拍品專文
Cette oeuvre sera incluse au catalogue raisonné en préparation par Madame Chu Ching-Chao de l'Atelier Chu Teh-Chun.
Comment parler d'une peinture qui s'adresse avant tout à la part intime de chacun ? Chu Teh-Chun fait partie de ces artistes à s'être peu exprimé au sujet de son art, laissant le soin à ses oeuvres de le faire pour lui et en confiant l'exégèse à ceux qui l'ont côtoyé, compris et commenté. Ses toiles ne se prêtent, en réalité, que peu aux propos diserts tant elles se construisent avant tout comme des rencontres visuelles, des expériences autant sensitives que spirituelles pour le spectateur qui se laisse happer par cette invitation.
Arrivé en 1955 à Paris, Chu appartient à cette génération de peintres qui grandissent et s'épanouissent en reprenant les recherches des 'anciens', de Cézanne à Matisse en passant par Turner ou Monet tout en les confrontant à cette libération plastique caractéristique de l'après-guerre par le biais de l'abstraction. Ses premiers chocs, il les reçoit en découvrant les toiles de Mathieu et de Staël. Néanmoins, rapidement, le peintre trouve sa voie, celle d'une exploration de la couleur, de la lumière sous toutes ses déclinaisons, à travers des visions, des 'paysages' où il recrée un univers qui lui est propre. L'ensemble des trois oeuvres que nous présentons ici, Sans titre (1974), Sans titre (1979) et Luminosité résonante II (1989), en offre à chaque fois un exemple différent.
À partir de 1970, Chu Teh-Chun bénéficie d'une visibilité et d'une notoriété croissante. Il s'est installé dans un nouvel atelier en duplex à Bagnolet avec sa famille dans lequel il bénéfice d'un plus grand espace. A ce titre, les années 1978-1979 constituent sans aucun doute une étape essentielle pour le peintre. En effet, après une importante rétrospective à Saint-Etienne qui confirme sa reconnaissance publique, il renoue, en 1979, avec plusieurs artistes chinois venus à l'occasion d'une exposition au Musée Cernuschi. Parmi eux, Chu retrouve son premier maître, Lin Fengmian, qui l'avait formé lors de ses années d'apprentissage en Chine. Suite à ces retrouvailles, l'artiste prévoit de retourner en Chine, après plus de vingt-cinq années. En 1983, il redécouvre ainsi ses racines, les paysages qui ont nourri son imaginaire et peuplent ses souvenirs.
Ces éléments biographiques sont indissociables de la peinture de Chu Teh-Chun. En effet, toute son oeuvre se construit autour de cette idée d'une synthèse entre une tradition du paysage chinois où la part de spiritualité, d'implication personnelle de l'artiste est essentielle, et une peinture occidentale qui lui permet de trouver les ressources plastiques nécessaires à sa sensibilité. Il parvient ici à concrétiser les enjeux soulevés par Lin Fengmian : 'L'art occidental [s'oppose] à l'art extrême-oriental, le premier étant centré sur la copie de la nature et ainsi porté vers la description réaliste, le second valorisant l'imagination et s'orientant vers une représentation plus expressive. Dans l'art occidental, la forme est extérieure à la personne; à l'inverse, dans l'art extrême-oriental, ce que l'on veut montrer réside en l'homme. [...] De ces divergences chacun tire qualités et défauts, raison pour laquelle il est de l'intérêt des arts d'Occident et d'Extrême-Orient de se comprendre et d'apprendre l'un de l'autre.' (cité in Artistes Chinois à Paris, catalogue d'exposition, Paris, Musée Cernuschi, 2011, p. 100).
Au coeur de ses préoccupations, la question de la lumière s'illustre parfaitement à travers ces trois oeuvres. Eclatante par les jeux de blanc et de transparences dans Sans titre (1979), elle est contrebalancée dans Sans titre (1974) et Luminosité résonante II (1989) par l'utilisation de masses plus sombres à travers lesquelles elle tend à percer sous des tonalités plus chaudes de jaune et d'orange. Chu relève ici le défis de retranscrire par la peinture une sensation impalpable, l'immatérialité d'une confrontation aux éléments naturels. L'artiste ouvre une porte, invite à un voyage dans chacune de ses toiles, il confronte le spectateur à ses propres perceptions et ses propres sentiments, le laissant libre d'en saisir autant une perception d'ensemble que de se perdre dans les détails. C'est en cela, bien plus que par les mots, que Chu se révèle poète et peintre selon la définition même de René Char: 'Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver.'
What can we say about a painting which is primarily aimed at everyone's inner self? Chu Teh-Chun is among those artists who said little about his art, letting his work to do it for him and leaving the analysis to those in his circle who understood him and offered some interpretation. In reality, his works do not lend themselves to profuse commentary since they are constructed primarily as visual encounters, a sensory and spiritual experience for the spectator who allows himself to be drawn in by the invitation.
Having arrived in Paris in 1955, Chu belonged to the generation of painters who developed and flourished by drawing on the research of the old school, from Cézanne to Matisse via Turner and Monet, while at the same time incorporating the artistic freedom characteristic of the post-war period in the form of abstraction. His first major influences were the paintings of Mathieu and de Staël. However the painter soon carved his own path in the exploration of colour and light in all its forms, through visions, 'landscapes' in which he created his own specific world. Each of the three works presented here, Sans Titre (1974), Sans Titre (1979) and Luminosité Résonante II (1989), provide different examples of this.
Chu Teh-Chun's profile and reputation grew from 1970. He moved with his family into a new split-level studio in Bagnolet, where he had more space. The years 1978-1979 were therefore undoubtedly a key stage for the painter. Following a major retrospective in Saint-Etienne which confirmed his public recognition, in 1979 he met with several Chinese artists who had come to see an exhibition at the Musée Cernuschi. These included Chu's first master, Lin Fengmian, who had trained him during his years of apprenticeship in China. Following this reunion, the artist made plans to return to China. In 1983, after more than 25 years' absence, he rediscovered his roots, the landscapes which had nourished his imagination and populated his memories.
These biographical elements are a key element of Chu Teh-Chun's painting. Indeed, his whole work is constructed around this idea of a synthesis between the Chinese landscape tradition in which spirituality and the artist's personal involvement is essential and a Western style of painting, which provided him with the resources necessary for his artistic sensibility. Here he embodies the issues raised by Lin Fengmian: 'Western art [contrasts with] Far Eastern art, the former being focused on copying nature and so prone to realistic description, while the latter promotes the imagination and focuses on a more expressive representation. In Western art, form is external to the person; conversely Far Eastern art aims to show what lies inside the person. [...] Everyone can find qualities and faults in these differences, which it why it is in the interests of Western art and Far Eastern art to understand and learn from one another.' (quoted in Artistes Chinois à Paris, exhibition catalogue, Paris, Musée Cernuschi, 2011, p. 100).
One of his central preoccupations, the question of light, is illustrated perfectly in these three works. Striking in the interplay of white and transparencies in Sans Titre (1979), it is balanced in Sans Titre (1974) and Luminosité Résonante II (1989) by the use of darker areas, which it tends to break through in the form of warmer yellow and orange tones. Here Chu tackles the challenge of using painting to address an intangible sensation, the immaterial nature of a confrontation with the natural elements. In each of his paintings, the artist opens a door, invites the spectator on a journey, and confronts him with his own perceptions and sentiments, leaving the spectator free to perceive the work as a whole or become lost in the details. It is in this, much more than in words, that Chu reveals himself to be a poet and a painter, as defined by René Char: 'A poet should leave traces of his passage, not proof. Traces alone engender dreams.'
Comment parler d'une peinture qui s'adresse avant tout à la part intime de chacun ? Chu Teh-Chun fait partie de ces artistes à s'être peu exprimé au sujet de son art, laissant le soin à ses oeuvres de le faire pour lui et en confiant l'exégèse à ceux qui l'ont côtoyé, compris et commenté. Ses toiles ne se prêtent, en réalité, que peu aux propos diserts tant elles se construisent avant tout comme des rencontres visuelles, des expériences autant sensitives que spirituelles pour le spectateur qui se laisse happer par cette invitation.
Arrivé en 1955 à Paris, Chu appartient à cette génération de peintres qui grandissent et s'épanouissent en reprenant les recherches des 'anciens', de Cézanne à Matisse en passant par Turner ou Monet tout en les confrontant à cette libération plastique caractéristique de l'après-guerre par le biais de l'abstraction. Ses premiers chocs, il les reçoit en découvrant les toiles de Mathieu et de Staël. Néanmoins, rapidement, le peintre trouve sa voie, celle d'une exploration de la couleur, de la lumière sous toutes ses déclinaisons, à travers des visions, des 'paysages' où il recrée un univers qui lui est propre. L'ensemble des trois oeuvres que nous présentons ici, Sans titre (1974), Sans titre (1979) et Luminosité résonante II (1989), en offre à chaque fois un exemple différent.
À partir de 1970, Chu Teh-Chun bénéficie d'une visibilité et d'une notoriété croissante. Il s'est installé dans un nouvel atelier en duplex à Bagnolet avec sa famille dans lequel il bénéfice d'un plus grand espace. A ce titre, les années 1978-1979 constituent sans aucun doute une étape essentielle pour le peintre. En effet, après une importante rétrospective à Saint-Etienne qui confirme sa reconnaissance publique, il renoue, en 1979, avec plusieurs artistes chinois venus à l'occasion d'une exposition au Musée Cernuschi. Parmi eux, Chu retrouve son premier maître, Lin Fengmian, qui l'avait formé lors de ses années d'apprentissage en Chine. Suite à ces retrouvailles, l'artiste prévoit de retourner en Chine, après plus de vingt-cinq années. En 1983, il redécouvre ainsi ses racines, les paysages qui ont nourri son imaginaire et peuplent ses souvenirs.
Ces éléments biographiques sont indissociables de la peinture de Chu Teh-Chun. En effet, toute son oeuvre se construit autour de cette idée d'une synthèse entre une tradition du paysage chinois où la part de spiritualité, d'implication personnelle de l'artiste est essentielle, et une peinture occidentale qui lui permet de trouver les ressources plastiques nécessaires à sa sensibilité. Il parvient ici à concrétiser les enjeux soulevés par Lin Fengmian : 'L'art occidental [s'oppose] à l'art extrême-oriental, le premier étant centré sur la copie de la nature et ainsi porté vers la description réaliste, le second valorisant l'imagination et s'orientant vers une représentation plus expressive. Dans l'art occidental, la forme est extérieure à la personne; à l'inverse, dans l'art extrême-oriental, ce que l'on veut montrer réside en l'homme. [...] De ces divergences chacun tire qualités et défauts, raison pour laquelle il est de l'intérêt des arts d'Occident et d'Extrême-Orient de se comprendre et d'apprendre l'un de l'autre.' (cité in Artistes Chinois à Paris, catalogue d'exposition, Paris, Musée Cernuschi, 2011, p. 100).
Au coeur de ses préoccupations, la question de la lumière s'illustre parfaitement à travers ces trois oeuvres. Eclatante par les jeux de blanc et de transparences dans Sans titre (1979), elle est contrebalancée dans Sans titre (1974) et Luminosité résonante II (1989) par l'utilisation de masses plus sombres à travers lesquelles elle tend à percer sous des tonalités plus chaudes de jaune et d'orange. Chu relève ici le défis de retranscrire par la peinture une sensation impalpable, l'immatérialité d'une confrontation aux éléments naturels. L'artiste ouvre une porte, invite à un voyage dans chacune de ses toiles, il confronte le spectateur à ses propres perceptions et ses propres sentiments, le laissant libre d'en saisir autant une perception d'ensemble que de se perdre dans les détails. C'est en cela, bien plus que par les mots, que Chu se révèle poète et peintre selon la définition même de René Char: 'Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver.'
What can we say about a painting which is primarily aimed at everyone's inner self? Chu Teh-Chun is among those artists who said little about his art, letting his work to do it for him and leaving the analysis to those in his circle who understood him and offered some interpretation. In reality, his works do not lend themselves to profuse commentary since they are constructed primarily as visual encounters, a sensory and spiritual experience for the spectator who allows himself to be drawn in by the invitation.
Having arrived in Paris in 1955, Chu belonged to the generation of painters who developed and flourished by drawing on the research of the old school, from Cézanne to Matisse via Turner and Monet, while at the same time incorporating the artistic freedom characteristic of the post-war period in the form of abstraction. His first major influences were the paintings of Mathieu and de Staël. However the painter soon carved his own path in the exploration of colour and light in all its forms, through visions, 'landscapes' in which he created his own specific world. Each of the three works presented here, Sans Titre (1974), Sans Titre (1979) and Luminosité Résonante II (1989), provide different examples of this.
Chu Teh-Chun's profile and reputation grew from 1970. He moved with his family into a new split-level studio in Bagnolet, where he had more space. The years 1978-1979 were therefore undoubtedly a key stage for the painter. Following a major retrospective in Saint-Etienne which confirmed his public recognition, in 1979 he met with several Chinese artists who had come to see an exhibition at the Musée Cernuschi. These included Chu's first master, Lin Fengmian, who had trained him during his years of apprenticeship in China. Following this reunion, the artist made plans to return to China. In 1983, after more than 25 years' absence, he rediscovered his roots, the landscapes which had nourished his imagination and populated his memories.
These biographical elements are a key element of Chu Teh-Chun's painting. Indeed, his whole work is constructed around this idea of a synthesis between the Chinese landscape tradition in which spirituality and the artist's personal involvement is essential and a Western style of painting, which provided him with the resources necessary for his artistic sensibility. Here he embodies the issues raised by Lin Fengmian: 'Western art [contrasts with] Far Eastern art, the former being focused on copying nature and so prone to realistic description, while the latter promotes the imagination and focuses on a more expressive representation. In Western art, form is external to the person; conversely Far Eastern art aims to show what lies inside the person. [...] Everyone can find qualities and faults in these differences, which it why it is in the interests of Western art and Far Eastern art to understand and learn from one another.' (quoted in Artistes Chinois à Paris, exhibition catalogue, Paris, Musée Cernuschi, 2011, p. 100).
One of his central preoccupations, the question of light, is illustrated perfectly in these three works. Striking in the interplay of white and transparencies in Sans Titre (1979), it is balanced in Sans Titre (1974) and Luminosité Résonante II (1989) by the use of darker areas, which it tends to break through in the form of warmer yellow and orange tones. Here Chu tackles the challenge of using painting to address an intangible sensation, the immaterial nature of a confrontation with the natural elements. In each of his paintings, the artist opens a door, invites the spectator on a journey, and confronts him with his own perceptions and sentiments, leaving the spectator free to perceive the work as a whole or become lost in the details. It is in this, much more than in words, that Chu reveals himself to be a poet and a painter, as defined by René Char: 'A poet should leave traces of his passage, not proof. Traces alone engender dreams.'