細節
CENDRARS. Réunion de 379 lettres et cartes postales, dont 371 lettres autographes signées ("Freddy", "Ton Freddy", "Blaise", "Blaise Cendrars", "ma main amie Blaise", etc.) et 8 lettres dactylographiées, adressées à son frère, Georges Sauser-Hall (1884-1966), quelques unes à sa belle-soeur Agnès et une à son père, entre octobre 1904 et août 1960. À cet ensemble s'ajoutent 9 POÈMES DE JEUNESSE INÉDITS.
Écrites sur des papiers différents et de divers formats, ces lettres comportent le plus souvent plusieurs pages. Plusieurs d'entre elles sont accompagnées de leur enveloppe.
EXCEPTIONNELLE ET ABONDANTE CORRESPONDANCE, INÉDITE, DE BLAISE CENDRARS À SON FRÈRE GEORGES S'ÉTALANT SUR PLUS DE 50 ANS: depuis son premier séjour en Russie en 1904 jusqu'en août 1960, six mois avant sa disparition.
Plus qu'un frère, Cendrars trouve auprès de Georges, un ami, un confident fidèle auquel il écrit inlassablement. C'est toute la vie et l'oeuvre du poète qui défilent: son apprentissage en Russie; sa vie d'étudiant et ses premiers vers, son arrivée à Paris où il rencontre Apollinaire et publie successivement Pâques et La Prose du Transsibérien, sa blessure en 1915, son exil en Provence pendant la seconde guerre mondiale où il rédige ses mémoires, puis son retour à Paris en 1950 et ses dernières années pendant lesquelles, malade et diminué, il ne cesse de travailler avec acharnement.
En septembre 1904, Cendrars quitte la Suisse pour la Russie où il reste deux ans. En apprentissage chez M. Leuba, horloger, il souffre d'être éloigné de sa famille malgré la "hâte d'essayer [ses] ailes".
21 octobre 1904, il écrit "[...] Console la maman et le papa puisque tu es plus près que moi. Ah si tu savais comme j'ai souffert et comme je souffre loin de vous dans ce grand Moscou où je ne connais personne. Crois-tu peut-être qu'il ne m'a rien coûté de vous quitter, de partir seul et aussi loin, crois-tu que je n'ai pas regretté la maison et toi surtout, cher frère, mais vois-tu il me fallait quitté [sic] Neuchâtel où je me perdais. Vois-tu dans cette immense ville de Moscou il y a tant de tentation qu'il faut une énergie inouie pour résister mais crois le bien je n'ai jamais marché et je ne marcherai jamais avec une cocotte [...]"
29 novembre 1906: "[...] La seule chose que je sais, c'est que ça me répugne de faire du commerce surtout comme ici, où l'on est plus ou moins complice de toute sorte de tromperies [...] Bref j'ai passé des jours horribles, où, comme Maupassant ds le Horla, je me tenais la tête des 2 mains et pensais devenir fou [...]"
Cendrars retourne en Suisse en avril 1907. Il mène alors à Berne une vie d'étudiant dispersé et bourlingueur et entreprend des études de médecine qu'il abandonne pour la musique puis les lettres et la philosophie. Il confie à Georges ses angoisses, ses doutes et ses premiers vers.
22 octobre 1908: " [...] Je sens que je me consume en désirs indomptables, que je m'abuse de séductions d'un monde fantastique et inabordable. Toutes les impressions du dehors me laissent indifférent, c'est dans mon crâne que se joue ma vie réelle. Et je suis las de la contempler [...]"
19 novembre 1908: "[...] Aurai-je enfin surmonté cette période de doutes et d'incertitudes qui m'a tant tourmenté depuis des mois ? Ou avons-nous au fond de notre être des réservoirs d'angoisse et de joie paisible qui tour à tour se déversent en notre sang et déterminent nos pensées et nos actes [...]"
14 octobre 1909: "[...] D'ailleurs, pourquoi écrire des lettres mesurées et bien sages, où tout ce qui vous arrive est raconté, où tous les propos se donnent la main et tous sont également bien choisis ?! A quoi bon une reproduction aussi grise et aussi réelle que la vie même !! c'est déjà bien assez de la cloche des balayeurs qui vous fait sursauter, quand on s'est perdu dans les mystères d'un poème ! Pour moi, chaque lettre est une fenêtre ouverte sur l'au-delà de la vie journalière, une fenêtre ouverte, sur le paysage aride des âmes que j'aime, et c'est pourquoi j'y reste si longtemps suggestionné [...]"
26 novembre 1909: "[...] Mon cher Georges, ne sois donc pas craintif de jugements. Ne crains pas de me froisser, car mieux que personne, je sais tout ce qui me manque !! Ces pièces ne sont pas les meilleures, je les ai envoyées, parce que je pensais à vous en les écrivant. D'ailleurs elles sont vieilles d'une année et durant ce temps j'ai acquis plus d'une notion de prosodie. Tu me dis de t'en envoyer encore. A quoi bon ? J'en ai là une cinquantaine, des bonnes, des mauvaises, elles n'ont de valeur que pour moi: c'est la scorie de mes humeurs ! Pour moi c'est de la musique, car je les écrits [sic] d'après des mélodies que je siffle, mais que je ne puis exprimer autrement [...] Tu trouveras sûrement un tas de faute ! Mais je te le répète que je les écris d'après des rhythmes que j'improvise en sifflant. Forcément je jongle un peu avec les e muets [...]"
"J'y suis donc en ce Paris !, écrit-il le 18 octobre 1910, Et je suis si heureux ! Je vis dans un ravissement continuel ! dans une extase douce, calme, délicieuse. Je vis dans un monde spécial, loin, loin de tout ! Je suis un tout petit enfant. Tout est neuf, tout m'étonne. Je vis en un continuel étonnement [...]"
Le mois suivant, il annonce à Georges "je continuerai d'écrire, jusqu'à la fin - et à ma mort tu auras un monstrueux bûcher à édifier. Car, malheureux, tout cela viendra entre tes mains [...]"
En avril de l'année suivante, Cendrars retourne en Russie puis s'embarque, en novembre, pour New York où il écrit Les Pâques (voir lot 211). Au mois de juin, de retour à Paris, il s'installe 4, rue de Savoie, fonde Les Hommes nouveaux, se lie avec Apollinaire et publie ses premiers textes (Les Pâques, La Prose du Transsibérien et Séquences). De nombreuses lettres évoquent ces années décisives où Freddy Sauser, devenu Blaise Cendrars, mène une "vie d'aventures, de rencontres et de hasard".
3 octobre 1912: "[...] Notre Revue est prête. J'ai tous les manuscrits pour le 1er numéro. Nous attendons que des fonds nous arrivent pour pouvoir tirer le numéro. J'espère bien qu'il pourra paraître lundi prochain [...]"
15 décembre 1912: "[...] Je ne vous avais pas encore dit, que j'avais porté 'Pâques' au Mercure de France, cet été. On me l'a rendu sans un mot 3 mois plus tard. Et je l'ai édité moi-même. - Et voici que je reçois, coup sur coup, trois lettres de Guillaume Apollinaire, qui m'invite, instamment de venir le voir [...] Il me dit encore que c'est le meilleur poème présenté au Mercure durant ces dix dernières années [...]"
Cendrars travaille jour et nuit en ce début d'année 1913. "En plus de tous mes travaux je prépare encore l'édition d'un livre du XVe le roman de Perceval le Galloys que je copie à la bib. Nat. Le Mercure refuse mes poèmes en prose. Ils m'ont chicané sur les points et les virgules [...]". À cette époque, Cendrars fait le nègre pour Apollinaire qui signe, en 1918, une synthèse de Perceval publiée dans la collection "Nouvelle bibliothèque bleue".
En mars, il annonce préparer "un grand poème sur le transsibérien qui paraîtra sur papier multicolore".
27 juillet 1913: "[...] J'ai mille affaires et vais encore éditer le Transsibérien. Tout cela me rapportera plus tard. Mais pour le moment l'argent coule [...] Mon principe est de faire des tirages limités, luxueux et chers, pour un public restreint et qui paie. Le grand public ne lit plus, surtout la poésie. Les choses rares ont de la valeur, ainsi le veut le snobisme de notre temps, naturellement de notre sale temps [...] J'ai terminé le Transsibérien. J'en suis content. Il est beau. Il sera tiré d'une façon épatante 50 exemplaires à 100 fcs et 100 à 50 fcs [...]"
22 décembre 1913: "[...] Je n'appartiens à aucune cotterie [sic], à aucune école. Et c'est bien parce que je suis seul, indépendant, que j'ai temps [sic] de peine, temps [sic] d'ennemis. Ce que j'écris, je le ressens tel quel et je ne m'occupe pas de plaire à celui-ci plutôt qu'à tel autre. Les couleurs rappellent une kermesse. C'est bien. Je désirais quelque chose d'aussi populaire que les affiches des chemins de fer. Ce n'est pas de la lit. de caf. conç. La berceuse qui te déplaît si fort (Jeanne, Jeannette, etc.) je l'ai retrouvée dernièrement presque mot à mot dans un livre de Léon Bloy. Et cela n'est pas pour me déplaire. Je n'écris pas pour des femmes en mal de littérature [...] Je suis et je veux être populaire. Rhapsodie des voyages Pâques le Trans et un nouveau poème Le Canal de Panama et les Aventures de mes Sept Oncles sont conçus dans cet esprit. Je veux exprimer tout le monde d'aujourd'hui [...]"
En 1914 il épouse Féla Poznanska, étudiante russe qu'il a rencontrée lors de ses études à Berne et dont il a déjà un fils, Odilon. Cette même année il s'engage. Affecté au 1er régiment étranger, il est grièvement blessé le 28 septembre 1915 et perd son bras droit. "Mon héroïsme, il n'y en a pas. J'ai fait ce que j'ai fait [...] Et de ma terrible mutilation, je m'en fous. Ce que je vais faire, je n'en sais rien: écrire probablement comme auparavant; et plus que jamais: voyager" confie-t-il à Georges le 11 janvier 1916.
Dans une lettre de décembre 1916, Blaise Cendrars, de sa "main de fer", dit préparer un livre pour lequel il a besoin de documents inédits sur le général Suter. Son histoire sera publiée en 1925, sous le titre L'Or. À partir de 1919, les lettres se font plus rares. En février 1924, il s'embarque pour le Brésil d'où il revient en août suivant.
De Biarritz le 14 avril 1925. " [...] Je mets la dernière main à mon deuxième roman Moravagine et termine le troisième Le Plan de l'Aiguille [...]"
La correspondance reprend en 1940. Blaise quitte Paris occupé et s'exile à Aix-en-Provence. Il travaille à la première édition de ses Poésies complètes et s'inquiète pour ses fils, Odilon et Rémy. L'aîné, dont il n'a plus de nouvelles, est prisonnier en Allemagne. Rémy, qui s'est engagé dans l'aviation, meurt dans un accident de vol le 26 novembre 1945.
11 septembre 1940 "[...] Que veux-tu que je raconte de mes aventures de guerre ? Après une telle débâcle, il n'y a plus rien à raconter. Tous les chagrins individuels sont noyés dans le grand malheur du pays. Moi, j'en suis malade [...]"
En janvier 1948, l'écrivain s'installe à Saint-Segond, près de Villefranche-sur-Mer. Il épouse Raymone Duchâteau, à Sigriswil, en 1949. Septembre 1950 voit le retour de Blaise Cendrars à Paris. Il se met "petit à petit à l'ouvrage" et multiplie les émissions de radio.
23 avril 1952 "[...] Ici, nous travaillons ferme [...] je viens de donner coup sur coup trois bons à tirer, volumes qui paraîtront incessamment. Un quatrième est également terminé mais ne sortira qu'à la rentrée d'automne, en même temps que le grand roman que je suis en train d'écrire [...]"
Une congestion cérébrale le terrasse en 1956. Sa santé décline, Blaise est de plus en plus fatigué. Dès 1952, dans une lettre non datée, il écrivait "je suis d'avis de laisser cette main tranquille et de laisser aller les choses toutes seules [...]"
14 novembre 1956: "[...] Je ne peux pas écrire. La plume me saute de la main au bout de 3 minutes [...]"
23 janvier 1957: "[...] Tu vas recevoir Trop c'est trop c'est mon dernier livre. Il était terminé en juillet avant que je tombe malade. Il ne faut pas crier victoire. Jamais je n'ai autant souffert que durant ce mois de janvier [...]"
19 juillet 1957: "[...] Aujourd'hui il y a juste un an que j'ai été terrassé par cette attaque de paralysie et si je suis très déçu de ne pas être guéri comme je l'espérais fermement, je me rends mieux compte des terribles dangers auxquels j'ai échappé [...] Il reste les jambes que je dois surveiller; un équilibre peu sûr: la faiblesse du bras, la douleur dans la main gauche, les doigts qui ne peuvent pas tenir la plume et une fatigue du cerveau dont les 3/4 sont parfois verrouillés comme par un rideau de fer mal abaissé [...]". "Je suis las de souffrir" écrit-il le 28 octobre 1957.
En 1959, Malraux lui remet le cravate de commandeur de la Légion d'honneur. La dernière lettre est datée du 4 août 1960: "Bien reçu ton mandat [...] Baisers et amitié".
NEUF POÈMES AUTOGRAPHES INÉDITS DE JEUNESSE, adressés à Georges et à Agnès, viennent enrichir ce remarquable ensemble:
-Paysage (daté "Berne 1er juillet 1908"); -Paysage ("à mon cher Georges, Berne le 27 octobre 1908); -Automnale ("à ma très chère soeur Agnès, Berne 28 octobre 1908"); -Carmen (daté "Berne ce 25 janvier 1909"); -A.F.P. (daté "Berne, ce 6 août 1909"); -Deuxième fugue de Bach (en ut mineur) (daté "Berne ce 1er novembre 1909"); -Clôture (daté "Paris, le 8 octobre 1910"); -"Voici les champs, les bois et les prairies..." (daté Malleroy le 24 décembre 1909") et Rythme (non daté, avec un dessin au verso).
Écrites sur des papiers différents et de divers formats, ces lettres comportent le plus souvent plusieurs pages. Plusieurs d'entre elles sont accompagnées de leur enveloppe.
EXCEPTIONNELLE ET ABONDANTE CORRESPONDANCE, INÉDITE, DE BLAISE CENDRARS À SON FRÈRE GEORGES S'ÉTALANT SUR PLUS DE 50 ANS: depuis son premier séjour en Russie en 1904 jusqu'en août 1960, six mois avant sa disparition.
Plus qu'un frère, Cendrars trouve auprès de Georges, un ami, un confident fidèle auquel il écrit inlassablement. C'est toute la vie et l'oeuvre du poète qui défilent: son apprentissage en Russie; sa vie d'étudiant et ses premiers vers, son arrivée à Paris où il rencontre Apollinaire et publie successivement Pâques et La Prose du Transsibérien, sa blessure en 1915, son exil en Provence pendant la seconde guerre mondiale où il rédige ses mémoires, puis son retour à Paris en 1950 et ses dernières années pendant lesquelles, malade et diminué, il ne cesse de travailler avec acharnement.
En septembre 1904, Cendrars quitte la Suisse pour la Russie où il reste deux ans. En apprentissage chez M. Leuba, horloger, il souffre d'être éloigné de sa famille malgré la "hâte d'essayer [ses] ailes".
21 octobre 1904, il écrit "[...] Console la maman et le papa puisque tu es plus près que moi. Ah si tu savais comme j'ai souffert et comme je souffre loin de vous dans ce grand Moscou où je ne connais personne. Crois-tu peut-être qu'il ne m'a rien coûté de vous quitter, de partir seul et aussi loin, crois-tu que je n'ai pas regretté la maison et toi surtout, cher frère, mais vois-tu il me fallait quitté [sic] Neuchâtel où je me perdais. Vois-tu dans cette immense ville de Moscou il y a tant de tentation qu'il faut une énergie inouie pour résister mais crois le bien je n'ai jamais marché et je ne marcherai jamais avec une cocotte [...]"
29 novembre 1906: "[...] La seule chose que je sais, c'est que ça me répugne de faire du commerce surtout comme ici, où l'on est plus ou moins complice de toute sorte de tromperies [...] Bref j'ai passé des jours horribles, où, comme Maupassant ds le Horla, je me tenais la tête des 2 mains et pensais devenir fou [...]"
Cendrars retourne en Suisse en avril 1907. Il mène alors à Berne une vie d'étudiant dispersé et bourlingueur et entreprend des études de médecine qu'il abandonne pour la musique puis les lettres et la philosophie. Il confie à Georges ses angoisses, ses doutes et ses premiers vers.
22 octobre 1908: " [...] Je sens que je me consume en désirs indomptables, que je m'abuse de séductions d'un monde fantastique et inabordable. Toutes les impressions du dehors me laissent indifférent, c'est dans mon crâne que se joue ma vie réelle. Et je suis las de la contempler [...]"
19 novembre 1908: "[...] Aurai-je enfin surmonté cette période de doutes et d'incertitudes qui m'a tant tourmenté depuis des mois ? Ou avons-nous au fond de notre être des réservoirs d'angoisse et de joie paisible qui tour à tour se déversent en notre sang et déterminent nos pensées et nos actes [...]"
14 octobre 1909: "[...] D'ailleurs, pourquoi écrire des lettres mesurées et bien sages, où tout ce qui vous arrive est raconté, où tous les propos se donnent la main et tous sont également bien choisis ?! A quoi bon une reproduction aussi grise et aussi réelle que la vie même !! c'est déjà bien assez de la cloche des balayeurs qui vous fait sursauter, quand on s'est perdu dans les mystères d'un poème ! Pour moi, chaque lettre est une fenêtre ouverte sur l'au-delà de la vie journalière, une fenêtre ouverte, sur le paysage aride des âmes que j'aime, et c'est pourquoi j'y reste si longtemps suggestionné [...]"
26 novembre 1909: "[...] Mon cher Georges, ne sois donc pas craintif de jugements. Ne crains pas de me froisser, car mieux que personne, je sais tout ce qui me manque !! Ces pièces ne sont pas les meilleures, je les ai envoyées, parce que je pensais à vous en les écrivant. D'ailleurs elles sont vieilles d'une année et durant ce temps j'ai acquis plus d'une notion de prosodie. Tu me dis de t'en envoyer encore. A quoi bon ? J'en ai là une cinquantaine, des bonnes, des mauvaises, elles n'ont de valeur que pour moi: c'est la scorie de mes humeurs ! Pour moi c'est de la musique, car je les écrits [sic] d'après des mélodies que je siffle, mais que je ne puis exprimer autrement [...] Tu trouveras sûrement un tas de faute ! Mais je te le répète que je les écris d'après des rhythmes que j'improvise en sifflant. Forcément je jongle un peu avec les e muets [...]"
"J'y suis donc en ce Paris !, écrit-il le 18 octobre 1910, Et je suis si heureux ! Je vis dans un ravissement continuel ! dans une extase douce, calme, délicieuse. Je vis dans un monde spécial, loin, loin de tout ! Je suis un tout petit enfant. Tout est neuf, tout m'étonne. Je vis en un continuel étonnement [...]"
Le mois suivant, il annonce à Georges "je continuerai d'écrire, jusqu'à la fin - et à ma mort tu auras un monstrueux bûcher à édifier. Car, malheureux, tout cela viendra entre tes mains [...]"
En avril de l'année suivante, Cendrars retourne en Russie puis s'embarque, en novembre, pour New York où il écrit Les Pâques (voir lot 211). Au mois de juin, de retour à Paris, il s'installe 4, rue de Savoie, fonde Les Hommes nouveaux, se lie avec Apollinaire et publie ses premiers textes (Les Pâques, La Prose du Transsibérien et Séquences). De nombreuses lettres évoquent ces années décisives où Freddy Sauser, devenu Blaise Cendrars, mène une "vie d'aventures, de rencontres et de hasard".
3 octobre 1912: "[...] Notre Revue est prête. J'ai tous les manuscrits pour le 1er numéro. Nous attendons que des fonds nous arrivent pour pouvoir tirer le numéro. J'espère bien qu'il pourra paraître lundi prochain [...]"
15 décembre 1912: "[...] Je ne vous avais pas encore dit, que j'avais porté 'Pâques' au Mercure de France, cet été. On me l'a rendu sans un mot 3 mois plus tard. Et je l'ai édité moi-même. - Et voici que je reçois, coup sur coup, trois lettres de Guillaume Apollinaire, qui m'invite, instamment de venir le voir [...] Il me dit encore que c'est le meilleur poème présenté au Mercure durant ces dix dernières années [...]"
Cendrars travaille jour et nuit en ce début d'année 1913. "En plus de tous mes travaux je prépare encore l'édition d'un livre du XVe le roman de Perceval le Galloys que je copie à la bib. Nat. Le Mercure refuse mes poèmes en prose. Ils m'ont chicané sur les points et les virgules [...]". À cette époque, Cendrars fait le nègre pour Apollinaire qui signe, en 1918, une synthèse de Perceval publiée dans la collection "Nouvelle bibliothèque bleue".
En mars, il annonce préparer "un grand poème sur le transsibérien qui paraîtra sur papier multicolore".
27 juillet 1913: "[...] J'ai mille affaires et vais encore éditer le Transsibérien. Tout cela me rapportera plus tard. Mais pour le moment l'argent coule [...] Mon principe est de faire des tirages limités, luxueux et chers, pour un public restreint et qui paie. Le grand public ne lit plus, surtout la poésie. Les choses rares ont de la valeur, ainsi le veut le snobisme de notre temps, naturellement de notre sale temps [...] J'ai terminé le Transsibérien. J'en suis content. Il est beau. Il sera tiré d'une façon épatante 50 exemplaires à 100 fcs et 100 à 50 fcs [...]"
22 décembre 1913: "[...] Je n'appartiens à aucune cotterie [sic], à aucune école. Et c'est bien parce que je suis seul, indépendant, que j'ai temps [sic] de peine, temps [sic] d'ennemis. Ce que j'écris, je le ressens tel quel et je ne m'occupe pas de plaire à celui-ci plutôt qu'à tel autre. Les couleurs rappellent une kermesse. C'est bien. Je désirais quelque chose d'aussi populaire que les affiches des chemins de fer. Ce n'est pas de la lit. de caf. conç. La berceuse qui te déplaît si fort (Jeanne, Jeannette, etc.) je l'ai retrouvée dernièrement presque mot à mot dans un livre de Léon Bloy. Et cela n'est pas pour me déplaire. Je n'écris pas pour des femmes en mal de littérature [...] Je suis et je veux être populaire. Rhapsodie des voyages Pâques le Trans et un nouveau poème Le Canal de Panama et les Aventures de mes Sept Oncles sont conçus dans cet esprit. Je veux exprimer tout le monde d'aujourd'hui [...]"
En 1914 il épouse Féla Poznanska, étudiante russe qu'il a rencontrée lors de ses études à Berne et dont il a déjà un fils, Odilon. Cette même année il s'engage. Affecté au 1er régiment étranger, il est grièvement blessé le 28 septembre 1915 et perd son bras droit. "Mon héroïsme, il n'y en a pas. J'ai fait ce que j'ai fait [...] Et de ma terrible mutilation, je m'en fous. Ce que je vais faire, je n'en sais rien: écrire probablement comme auparavant; et plus que jamais: voyager" confie-t-il à Georges le 11 janvier 1916.
Dans une lettre de décembre 1916, Blaise Cendrars, de sa "main de fer", dit préparer un livre pour lequel il a besoin de documents inédits sur le général Suter. Son histoire sera publiée en 1925, sous le titre L'Or. À partir de 1919, les lettres se font plus rares. En février 1924, il s'embarque pour le Brésil d'où il revient en août suivant.
De Biarritz le 14 avril 1925. " [...] Je mets la dernière main à mon deuxième roman Moravagine et termine le troisième Le Plan de l'Aiguille [...]"
La correspondance reprend en 1940. Blaise quitte Paris occupé et s'exile à Aix-en-Provence. Il travaille à la première édition de ses Poésies complètes et s'inquiète pour ses fils, Odilon et Rémy. L'aîné, dont il n'a plus de nouvelles, est prisonnier en Allemagne. Rémy, qui s'est engagé dans l'aviation, meurt dans un accident de vol le 26 novembre 1945.
11 septembre 1940 "[...] Que veux-tu que je raconte de mes aventures de guerre ? Après une telle débâcle, il n'y a plus rien à raconter. Tous les chagrins individuels sont noyés dans le grand malheur du pays. Moi, j'en suis malade [...]"
En janvier 1948, l'écrivain s'installe à Saint-Segond, près de Villefranche-sur-Mer. Il épouse Raymone Duchâteau, à Sigriswil, en 1949. Septembre 1950 voit le retour de Blaise Cendrars à Paris. Il se met "petit à petit à l'ouvrage" et multiplie les émissions de radio.
23 avril 1952 "[...] Ici, nous travaillons ferme [...] je viens de donner coup sur coup trois bons à tirer, volumes qui paraîtront incessamment. Un quatrième est également terminé mais ne sortira qu'à la rentrée d'automne, en même temps que le grand roman que je suis en train d'écrire [...]"
Une congestion cérébrale le terrasse en 1956. Sa santé décline, Blaise est de plus en plus fatigué. Dès 1952, dans une lettre non datée, il écrivait "je suis d'avis de laisser cette main tranquille et de laisser aller les choses toutes seules [...]"
14 novembre 1956: "[...] Je ne peux pas écrire. La plume me saute de la main au bout de 3 minutes [...]"
23 janvier 1957: "[...] Tu vas recevoir Trop c'est trop c'est mon dernier livre. Il était terminé en juillet avant que je tombe malade. Il ne faut pas crier victoire. Jamais je n'ai autant souffert que durant ce mois de janvier [...]"
19 juillet 1957: "[...] Aujourd'hui il y a juste un an que j'ai été terrassé par cette attaque de paralysie et si je suis très déçu de ne pas être guéri comme je l'espérais fermement, je me rends mieux compte des terribles dangers auxquels j'ai échappé [...] Il reste les jambes que je dois surveiller; un équilibre peu sûr: la faiblesse du bras, la douleur dans la main gauche, les doigts qui ne peuvent pas tenir la plume et une fatigue du cerveau dont les 3/4 sont parfois verrouillés comme par un rideau de fer mal abaissé [...]". "Je suis las de souffrir" écrit-il le 28 octobre 1957.
En 1959, Malraux lui remet le cravate de commandeur de la Légion d'honneur. La dernière lettre est datée du 4 août 1960: "Bien reçu ton mandat [...] Baisers et amitié".
NEUF POÈMES AUTOGRAPHES INÉDITS DE JEUNESSE, adressés à Georges et à Agnès, viennent enrichir ce remarquable ensemble:
-Paysage (daté "Berne 1er juillet 1908"); -Paysage ("à mon cher Georges, Berne le 27 octobre 1908); -Automnale ("à ma très chère soeur Agnès, Berne 28 octobre 1908"); -Carmen (daté "Berne ce 25 janvier 1909"); -A.F.P. (daté "Berne, ce 6 août 1909"); -Deuxième fugue de Bach (en ut mineur) (daté "Berne ce 1er novembre 1909"); -Clôture (daté "Paris, le 8 octobre 1910"); -"Voici les champs, les bois et les prairies..." (daté Malleroy le 24 décembre 1909") et Rythme (non daté, avec un dessin au verso).
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Christoph Auvermann
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