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Peint en 1912, Balayeur a très probablement été acheté directement à l’artiste lui-même au début des années 1930 par les parents des propriétaires actuels. Avec sa palette arc-en-ciel fraîche et vive, c’est un extraordinaire bijou redécouvert qui témoigne des débuts de Chagall, une période clé dans sa carrière artistique. L’artiste quitte sa maison de Vitebsk en 1910 pour s’installer à Paris à l’été de cette même année à l’âge de vingt ans. Malgré le mal du pays des premiers mois, il est stupéfait par le rythme frénétique, par les couleurs saisissantes et les lumières vives de la métropole française animée. Deux jours après son arrivée en France, il visite le Salon des Indépendants, où il voit le travail de toute une panoplie d’artistes français contemporains, y compris les Fauves, les Cubistes, et les Orphistes. Peu de temps après, il loue un studio dans le quartier bohème de Montparnasse dans un immeuble légendaire connu sous le nom de « La Rûche », abritant un bon nombre des artistes et des poètes les plus novateurs de cette époque, tel que Chaïm Soutine, Alexander Archipenko, Amedeo Modigliani, Ossip Zadkine et Fernand Léger. Immergé dans cette atmosphère de riche échange culturel, Chagall entre dans une phase de créativité et d’évolution imaginative importante et, d’ici 1914, il devient l’un des personnages emblématiques de l’avant-garde européenne. Son travail, tout en ne renonçant jamais à son caractère idiosyncratique, illustre la compréhension totale du discours esthétique de son époque.
Totalement immergé dans la culture parisienne très diversifiée, l’approche de Chagall à la couleur, à la forme et au sujet a été transformée et son esthétique picturale radicalement est définitivement métamorphosée.
Chagall est tellement stimulé par ses expériences à Paris, par la simple vitalité de la ville et de son milieu artistique révolutionnaire, qu’il travaille souvent pendant la nuit, tentant fiévreusement d’assimiler tout ce qu’il a vu. La gouache devient donc un outil important au sein de sa pratique, lui offrant un moyen plus instantané de traduire ses pensées et ses idées dans une forme visuelle. Imprégnés d’un sentiment de spontanéité, ces travaux délicats, colorés, illustrent ce que plus tard André Breton appellera « l’explosion lyrique totale » des années de Chagall à Paris (Breton, tiré de F. Meyer, Marc Chagall, Life and Work, New York, 1964, p. 132). Puisant dans les souvenirs de l’artiste de sa ville natale de Vitebsk, et plus particulièrement dans les scènes de vie de la banlieue rurale de la petite ville dont les maisons cèdent le passage à des champs ouverts, ces gouaches synthétisent l’intérêt antérieur de Chagall pour les sujets folkloriques avec les couleurs radicales et les structures simplifiées si populaires dans l’avant-garde parisienne de cette époque. Dans Balayeur, le protagoniste est debout au sommet d’une colline avec son balai, il regarde le village ou ses environs d’une manière très expressive tel qu’on le devine à travers le dessin très détaillé, presque caricaturé, de ses traits. Chagall joue avec les proportions du balayeur et la perspective déformée, suggérée par les collines colorées et les différentes stries colorées du ciel, encadrées par la maison de campagne russe traditionnelle au premier plan à droite. Les motifs de feuilles, presque semblables à du Matisse - ressemblant à pochoirs – au premier plan bleu-vert sont un signe de réalité parmi les niveaux de couleurs abstraits. Comme pour un bon nombre des gouaches de 1912 – dont un autre exemple serait Les Charpentiers (Christie’s Londres, février 2020) – Chagall dépeint ses sujets dans des poses exagérées, théâtrales. Ici, le balayeur tourne son dos au spectateur avec ses jambes voûtées et déformées et son petit corps, qui permet à Chagall d’accentuer la scène d’action à l’intérieur même de la scène, tandis que les couleurs vives, saturées commencent à dévier d’une représentation naturaliste à une forme idiosyncratique d’expressionisme.
En mêlant ses souvenirs, ses fantasmes nostalgiques et les légendes mystérieuses anciennes de son éducation hassidique avec le langage audacieux du modernisme, Chagall atteint une apogée à Paris qui permet à son imagination artistique d’atteindre de nouveaux sommets. Comme il l’explique lui-même plus tard : « J’étais enfin capable d’exprimer, dans mon travail, une partie des joies les plus élégiaques ou rêveuses que j’ai ressenties en Russie, la joie qui s’exprime de temps à autre au travers de certains de mes souvenirs d’enfance à Vitebsk. Mais je n'ai jamais voulu peindre comme n’importe quel autre peintre. J’ai toujours rêvé d’un certain nouveau type d’art qui serait différent. À Paris, j’ai au moins pu voir, dans une vision, le type d’art que je voulais vraiment créer. C’était une vision d’une nouvelle dimension psychique dans mes peintures » (Chagall, tiré de J. Wullschlager, Chagall : Love and Exile, Londres, 2008, p. 135-136).
Executed in 1912, Balayeur was most probably acquired directly from the artist in the early 1930s by the parents of the current owners. With its wonderfully fresh and bright rainbow colors, it is an extraordinary rediscovered jewel of Chagall’s early years, a pivotal period in his artistic career. The artist left his home in Vitesbk in 1910, settling in Paris in the summer of that year at the age of twenty. Despite his homesickness in the first few months, he was awestruck by the hectic pace, striking colours and bright lights of the bustling French metropolis. Two days after his arrival in France, he visited the Salon des Indépendants, where he saw the work of a whole panoply of contemporary French artists, including the Fauves, the Cubists, and the Orphists. Shortly thereafter, he took a studio in bohemian Montparnasse in a legendary building known as La Rûche, home to many of the most innovative painters and poets of the day, such as Chaïm Soutine, Alexander Archipenko, Amedeo Modigliani, Ossip Zadkine and Fernand Léger. Immersed in this atmosphere of rich cultural exchange, Chagall entered a phase of intense creativity and imaginative growth and by 1914 he had become one of the leading figures of the European avant-garde, whose work, while never relinquishing its highly idiosyncratic character, displayed total comprehension of the aesthetic discourse of his time.
Completely immersing himself in the richly diverse artistic culture of Paris, Chagall’s approach to colour, form and subject matter was transformed and his painterly aesthetic was radically altered for good.
Chagall was so energised by his experiences in Paris, by the sheer vitality of the city and its revolutionary artistic milieu, that he often worked through the night, feverishly trying to assimilate everything he had seen. As a result, gouache became an important medium within his practice, offering him a more instantaneous means of translating his thoughts and ideas into visual form. Imbued with a sense of spontaneity, these delicate, colourful works illustrate what André Breton would later describe as the ‘total lyrical explosion’ of Chagall’s years in Paris (Breton, quoted in F. Meyer, Marc Chagall, Life and Work, New York, 1964, p. 132). Drawing on the artist’s memories of his homeland of Vitebsk, and in particular, the play of life on the rural outskirts of the small town where the houses gave way to open fields, these gouaches synthesise Chagall’s earlier interest in folkloric subject matter with the radical colours and simplified structures popular amongst the Parisian avant-garde at this time. In Balayeur, translated as the ‘street-sweeper’, the protagonist stands on top of a hill with his broom, looking out onto the village or its surroundings, in a very expressive way, as detailed from his almost caricature-like facial features. Chagall plays with the sweeper’s body proportions and with the distorted perspective, suggested by the colourful hills and the sky’s different streaks of colour, framed by the traditional Russian village house at the foreground on the right. The almost Matisse-like leafy patterns – resembling ‘pochoirs’ – in the blueish-green foreground are a hint to reality amidst the abstract planes of colour. As with many of the 1912 gouaches – another example of which is Les Charpentiers (Christie’s London, February 2020) - Chagall depicts his characters in exaggerated, theatrical poses. Here, the sweeper turns his back to the viewer with his distorted arched long legs and his small body, which enables Chagall to accentuate the play of action within the scene, while the bright, saturated colours begin to veer away from naturalistic representation and into a bold, idiosyncratic form of expressionism.
Blending his memories, nostalgic fantasies, and the mysterious ancient legends of his Hasidic upbringing with the bold language of modernism, Chagall reached a breakthrough in Paris that allowed his artistic imagination to reach new heights. As he later explained: ‘I was at last able to express, in my work, some of the more elegiac or moon-struck joy that I had experienced in Russia, the joy that once in a while expresses itself in a few of my childhood memories from Vitebsk. But I had never wanted to paint like any other painter. I always dreamed of some new kind of art that would be different. In Paris, I at last saw as in a vision the kind of art that I actually wanted to create. It was an intuition of a new psychic dimension in my paintings’ (Chagall, quoted in J. Wullschlager, Chagall, Love and Exile, London, 2008, pp. 135-136).