拍品專文
De tous les portraits peints par Gainsborough durant son séjour à Bath (1754-1774), un nombre significatif est consacré aux musiciens, tant amateurs que professionnels. Gainsborough potrait un intérêt immense à la musique. Il nourrissait alors d'étroites relations avec la société des musiciens de Bath et le cercle de ses proches comptait quantité d'éminents musiciens de son temps. Les portraits de ses amis et de ses connaissances sont parmi les tableaux les plus sensibles et fascinants de la période. Les manifestations musicales, tant publiques que privées, étaient au coeur de la vie de cette ville au milieu du XVIIIème siècle. Les oeuvres que l'artiste réalisa à cette époque sont autant de témoignages de l'importance de ces rendez-vous qui constituaient une partie du rituel attaché à la vie sociale de la ville. Comme le note Susan Sloman, il ne faut voir aucune coïncidence dans le fait que 'les deux chefs-d'oeuvre qui encadrent le début et la fin de la période de Gainsborough à Bath sont deux tableaux représentant des musiciens, le portrait d'Ann Ford exposé à Abbey Street en 1760 et celui de Johann Christian Fisher montré au Cirque en 1774'(op.cit. p. 100). Gainsborough, dont l'amour de la musique était déjà évident avant qu'il ne rejoigne Bath, a pu développer ses connaissances musicales au contact des meilleurs virtuoses de l'époque, tel Carl Friedrich Abel (1725-1795) ou le hauboïste Johann Christian Fisher (1733-1800), mais aussi grâce aux nombreux musiciens professionnels de passage à Bath dans les années 1760, qui devinrent souvent par la suite des amis intimes. Parmi ses proches figuraient aussi Thomas Chilcot (c.1706-1766), organiste à l'Abbaye de Bath, le rendez-vous phare de la ville, l'organiste John Stanley (1712-1786) et le célèbre chanteur Thomas Linley (1733-1795), l'un des personnages les plus marquants de la société des musiciens de Bath. Linley, dont Gainsborough fit le portrait vers 1771, fut sans doute celui qui introduisit Tenducci à Bath où il devint le favori du public. Il semblerait que celui-ci ait été présenté à Gainsborough par l'intermédiaire de leur ami commun, le compositeur Johann Christian Bach.
Le célèbre chanteur et compositeur Giusto Ferdinando Tenducci (c.1735-1790), né à Sienne et formé au Conservatoire de Naples dans les années 1744-1750, principalement par le castrat Caffarelli en 1750, a fait ses débuts comme soprano-castrat à Cagliari en 1750 lors de la cérémonie de mariage du Duc de Savoie puis vint à Londres à l'automne 1758 pour devenir le chanteur en second au King's Theater. Il fut particulèrement remarqué dans l'opéra de Cocchi Ciro riconsciuto où son talent éclipsa la prestation du chanteur principal Potenza. Il apparut dans le rôle d'Arbace dans l'opéra Artaxerxès du compositeur anglais Thomas Arne à Covent Garden en 1762. Il y reçut un accueil triomphal pour son interprétation de Water Parted from the sea et chanta à Salisbury en 1762-64, ainsi que tous les étés de 1761 à 1764 dans les Jardins du Ranelagh. Dans sa nouvelle Humphrey Clinker (1771), Tobias Smollet nous donne un aperçu de la qualité de sa voix par l'intermédiaire de Lydia Melford qui décrit une visite au Ranelagh:
'J'entendis là le fameux Tenducci qui arrivait d'Italie. Aux yeux du monde, il avait l'air d'un homme, même si on disait qu'il ne l'était pas. Sa voix, sans aucun doute, n'était ni celle d'un homme, ni celle d'une femme; mais elle était plus mélodieuse encore. Et elle vibrait si divinement, qu'en l'écoutant, je me suis crue au Paradis.'
Connu tant pour sa vanité que son extravagance, Tenducci passa l'essentiel de sa carrière à échapper à ses créanciers. Il partit pour l'Irlande en 1765, où il triompha au Smock Alley Theater. Sa romance avec la riche et jeune héritière, Mlle Dorothea Maunsell, fille de Thomas Maunsell, puissant avocat, fit encore parler de lui. Le couple partit pour Edimbourg en 1768, puis pour Londres en 1769. Tenducci y chanta à Covent garden et au King's Theater. En 1771, il dut fuir en Italie. Il y chanta pendant cinq ans dans les principaux opéras de Rome, Naples et Venise. Il revint à Londres en 1777, mais l'année suivantes des difficultés financières le forcèrent à nouveau à quitter Londres, cette fois pour la France. Grâce à l'entremise de Johann Christian Bach, compositeur et ami dévoué, il rencontra Mozart qui lui écrivit une Scène. Revenu à Londres l'année suivante, il chanta dans des concerts quoi qu'il fît encore quelques apparitions dans des opéras et publia dans les années 1785, Instructions of Mr. Tenducci to his Scholars. Il dirigea aussi le célèbre festival de Händel à l'Abbaye de Westminster de 1784 jusqu'à son départ d'Angleterre. En 1786, il se retira en Italie et mourut à Gênes en 1790.
Ce portrait de Tenducci, sans doute peint en 1773-1775, est l'un des deux portraits que Gainsborough a fait du castrat. De dimensions et de compositions similaires, le deuxième a d'abord appartenu à la collection de Samuel Archbutt, et plus tard à celle de John Neeld. Il se trouve aujourd'hui au Barber Institute of Fine Art, à l'Université de Birmingham (E.K. Waterhouse, Gainsborough, London, 1958, p. 92, no. 656). Dans les deux tableaux, Tenducci est présenté à mi-corps et tient une partition de musique dans sa main gauche. La présente composition est plus achevée que la version du Barber Institute et montre également la main droite du chanteur faisant un geste vers le livret. Certains doutes ont été émis dans le passé sur l'identification des modèles de ces portraits de Tenducci, par comparaison avec celui du castrat exécuté par Thomas Beach qui avait été exposé à la Society of Artists en 1783. Mais la comparaison ne permet de conclure ni dans un sens, ni dans l'autre. Le portrait de la collection Yves Saint Laurent et Pierre Bergé avait appartenu au chanteur John Braham (1774-1856), un contemporain de Tenducci ayant vraisemblablement connu le compositeur - au moins de vue - ce qui conforte cette identification.
Nous remercions Monsieur Hugh Belsey pour son assistance lors de la rédaction de cette notice.
Le célèbre chanteur et compositeur Giusto Ferdinando Tenducci (c.1735-1790), né à Sienne et formé au Conservatoire de Naples dans les années 1744-1750, principalement par le castrat Caffarelli en 1750, a fait ses débuts comme soprano-castrat à Cagliari en 1750 lors de la cérémonie de mariage du Duc de Savoie puis vint à Londres à l'automne 1758 pour devenir le chanteur en second au King's Theater. Il fut particulèrement remarqué dans l'opéra de Cocchi Ciro riconsciuto où son talent éclipsa la prestation du chanteur principal Potenza. Il apparut dans le rôle d'Arbace dans l'opéra Artaxerxès du compositeur anglais Thomas Arne à Covent Garden en 1762. Il y reçut un accueil triomphal pour son interprétation de Water Parted from the sea et chanta à Salisbury en 1762-64, ainsi que tous les étés de 1761 à 1764 dans les Jardins du Ranelagh. Dans sa nouvelle Humphrey Clinker (1771), Tobias Smollet nous donne un aperçu de la qualité de sa voix par l'intermédiaire de Lydia Melford qui décrit une visite au Ranelagh:
'J'entendis là le fameux Tenducci qui arrivait d'Italie. Aux yeux du monde, il avait l'air d'un homme, même si on disait qu'il ne l'était pas. Sa voix, sans aucun doute, n'était ni celle d'un homme, ni celle d'une femme; mais elle était plus mélodieuse encore. Et elle vibrait si divinement, qu'en l'écoutant, je me suis crue au Paradis.'
Connu tant pour sa vanité que son extravagance, Tenducci passa l'essentiel de sa carrière à échapper à ses créanciers. Il partit pour l'Irlande en 1765, où il triompha au Smock Alley Theater. Sa romance avec la riche et jeune héritière, Mlle Dorothea Maunsell, fille de Thomas Maunsell, puissant avocat, fit encore parler de lui. Le couple partit pour Edimbourg en 1768, puis pour Londres en 1769. Tenducci y chanta à Covent garden et au King's Theater. En 1771, il dut fuir en Italie. Il y chanta pendant cinq ans dans les principaux opéras de Rome, Naples et Venise. Il revint à Londres en 1777, mais l'année suivantes des difficultés financières le forcèrent à nouveau à quitter Londres, cette fois pour la France. Grâce à l'entremise de Johann Christian Bach, compositeur et ami dévoué, il rencontra Mozart qui lui écrivit une Scène. Revenu à Londres l'année suivante, il chanta dans des concerts quoi qu'il fît encore quelques apparitions dans des opéras et publia dans les années 1785, Instructions of Mr. Tenducci to his Scholars. Il dirigea aussi le célèbre festival de Händel à l'Abbaye de Westminster de 1784 jusqu'à son départ d'Angleterre. En 1786, il se retira en Italie et mourut à Gênes en 1790.
Ce portrait de Tenducci, sans doute peint en 1773-1775, est l'un des deux portraits que Gainsborough a fait du castrat. De dimensions et de compositions similaires, le deuxième a d'abord appartenu à la collection de Samuel Archbutt, et plus tard à celle de John Neeld. Il se trouve aujourd'hui au Barber Institute of Fine Art, à l'Université de Birmingham (E.K. Waterhouse, Gainsborough, London, 1958, p. 92, no. 656). Dans les deux tableaux, Tenducci est présenté à mi-corps et tient une partition de musique dans sa main gauche. La présente composition est plus achevée que la version du Barber Institute et montre également la main droite du chanteur faisant un geste vers le livret. Certains doutes ont été émis dans le passé sur l'identification des modèles de ces portraits de Tenducci, par comparaison avec celui du castrat exécuté par Thomas Beach qui avait été exposé à la Society of Artists en 1783. Mais la comparaison ne permet de conclure ni dans un sens, ni dans l'autre. Le portrait de la collection Yves Saint Laurent et Pierre Bergé avait appartenu au chanteur John Braham (1774-1856), un contemporain de Tenducci ayant vraisemblablement connu le compositeur - au moins de vue - ce qui conforte cette identification.
Nous remercions Monsieur Hugh Belsey pour son assistance lors de la rédaction de cette notice.