拍品专文
Comme ses natures mortes composées de bouteilles et de pots disposés avec le plus grand soin sur la toile, les bouquets de Giorgio Morandi respirent le calme et la contemplation. Les fleurs occupent une place privilégiée dans le répertoire de l’artiste, dont le tableau le plus précoce sur ce motif daterait, à notre connaissance, de l’adolescence. C'est toutefois sur le tard, pendant les années 1950, que Morandi revient sur le thème floral avec une verve et une constance renouvelées, accordant à chacun de ses bouquets son zèle habituel et son sens raffiné de l’observation.
Peint en 1963, un an avant la mort de Morandi, Fiori est l’image même de l’éloquence tranquille. Ici, les roses déploient leurs doux pétales dans un tourbillon de tons sourds et de touches souples qui viennent se fondre dans les courbes du vase. Plutôt que de peindre d’après nature, contraint par les flétrissures que le temps laisse trop vite sur les gerbes fraîches, Morandi préfère représenter des fleurs séchées ou des plantes artificielles; aussi prend-il parfois des heures - voire des journées entières - à agencer ses mises en scène florales avant de s’embarquer dans une nouvelle toile. Dans Fiori, le peintre traduit toute la beauté délicate de la soie rose, dont les plis et les détails tranchent nettement avec l’arrière-plan neutre qui occupe le reste du tableau. Avec leur texture tout en empâtements, ces fleurs aux légers accents impressionnistes ne sont pas sans rappeler les roses et les anémones de Pierre-Auguste Renoir.
Par la densité presque inextricable de ses formes, Fiori semble par ailleurs tendre vers l’abstraction et le monde des songes. Loin de souligner la nature éphémère de son sujet dans l’esprit d’un memento mori, loin d’exalter la vivacité, les couleurs ou la fraîcheur d’un bouquet de fleurs, Morandi choisit d’‘en saisir la substance’ (M. Bandera, ‘1940-1951’ in M. Bandera and R. Miracco, Morandi, 1890-1964, cat. ex., Museo d’Arte Moderna di Bologna, Bologne, 2008, p. 234). Ces roses artificielles hermétiques à l’usure du temps dégagent, par leur inaltérable élégance, quelque chose de doux et d’émouvant. Ici, pas de feuilles mortes ni de pétales fanés: simplement un beau bouquet, suspendu dans l’éternité.
‘Je peins essentiellement le genre de nature morte qui traduit une impression de calme et d’intimité, deux valeurs que j’ai toujours appréciées plus que tout’.
Giorgio Morandi
L’atmosphère introspective que cultive invariablement Morandi constitue l’un des fils rouges de son œuvre. Au cours des années 1910 et 1920, l’artiste avait gravité autour de la Pittura metafisica, ce mouvement fondé, entre autres, par Giorgio de Chirico et Carlo Carrà au début du XXe siècle. Si Morandi avait fini par s’éloigner de l’expression hautement stylisée, presque rigide, de ces premières années pour épouser une approche beaucoup plus naturaliste et organique dans le sillage de Jean Siméon Chardin, son maître ultime, les tableaux de sa maturité conservent malgré tout une aura mystérieuse, propice au recueillement. ‘Je pense que ce qui m’intéresse le plus, admet-il, c’est d’exprimer ce qui se trouve dans la nature, c’est-à-dire, dans la réalité objective. Je crois que, surtout à l’heure actuelle, la mission pédagogique de l’art figuratif consiste peut-être à transmettre les images et les sentiments que le monde visible éveille en nous; j’estime que tout ce que l’on perçoit relève de la création, de l’inventivité de l’artiste dès lors qu’il parvient à faire tomber ces écrans de fumée; c’est-à-dire ces images préfabriquées qui le séparent de la réalité’ (G. Morandi in P. Mangravite, ‘Interview with Giorgio Morandi’ in ibid., p. 350).
Like his meditative still lifes, which comprise thoughtfully arranged bottles and vessels, Giorgio Morandi’s paintings of flowers too evoke stillness and contemplation. Amongst his various subjects, flowers held important resonance to Morandi and the earliest known canvas of this motif dates from his adolescence. In the 1950s, Morandi returned to the bouquets with a renewed vigour and continued to paint his beloved flowers until his death in 1964. He approached these depictions in much the same way as his other compositions: with considered observation and devotion.
Painted in 1963, in the last years of the artist’s life, Fiori is a study in quiet eloquence. Here, Morandi’s roses are a whirl of muted tones and loose brushwork whose soft petals seem to merge with their container. Rather than painting from life, as blossoms are so quick to wilt and fade, Morandi made silk or dried flowers his models and spent hours - even days - positioning the blooms before embarking upon a new canvas. In Fiori, the artist has captured the delicate beauty of the pink silk flowers, contrasting their folds and creases with the flat, muted ground that occupies the rest of the canvas. These textured pink buds evoke images of Pierre-Aguste Renoir’s own painterly roses and anemones, and like their Impressionistic predecessors, Fiori too shares the same impasto surface.
There is a density to the present work which edges towards abstraction and revery. While depictions of flowers have so often been used as a form of memento mori owing to the bloom’s inherent impermanence, Morandi had no such inclination. Instead of painting the vitality or flush of his subject, he sought instead ‘to capture their essence’ (M. Bandera, ‘1940-1951’ in M. Bandera and R. Miracco, Morandi, 1890-1964, exh. cat., Museo d’Arte Moderna di Bologna, Bologna, 2008, p. 234). Unable to fade or crumble, the silk flowers of Fiori are tenderly poignant. Here, there are no fallen leaves but simply an elegant bouquet affixed in time.
‘I am essentially a painter of the kind of still life composition that communicates a sense of tranquillity and privacy, moods which I have always valued above all else’.
Giorgio Morandi
The cultivation of an introspective ambience is central to the artist’s oeuvre. During the 1910s and 1920s, Morandi had been involved with the Pittura metafisica, the early-20th Century art movement pioneered by artists including Giorgio de Chirico and Carlo Carrà. Though Morandi moved away from the rigid stylisation of this earlier imagery towards a more naturalist atmosphere reminiscent of the paintings of his great artistic hero Jean-Baptiste-Siméon Chardin, his paintings nevertheless retained their aura of mystery and meditation. As the artist explained, ‘I think that to express that which is in nature, that is, the visible world, is the thing that most interests me. I believe that, particularly at the present time, the educative task possible in the figurative arts is that of communicating the images and the sentiments which the visible world awakens in us; that which we see I hold to be a creation, an invention of the artist whenever he is able to allow those barriers to fall; I mean those conventional images which lie between him and reality’ (G. Morandi quoted in P. Mangravite, ‘Interview with Giorgio Morandi’ in ibid., p. 350).
Peint en 1963, un an avant la mort de Morandi, Fiori est l’image même de l’éloquence tranquille. Ici, les roses déploient leurs doux pétales dans un tourbillon de tons sourds et de touches souples qui viennent se fondre dans les courbes du vase. Plutôt que de peindre d’après nature, contraint par les flétrissures que le temps laisse trop vite sur les gerbes fraîches, Morandi préfère représenter des fleurs séchées ou des plantes artificielles; aussi prend-il parfois des heures - voire des journées entières - à agencer ses mises en scène florales avant de s’embarquer dans une nouvelle toile. Dans Fiori, le peintre traduit toute la beauté délicate de la soie rose, dont les plis et les détails tranchent nettement avec l’arrière-plan neutre qui occupe le reste du tableau. Avec leur texture tout en empâtements, ces fleurs aux légers accents impressionnistes ne sont pas sans rappeler les roses et les anémones de Pierre-Auguste Renoir.
Par la densité presque inextricable de ses formes, Fiori semble par ailleurs tendre vers l’abstraction et le monde des songes. Loin de souligner la nature éphémère de son sujet dans l’esprit d’un memento mori, loin d’exalter la vivacité, les couleurs ou la fraîcheur d’un bouquet de fleurs, Morandi choisit d’‘en saisir la substance’ (M. Bandera, ‘1940-1951’ in M. Bandera and R. Miracco, Morandi, 1890-1964, cat. ex., Museo d’Arte Moderna di Bologna, Bologne, 2008, p. 234). Ces roses artificielles hermétiques à l’usure du temps dégagent, par leur inaltérable élégance, quelque chose de doux et d’émouvant. Ici, pas de feuilles mortes ni de pétales fanés: simplement un beau bouquet, suspendu dans l’éternité.
‘Je peins essentiellement le genre de nature morte qui traduit une impression de calme et d’intimité, deux valeurs que j’ai toujours appréciées plus que tout’.
Giorgio Morandi
L’atmosphère introspective que cultive invariablement Morandi constitue l’un des fils rouges de son œuvre. Au cours des années 1910 et 1920, l’artiste avait gravité autour de la Pittura metafisica, ce mouvement fondé, entre autres, par Giorgio de Chirico et Carlo Carrà au début du XXe siècle. Si Morandi avait fini par s’éloigner de l’expression hautement stylisée, presque rigide, de ces premières années pour épouser une approche beaucoup plus naturaliste et organique dans le sillage de Jean Siméon Chardin, son maître ultime, les tableaux de sa maturité conservent malgré tout une aura mystérieuse, propice au recueillement. ‘Je pense que ce qui m’intéresse le plus, admet-il, c’est d’exprimer ce qui se trouve dans la nature, c’est-à-dire, dans la réalité objective. Je crois que, surtout à l’heure actuelle, la mission pédagogique de l’art figuratif consiste peut-être à transmettre les images et les sentiments que le monde visible éveille en nous; j’estime que tout ce que l’on perçoit relève de la création, de l’inventivité de l’artiste dès lors qu’il parvient à faire tomber ces écrans de fumée; c’est-à-dire ces images préfabriquées qui le séparent de la réalité’ (G. Morandi in P. Mangravite, ‘Interview with Giorgio Morandi’ in ibid., p. 350).
Like his meditative still lifes, which comprise thoughtfully arranged bottles and vessels, Giorgio Morandi’s paintings of flowers too evoke stillness and contemplation. Amongst his various subjects, flowers held important resonance to Morandi and the earliest known canvas of this motif dates from his adolescence. In the 1950s, Morandi returned to the bouquets with a renewed vigour and continued to paint his beloved flowers until his death in 1964. He approached these depictions in much the same way as his other compositions: with considered observation and devotion.
Painted in 1963, in the last years of the artist’s life, Fiori is a study in quiet eloquence. Here, Morandi’s roses are a whirl of muted tones and loose brushwork whose soft petals seem to merge with their container. Rather than painting from life, as blossoms are so quick to wilt and fade, Morandi made silk or dried flowers his models and spent hours - even days - positioning the blooms before embarking upon a new canvas. In Fiori, the artist has captured the delicate beauty of the pink silk flowers, contrasting their folds and creases with the flat, muted ground that occupies the rest of the canvas. These textured pink buds evoke images of Pierre-Aguste Renoir’s own painterly roses and anemones, and like their Impressionistic predecessors, Fiori too shares the same impasto surface.
There is a density to the present work which edges towards abstraction and revery. While depictions of flowers have so often been used as a form of memento mori owing to the bloom’s inherent impermanence, Morandi had no such inclination. Instead of painting the vitality or flush of his subject, he sought instead ‘to capture their essence’ (M. Bandera, ‘1940-1951’ in M. Bandera and R. Miracco, Morandi, 1890-1964, exh. cat., Museo d’Arte Moderna di Bologna, Bologna, 2008, p. 234). Unable to fade or crumble, the silk flowers of Fiori are tenderly poignant. Here, there are no fallen leaves but simply an elegant bouquet affixed in time.
‘I am essentially a painter of the kind of still life composition that communicates a sense of tranquillity and privacy, moods which I have always valued above all else’.
Giorgio Morandi
The cultivation of an introspective ambience is central to the artist’s oeuvre. During the 1910s and 1920s, Morandi had been involved with the Pittura metafisica, the early-20th Century art movement pioneered by artists including Giorgio de Chirico and Carlo Carrà. Though Morandi moved away from the rigid stylisation of this earlier imagery towards a more naturalist atmosphere reminiscent of the paintings of his great artistic hero Jean-Baptiste-Siméon Chardin, his paintings nevertheless retained their aura of mystery and meditation. As the artist explained, ‘I think that to express that which is in nature, that is, the visible world, is the thing that most interests me. I believe that, particularly at the present time, the educative task possible in the figurative arts is that of communicating the images and the sentiments which the visible world awakens in us; that which we see I hold to be a creation, an invention of the artist whenever he is able to allow those barriers to fall; I mean those conventional images which lie between him and reality’ (G. Morandi quoted in P. Mangravite, ‘Interview with Giorgio Morandi’ in ibid., p. 350).