拍品专文
Cette remarquable paire de meubles illustre la rencontre des arts décoratifs orientaux et occidentaux, œuvre des marchands-merciers. Ces derniers adaptent des cabinets importés d'Asie, notamment de Chine et du Japon. L'arrivée du néo-classicisme convient particulièrement bien à la structure géométrique des cabinets asiatiques. Les plus grands ébénistes s'essayent à cet exercice et Martin Carlin excelle dans la mise en valeur des panneaux de laque. La structure des secrétaires ornée de panneaux de laque oriental est souvent récurrente. Les parties supérieures et latérales sont composées des côtés et des vantaux du cabinet. L'exemple le plus célèbre de ces remontages est certainement l'achat par les frères Darnault d'une paire de cabinets du Japon lors de la vente du duc d'Aumont en 1782 et la création, à partir de ces laques, d'un ensemble de meubles livré en 1785 par Martin Carlin à Mesdames pour leur château de Bellevue aujourd'hui au musée du Louvre (cf. D. Alcouffe et al, Le Mobilier du Musée du Louvre, Tome I, Dijon, 1993, pp. 254-259).
LE LUXE SELON MARTIN CARLIN
Cet écrin tout en contrastes noir et or en laque du Japon est représentatif du second pan de la production de Carlin placée sous le sceau du luxe, le premier étant consacré aux meubles à plaques de porcelaine de Sèvres.
L’essor de la carrière de Martin Carlin (1730-1785) est finalement assez fulgurant et s’explique probablement par les relations étroites qu’il entretient avec R.V.L.C. et Oeben. Très vite il travaille exclusivement pour les marchands-merciers les plus inventifs et exigeants : Simon Philippe Poirier, Dominique Daguerre ou encore les frères Darnault. Ce canal lui permet ainsi d’accéder à des matériaux rares et de choix pour ses meubles luxueux que sont les bois exotiques, les plaques de porcelaine ou encore les laques de Chine et du Japon à l’instar de notre présente paire de secrétaires. A partir de 1780, Carlin se consacre aux meubles parés de rares panneaux en laque japonaise. En effet, ce matériau connaît un regain d’intérêt en France notamment sous l’impulsion de Marie-Antoinette alors qu’elle complète la collection d’objets en laque du Japon héritée de sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse.
Le propos des marchands-merciers est de flairer ou provoquer les tendances du moment, ils sont devenus des incitateurs, des entraîneurs, renouvelant l’intérêt, accélérant même l’évolution des styles, tenant habilement leur clientèle en haleine. (P. Verlet, "Le commerce des objets d’art et les marchands merciers à Paris au XVIIIe siècle", in Annales de l’économie, 1958, vol. XIII, pp. 10-29). Par l’intermédiaire des frères Darnault, Carlin meuble l’intérieur des élites du royaume de pièces ornées de ces panneaux raffinés d’Extrême-Orient. Il livre ainsi pour Mesdames au château de Bellevue une série de meubles en laque du Japon ; en 1781 pour Madame Adélaïde une commode-secrétaire (qui a depuis malheureusement perdu ses panneaux de laque) et deux encoignures (Musée du Louvre ; inv. OA 5467) pour son grand cabinet ; puis après sa mort en 1785, pour Madame Victoire une commode (inv. OA 5498), une paire d’encoignures (inv. OA 5499), une console, une table chiffonnière (inv. OA 5470) et un bureau (inv. OA 10419). Ces deux ensembles, hormis la console, sont conservés au Louvre.
Par l’intermédiaire de Daguerre, Carlin a par ailleurs livré une impressionnante commode à encoignures pour l’hôtel de Madame de Brunoy, faubourg Saint-Honoré, également conservée au Louvre (inv. OA 5472).
Du corpus restreint de meubles en laque du Japon réalisés par Carlin, citons également le secrétaire en cabinet livré à Mademoiselle Laguerre (vente Christie’s, Londres, 9 décembre 1982, lot 74) et illustré dans A. Pradère, Les Ebénistes français de Louis XIV à la Révolution, Paris, 1989, p. 353.
LES LAQUES JAPONNAISES
La laque est un matériau soumis à une double contrainte. La première réside en la rareté-même de ces panneaux comme l’illustre le réemploi des panneaux de la commode de Madame Victoire provenant d’un cabinet du duc d’Aumont achetée 2.449 L à sa vente en 1782 par les Darnault.
La seconde contrainte est la technicité particulièrement pointue de l’incorporation de la laque prélevée sur les coffres et les paravents importés de Chine et du Japon pour des meubles européens que l’on comprend à travers les mots d’André Jacques Roubo (1739-1791) dans son recueil L’Art du menuisier, ébéniste : La laque qu’on emploie ordinairement en Ebénisterie, se prend dans des feuilles (…), qui, pour la plupart, sont vernies et peintes des deux côtés, et qu’on refend au milieu de leur épaisseur pour les diminuer ensuite au rabot et les mettre en état d’être plaquées sur des fonds de Menuiserie ordinaire. Il faut prendre beaucoup de précautions (…) de crainte de faire fendre ou éclater le vernis (….). ; après quoi on les plaque sur l’ouvrage à l’ordinaire, en prenant toutefois la précaution de les faire chauffer.(…) on entourne les joints des ouvrages de laque de rapport avec des ornements ou des cadres de cuivre, parce que quelques précautions qu’on prenne en coupant les feuilles de laque, il est bien difficile de n’y pas faire quelques éclats.
Avec la présente paire de meubles, Carlin travaille avec un technique de laque japonaise inhabituelle : le takamaki-e est un décor en relief modelé à partir de poudre de charbon. Le choix de l’acajou pour mettre en valeur les panneaux de laque est plus typique quant à lui de la production d’Adam Weisweiler, mais se justifie pour faire le lien avec le fond des panneaux de laque en bois naturel. De même, la ceinture de nos meubles avec ce décor de losanges reprend un motif identique d’un secrétaire en cabinet de Weisweiller pourvu d’une décoration de panneaux en pierres dures ( P. Lemonnier, Weisweiler, Paris, 1983, p. 69). Enfin, l’entretoise, présente lors de la vente du secrétaire en 1957, avec ses motifs d’enroulement est également à rapprocher de la production de Weisweiller. L’ornementation de bronze ciselé et doré et particulièrement les deux colonnes détachées réalisées en plusieurs éléments sont typiques de la production de Carlin, probablement réalisées par une main récurrente, un certain S. Prevost ciseleur révélé dans l’inventaire après décès de Carlin.
LA PROVENANCE ANGLAISE
Robert Child (1739-1782) banquier et homme politique anglais a acheté le 38 Berkeley Square au comte de Manchester en 1767 et fait réaliser la décoration par Robert Adam. En 1804, Lady Sarah Fane, âgée de dix-neuf ans, sa petite-fille et héritière, épouse le 5e comte de Jersey (1773-1859). Ses parents, le comte et la comtesse de Westmorland, s'étaient enfuis de la demeure familiale et pour se venger de son gendre, Robert Child rédige son testament en excluant les petits-enfants mâles. Sophia Fane devient l'héritière de son domaine et de sa maison d'Osterley dans le Middlesex , ainsi que de la Child's Bank. Les premières années de son mariage sont consacrées à l'agrandissement et, probablement, à l'ameublement de la maison familiale de Jersey à Middleton Park dans l'Oxfordshire. Avec le concours de l'architecte Thomas Cundy, ils transforment la propriété, en ajoutant un portique ionique (H. Colvin, Biographical Dictionary of British Architects, Londres, 3e édition, 1995, p. 285). Des aquarelles contemporaines montrent des intérieurs avec notamment un salon à la mode extrême-orientale. Il est également fort probable que le mobilier français vendu lors de la vente de la maison en 1934 ait été acheté à cette époque.
This remarkable pair of pieces of furniture illustrates the meeting of Eastern and Western decorative arts, the work of the marchands-merciers. The latter adapted cabinets imported from Asia, particularly China and Japan. The advent of neo-classicism was particularly well suited to the geometric structure of Asian cabinets. The greatest cabinetmakers tried their hand at this exercise and Martin Carlin excelled in highlighting the lacquer panels. The structure of secretaires decorated with oriental lacquer panels is often the same: the top and sides are formed by the sides and doors of the cabinet. The most famous example of this kind of dismantling is the purchase by the Darnault brothers of a pair of Japanese cabinets at the sale of the Duc d'Aumont in 1782 and the creation, from the lacquer panels, of the set of furniture delivered in 1785 by Martin Carlin to Mesdames for their Château de Bellevue, now in the Musée du Louvre (cf. D. Alcouffe et al, Le Mobilier du Musée du Louvre, Volume I, Dijon, 1993, pp. 254-259).
MARTIN CARLIN'S LUXURY PHASE
This black and gold Japanese lacquer coffer is representative of the second phase of Carlin's luxury production, the first being devoted to furniture with Sèvres porcelain plaques.
The career of Martin Carlin (1730-1785) took off quite rapidly and can probably be explained by the close relations he had with R.V.L.C. and Oeben. He very quickly worked exclusively for the most inventive and exacting marchands-merciers: Simon Philippe Poirier, Dominique Daguerre and the Darnault brothers. This channel gave him access to rare and choice materials for his luxurious furniture, such as exotic woods, porcelain plaques or lacquers from China and Japan, like our pair of secretaires here. From 1780 onwards, Carlin devoted himself to furniture decorated with rare Japanese lacquer panels. Indeed, this material was enjoying renewed popularity in France, not least because Marie-Antoinette was adding to her collection of Japanese lacquerware that she had inherited from her mother, Empress Maria Theresa.
The purpose of the marchands-merciers was to sniff out or initiate the latest trends; they became instigators, instructors, renewing interest, even accelerating the evolution of styles, ably keeping their clientele on their toes. (P. Verlet, "Le commerce des objets d'art et les marchands merciers à Paris au XVIIIe siècle", in Annales de l'économie, 1958, vol. XIII, pp. 10-29). Through the Darnault brothers, Carlin furnished the interiors of the kingdom's elite with pieces decorated with these refined panels from the Far East. For example, he delivered a series of Japanese lacquered furniture for Mesdames at the Château de Bellevue; in 1781, for Madame Adélaïde, a commode-secretaire (which has unfortunately since lost its lacquered panels) and two corner pieces (Musée du Louvre; inv. OA 5467) for her grand cabinet; then after her death in 1785, for Madame Victoire a commode (inv. OA 5498), a pair of corner pieces (inv. OA 5499), a console, a chiffonier (inv. OA 5470) and a bureau (inv. OA 10419). These two sets, apart from the console, are in the Louvre.
Through Daguerre, Carlin also made an impressive corner commode for Madame de Brunoy's town house in the Faubourg Saint-Honoré, which is also in the Louvre (inv. OA 5472).
Among the limited corpus of Japanese lacquer furniture made by Carlin, let us also mention the secrétaire en cabinet delivered to Mademoiselle Laguerre (Christie's sale, London, 9 December 1982, lot 74), illustrated in A. Pradère, Les Ebénistes français de Louis XIV à la Révolution, Paris, 1989, p. 353).
JAPANESE LACQUERS
Lacquer is a material that was subject to two constraints. The first was the rarity of these panels, as illustrated by the fact that the panels for Madame Victoire's commode were taken from a cabinet belonging to the Duc d'Aumont, which was bought by the Darnaults for 2,449 l. at a sale in 1782.
The second constraint was the particularly technical process of applying the lacquer from chests and screens imported from China and Japan to European furniture, which is best explained in the words of André Jacques Roubo (1739-1791) in his book L'Art du menuisier, ébéniste: The lacquer that is usually used in cabinetmaking is taken from sheets (…), which, for the most part, are varnished and painted on both sides, and which have to be split down the middle and then planed down so that they can be veneered on ordinary cabinetmaking bases. One must take many precautions (…) lest the varnish crack or splinter (….); after which they are veneered on the work in the usual way, although one should take the precaution of heating them. (…) one surrounds the joints of the lacquered works with ornaments or copper frames because whatever precautions one takes in cutting the lacquer leaves, it is very difficult not to make a few splinters.
With this pair of pieces of furniture, Carlin used an unusual Japanese lacquer technique: takamaki-e is a relief decoration modelled from coal powder. The choice of mahogany to highlight the lacquer panels is more typical of Adam Weisweiler's work, but here it serves to match the natural wood background of the lacquer panels. Similarly, the border of our furniture with this diamond-shaped decoration is based on an identical motif from a secrétaire en cabinet by Weisweiler with a hard stone panel decoration (P. Lemonnier, Weisweiler, Paris, 1983, p. 69). The crosspiece with its scroll pattern, which was present at the sale of the secretaire in 1957, also recalls Weisweiler's work. The ornamentation of chased gilt bronze and particularly the two detached columns made of several elements are typical of Carlin's work and were probably made by the same person, a certain "S. Prevost, Chaser" revealed in the inventory after Carlin's death.
THE ENGLISH PROVENANCE
Robert Child (1739-1782), an English banker and politician, bought 38 Berkeley Square from the Duke of Manchester in 1767 and had it decorated by Robert Adam. In 1804, Lady Sarah Fane, aged nineteen, his granddaughter and heiress, married the 5th Earl of Jersey (1773-1859). Her parents, the Earl and Countess of Westmorland, had eloped from the family home and to exact revenge on his son-in-law, Robert Child drew up his will to exclude the male grandchildren. Sophia Fane became the heiress to his estate and house in Osterley, Middlesex, and to Child's Bank. The early years of her marriage were spent extending and, probably, furnishing the Jersey family home, Middleton Park, in Oxfordshire. With the assistance of the architect Thomas Cundy, they transformed the property, adding an Ionic portico (H. Colvin, Biographical Dictionary of British Architects, London, 3rd edition, 1995, p. 285). Contemporary watercolours show interiors that include a Far Eastern style drawing room. It is also likely that the French furniture sold with the sale of the house in 1934 had been bought around that time.
LE LUXE SELON MARTIN CARLIN
Cet écrin tout en contrastes noir et or en laque du Japon est représentatif du second pan de la production de Carlin placée sous le sceau du luxe, le premier étant consacré aux meubles à plaques de porcelaine de Sèvres.
L’essor de la carrière de Martin Carlin (1730-1785) est finalement assez fulgurant et s’explique probablement par les relations étroites qu’il entretient avec R.V.L.C. et Oeben. Très vite il travaille exclusivement pour les marchands-merciers les plus inventifs et exigeants : Simon Philippe Poirier, Dominique Daguerre ou encore les frères Darnault. Ce canal lui permet ainsi d’accéder à des matériaux rares et de choix pour ses meubles luxueux que sont les bois exotiques, les plaques de porcelaine ou encore les laques de Chine et du Japon à l’instar de notre présente paire de secrétaires. A partir de 1780, Carlin se consacre aux meubles parés de rares panneaux en laque japonaise. En effet, ce matériau connaît un regain d’intérêt en France notamment sous l’impulsion de Marie-Antoinette alors qu’elle complète la collection d’objets en laque du Japon héritée de sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse.
Le propos des marchands-merciers est de flairer ou provoquer les tendances du moment, ils sont devenus des incitateurs, des entraîneurs, renouvelant l’intérêt, accélérant même l’évolution des styles, tenant habilement leur clientèle en haleine. (P. Verlet, "Le commerce des objets d’art et les marchands merciers à Paris au XVIIIe siècle", in Annales de l’économie, 1958, vol. XIII, pp. 10-29). Par l’intermédiaire des frères Darnault, Carlin meuble l’intérieur des élites du royaume de pièces ornées de ces panneaux raffinés d’Extrême-Orient. Il livre ainsi pour Mesdames au château de Bellevue une série de meubles en laque du Japon ; en 1781 pour Madame Adélaïde une commode-secrétaire (qui a depuis malheureusement perdu ses panneaux de laque) et deux encoignures (Musée du Louvre ; inv. OA 5467) pour son grand cabinet ; puis après sa mort en 1785, pour Madame Victoire une commode (inv. OA 5498), une paire d’encoignures (inv. OA 5499), une console, une table chiffonnière (inv. OA 5470) et un bureau (inv. OA 10419). Ces deux ensembles, hormis la console, sont conservés au Louvre.
Par l’intermédiaire de Daguerre, Carlin a par ailleurs livré une impressionnante commode à encoignures pour l’hôtel de Madame de Brunoy, faubourg Saint-Honoré, également conservée au Louvre (inv. OA 5472).
Du corpus restreint de meubles en laque du Japon réalisés par Carlin, citons également le secrétaire en cabinet livré à Mademoiselle Laguerre (vente Christie’s, Londres, 9 décembre 1982, lot 74) et illustré dans A. Pradère, Les Ebénistes français de Louis XIV à la Révolution, Paris, 1989, p. 353.
LES LAQUES JAPONNAISES
La laque est un matériau soumis à une double contrainte. La première réside en la rareté-même de ces panneaux comme l’illustre le réemploi des panneaux de la commode de Madame Victoire provenant d’un cabinet du duc d’Aumont achetée 2.449 L à sa vente en 1782 par les Darnault.
La seconde contrainte est la technicité particulièrement pointue de l’incorporation de la laque prélevée sur les coffres et les paravents importés de Chine et du Japon pour des meubles européens que l’on comprend à travers les mots d’André Jacques Roubo (1739-1791) dans son recueil L’Art du menuisier, ébéniste : La laque qu’on emploie ordinairement en Ebénisterie, se prend dans des feuilles (…), qui, pour la plupart, sont vernies et peintes des deux côtés, et qu’on refend au milieu de leur épaisseur pour les diminuer ensuite au rabot et les mettre en état d’être plaquées sur des fonds de Menuiserie ordinaire. Il faut prendre beaucoup de précautions (…) de crainte de faire fendre ou éclater le vernis (….). ; après quoi on les plaque sur l’ouvrage à l’ordinaire, en prenant toutefois la précaution de les faire chauffer.(…) on entourne les joints des ouvrages de laque de rapport avec des ornements ou des cadres de cuivre, parce que quelques précautions qu’on prenne en coupant les feuilles de laque, il est bien difficile de n’y pas faire quelques éclats.
Avec la présente paire de meubles, Carlin travaille avec un technique de laque japonaise inhabituelle : le takamaki-e est un décor en relief modelé à partir de poudre de charbon. Le choix de l’acajou pour mettre en valeur les panneaux de laque est plus typique quant à lui de la production d’Adam Weisweiler, mais se justifie pour faire le lien avec le fond des panneaux de laque en bois naturel. De même, la ceinture de nos meubles avec ce décor de losanges reprend un motif identique d’un secrétaire en cabinet de Weisweiller pourvu d’une décoration de panneaux en pierres dures ( P. Lemonnier, Weisweiler, Paris, 1983, p. 69). Enfin, l’entretoise, présente lors de la vente du secrétaire en 1957, avec ses motifs d’enroulement est également à rapprocher de la production de Weisweiller. L’ornementation de bronze ciselé et doré et particulièrement les deux colonnes détachées réalisées en plusieurs éléments sont typiques de la production de Carlin, probablement réalisées par une main récurrente, un certain S. Prevost ciseleur révélé dans l’inventaire après décès de Carlin.
LA PROVENANCE ANGLAISE
Robert Child (1739-1782) banquier et homme politique anglais a acheté le 38 Berkeley Square au comte de Manchester en 1767 et fait réaliser la décoration par Robert Adam. En 1804, Lady Sarah Fane, âgée de dix-neuf ans, sa petite-fille et héritière, épouse le 5e comte de Jersey (1773-1859). Ses parents, le comte et la comtesse de Westmorland, s'étaient enfuis de la demeure familiale et pour se venger de son gendre, Robert Child rédige son testament en excluant les petits-enfants mâles. Sophia Fane devient l'héritière de son domaine et de sa maison d'Osterley dans le Middlesex , ainsi que de la Child's Bank. Les premières années de son mariage sont consacrées à l'agrandissement et, probablement, à l'ameublement de la maison familiale de Jersey à Middleton Park dans l'Oxfordshire. Avec le concours de l'architecte Thomas Cundy, ils transforment la propriété, en ajoutant un portique ionique (H. Colvin, Biographical Dictionary of British Architects, Londres, 3e édition, 1995, p. 285). Des aquarelles contemporaines montrent des intérieurs avec notamment un salon à la mode extrême-orientale. Il est également fort probable que le mobilier français vendu lors de la vente de la maison en 1934 ait été acheté à cette époque.
This remarkable pair of pieces of furniture illustrates the meeting of Eastern and Western decorative arts, the work of the marchands-merciers. The latter adapted cabinets imported from Asia, particularly China and Japan. The advent of neo-classicism was particularly well suited to the geometric structure of Asian cabinets. The greatest cabinetmakers tried their hand at this exercise and Martin Carlin excelled in highlighting the lacquer panels. The structure of secretaires decorated with oriental lacquer panels is often the same: the top and sides are formed by the sides and doors of the cabinet. The most famous example of this kind of dismantling is the purchase by the Darnault brothers of a pair of Japanese cabinets at the sale of the Duc d'Aumont in 1782 and the creation, from the lacquer panels, of the set of furniture delivered in 1785 by Martin Carlin to Mesdames for their Château de Bellevue, now in the Musée du Louvre (cf. D. Alcouffe et al, Le Mobilier du Musée du Louvre, Volume I, Dijon, 1993, pp. 254-259).
MARTIN CARLIN'S LUXURY PHASE
This black and gold Japanese lacquer coffer is representative of the second phase of Carlin's luxury production, the first being devoted to furniture with Sèvres porcelain plaques.
The career of Martin Carlin (1730-1785) took off quite rapidly and can probably be explained by the close relations he had with R.V.L.C. and Oeben. He very quickly worked exclusively for the most inventive and exacting marchands-merciers: Simon Philippe Poirier, Dominique Daguerre and the Darnault brothers. This channel gave him access to rare and choice materials for his luxurious furniture, such as exotic woods, porcelain plaques or lacquers from China and Japan, like our pair of secretaires here. From 1780 onwards, Carlin devoted himself to furniture decorated with rare Japanese lacquer panels. Indeed, this material was enjoying renewed popularity in France, not least because Marie-Antoinette was adding to her collection of Japanese lacquerware that she had inherited from her mother, Empress Maria Theresa.
The purpose of the marchands-merciers was to sniff out or initiate the latest trends; they became instigators, instructors, renewing interest, even accelerating the evolution of styles, ably keeping their clientele on their toes. (P. Verlet, "Le commerce des objets d'art et les marchands merciers à Paris au XVIIIe siècle", in Annales de l'économie, 1958, vol. XIII, pp. 10-29). Through the Darnault brothers, Carlin furnished the interiors of the kingdom's elite with pieces decorated with these refined panels from the Far East. For example, he delivered a series of Japanese lacquered furniture for Mesdames at the Château de Bellevue; in 1781, for Madame Adélaïde, a commode-secretaire (which has unfortunately since lost its lacquered panels) and two corner pieces (Musée du Louvre; inv. OA 5467) for her grand cabinet; then after her death in 1785, for Madame Victoire a commode (inv. OA 5498), a pair of corner pieces (inv. OA 5499), a console, a chiffonier (inv. OA 5470) and a bureau (inv. OA 10419). These two sets, apart from the console, are in the Louvre.
Through Daguerre, Carlin also made an impressive corner commode for Madame de Brunoy's town house in the Faubourg Saint-Honoré, which is also in the Louvre (inv. OA 5472).
Among the limited corpus of Japanese lacquer furniture made by Carlin, let us also mention the secrétaire en cabinet delivered to Mademoiselle Laguerre (Christie's sale, London, 9 December 1982, lot 74), illustrated in A. Pradère, Les Ebénistes français de Louis XIV à la Révolution, Paris, 1989, p. 353).
JAPANESE LACQUERS
Lacquer is a material that was subject to two constraints. The first was the rarity of these panels, as illustrated by the fact that the panels for Madame Victoire's commode were taken from a cabinet belonging to the Duc d'Aumont, which was bought by the Darnaults for 2,449 l. at a sale in 1782.
The second constraint was the particularly technical process of applying the lacquer from chests and screens imported from China and Japan to European furniture, which is best explained in the words of André Jacques Roubo (1739-1791) in his book L'Art du menuisier, ébéniste: The lacquer that is usually used in cabinetmaking is taken from sheets (…), which, for the most part, are varnished and painted on both sides, and which have to be split down the middle and then planed down so that they can be veneered on ordinary cabinetmaking bases. One must take many precautions (…) lest the varnish crack or splinter (….); after which they are veneered on the work in the usual way, although one should take the precaution of heating them. (…) one surrounds the joints of the lacquered works with ornaments or copper frames because whatever precautions one takes in cutting the lacquer leaves, it is very difficult not to make a few splinters.
With this pair of pieces of furniture, Carlin used an unusual Japanese lacquer technique: takamaki-e is a relief decoration modelled from coal powder. The choice of mahogany to highlight the lacquer panels is more typical of Adam Weisweiler's work, but here it serves to match the natural wood background of the lacquer panels. Similarly, the border of our furniture with this diamond-shaped decoration is based on an identical motif from a secrétaire en cabinet by Weisweiler with a hard stone panel decoration (P. Lemonnier, Weisweiler, Paris, 1983, p. 69). The crosspiece with its scroll pattern, which was present at the sale of the secretaire in 1957, also recalls Weisweiler's work. The ornamentation of chased gilt bronze and particularly the two detached columns made of several elements are typical of Carlin's work and were probably made by the same person, a certain "S. Prevost, Chaser" revealed in the inventory after Carlin's death.
THE ENGLISH PROVENANCE
Robert Child (1739-1782), an English banker and politician, bought 38 Berkeley Square from the Duke of Manchester in 1767 and had it decorated by Robert Adam. In 1804, Lady Sarah Fane, aged nineteen, his granddaughter and heiress, married the 5th Earl of Jersey (1773-1859). Her parents, the Earl and Countess of Westmorland, had eloped from the family home and to exact revenge on his son-in-law, Robert Child drew up his will to exclude the male grandchildren. Sophia Fane became the heiress to his estate and house in Osterley, Middlesex, and to Child's Bank. The early years of her marriage were spent extending and, probably, furnishing the Jersey family home, Middleton Park, in Oxfordshire. With the assistance of the architect Thomas Cundy, they transformed the property, adding an Ionic portico (H. Colvin, Biographical Dictionary of British Architects, London, 3rd edition, 1995, p. 285). Contemporary watercolours show interiors that include a Far Eastern style drawing room. It is also likely that the French furniture sold with the sale of the house in 1934 had been bought around that time.