce, à El Lissitzky celle d’une autre, à Gerrit Rietveld le mobilier,… Kurt Schwitters est lui aussi appelé à travailler sur ce projet. Sans doute, la présente œuvre, Für Tilly fut-elle créée pour cet appartement Haguenois.
Reprenant la logique constructiviste de l'assemblage des Merzbild des années 1920, Kurt Schwitters réalise ici une œuvre à la géométrie mathématique abstraite. Il nous livre une œuvre intrigante et énigmatique où l’objet, flottant, a été soigneusement placée pour créer une unité de composition complexe et élégante qui, dans son illusion de profondeur spatiale, représente une rupture significative avec le traitement cubiste et constructiviste de l'espace qui caractérisait tant les compositions antérieures de Schwitters.