拍品專文
Nous remercions Madame Michèle Barré de nous avoir confirmé l'authenticité de cette œuvre.
Cette œuvre sera inscrite au catalogue raisonné de Martin Barré actuellement en préparation sous la direction d'Yve-Alain Bois et Ann Hindry.
« Il faut que le travail efface le travail, que les gens puissent dire, j’en aurais fait autant »
“ The work must obliterate the work, so that people can say ‘I could have done that myself’”
— MARTIN BARRÉ
« Il faut que le travail efface le travail, que les gens puissent dire, j’en aurais fait autant» précisait Martin Barré lorsqu’il était interrogé sur le fondement de sa peinture. Radicale, sa démarche reflète avant tout le parcours d’un artiste sans concession qui a – tout au long de son oeuvre – entrepris de remettre en question la peinture et l’acte de peindre.
S’il fait preuve, au cours des années 1950, du désir de trouver sa propre voie au milieu d’une abstraction omniprésente, tant gestuelle que géométrique, la véritable rupture dans sa peinture apparaît au tournant des années 1960. En effet, entre 1960 et 1967, Barré cherche à repousser les limites de la peinture abstraite, entamant un cycle de tableaux qui part de ses premières oeuvres réalisées au tube de peinture pour aboutir à ses fameux « Zèbres » exécutés à la bombe aérosol. A l’image de 61-T-36 (lot 3B), l’artiste appréhende la toile comme une surface blanche sur laquelle il vient appliquer la peinture sortant directement du tube, réduisant et synthétisant le geste du peintre à cette seule intervention. « Je me suis finalement procuré des tubes vides afin d’y mettre des mélanges de mon choix et, avant de les remplir, je limais l’ouverture parce que j’étais gêné par la minceur du trait. » précise-t-il.
En une boucle qui ouvre un espace sur la surface, conservant la trace brute de la matière, tout en détournant volontairement les excès d’une peinture gestuelle lyrique qui a dominé les années 1950, Barré renonce à tout épanchement et tend vers une neutralité volontaire tout en refusant de tomber dans la dépersonnalisation de sa peinture. En témoignent les trois ponctuations de rouge qui viennent souligner et rythmer le tracé. Selon Ann Hindry, le tracé opéré sur la toile par le tube correspond à une « préoccupation constante d’assimilation de l’espace (des espaces, réel et pictural) comme partie intégrante de l’activité du peintre et de sa production. ».
Si l’oeuvre de Martin Barré et la rupture qu’elle opère dans la conception même de l’acte de peindre va trouver des échos importants chez les générations d’artistes qui exploreront cette voie à sa suite, tel Christopher Wool ou Albert Oehlen, l’artiste trouve comme point de départ à son oeuvre les leçons retenues de Malévitch et de Mondrian. « Toute la peinture me semble aboutir au carré sur fond blanc de Malévitch et repartir de là » confie Barré. Néanmoins – tout en assimilant l’héritage de ses ainés – il cherche, comme c’est le cas chez ses contemporains Sol Lewitt ou Robert Mangold, à renouveler le concept même de l’espace pictural. Ainsi, après avoir renoncé à peindre entre 1967 et 1972, il retrouve la voie de la peinture à travers une approche sérielle de ses oeuvres. Chaque oeuvre, comme le reflète parfaitement 72-73-B-108x100 (lot 4B) fonctionne comme la partie d’un ensemble pour lequel l’artiste a déterminé des contraintes préalables de positions, de couleurs et de structurations. Comme il le souligne : « Je voudrais que l’on sente combien chaque toile se rattache à un ensemble ». Apparaît alors tout un réseau de hachures sur la surface de la toile formant des carrés disposés en une grille elle-même appliquée sur le carré du tableau. Ici, la construction de l’oeuvre tend à en élargir l’espace. La grille n’est en effet qu’en partie visible sur la toile et se prolonge directement dans l’espace autour du tableau. Chez Barré, le bord de l’oeuvre n’est donc pas une limite mais il ouvre au contraire le tableau – rappelant en cela la conception du all over – dans une surface qui dépasse la simple surface définie de la toile.
Poursuivant son exploration du concept sériel, il introduit, à partir des années 1980 et ainsi que le montre 84-85-120x120 (lot 5B), des déclinaisons autour de l’équilibre entre formes géométriques et combinaisons de couleurs. Cette recherche pousse encore plus loin sa volonté de réaliser la toile en l’inscrivant au sein d’un groupe construit et établi d’oeuvres reprenant les mêmes formes tout en y introduisant des variations. Il conçoit sa peinture comme une expérience, le spectateur étant appelé à associer les toiles d’une même série entre elles lorsqu’il se trouve face à elles ou bien à se les remémorer lorsqu’il n’a accès qu’à l’une d’entre elles. Ann Hindry a offert, en définitive, sans doute l’une des plus belles formules pour appréhender l’oeuvre de l’artiste : « En fin de compte, la question n’est sans doute pas d’aimer ou de ne pas aimer la peinture de Martin Barré, le choix (l’alternative) est ailleurs : venir l’habiter ou pas ».
“The work must obliterate the work, so that people can say ‘I could have done that myself’”, said Martin Barré when asked about the basis of his painting. Above all, his radical approach reflects the career of an artist who made no concessions and – throughout his work – sought to challenge painting and the act of painting itself.
Although during the 1950s he tried to find his own way in a milieu where gestural and geometrical abstraction was omnipresent, the true break in his painting came in the early 1960s. Indeed, between 1960 and 1967, Barré tried to push the boundaries of abstract painting, beginning work on a cycle of paintings produced using an aerosol spray which differed from the first works he had created using the tube of paint to achieve his famous “Zebras”. As in 61-T-36 (lot 3B), the artist viewed the canvas as a white surface to which he applied paint directly from the tube, that small act being his only intervention. “In the end I obtained some empty tubes so I could fill them with the mixtures of my choice and, before filling them, I filed down the opening because I didn’t like the thinness of the line they produced”, he said. In a loop which opens a space on the surface, keeping the rough trace of the material, while deliberately removing the surplus from the lyrically gestural painting which had dominated his work in the 1950s, Barré renounced any outpouring of self-expression and tended towards deliberate neutrality, at the same time refusing to depersonalise his work and presenting the three red punctuation marks which emphasise the line and give it rhythm. According to Ann Hindry, the line which the tube traces on the canvas corresponds to “a constant determination to assimilate the space (the actual and pictorial spaces) as an integral part of the painter’s activity and of his production”.
Although Martin Barré’s work and the break it makes with the very notion of the act of painting was to be echoed widely by the generations of artists who explored that route after him, Christopher Wool or Albert Oehlen, for example, Barré used the lessons he had learned from Malévitch and Mondrian as the starting point of his work. “It seems to me that all painting ends with Malévitch’s square on a white background, and I start from there”, he said. However, while assimilating the heritage of his predecessors, he sought, as did his contemporaries Sol Lewitt or Robert Mangold, to renew the very concept of pictorial space. Thus, having abandoned painting between 1967 and 1972, he found a way to paint again using a serial approach to his works. Each work, as is perfectly reflected in 72-73-B-108x100 (lot 4B), functions as part of a set for which the artist had predetermined constraints concerning the positions, colours and structuring of those works. As he himself stressed, “I wanted people to feel the extent to which each canvas is attached to a set”. Then, a whole network of diagonal lines appeared on the surface of the canvas, forming squares arranged in a grid and itself applied to the square of the picture. Here, the construction of the work tends to broaden the space. In fact, only part of the grid is visible on the canvas and extends directly into the space round the picture. In Barré’s work, the edge of the painting is therefore not a limit but opens up the picture and is reminiscent of the All Over concept – in a surface which leads the eye beyond the defined surface of the canvas.
Continuing his exploration of the serial concept, as from the 1980s and as is clear from 84-85-120x120 (lot 5B), he introduced the idea of balance between geometrical shapes and colour combinations. The work he produced further emphasised his determination to create the canvas by making it part of a constructed and established group of works reiterating the same shapes and introducing variations of them. He considered his work to be an experience, the viewer being invited to associate the canvases of a series with one another when actually looking at them or to remember them when viewing one of them in isolation. Definitively, Ann Hindry has offered us what is probably one of the best formulas for understanding Barré’s work: “Ultimately, it is probably not a matter of liking or not liking Martin Barré’s work, the choice (the alternative) lies elsewhere: deciding whether or not to inhabit it”.
Cette œuvre sera inscrite au catalogue raisonné de Martin Barré actuellement en préparation sous la direction d'Yve-Alain Bois et Ann Hindry.
« Il faut que le travail efface le travail, que les gens puissent dire, j’en aurais fait autant »
“ The work must obliterate the work, so that people can say ‘I could have done that myself’”
— MARTIN BARRÉ
« Il faut que le travail efface le travail, que les gens puissent dire, j’en aurais fait autant» précisait Martin Barré lorsqu’il était interrogé sur le fondement de sa peinture. Radicale, sa démarche reflète avant tout le parcours d’un artiste sans concession qui a – tout au long de son oeuvre – entrepris de remettre en question la peinture et l’acte de peindre.
S’il fait preuve, au cours des années 1950, du désir de trouver sa propre voie au milieu d’une abstraction omniprésente, tant gestuelle que géométrique, la véritable rupture dans sa peinture apparaît au tournant des années 1960. En effet, entre 1960 et 1967, Barré cherche à repousser les limites de la peinture abstraite, entamant un cycle de tableaux qui part de ses premières oeuvres réalisées au tube de peinture pour aboutir à ses fameux « Zèbres » exécutés à la bombe aérosol. A l’image de 61-T-36 (lot 3B), l’artiste appréhende la toile comme une surface blanche sur laquelle il vient appliquer la peinture sortant directement du tube, réduisant et synthétisant le geste du peintre à cette seule intervention. « Je me suis finalement procuré des tubes vides afin d’y mettre des mélanges de mon choix et, avant de les remplir, je limais l’ouverture parce que j’étais gêné par la minceur du trait. » précise-t-il.
En une boucle qui ouvre un espace sur la surface, conservant la trace brute de la matière, tout en détournant volontairement les excès d’une peinture gestuelle lyrique qui a dominé les années 1950, Barré renonce à tout épanchement et tend vers une neutralité volontaire tout en refusant de tomber dans la dépersonnalisation de sa peinture. En témoignent les trois ponctuations de rouge qui viennent souligner et rythmer le tracé. Selon Ann Hindry, le tracé opéré sur la toile par le tube correspond à une « préoccupation constante d’assimilation de l’espace (des espaces, réel et pictural) comme partie intégrante de l’activité du peintre et de sa production. ».
Si l’oeuvre de Martin Barré et la rupture qu’elle opère dans la conception même de l’acte de peindre va trouver des échos importants chez les générations d’artistes qui exploreront cette voie à sa suite, tel Christopher Wool ou Albert Oehlen, l’artiste trouve comme point de départ à son oeuvre les leçons retenues de Malévitch et de Mondrian. « Toute la peinture me semble aboutir au carré sur fond blanc de Malévitch et repartir de là » confie Barré. Néanmoins – tout en assimilant l’héritage de ses ainés – il cherche, comme c’est le cas chez ses contemporains Sol Lewitt ou Robert Mangold, à renouveler le concept même de l’espace pictural. Ainsi, après avoir renoncé à peindre entre 1967 et 1972, il retrouve la voie de la peinture à travers une approche sérielle de ses oeuvres. Chaque oeuvre, comme le reflète parfaitement 72-73-B-108x100 (lot 4B) fonctionne comme la partie d’un ensemble pour lequel l’artiste a déterminé des contraintes préalables de positions, de couleurs et de structurations. Comme il le souligne : « Je voudrais que l’on sente combien chaque toile se rattache à un ensemble ». Apparaît alors tout un réseau de hachures sur la surface de la toile formant des carrés disposés en une grille elle-même appliquée sur le carré du tableau. Ici, la construction de l’oeuvre tend à en élargir l’espace. La grille n’est en effet qu’en partie visible sur la toile et se prolonge directement dans l’espace autour du tableau. Chez Barré, le bord de l’oeuvre n’est donc pas une limite mais il ouvre au contraire le tableau – rappelant en cela la conception du all over – dans une surface qui dépasse la simple surface définie de la toile.
Poursuivant son exploration du concept sériel, il introduit, à partir des années 1980 et ainsi que le montre 84-85-120x120 (lot 5B), des déclinaisons autour de l’équilibre entre formes géométriques et combinaisons de couleurs. Cette recherche pousse encore plus loin sa volonté de réaliser la toile en l’inscrivant au sein d’un groupe construit et établi d’oeuvres reprenant les mêmes formes tout en y introduisant des variations. Il conçoit sa peinture comme une expérience, le spectateur étant appelé à associer les toiles d’une même série entre elles lorsqu’il se trouve face à elles ou bien à se les remémorer lorsqu’il n’a accès qu’à l’une d’entre elles. Ann Hindry a offert, en définitive, sans doute l’une des plus belles formules pour appréhender l’oeuvre de l’artiste : « En fin de compte, la question n’est sans doute pas d’aimer ou de ne pas aimer la peinture de Martin Barré, le choix (l’alternative) est ailleurs : venir l’habiter ou pas ».
“The work must obliterate the work, so that people can say ‘I could have done that myself’”, said Martin Barré when asked about the basis of his painting. Above all, his radical approach reflects the career of an artist who made no concessions and – throughout his work – sought to challenge painting and the act of painting itself.
Although during the 1950s he tried to find his own way in a milieu where gestural and geometrical abstraction was omnipresent, the true break in his painting came in the early 1960s. Indeed, between 1960 and 1967, Barré tried to push the boundaries of abstract painting, beginning work on a cycle of paintings produced using an aerosol spray which differed from the first works he had created using the tube of paint to achieve his famous “Zebras”. As in 61-T-36 (lot 3B), the artist viewed the canvas as a white surface to which he applied paint directly from the tube, that small act being his only intervention. “In the end I obtained some empty tubes so I could fill them with the mixtures of my choice and, before filling them, I filed down the opening because I didn’t like the thinness of the line they produced”, he said. In a loop which opens a space on the surface, keeping the rough trace of the material, while deliberately removing the surplus from the lyrically gestural painting which had dominated his work in the 1950s, Barré renounced any outpouring of self-expression and tended towards deliberate neutrality, at the same time refusing to depersonalise his work and presenting the three red punctuation marks which emphasise the line and give it rhythm. According to Ann Hindry, the line which the tube traces on the canvas corresponds to “a constant determination to assimilate the space (the actual and pictorial spaces) as an integral part of the painter’s activity and of his production”.
Although Martin Barré’s work and the break it makes with the very notion of the act of painting was to be echoed widely by the generations of artists who explored that route after him, Christopher Wool or Albert Oehlen, for example, Barré used the lessons he had learned from Malévitch and Mondrian as the starting point of his work. “It seems to me that all painting ends with Malévitch’s square on a white background, and I start from there”, he said. However, while assimilating the heritage of his predecessors, he sought, as did his contemporaries Sol Lewitt or Robert Mangold, to renew the very concept of pictorial space. Thus, having abandoned painting between 1967 and 1972, he found a way to paint again using a serial approach to his works. Each work, as is perfectly reflected in 72-73-B-108x100 (lot 4B), functions as part of a set for which the artist had predetermined constraints concerning the positions, colours and structuring of those works. As he himself stressed, “I wanted people to feel the extent to which each canvas is attached to a set”. Then, a whole network of diagonal lines appeared on the surface of the canvas, forming squares arranged in a grid and itself applied to the square of the picture. Here, the construction of the work tends to broaden the space. In fact, only part of the grid is visible on the canvas and extends directly into the space round the picture. In Barré’s work, the edge of the painting is therefore not a limit but opens up the picture and is reminiscent of the All Over concept – in a surface which leads the eye beyond the defined surface of the canvas.
Continuing his exploration of the serial concept, as from the 1980s and as is clear from 84-85-120x120 (lot 5B), he introduced the idea of balance between geometrical shapes and colour combinations. The work he produced further emphasised his determination to create the canvas by making it part of a constructed and established group of works reiterating the same shapes and introducing variations of them. He considered his work to be an experience, the viewer being invited to associate the canvases of a series with one another when actually looking at them or to remember them when viewing one of them in isolation. Definitively, Ann Hindry has offered us what is probably one of the best formulas for understanding Barré’s work: “Ultimately, it is probably not a matter of liking or not liking Martin Barré’s work, the choice (the alternative) lies elsewhere: deciding whether or not to inhabit it”.